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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 19 juin 2014, n° 12-02984

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

General Motors France (SAS)

Défendeur :

Boyer, NP Auto (SARL), Auto Sprint (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mmes De Martel, Derniaux

Avocats :

Lafon, Beauchet, Mes Debray, Caillet, Chouteau, Fourcade

TGI Pontoise, du 2 avr. 2012

2 avril 2012

Le 22 janvier 2008, la société NP Auto a revendu à M. Boyer un véhicule d'occasion Opel Astra (acquis par elle du garage METIN le 14 janvier 2008). Le véhicule mis en circulation en mai 2005, totalisait 32 942 kilomètres.

Le 28 janvier 2008, M. Boyer a constaté un bruit alarmant en provenance du moteur. Il a le jour même, apporté le véhicule en réparation au garage Auto Sprint, concessionnaire Opel à Compiègne, qui a procédé au changement du moteur. La réparation a été prise en charge par le vendeur NP Auto. Le 15 août 2008, le véhicule a fait l'objet d'une nouvelle panne.

Par ordonnance du 14 novembre 2008, le juge des référés a désigné un expert judiciaire qui a déposé son rapport le 20 mars 2010.

La société NP Auto et M. Boyer ont fait assigner les sociétés General Motors -en qualité de vendeur initial du véhicule- en garantie des vices cachés, et Auto Sprint -sur le fondement de sa responsabilité contractuelle-, en indemnisation de leurs préjudices.

M. Phansavath, gérant de la société NP Auto, est intervenu volontairement à l'instance pour demander la condamnation des sociétés General Motors et Auto Sprint à l'indemniser de ses préjudices personnels, matériels et moraux.

Par jugement du 2 avril 2012, le tribunal a déclaré la société NP Auto et M. Phansavath recevables en leurs demandes,

- débouté sur le fond M. Phansavath de ses demandes,

- condamné in solidum la société General Motors et la société Auto Sprint à verser à M. Boyer les sommes suivantes :

12 000 euros au titre du coût de réparation du véhicule, avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2010,

14 000 euros au titre du préjudice subi du fait de la privation de jouissance du véhicule Opel Astra,

2 700 euros au titre de la dépréciation de valeur du véhicule Opel Astra,

4 000 euros au titre des frais de gardiennage ;

- condamné la société General Motors à payer à la société NP Auto la somme de 7 916,30 euros à titre de dommages-intérêts, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2010,

- condamné in solidum General Motors et Auto Sprint à payer à M. Boyer 6 000 euros et à NP Auto 1 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Les premiers juges ont considéré que le rapport de l'expert judiciaire précis, détaillé et argumenté permettait d'établir que :

- le véhicule était affecté d'un désordre trouvant son origine dans une vibration anormale de l'acyclique moteur qui a entraîné les cassures de piliers et de vis ; que ce désordre est imputable, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, à la société Auto Sprint qui, procédant aux réparations nécessaires, a effectué un changement standard du moteur non conforme aux règles de l'art et n'a pas effectué une tension correcte de la courroie,

- le désordre affectant le moteur d'origine constituait un vice caché du véhicule non décelable lors de son achat par M. Boyer ; que le vendeur initial, General Motors, est tenu à garantir les vices cachés de la chose,

- M. Phansavath, n'étant ni acheteur, ni propriétaire du véhicule affecté des vices, ni contractant, n'est pas fondé à réclamer l'indemnisation de ses préjudices personnels sur le fondement des articles 1641,1147 et 1315 du Code civil.

La société General Motors a interjeté appel de la décision.

M. Boyer et la société NP Auto ont formé un appel incident.

M. Phansavath a formé un appel provoqué.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 21 novembre 2012, la société General Motors demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris,

- de dire et juger que M. Boyer et la société NP Auto ne rapportent pas la preuve d'un vice qui affecterait le véhicule,

- subsidiairement, de dire et juger que les demandes d'indemnisation ne sont justifiées ni dans leur principe, ni dans leur montant,

- de débouter les parties de l'intégralité de leurs demandes,

- de dire et juger qu'elle sera garantie par la société Auto Sprint pour l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées à son encontre au titre des désordres affectant le second moteur installé par la société Auto Sprint.

Elle soutient que, ayant pour unique activité l'importation et la distribution en France des véhicules de marque Opel, elle ne peut être tenue pour responsable des avaries du second moteur ; et que seule la société Auto Sprint est responsable de l'immobilisation du véhicule ; que le propriétaire du véhicule ne justifie pas d'un préjudice à son encontre.

Dans leurs dernières conclusions signifiées le 20 novembre 2012, M. Boyer, la société NP Auto et M. Phansavath demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- en ce qu'il déboute sur le fond M. Phansavath de ses demandes de réparation de son préjudice personnel,

- en ce qu'il rejette ou dit sans objet les demandes de condamnation de la société General Motors et Auto Sprint,

- à rembourser à la société NP Auto la somme de 1.794 euros représentant les honoraires du comptable liés à l'activité de cette société dans le cadre de ce préjudice,

- à payer la somme de 9 797,80 euros à M. Phansavath au titre des crédits qu'il a dû souscrire avec les membres de sa famille,

à payer la somme de 30 000 euros à la société NP Auto en réparation du préjudice moral subi,

- concernant les demandes de M. Boyer, en ce que le jugement ne retient que la somme de 14 000 euros au titre du préjudice de jouissance et matériel toutes causes confondues,

- de le confirmer sur,

- la condamnation de la société General Motors à régler à la société NP Auto la somme de 7 916,30 euros à titre de dommages et intérêts, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2010,

- la condamnation in solidum des sociétés General Motors et Auto Sprint au paiement des sommes suivantes :

12 000 euros au titre du coût de réparation du véhicule, avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2010,

2 700 euros au titre de la dépréciation de valeur du véhicule Opel Astra.

- de condamner in solidum les sociétés General Motors et Auto Sprint au paiement des sommes suivantes :

1 633,44 euros pour l'assurance véhicule Opel Astra du 22 janvier 2008 au 22 avril 2010,

486,48 euros pour l'assurance véhicule GOLF du 21 avril 2008 au 20 avril 2010,

3 200 euros pour le transport du véhicule du Beaune vers l'Oise,

6 euros TTC par jour pour les frais de gardiennage du véhicule (à compter du 19 août 2008, jusqu'à l'enlèvement du véhicule, au plus tard quinze jours après que le jugement à intervenir soit passé en force de chose jugée), soit la somme de 9 210 euros pour les frais de gardiennage du 15 août 2008 au 15 novembre 2012, cette somme devant être actualisée,

- infirmer par conséquent le jugement en ce qu'il retient la somme de 4 000 euros,

29 917,15 euros au titre du préjudice de jouissance, soit 19,49 euros/jour du 15 août 2008 au 15 novembre 2012 (somme à parfaire),

642,15 euros pour les frais de réparation de son ancien véhicule,

2 288,27 euros pour les frais de déplacement domicile-travail entre le 28 janvier 2008 et le 16 avril 2008,

2 739,92 euros pour les frais de déplacement domicile-travail entre le 18 août 2008 et le 13 décembre 2008,

9 725,51 euros pour les frais de déplacement domicile-travail entre le 15 décembre 2008 et le 27 février 2010,

7 200,00 euros pour la perte d'activité de M. Boyer,

1 517,75 euros pour le manque de jouissance sur l'immobilisation du premier moteur,

3 200,00 euros pour le transport du véhicule du Beaune vers l'Oise.

Ils soutiennent que la société Auto Sprint est indéniablement à l'origine de la panne ayant affecté le second moteur.

- elle a, en outre frauduleusement indiqué sur sa facture de réparation qu'il avait été procédé à un échange standard du moteur défectueux laissant entendre que l'ensemble du bloc moteur avait été remplacé alors que l'expertise révèle que seul le bloc embiellé avait été changé.

- les conclusions de l'expert judiciaire sont incontestables quant à la cause des désordres ayant affecté le premier moteur du véhicule Opel Astra. Le vice caché est indéniablement démontré.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 29 janvier 2013, la société Auto Sprint demande à la cour de dire et juger que son intervention n'est pas à l'origine de l'endommagement du second moteur du véhicule de M. Boyer,

- A titre subsidiaire :

- de constater que le préjudice de jouissance et les frais de gardiennage dont se prévaut M. Boyer ne sont pas justifiés,

- de débouter M. Boyer de son appel incident,

- de limiter en conséquence l'indemnisation allouée à M. Boyer aux strictes conséquences dommageables,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société General Motors à supporter également les préjudices subis par M. Boyer,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné seule la société General Motors à l'indemniser au titre du vice caché affectant le moteur,

- débouter la société NP Auto, M. Phansavath de leur appel incident.

Elle soutient que le remplacement par un moteur échange standard ne peut en soi s'analyser comme un manquement du réparateur à ses obligations, et qu'il ne peut lui être reproché d'avoir remis le kit de distribution du premier moteur (défectueux) et de ne pas avoir réparé le véhicule dans les règles de l'art.

- s'agissant de la tension de la courroie et le calage de la distribution, elles étaient conformes lorsque le véhicule a été rapatrié au sein du garage JLC Motors à Beaune, soit après son intervention.

- M. Boyer ne justifie pas d'un préjudice de jouissance certain en ce qu'il a indiqué qu'il a pu bénéficier d'un véhicule de remplacement. Aucun des préjudices n'est fondé.

- seule l'appelante devait répondre de la défectuosité du premier moteur.

- elle n'est nullement tenue d'une obligation d'information comme le prétend General Motors dès lors qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait dû immobiliser le véhicule dès qu'elle a eu connaissance des premiers symptômes anormaux affectant le véhicule.

- M. Phansavath est étranger au litige et n'est pas fondé en ses demandes.

La cour renvoie aux conclusions signifiées par les parties, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

- S'agissant du premier dysfonctionnement

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire, dont le tribunal souligne à juste titre le caractère "précis, détaillé, et argumenté", que ce moteur, démonté par Auto Sprint qui a procédé à son changement, était atteint d'un vice caché rendant le véhicule impropre à son usage et qui provient -sans hésitation possible selon l'expert qui n'a pas été sérieusement contredit- d'un moteur "acyclique avec fréquence pointue". L'expert écarte clairement comme cause possible de l'endommagement du moteur, l'utilisation d'un mauvais carburant ou un entretien non conforme aux préconisations du constructeur. Les désordres proviennent d'une anomalie interne au moteur, généré par ces vibrations acycliques.

Ce vice, antérieur à la vente, ne pouvait être connu de l'acheteur M. Boyer, si bien qu'il convient de retenir la responsabilité de General Motors France et de NP Auto envers M. Boyer, sachant que NP Auto (en qualité de vendeur) a pris en charge la facture de réparation du moteur s'élevant à 7 916,30 euros. Si bien que General Motors France devra garantir NP Auto de ce montant, le vice étant antérieur à l'achat par NP Auto du véhicule Opel.

Par ailleurs, l'immobilisation du véhicule pour le premier dysfonctionnement a été appréciée par l'expert à la somme de 20,21 x 75 jours = 1 517,75 euros que General Motors France sera condamnée à payer à M. Boyer.

La somme de 1 794 euros demandée par NP Auto n'est pas en lien direct avec les dysfonctionnements du premier moteur. Le surplus des demandes, ainsi que l'a relevé le tribunal par des motifs auxquels la cour s'associe, n'est pas établi ou est déjà réparé par l'indemnisation du préjudice de jouissance.

Il convient de débouter NP Auto et M. Boyer de leurs autres demandes formées au titre de ce dysfonctionnement.

- S'agissant du second dysfonctionnement

Il résulte du rapport d'expertise que ce second dysfonctionnement "trouve sa source dans une mauvaise réparation de la distribution par mauvaise tension lors du remplacement du premier moteur par le garage Auto Sprint. Les désordres constatés sur la courroie, le galet enrouleur, le carter de la distribution, portent la signature d'une mauvaise tension".

Le second dysfonctionnement trouve donc sa source dans une mauvaise réparation ce qui est totalement différent du premier.

Auto Sprint conteste sa faute mais ne parvient pas à remettre en cause les conclusions claires et fermes de l'expert.

Cette faute ne peut être rattachée au vice caché du véhicule puisque si la réparation avait été correctement faite par Auto Sprint, ce second dysfonctionnement ne se serait jamais produit, alors même que le premier était intervenu. La réparation de ce préjudice incombe donc entièrement à Auto Sprint.

La réparation du véhicule a été appréciée par l'expert à 12 000 euros, "montant minimal de la remise en état du véhicule".

La durée d'immobilisation est évaluée à 549 jours et donc à 10 700 euros. Cette somme n'est pas contestée. Cependant, elle a été arrêtée au moment de la rédaction du rapport d'expertise, si bien que NP Auto et M. Boyer demandent l'actualisation de cette somme dans la mesure où le véhicule serait resté immobilisé à Beaune jusqu'au 15 novembre 2012. Ils sollicitent à ce titre la somme de 29 917,15 euros en réparation de ce préjudice.

La société General Motors fait à juste titre observer que la durée d'immobilisation indemnisée ne peut couvrir que la période pendant laquelle les opérations d'expertise rendaient impossible la réparation du véhicule. Après le dépôt du rapport d'expertise, il appartenait au propriétaire d'opter soit pour la réparation soit pour la revente du véhicule.

Les conclusions de l'expert seront ici encore retenues et NP Auto, comme M. Boyer seront déboutés de leur demande actualisée.

* S'agissant des frais de réparation de l'ancien véhicule de M. Boyer, des frais de déplacement domicile/travail, de l'assurance de l'ancien véhicule Golf, ceux-ci ne sont pas en lien direct avec le dysfonctionnement, ou sont déjà réparés au titre du préjudice de jouissance. La perte d'activité n'est pas établie. L'assurance de l'Opel devait être suspendue par le propriétaire dès lors que le véhicule était remisé dans un garage. Le transport du véhicule du garage de Beaune vers l'Oise n'a pas eu lieu.

La décote du véhicule peut être prise en compte, eu égard au temps d'immobilisation du véhicule, pour la somme de 2 700 euros. Elle est imputable tant à General Motors France qu'à Auto Sprint qui seront condamnés in solidum au paiement de cette somme.

Les frais de gardiennage sont justifiés par une pièce 13 de M. Boyer et de NP Auto : il s'agit d'un duplicata de facture non daté. Il n'est pas suffisamment justifié de ces frais de gardiennage. La preuve du paiement de cette facture n'est au demeurant pas rapportée.

- Sur les demandes de M. Phansavath

M. Phansavath, gérant du garage NP Auto, reprend en cause d'appel les demandes formées en première instance et dont il avait été débouté, relatives à son préjudice personnel et financier.

Il sollicite auprès de General Motors France et de Auto Sprint le remboursement des prêts qui lui ont été consentis par sa banque mais aussi par sa famille, à titre personnel ; il n'est ni l'acheteur ni le propriétaire du véhicule et le fondement de sa demande (article 1641, 1147 et 1315) n'a fait l'objet d'aucune explication. Il sera débouté de sa demande, tant sous son aspect matériel que moral.

- Sur les frais irrépétibles

Il est inéquitable de laisser à la charge de M. Boyer et de NP Auto, les frais non compris dans les dépens de l'instance.

General Motors France et Auto Sprint seront condamnées in solidum au paiement de la somme de 5 000 euros (en tout) au titre des frais d'appel et au profit de ces deux parties seulement.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des autres parties, les frais exposés par elles et non compris dans les dépens de l'instance.

Par ces motifs LA COUR, statuant en audience publique, par décision contradictoire et en dernier ressort, Infirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Pontoise le 2 avril 2012 en ce qu'il a : - condamné in solidum General Motors France et Auto Sprint au paiement des sommes de 12 000 euros, 14 000 euros, 2 700 euros, et 4 000 euros et - condamné General Motors France à payer à NP Auto la somme de 7 916,30 euros à titre de dommages intérêts, Et, statuant à nouveau, Condamne General Motors France à payer à M. Boyer la somme de 1 517,75 euros au titre du préjudice de jouissance lié au premier dysfonctionnement, Condamne General Motors France à rembourser à NP Auto la somme de 7 916,30 euros au titre du moteur de remplacement avec intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2010, Condamne Auto Sprint à payer à M. Boyer les sommes de : - 12 000 euros au titre du cour de la réparation du véhicule ; - 10 700 euros au titre du préjudice de jouissance ; Condamne in solidum General Motors France et Auto Sprint à payer à M. Boyer la somme de 2 700 euros au titre de la décote du véhicule, Y ajoutant, Condamne solidum General Motors France et Auto Sprint à payer à NP Auto et à M. Boyer la somme totale de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais d'appel, Déboute les parties du surplus de leurs prétentions, Condamne in solidum General Motors France et Auto Sprint aux dépens d'appel et autorise leur recouvrement dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile