CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 1 juillet 2014, n° 13-19833
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
DBM Technologie (SARL), DBM France (SARL)
Défendeur :
C-Maj (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Girerd
Conseillers :
Mmes Bodard-Hermant, Bouvier
Avocats :
Mes Maupas-Oudinot, Colin, Degroote
La société DBM Technologie, de droit italien, dont la société DBM France est une filiale, fabrique, commercialise et installe diverses machines et installations de nettoyage, vernissage, automatisation, séchage, traitement des eaux et huilage.
La société unipersonnelle C-Maj, constituée en 2005 et détenue par M. Christophe Iatropoulos, a agi en qualité d'agent commercial exclusif de DBM France pour la promotion des ventes de ses machines sur le territoire français, de mars 2007 au 30 janvier 2013, son objet social concernant en particulier la vente et le courtage de toute machine à traitement de surface des produits industriels.
Soutenant être victime d'actes de concurrence déloyale commis par la société C-Maj, les sociétés DBM Technologie et DBM France sont appelantes d'une ordonnance de référé du Tribunal de commerce de Paris du 11 octobre 2013 qui, au visa de l'article 873 du Code civil, a dit n'y avoir lieu à référé sur leurs demandes tendant à voir ordonner à la société C-Maj de retirer du site http://www.c-maj.fr ou de tout autre site ou support toute reproduction de machines DBM et tout élément d'identification de ces machines et à voir interdire à cette société de reproduire toute photo ou élément d'identification de ces machines sur tout support, y compris sur ce site.
Par conclusions transmises le 20 mai 2014 auxquelles il est renvoyé, elles demandent à la cour :
- d'infirmer cette ordonnance et, en conséquence, de faire droit, sous astreintes, à ses demandes initiales susvisées et de se réserver la liquidation de l'astreinte
- de condamner la société C-Maj à leur payer à chacune 20 000 euros au titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et publicité mensongère
- d'ordonner la publication de l'arrêt
- de condamner la société C-Maj à leur payer une indemnité de procédure de 10 000 euros et à payer les dépens.
Elles soutiennent :
- que notamment depuis la rupture le 30 janvier 2013 de la relation d'agent commercial de DBM, la société C-Maj reproduit, sans autorisation, sur son site http://www.c-maj.fr, des photos de machines DBM et des allégations mensongères qui créent des similitudes entre ses produits et les leurs dont elle se présente faussement comme fabricant/installateur/fournisseur
- qu'elles n'ont pas donné leur accord à la reproduction des photos en cause
- que leur préjudice s'infère nécessairement de ces actes de concurrence déloyale, générateur d'un trouble commercial.
Par conclusions transmises le 19 mai 2014 auxquelles il est renvoyé la société C-Maj demande à la cour :
- de confirmer l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a rejeté sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et, statuant à nouveau, de condamner les sociétés DBM Technologie et DBM France à lui payer la somme de 14 500 euros à ce titre et à payer les dépens.
Elle soutient :
- que la rupture brutale, le 30 janvier 2013, par la société DBM France pour le compte de la société DBM Technologie d'une relation commerciale initiée depuis 2007, constitue une contestation sérieuse aux demandes des appelantes
- que le Tribunal de commerce de Melun est saisi au fond du litige résultant de ce que la société DBM Technologie tente de "bâillonner" l'activité d'agent commercial de M. Iatropoulos qui lui a pourtant ouvert le marché français, pour permettre à sa filiale française d'investir en France
- qu'il n'existe ni trouble manifestement illicite ni dommage imminent dès lors que les deux marques en cause ne sont pas présentes sur son site http://www.c-maj.fr et que M. Christophe Iatropoulos est l'auteur des photographies litigieuses.
Par conclusions transmises le 20 mai 2014 les sociétés DBM Technologie et DBM France demandent le report de la clôture pour permettre la production de ses conclusions et de sa pièce 36 communiquées ce même jour.
La clôture des débats a été prononcée par ordonnance du 20 mai 2014 et ces écritures et pièce admises aux débats.
SUR CE LA COUR
Considérant qu'aux termes de l'article 873 alinéa 1er du Code de procédure civile, la juridiction des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
Considérant, en l'espèce, que sociétés DBM Technologie et DBM France soutiennent que la société C-Maj, qui était agent commercial DBM de 2007 à 2013, leur cause un préjudice résultant d'actes de concurrence déloyale qui consistent à reproduire leurs machines sur son site, créant ainsi la confusion dans l'esprit de la clientèle entre ses propres produits et les machines DBM qu'elles fabriquent ou commercialisent, lesquelles sont identifiables par des professionnels même sans signe distinctif DBM ;
Considérant que pour soutenir que ces reproductions constituent un trouble manifestement illicite ou un dommage imminent, ces sociétés se bornent à tenir pour acquise l'identification de diverses reproductions de machines, listées aux points 38 à 44 de leurs conclusions, comme étant des "machines DBM", par comparaison avec celles figurant sur leur catalogue ou sur leur site ; qu'elles en déduisent le caractère déloyal et/ou mensonger des mentions correspondantes du site, relatives aux produits et services proposés par la société C-Maj, par le biais desquels celle-ci se les approprierait "pour en faire la vitrine de son activité concurrente";
Considérant toutefois que les pièces et en particulier les procès-verbaux de constats des 27 mars et 9 août 2013 que les appelantes versent aux débats pour étayer leurs dires, n'établissent pas avec l'évidence requise en référé que les reproductions incriminées sont manifestement celles qu'elles produisent ou commercialisent, dès lors que les machines représentées ne sont pas suffisamment caractéristiques pour permettre une telle identification ;
Qu'il ne résulte en effet ni de ces procès-verbaux ni d'aucun autre document probant que les professionnels spécialisés sont en mesure d'identifier les reproductions litigieuses comme étant manifestement celles de "machines DBM", même sans signe distinctif de leur marque ; qu'il en est d'autant plus ainsi que les sociétés DBM Technologie et DBM France ne contestent pas utilement l'affirmation adverses selon laquelle elles se sont elles-mêmes attribuées par erreur la propriété de machines Novatec ou Meg reproduites sur le site http://www.c-maj.fr et comportant pourtant le nom de leur constructeur (point 4.2.2.5., p. 38 des conclusions de la société C-Maj; points 48-49 des conclusions des appelantes); que la présence sur le site d'une ou deux photos où figure "le personnel de DBM", fut-elle établie, ne caractérise pas, en soi, une telle identification ; que les copies d'écran de leur propre site destinées à établir celle-ci par comparaison sont par nature dénuées de force probante ; que la modification, peu avant la clôture des débats, de son site par la société C-Maj, qui l'explique par des impératifs de gestion, ne saurait être tenue comme l'aveu d'une déloyauté qu'elle conteste ;
Considérant, sur le caractère déloyal des mentions litigieuses, que les sociétés DBM Technologie et DBM France affirment encore que la société C-Maj se présenterait faussement comme fabricant/installateur/fournisseur des photos de "machines DBM" alors qu'elle n'a jamais été qu'un intermédiaire et de ce qu'elle créerait ainsi, dans l'esprit de la clientèle des parties, une confusion entre les produits et services respectifs qu'elles proposent ;
Considérant que cette affirmation n'est étayée par aucun renvoi ni extrait probant des conclusions des appelantes aux pièces produites, dès lors que celles-ci se bornent à la déduire de ce que les machines reproduites seraient celles qu'elles fabriquent ou commercialisent quand aucun rattachement certain de ces machines à leur constructeur ou fournisseur n'est établi;
Qu'il en est de même de l'affirmation selon laquelle certaines mentions du site de la société C-Maj destinées à promouvoir les machines reproduites seraient la copie de celles de leur propre catalogue ou de leur site, étant observé que les captures d'écran destinées à l'établir sont par nature dénuées de force probante ;
Qu'en tout état de cause, l'appropriation alléguée de photos de machines sans signe distinctif permettant d'affirmer avec certitude quel en est le fabricant ou le fournisseur, comme étant des "machines DBM", en vue de concurrencer déloyalement les appelantes, ne saurait se déduire à l'évidence de la seule juxtaposition de telles photos et des mentions litigieuses, fût-ce dans le contexte de la rupture sans préavis pour faute grave du mandat d'agent commercial dont la société C-Maj a bénéficié de mars 2007 au 30 janvier 2013, motif pris de ce que celle-ci a créé une société Unics à l'activité concurrente, étant observé que la société C-Maj a saisi le juge du fond du litige résultant de cette rupture, qu'elle tient pour brutale ;
Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède qu'eu égard à l'absence de rattachement manifeste des reproductions de machines querellées à des machines produites ou commercialisées par les sociétés DBM Technologie et DBM France et faute pour ces sociétés de caractériser, avec l'évidence requise en référé, la confusion créée par la société C-Maj, dans l'esprit de la clientèle, entre leurs produits et services respectifs, les sociétés DBM Technologie et DBM France échouent à établir l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent qu'il appartiendrait au juge des référés, juge de l'évidence, de faire cesser et d'indemniser à titre provisionnel ;
Que l'ordonnance entreprise doit donc être confirmée en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que les sociétés DBM Technologie et DBM France qui succombent supporteront la charge des dépens.
Par ces motifs : Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions. Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne les sociétés DBM Technologie et DBM France aux dépens.