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Décisions

Cass. soc., 9 juillet 2014, n° 13-11.756

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Maschietto

Défendeur :

Würth France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Goasguen

Rapporteur :

Mme Mariette

Avocat général :

M. Liffran

Avocats :

SCP de Nervo, Poupet, SCP Lyon-Caen, Thiriez

Toulouse, 4e ch. sect. 2, du 7 déc. 2012

7 décembre 2012

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 7 décembre 2012), que M. Maschietto a été engagé, le 8 septembre 1997, par la société Würth France en qualité de VRP exclusif au sein de la division Métal ; que promu chef de région à compter du 1er février 1999, il a signé, le 31 mars suivant, un nouveau contrat de travail stipulant que sa rémunération "se compose pour partie d'un fixe et d'une partie variable. Le barème du fixe et du variable est déterminé annuellement par la société. En l'état il fait l'objet de l'annexe 1 du présent contrat" ; que, par lettre du 23 janvier 2007, l'employeur a informé le salarié que, dans le but de valoriser les performances mensuelles, il avait été décidé que les primes variables Chiffres d'Affaires et Marges seraient désormais liées "à la réalisation des plans mensuels (et non plus cumul) de chiffres d'affaires et de marge brute de la région comme c'est déjà le cas dans les autres divisions de Würth France" ; que, par lettre du 7 juillet 2008, le salarié a démissionné en reprochant à son employeur la modification unilatérale de son contrat de travail, le défaut de paiement d'éléments de salaires, et l'opacité dans le calcul de sa rémunération variable ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur le premier moyen : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture produisait les effets d'une démission et de le débouter de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen : 1°) que l'article 5-1 du contrat de travail du salarié prévoit "Rémunération" : La rémunération du chef de région se compose pour partie d'un fixe et d'une partie variable ; le barème du fixe et du variable est déterminé annuellement par la société ; en l'état il fait l'objet de l'annexe 1 du présent contrat " que la cour d'appel a énoncé que si le contrat de travail prévoyait le principe de la partie variable et renvoyait à une annexe qui déterminait la base de calcul de cette partie variable pour 1999 (en fonction du chiffre d'affaires mensuel de la région et du plan de marge cumul de la région), il laissait aussi la possibilité à l'employeur de déterminer chaque année le barème du variable et de modifier la base de calcul alors que le contrat prévoyait que seul le barème était déterminé annuellement ; qu'elle a dénaturé le contrat de travail et violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) qu'une clause du contrat de travail ne peut permettre à l'employeur de modifier unilatéralement la rémunération variable du salarié selon des éléments dépendant de la seule volonté de l'employeur ; que la cour d'appel, qui a considéré que le contrat de travail laissait la possibilité à l'employeur de déterminer chaque année le barème du variable et de modifier la base de calcul et qui en a déduit que la société Wurth avait ainsi à bon droit modifié le barème et la base de calcul de la rémunération variable sans recueillir l'accord du salarié, a violé l'article 1134 du Code civil l'article L. 1221-1 du Code du travail ; 3°) que lorsque le salarié démissionne en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte ; que la prise d'acte entraîne la rupture immédiate du contrat de travail, si bien que pour apprécier la gravité des griefs imputés à l'employeur, les juges ne peuvent tenir compte d'éléments postérieurs à la prise d'acte ; que la cour d'appel, qui a énoncé que le manquement de l'employeur qui n'avait pas réglé la totalité de la prime "PAP" n'était pas suffisamment grave dès lors qu'il avait régularisé et procédé au versement du solde lors de la paie de juillet 2008, après démission du salarié intervenue le 7 juillet 2008, s'est fondée sur le comportement de l'employeur postérieur à la rupture et n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil et de l'article L. 1221-1 du Code du travail ; 4°) que l'employeur a l'obligation de verser au salarié la totalité de sa rémunération sans que le salarié soit tenu de faire une réclamation ; que l'absence de versement de la totalité des primes prévues au contrat justifie la prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur ; qu'en énonçant que le manquement de l'employeur qui n'avait pas réglé la totalité de la prime "PAP" n'était pas suffisamment grave pour justifier la prise d'acte de la rupture au motif que le salarié n'avait pas fait de réclamation préalable, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil et l'article L. 1221-1 du Code du travail ; 5°) que l'employeur a l'obligation de faire en sorte que le salarié puisse vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail sans avoir à demander des explications à l'employeur ; qu'en décidant que l'absence de précision sur les modalités de calcul des sommes qui lui étaient versées à titre de régularisation effectuées sans explication de la part de l'employeur, ne constituait pas un motif de nature à justifier une prise d'acte de rupture du contrat de travail sous prétexte que le salarié n'avait pas demandé d'explication pendant la période contractuelle, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil et l'article L. 1221-1 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que le salarié, qui n'a jamais soutenu devant la cour d'appel que la clause de son contrat de travail serait nulle en ce qu'elle permettait à l'employeur de modifier unilatéralement la rémunération selon des éléments dépendant de sa seule volonté mais a, au contraire, sollicité devant les juges du fond l'application de la clause litigieuse, n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel n'a fait qu'appliquer, sans la dénaturer, la clause du contrat de travail qui prévoyait que le barème du fixe et du variable est déterminé annuellement par la société, ce dont il résultait que les modalités de calcul de la rémunération variable étaient fixées unilatéralement par l'employeur ;

Attendu, enfin, que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; que la cour d'appel, qui a fait ressortir que le défaut de paiement de la prime PAP et l'absence d'information du salarié sur les modalités de calcul des sommes versées au titre de la rémunération variable n'avaient pas empêché la poursuite du contrat de travail, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la société l'avait délié de la clause de non-concurrence par courrier du 7 août 2008 et de l'avoir en conséquence débouté de ses demandes à ce titre, alors, selon le moyen : 1°) que la contradiction entre les motifs et le dispositif d'un jugement ou d'un arrêt équivaut à une absence de motifs ; que la cour d'appel a énoncé dans ses motifs que par lettre RAR du 23 juillet 2008, la SA Wurth France avait valablement délié M. Maschietto de la clause de non-concurrence dans un délai de 15 jours ; que dans son dispositif, la cour d'appel, confirmant le jugement déféré, a dit et jugé que la société Wurth France avait délié M. Maschietto de la clause de non-concurrence par courrier du 7 août 2008 ; qu'elle a entaché sa décision de contradiction de motifs et violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que la renonciation de l'employeur à se prévaloir de la clause de non-concurrence prévue dans un contrat de travail doit résulter d'une manifestation claire et non équivoque ; que la seule mention dans une lettre de convocation à un entretien suite à une démission : "si vous entendez maintenir votre démission, nous vous délierons de l'exécution de votre clause de non-concurrence" ne constitue pas la manifestation claire et non équivoque de l'employeur de renoncer aux effets de cette clause ; qu'en décidant, le contraire la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du Code du travail et l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que sous le couvert de grief non fondé de contradiction de motifs, le moyen ne tend qu'à contester la portée exacte de la confirmation du jugement en ce qu'il concerne le rejet de la demande en paiement d'une indemnité au titre de la clause de non-concurrence ;

Attendu, ensuite, que contrairement aux énonciations du moyen, la cour d'appel, interprétant la lettre du 23 juillet 2008, a estimé que dès cette date, soit dans le délai de 15 jours l'employeur avait valablement délié le salarié de son obligation de non-concurrence ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.