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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 2 juin 2014, n° 13-06458

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Specque

Défendeur :

Brico Dépôt (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Merfeld

Conseillers :

Mme Doat, M. Spateri

Avocats :

Mes Franchi, Aubron, Carlier, Carlot

TGI Boulogne-sur-mer, du 30 juill. 2013

30 juillet 2013

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur Ernest Specque et Madame Nicole Fevrier épouse Specque ont acquis entre le 15 février 2006 et le 22 juin 2009 des dalles gravillonnées auprès de la société Brico Dépôt pour réaliser le revêtement de l'aire de stationnement et de la descente de garage de leur domicile à Campagne les Boulonnais, pour un coût total de 2766,71 euro.

Une désagrégation de la surface des dalles ayant été constatée à la fin de l'hiver 2010, une expertise amiable a été réalisée le 31 août 2010.

Par acte d'huissier du 23 mars 2012 Monsieur et Madame Specque ont fait assigner la société Brico Dépôt devant le Tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil afin d'obtenir sa condamnation à leur payer les sommes de 21 685,87 euro au titre du coût de réfection, avec intérêts au taux légal depuis l'assignation, outre 3 000 euro de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance et 3 588 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Brico Dépôt a fait appeler en garantie la société Cimenteira Da Louro, fabricant des dalles.

Par jugement du 30 juillet 2013 le Tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer a débouté Monsieur et Madame Specque de leurs demandes et les a condamnés aux dépens.

Monsieur et Madame Specque ont interjeté appel de ce jugement le 14 novembre 2013, dans des conditions de forme et de délais non critiquées.

Ils en sollicitent l'infirmation et demandent la condamnation de la société Brico Dépôt à leur payer les sommes de 21 685,87 euro avec intérêts au taux légal depuis l'assignation, 3 000 euro au titre du préjudice de jouissance et 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ils font valoir que l'expertise a mis en évidence un vice de la chose vendue la rendant impropre à son usage. ils fondent leurs demandes indemnitaires sur l'article 1645 du Code civil, le vendeur professionnel étant tenu de connaître les vices de la chose vendue et d'indemniser l'intégralité du préjudice causé par ceux-ci, la recevabilité de cette demande n'étant pas subordonnée à l'exercice de l'action rédhibitoire ou estimatoire.

La société Brico Dépôt conclut à la confirmation du jugement et au rejet des demandes des époux Specque, subsidiairement à la réduction des sommes pouvant leur être allouées. Elle demande encore leur condamnation à lui payer la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient que les dalles vendues ne souffrent que de dommages esthétiques ne les rendant pas impropres à leur usage, et que les époux Specque n'ayant entrepris ni l'action rédhibitoire ni l'action estimatoire, ils doivent être déboutés de leur demandes.

Elle souligne encore que seule une partie des dalles doit être remplacée, et que les époux Specque ne sauraient être indemnisés d'une somme supérieure à celle qu'ils ont payée. Elle fait observer à ce titre que Monsieur Specque a posé lui-même les dalles, de sorte qu'il doit garder à sa charge au moins une partie des travaux de pose des dalles de remplacement, et que le préjudice d'agrément n'est pas constitué, dès lors que l'aire de stationnement n'est pas affectée par les désordres.

SUR CE,

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 1645 du Code civil que la recevabilité de l'action en réparation du préjudice subi du fait d'un vice caché n'est pas subordonnée à l'exercice d'une action rédhibitoire ou estimatoire de sorte que cette action peut être engagée de manière autonome ;

Qu'à ce titre les dommages et intérêts accordés à l'acheteur ne peuvent être limités à la valeur de la chose ou au prix que le vendeur aurait dû restituer dans le cadre d'une action rédhibitoire ;

Que le vendeur professionnel est tenu de connaître les vices affectant la chose vendue ;

Attendu qu'il résulte des conclusions du rapport d'expertise amiable que les dommages portent sur trois des quatre coloris choisis par Monsieur et Madame Specque et est irréversible, de sorte que les dalles doivent être remplacées ;

Que ces dommages ont pour cause la porosité des dalles, permettant la pénétration d'humidité et de destruction de la surface de celles-ci sous l'effet du gel, ce sinistre étant lié à un défaut de fabrication ;

Qu'en l'absence de pièce de nature à remettre en cause les constatations et conclusions de l'expert, il convient donc de retenir que les dalles étaient affectées d'un vice préexistant à la vente, non décelable lors de l'achat puisque apparu en janvier 2010, et qui en diminue l'usage et l'agrément, non seulement décoratif mais aussi affectant leur substance même, et remplissant donc les caractéristiques d'un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil ;

Qu'il s'ensuit que Monsieur et Madame Specque sont fondés à solliciter de la société Brico Dépôt, vendeur professionnel, l'indemnisation du préjudice causé par ce vice caché ;

Que l'expert ayant chiffré le coût de la dépose des dalles défectueuses et de la réfection à 23 619,70 euro, les époux Specque eux-mêmes produisent au débats un devis d'un prix total de 21 685,87 euro pour les mêmes prestations, somme que la société Brico Dépôt sera condamnée à leur payer ;

Que la réparation du préjudice devant être intégrale, la société Brico Dépôt ne peut à ce titre demander qu'une partie du prix de la pose reste à la charge de Monsieur Specque ;

Qu'en application de l'article 1153-1 du Code civil cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, date d'évaluation de la créance indemnitaire ;

Qu'en outre il ne peut être sérieusement contesté que la réalisation des travaux de remplacement du dallage aura pour effet de priver Monsieur et Madame Specque de la jouissance de leur garage pendant le cours de celle-ci ;

Qu'il conviendra d'indemniser ce préjudice de jouissance à hauteur de 1 000 euro ;

Attendu que la société Brico Dépôt succombant à l'instance, supportera les dépens de première instance et d'appel ;

Qu'elle sera également condamnée à payer à Monsieur et Madame Specque la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant contradictoirement, Infirme le jugement, et statuant à nouveau : Condamne la société Brico Dépôt à payer à Monsieur et Madame Specque la somme de 21 685,87 euro au titre des travaux de reprise avec intérêts au taux légal depuis le présent arrêt, outre celle de 1 000 euro de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance ; Condamne la société Brico Dépôt à payer à Monsieur et Madame Specque la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ; Condamne la société Brico Dépôt aux dépens de première instance et d'appel, avec pour les dépens d'appel droit de recouvrement direct au profit de la SCP Deleforge et Franchi, avocats, en application de l'article 699 du Code de procédure civile