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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 26 juin 2014, n° 12-08739

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

General Motors France (SAS)

Défendeur :

Bertrand (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Boisselet

Conseillers :

Mmes de Martel, Derniaux

Avocats :

Mes Lafon, Beauchet, Fargues

TGI Pontoise, 2e ch., du 15 oct. 2012

15 octobre 2012

FAITS ET PROCÉDURE

M. et Mme Bertrand ont acquis le 4 décembre 2006 auprès d'un particulier un véhicule d'occasion de marque Opel, type Meriva au prix de 11 000 euros. Ce véhicule avait été vendu neuf le 10 février 2004 par la société General Motors France à la société Garage Lecourbe.

En juillet 2008 la rupture du moteur a été constatée.

Un expert a été désigné par ordonnance de référé en date du 3 juillet 2009. Il a déposé son rapport le 25 janvier 2010.

M. et Mme Bertrand ont assigné la société General Motors France devant le Tribunal de grande instance de Pontoise.

Par jugement du 15 octobre 2012, le tribunal a considéré que le véhicule était affecté d'un vice caché, a débouté les époux Bertrand de leur demande de résolution de la vente et a condamné la société Général Motors France à leur payer la somme de 8 147,20 euros au titre de la perte d'usage, 9 181,89 euros au titre du préjudice matériel, outre 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et ce sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

La société General Motors France a interjeté appel de cette décision et, aux termes de conclusions en date du 7 avril 2014, demande à la cour, d'infirmer le jugement entrepris dans l'intégralité de ses termes et, statuant à nouveau :

de juger que les époux Bertrand ne rapportent pas la preuve d'un vice caché qui affecterait leur véhicule ;

de juger que les différents garagistes intervenus sur le véhicule, dont le Garage Montet, ont manqué à leurs obligations en leur qualité de garagistes réparateurs ;

de mettre la société Général Motors France totalement hors de cause ;

subsidiairement, de juger que les époux Bertrand ne rapportent pas la preuve du préjudice qu'ils allèguent ;

en tout état de cause, de juger que les préjudices allégués par les époux Bertrand sont imputables à la non-réalisation par les garages mandatés par eux de la note de service SAV 1558, de sorte que la société Général Motors France ne pouvait avoir connaissance du vice au sens de l'article 1645 du Code civil ;

de débouter en conséquence les époux Bertrand de l'intégralité de leurs demandes ;

de les condamner à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Dans des conclusions en date du 8 avril 2014, M. et Mme Bertrand demandent à la cour :

de confirmer le jugement entrepris en ce qu'ont été reconnues l'existence d'un vice caché depuis la fabrication du véhicule et la garantie consécutive de la société Général Motors France, et en ce que la société Général Motors France a été condamnée à indemniser le préjudice matériel pour les postes de remise en état de la distribution et remplacement de la pompe à huile, les frais de parcage extérieur de juillet 2008 et les frais de gardiennage depuis le 1er août 2008 et le préjudice de perte d'usage,

en conséquence, de dire l'appel de la société Général Motors France mal fondé,

Vu l'appel incident des époux Bertrand :

d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a refusé de prononcer la résolution de la vente et la restitution consécutive du prix de 11 000 euros et en ce qu'il a rejeté les demandes des époux Bertrand relativement aux frais de réparation et de changement des injecteurs (1 345,34 euros.), au contrôle de la sonde de température (33,09 euros), à la révision et au contrôle technique (538,13 euros), ou remplacement des pneus (223,63 euros) et relativement à l'indemnisation de leur préjudice moral (11 000 euros),

Statuant à nouveau :

de prononcer la résolution de la vente, ordonner la restitution du véhicule de marque Opel type Meriva à la société Général Motors France, à ses frais exclusifs, et condamner la société Général Motors France à verser aux époux Bertrand la somme de 11 000 euros correspondant au prix d'acquisition que ces derniers ont versé,

de condamner la société Général Motors France à leur verser :

la somme de 15 967,60 euros en réparation de la perte d'usage, intégrant son actualisation,

la somme de 22 028,19 euros en réparation du préjudice matériel subi, intégrant l'actualisation des frais de gardiennage,

à leur rembourser les frais de gardiennage courant postérieurement au 31 mars 2013, au prix de 9,20 euros par jour, jusqu'à récupération par ses soins du véhicule,

de la condamner à leur verser la somme de 11 000 euros en réparation du préjudice moral qu'ils ont subi ;

de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Général Motors France à leur payer la somme de 2 500 euros du chef de l'article 700 du Code de procédure civile pour la première instance ainsi qu'aux dépens ;

de condamner la société Général Motors France à leur verser la somme de 4 000 euros du chef de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un exposé plus ample des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 avril 2014.

MOTIFS

Il résulte de l'expertise que le véhicule était affecté d'une grave avarie causée par une insuffisance de pression d'huile, que le défaut de la pompe à huile à l'origine de la panne (desserrage de la poulie de la pompe) était présent dès la sortie du véhicule des chaînes d'assemblage, que cette anomalie était connue du constructeur qui a diffusé une note technique d'information applicable au véhicule en cause depuis le 18 août 2005, soit antérieurement à la vente en cause et qu'il n'y a jamais été remédié.

L'expert a effectivement constaté que le garage Montet, concessionnaire Opel, qui est intervenu sur le véhicule de juin à juillet 2007, ne pouvait ignorer la note technique n° 1558 de la société General Motors qui décrivait le défaut en cause et les moyens d'y remédier, et "se devait d'être particulièrement vigilant pour ce qui concerne la fiabilité du serrage du pignon de pompe à huile".

Il est donc acquis que la défaillance de ce garagiste n'a pas permis de remédier au défaut qui affectait le véhicule dès sa fabrication.

Cependant, le vice caché préexistait à l'intervention de ce réparateur professionnel, et la réparation insuffisante ne peut diminuer ou venir relever le constructeur-vendeur de sa responsabilité pour un vice caché antérieur à l'intervention du réparateur.

Compte tenu de la gravité de la panne qui s'est produite en juillet 2008, il n'est pas contestable que le défaut à l'origine de celle-ci rendait le véhicule impropre à l'usage auquel il était destiné.

Il apparaît donc que la société General Motors France doit répondre vis-à-vis des sous-acquéreurs que sont M. et Mme Bertrand du vice caché qui affectait le véhicule.

Le tribunal a débouté M. et Mme Bertrand de leur demande de résolution de la vente, au motif que leur propre vendeur, un particulier, n'est pas dans la cause.

Cependant, le sous-acquéreur est recevable à exercer l'action en garantie des vices cachés contre le vendeur originaire, sans qu'il soit nécessaire, s'il opte pour l'action rédhibitoire, de mettre dans la cause son propre vendeur.

Il convient donc, infirmant de ce chef le jugement, de prononcer la résolution de la vente, de condamner en conséquence la société General Motors France à payer à M. et Mme Bertrand la somme de 11 000 euros au titre de la restitution du prix de vente, le véhicule étant repris par la société General Motors France.

Aux termes de l'article 1645 du Code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

En l'espèce, il n'est pas discutable que la société General Motors France, professionnelle, connaissait les vices du véhicule vendu.

M. et Mme Bertrand sollicitent l'infirmation du jugement considérant que les sommes qui leur ont été allouées sont insuffisantes. Ils sollicitent au total une somme de 48 995 euros.

Cependant, et comme l'a judicieusement rappelé l'expert, l'utilisation d'un véhicule génère des frais d'entretien et M. et Mme Bertrand ne sauraient faire supporter à la société General Motors France des dépenses sans lien avec le vice caché. C'est ainsi que seuls peuvent être retenus comme constituant un préjudice directement consécutif au vice :

la remise en état de la distribution avec le remplacement de la pompe à huile pour un coût de 1 088,69 euros, intervention qualifiée par l'expert de préalable nécessaire à la poursuite du diagnostic ;

les frais de parcage extérieur et prise en charge, soit un coût de 49,86 euros ;

les frais de gardiennage depuis le 1er août 2008 jusqu'au 31 mars 2010, soit deux mois après le dépôt du rapport d'expertise, pour un coût de 6 362 euros, M. et Mme Bertrand ne justifiant pas s'être trouvés dans l'impossibilité de faire rapatrier leur véhicule chez eux une fois l'expertise réalisée.

C'est donc une somme totale de 7 500,55 euros qui sera allouée à M. et Mme Bertrand qui seront déboutés du surplus de leur demande indemnitaire au titre du préjudice matériel.

Sur la réparation de la perte d'usage, les premiers juges l'ont évaluée à la somme de 8 147,20 euros et M. et Mme Bertrand sollicitent de ce chef la somme de 15 967,60 euros considérant que ce préjudice doit être réévalué au 4 avril 2014.

Cependant, la société General Motors France observe à juste titre que ce préjudice a pris fin le 22 février 2013, date à laquelle elle a réglé à M. et Mme Bertrand les condamnations mises à sa charge par le jugement entrepris.

En effet, M. et Mme Bertrand ne sauraient faire supporter à la société General Motors France la perte d'usage du véhicule postérieurement au jugement, car s'ils n'ont pas utilisé la somme qui leur était allouée pour se procurer un nouveau véhicule ou faire réparer le leur, cette situation résulte de leur propre choix et n'est donc pas une conséquence du vice caché.

Au titre de la perte d'usage, la somme allouée par le tribunal apparaît donc adaptée.

M. et Mme Bertrand ne justifient pas avoir subi un préjudice moral, ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a accordé à M. et Mme Bertrand une somme de 8 147,20 euros au titre de la perte d'usage du véhicule et les a déboutés de leur demande au titre d'un préjudice moral.

Il le sera également s'agissant du sort des frais irrépétibles et des dépens.

La société General Motors France, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et versera à M. et Mme Bertrand une indemnité de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. et Mme Bertrand de leur demande de résolution de la vente et a condamné la société General Motors France à payer à M. et Mme Bertrand une somme de 9 181,89 euros en réparation de leur préjudice matériel et le confirme pour le surplus, Statuant à nouveau des chefs infirmés, Prononce la résolution de la vente à M. et Mme Bertrand du véhicule Opel de type Meriva, Condamne la société General Motors France à payer à M. et Mme Bertrand la somme de 11 000 euros en remboursement du prix de vente et dit que la société General Motors France devra reprendre, à ses frais, le véhicule, Condamne la société General Motors France à payer à M. et Mme Bertrand la somme de 7 500,55 euros en réparation de leur préjudice matériel, Y ajoutant : Condamne la société General Motors France aux dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société General Motors France à payer à M. et Mme Bertrand la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.