Livv
Décisions

Cass. soc., 11 juin 2014, n° 12-26.521

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Auchan France (Sté)

Défendeur :

Fédération des groupements de commerçants de la Haute-Savoie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Goasguen

Rapporteur :

Mme Mariette

Avocats :

SCP Gatineau, Fattaccini, SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot

Chambéry, 3 juill. 2012

3 juillet 2012

LA COUR : Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 3 juillet 2012), que par arrêté du 15 juin 2009, le maire d'Epagny (Haute-Savoie) a autorisé l'" ouverture exceptionnelle " le 28 juin 2009 des commerces de la commune" à l'exception des commerces visés par les arrêtés préfectoraux n° 5/1976 du 7 juillet 1976 et n° 697/2000 du 6 mars 2000, faisant obligation defermeture des établissements de vente de meuble, de literie, d'articles d'ameublement, de matériels de radio-télévision, électroménager, quincaillerie, bricolage, équipement de la maison, des articles de droguerie " ; que la Fédération des groupements de commerçants de la Haute-Savoie et la Chambre syndicale de négoce de l'ameublement et l'équipement de la maison de Haute-Savoie ont fait citer la société Auchan France devant le tribunal de commerce d'Annecy aux fins de voir juger que cette société avait violé la prohibition d'ouverture dominicale prévue par les arrêtés préfectoraux du 7 juillet 1976 et du 6 mars 2000 et que cette ouverture illicite leur avait causé un préjudice direct et certain ;

Attendu que la société Auchan France fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la Fédération des groupements de commerçants de la Haute-Savoie et la Chambre syndicale de négoce de l'ameublement et l'équipement de la maison de Haute-Savoie, une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°) que les arrêtés préfectoraux ordonnant la fermeture au public pendant la durée du repos hebdomadaire d'un établissement d'une profession déterminée, lorsqu'ils ne visent que des commerces spécialisés, ne s'appliquent pas aux magasins à commerces multiples tels que les grandes surfaces, qui sont classés dans une catégorie professionnelle autre que les magasins spécialisés ; qu'en l'espèce, l'arrêté préfectoral n° 5-76 du 7 juillet 1976 qui interdit dans le département de la Haute-Savoie l'ouverture le dimanche " des établissements de commerce de détail où sont en vente des matériels de radio-télévision, électroménager, quincaillerie, bricolage, équipement de la maison, des articles de droguerie en ce qui concerne notamment les produits d'entretien, peinture et papiers peints " ne vise que des commerces de détail spécialisés dans la commercialisation desdits articles ; qu'en jugeant au contraire que cet arrêté ne se référait pas à une catégorie professionnelle de sorte qu'il serait applicable à la société Auchan, laquelle indiquait sans être contestée être un magasin à commerces multiples, la cour d'appel a violé par fausse interprétation de l'arrêté préfectoral n° 5-76 du 7 juillet 1976 , ensemble l'article L. 221-17 du Code du travail devenu l'article L. 3132-29 ; 2°) que les jugements doivent être motivés ; que dans ses conclusions d'appel, la société Auchan faisait valoir que les arrêtés préfectoraux de fermeture d'établissement le dimanche ne lui étaient plus applicables puisqu'elle bénéficiait de la dérogation permanente de droit au repos dominical prévue par l'article L. 3132-13 du Code du travail, lequel autorise les établissements ayant pour activité principale la vente au détail de denrées alimentaires à donner le repos hebdomadaire le dimanche à partir de 13 heures ; qu'en jugeant applicable à la société Auchan l'arrêté préfectoral du 7 juillet 1976 interdisant l'ouverture le dimanche de certains établissements sans répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que si le principe de la séparation des pouvoirs des autorités administratives et judiciaires interdit au juge civil de se prononcer sur la légalité d'un acte administratif, il lui appartient, lorsqu'il est saisi d'une contestation sur la légalité d'un tel acte, de se prononcer sur le caractère sérieux de cette contestation et, dans l'affirmative, de renvoyer au juge administratif l'appréciation de la légalité dudit acte ; que dans ses conclusions d'appel, la société Auchan faisait valoir que le syndicat professionnel propre aux commerces multiples, catégorie à laquelle elle appartenait, n'avait pas été consulté préalablement à l'accord sur lequel était fondé l'arrêté préfectoral du 7 juillet 1976 de sorte qu'elle contestait la légalité de cet arrêté préfectoral ; qu'en ne se prononçant pas sur le caractère sérieux de cette contestation et en jugeant cet arrêté préfectoral applicable à la société Auchan, la cour d'appel a violé l'article L. 3132-29 du Code du travail, les articles 4 et 12 du Code de procédure civile, ensemble l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Mais attendu, d'abord, qu'exercent la même profession au sens de l'article L. 3132-29 du Code du travail les établissements dans lesquels s'effectue à titre principal ou accessoire, l'activité visée par l'arrêté préfectoral ;

Attendu, ensuite, que la circonstance que l'arrêté préfectoral ordonnant la fermeture au public pendant toute la durée du repos hebdomadaire des établissements d'une profession déterminée, a été pris sans l'accord d'un syndicat ou d'une organisation d'employeurs de cette profession n'est pas, par elle-même, de nature à établir que les organisations qui ont manifesté leur accord n'auraient pas exprimé la volonté de la majorité indiscutable des établissements concernés ;

Et attendu que la cour d'appel, qui n'était tenue de répondre ni aux conclusions inopérantes visées par la troisième branche du moyen ni au moyen tiré de la dérogation au repos dominical prévue par l'article L. 3132-13 du Code du travail, lequel était sans influence sur la solution du litige, a exactement retenu que l'arrêté préfectoral du 7 juillet 1976 qui vise tous les établissements vendant au détail des matériels de radio-télévision, électroménager, quincaillerie, bricolage, équipement de la maison, des articles de droguerie en ce qui concerne notamment les produits d'entretien, peinture et papiers peints, sans limiter son champ d'application aux seuls établissements pratiquant cette activité à titre principal, était opposable à la société Auchan laquelle commercialise dans son magasin de Haute-Savoie, les différents produits énumérés par cet arrêté ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.