CA Orléans, ch. des déféréss, 16 juin 2014, n° 14-01016
ORLÉANS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Plaisir Automobile (SARL), Jousset (ès qual.), Deshayes (ès qual.)
Défendeur :
Automobiles Hyundai Motor France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Velly
Conseillers :
MM. Blanc, Locu
Avocats :
Mes Grassin, Pesme, Gauclère
La société Hyundai Motor France ayant notifié le 25 mars 2008 à son concessionnaire pour le Loiret, la société Plaisir Automobile, la résiliation à la date du 20 mars 2008 du contrat de distribution sélective qui les liait, cette dernière la faisait assigner, par acte du 26 avril 2012 devant le Tribunal de commerce d'Orléans, au visa des articles L. 442-6 et L. 420-2 du Code de commerce, 1134, 1137 et suivants du Code civil, sollicitant à titre principal le paiement de la somme de 3 millions d'euro à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale et abus de dépendance économique, et à titre subsidiaire l'institution d'une expertise comptable et l'allocation d'une provision de 500 000 euro.
La partie défenderesse soulevait l'incompétence du Tribunal de commerce d'Orléans au profit du Tribunal de commerce de Paris, et subsidiairement, concluait au rejet des demandes adverses.
En cours d'instance, la société Plaisir Automobile était placée en redressement judiciaire, la Selarl AJ Associés étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire, et Maître Jean-Paul Jousset en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 31 juillet 2013, le Tribunal de commerce d'Orléans se déclarait compétent pour juger le litige, et déboutait la demanderesse de l'ensemble de ses prétentions en retenant qu'il avait été mis fin aux relations commerciales des parties conformément aux clauses contractuelles, et qu'il n'y avait ni rupture brutale ni abus de dépendance économique.
La société Plaisir Automobile, et les mandataires de justice agissant ès qualités relevaient appel de cette décision le 8 septembre 2013.
Saisi à l'initiative de la SAS Hyundai Motor France, le conseiller de la mise en état rendait le 6 mars 2014 une ordonnance par laquelle il déclarait irrecevable l'appel interjeté par Plaisir Automobile.
Ce magistrat considérait qu'il résulte de la combinaison des articles L. 420-7 et R. 420-5 du Code de commerce que la Cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues sur les litiges relatifs à l'application des articles L. 420-1 à L. 420-5 du Code de commerce, et qu'il résulte de la combinaison des articles L. 442-6, III, al. 5 et D. 442-3 dudit Code qu'elle est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même Code.
Il considérait en outre que le fait que la partie demanderesse avait également formé des demandes qui n'étaient pas fondées sur les articles L. 420-1 et suivants et L. 442-6 ne lui permet pas de déroger à ces règles, qui sont d'ordre public, aucune demande de disjonction n'ayant par ailleurs été formée.
Le 18 mars 2014, la SARL Plaisir Automobile, son administrateur et son mandataire judiciaire déposaient une requête en déféré sur la compétence.
Ils ne contestent pas que la Cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, mais que l'article D. 442-3 de ce Code prévoit expressément la compétence de la Cour d'appel de Paris concernant les appels formés à l'encontre des décisions rendues par les juridictions visées par le décret du 24 décembre 2012, dans lequel le Tribunal de commerce d'Orléans n'est pas visé.
Ils invoquent les dispositions d'ordre public de l'article R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire suivant lesquelles "la cour d'appel connaît de l'appel des jugements des juridictions situées dans son ressort", et déclarent que dans un cadre procédural similaire, la Cour d'appel de Paris s'est déclarée incompétente au motif que, si le décret applicable au litige prévoyait une spécialisation de certaines juridictions, il ne pouvait en résulter une règle générale de transfert des compétences au profit de la Cour d'appel de Paris.
SUR QUOI :
Attendu que l'article L. 442-6 III du Code de commerce dispose, en son cinquième alinéa, que "les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret" ;
Que l'article D. 442-3 du même Code, tel que modifié par le décret du 11 novembre 2009, dispose que "pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre ; la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris" ;
Attendu que l'acte introductif d'instance par lequel était saisi le Tribunal de commerce d'Orléans par la société Plaisir Automobile vise, dans son dispositif, les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;
Que le fait que l'assignation vise d'autres textes est indifférent, puisque la règle posée par le cinquième alinéa de l'article L. 442-6 III de ce Code est d'ordre public ;
Qu'il ne peut être dérogé à la règle selon laquelle la Cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 ;
Que c'est donc avec pertinence que le Conseiller de la mise en état a relevé qu'aucune demande de disjonction n'avait par ailleurs été formée ;
Attendu que le Tribunal de commerce d'Orléans ne figure d'ailleurs pas sur la liste des huit tribunaux de commerce spécialisés (Marseille, Bordeaux, Tourcoing, Fort-de-France, Lyon, Nancy, Paris et Rennes) ;
Attendu que la Cour de cassation a jugé que la Cour d'appel de Paris est exclusivement compétente pour connaître non seulement des jugements émanant de l'un des huit tribunaux de commerce spécialisés, mais encore des jugements émanant de toute autre juridiction dès lors que l'on est en présence d'un litige relatif à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;
Que cette position s'explique à l'évidence du fait que si la compétence exclusive de la Cour d'appel de Paris était limitée aux décisions rendues par l'un des tribunaux de commerce spécialisés, les autres tribunaux de commerce relèveraient de la cour d'appel dans le ressort de laquelle ils se trouvent, ce qui aboutirait à vider de la plus grande partie de son sens la règle de spécialisation voulue par le législateur ;
Attendu qu'il y a lieu de confirmer la décision querellée ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Hyundai Motor France l'intégralité des sommes que cette partie a dû exposer du fait de la présente procédure ; qu'il échet de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile et de lui allouer à ce titre la somme de 1 000 euro ;
Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme l'ordonnance rendue entre les parties le 6 mars 2014 par le Conseiller de la mise en état, Condamne la société Plaisir Automobile à payer à la société Hyundai Motor France la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Plaisir Automobile aux dépens, et autorise les avocats de la cause à se prévaloir des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile