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Décisions

ADLC, 27 juin 2014, n° 14-DCC-91

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif par ACE Management d'activités de tests de systèmes électroniques embarqués pour l'aéronautique d'Airbus Group

ADLC n° 14-DCC-91

27 juin 2014

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet à l'Autorité de la concurrence le 23 mai 2014, relatif à la prise de contrôle exclusif par la société ACE Management des sociétés Cassidian Test & Services SAS et RIG Limited, ainsi que des activités tests et services exercées par EADS Deutschland GmbH, formalisée par la signature d'un protocole d'acquisition en date du 11 juin 2014 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

A. LES ENTREPRISES CONCERNÉES ET L'OPÉRATION

1. ACE Management est une société anonyme à directoire et conseil de surveillance indépendante, qui accomplit les fonctions de société de gestion de fonds d'investissement dans le domaine de l'aéronautique et de la défense. Elle gère notamment à titre exclusif le fonds commun de placement à risques (" FCPR ") Aerofund III, qui a pour mission de participer financièrement à la consolidation des entreprises de la filière aéronautique, et le FCPR Financière de Brienne, qui a vocation à financer les entreprises de croissance du secteur de la défense.

2. Les cibles sont la société française Cassidian Test & Services SAS, la société anglaise RIG Limited ainsi que les activités tests et services exercées en Allemagne par EADS Deutschland GmbH (ci-après " les actifs cédés "). Les actifs cédés sont contrôlés indirectement exclusivement par Airbus Group NV, société de tête d'Airbus Group. Les actifs cédés sont spécialisés dans la conception, l'assemblage, la vente et le support de bancs de test et de maintenance d'équipements électroniques embraqués pour l'aéronautique. Le produit phare des actifs cédés est " ATEC " (Automated Test Equipment Complex), un produit de test automatique modulable pour l'avionique, permettant de s'adapter aux différentes demandes des clients.

3. L'opération consiste en l'acquisition du contrôle exclusif par ACE Management des actifs cédés, par le biais de la société Test & Mesures créée à cet effet. Les activités tests et services exercées actuellement par la société de droit allemand EADS Deutschland GmbH seront préalablement filialisées au sein d'une société de droit allemand en cours de création, dont le capital sera acquis en deux temps par ACE Management (74,9 % puis 100 %). L'accord des parties est formalisé par un protocole d'acquisition en date du 11 juin 2014.

4. Au sein de la société Test & Mesures, les FCPR Aerofund III et Financière de Brienne disposeront d'une participation de 49,7 % en capital et en droit de vote, conférant à ACE Management un droit de véto sur des décisions essentielles. Les autres actionnaires de la société Test & Mesures seront Cassidian SAS (à hauteur de 33,5 %), filiale d'Airbus Group contrôlant la société Cassidian Test & Services SAS avant l'opération, l'IRDI (14,4 %), dont l'actionnariat est composé de grands acteurs institutionnels français (notamment Régions Midi-Pyrénées et Aquitaine, BPI France, Caisse d'Epargne et Banque Populaire), et le management (2,4 %).

5. La société Test & Mesures sera composée d'un directoire et d'un comité de suivi. Le directoire sera constitué de membres nommés à la majorité simple par le comité de suivi sur proposition du président du directoire. Ils pourront être révoqués ad nutum, ACE Management disposant d'un droit de veto sur la nomination et la révocation des mandataires sociaux dont les membres du directoire. Le comité de suivi sera pour sa part composé de cinq ou six membres, dont deux membres désignés par ACE Management, un membre désigné par l'IRDI et un membre désigné par Cassidian SAS. Le(s) membre(s) restant(s), au nombre de un ou deux, parmi lesquels le président du conseil de suivi, sera(ont) choisi(s) conjointement par ACE Management et l'IRDI, ACE Management étant décisionnaire en cas de désaccord. ACE Management sera donc en mesure de désigner la majorité des membres du comité de suivi. En outre, ACE Management bénéficiera d'un droit de veto sur les décisions stratégiques : l'approbation ou la modification du budget annuel ; l'engagement de toute dépense d'investissement, d'achat d'immobilisation ou d'actifs ; l'acquisition, la création ou le transfert de toute filiale ; la création de toute nouvelle activité ou la cessation de toute activité.

6. Pour sa part, Cassidian SAS disposera également de droits de veto sur certaines décisions de la société Test & Mesures, qui correspondent à ceux normalement consentis aux actionnaires minoritaires afin de protéger leurs intérêts financiers en tant qu'investisseurs dans l'entreprise commune et ne sont donc pas de nature à lui conférer une influence déterminante. Il résulte de ce qui précède qu'ACE Management aura seule la capacité de bloquer les décisions stratégiques de la société Test & Mesures et de ses filiales à l'issue de l'opération.

7. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif par ACE Management des actifs cédés, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce.

8. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxe sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (ACE Management : [...] millions d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2013 ; Actifs cédés : [...] millions d'euros pour le même exercice). Chacune des entreprises concernées réalise un chiffre d'affaires en France supérieur à 50 millions d'euros (ACE Management : [...] millions d'euros pour l'exercice clos au 3 décembre 2013 ; Actifs cédés : [...] millions d'euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension européenne. En revanche, les seuils de contrôle de l'article L. 430-3 du code de commerce sont franchis. La concentration est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Définition des marchés pertinents

A. MARCHÉ DE PRODUITS

9. Les actifs cédés et trois sociétés contrôlées par ACE Management interviennent simultanément dans le secteur du test des équipements à destination de l'industrie aéronautique.

10. En l'absence de pratique décisionnelle spécifique à ce secteur d'activité, la partie notifiante estime que le marché concerné par l'opération est celui du test pour les équipements électroniques embarqués de l'industrie aéronautique, qui comprend à la fois les produits de test et les services associés aux testeurs (support des produits services d'ingénierie électronique, logicielle et informatique, et gestion de l'obsolescence).

11. En effet, le secteur des tests d'équipements destinés à l'aéronautique se divise, selon la partie notifiante, en deux marchés distincts : le marché du test électronique d'une part, et le marché du test mécanique d'autre part. Le test électronique concerne spécifiquement l'avionique, qui inclut l'ensemble des équipements électroniques embarqués utilisés pour la navigation, les communications et l'évaluation des conditions de vol (communication, guidage, etc.), tandis que le test mécanique concerne les moteurs et équipements hydrauliques de puissance et, partant, est lié à la construction mécanique et à la mécanique des fluides. Les concurrents ayant répondu au test de marché confirment la pertinence de cette segmentation. En l'espèce, il n'y a cependant pas lieu de trancher la question, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit la segmentation retenue.

12. Par ailleurs, dans le secteur aéronautique, la pratique décisionnelle distingue pour certains marchés de composants le secteur civil et le secteur militaire (1), et segmente au sein du secteur civil (2) entre la fourniture de produits avioniques pour les avions commerciaux de grande capacité et celle pour les avions de transport régional et d'affaire. La partie notifiante ainsi que les répondants au test de marché considèrent que ces segmentations de marché ne sont pas transposables au marché du test des équipements avioniques, dans la mesure où la nature des tests serait similaire dans l'industrie civile et militaire, et selon le type d'appareils. En tout état de cause, il n'est pas nécessaire de trancher définitivement la question à l'occasion du cas d'espèce, car les conclusions de l'analyse sont inchangées quelle que soit la segmentation retenue.

13. La pratique décisionnelle a également envisagé une sous-segmentation plus fine de ces produits avioniques, selon les différents types d'équipements (3). La question d'une sous-segmentation éventuelle en fonction du type de produits avioniques testé peut être laissée ouverte en l'espèce, dans la mesure où, les parties n'étant pas présentes sur la commercialisation des mêmes produits, l'analyse concurrentielle ne sera pas modifiée.

B. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

14. La pratique décisionnelle nationale et européenne (4) considère généralement que les marchés de la production de pièces mécaniques ou de divers composants destinés aux constructeurs de l'automobile ou de l'aéronautique sont de dimension au moins européenne, voire mondiale. En ce qui concerne spécifiquement le marché des produits avioniques, qui font l'objet des tests électroniques pratiqués par les parties, la Commission européenne a déjà eu l'occasion de définir un marché pertinent de dimension mondiale (5).

15. La partie notifiante considère que la délimitation géographique du marché des produits avioniques est transposable au marché du test de ces équipements. Elle précise par ailleurs que la cible commercialise ses produits de test dans de nombreux pays à travers le monde, et ajoute que ses principaux concurrents et la plupart de ses clients interviennent également au niveau mondial. L'ensemble des répondants au test de marché confirme la pertinence d'une définition d'un marché mondial.

16. Néanmoins, dans le secteur militaire, lorsqu'un fournisseur est présent dans un Etat, la Commission a pu considérer que le marché géographique pouvait être de dimension nationale, dans la mesure où, pour des raisons stratégiques, l'armée concernée peut souhaiter s'approvisionner de préférence auprès de ses fournisseurs nationaux (6).

17. Au cas d'espèce, il n'y a pas lieu de conclure quant à la définition exacte des marchés géographiques dans la mesure où, en l'absence de tout problème concurrentiel, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

III. Analyse concurrentielle

18. Dans le secteur des tests d'équipements à destination de l'industrie aéronautique, la cible ne commercialise pas de tests mécaniques, et l'opération ne crée donc pas de chevauchements d'activité sur ce marché. Par ailleurs, la nouvelle entité détiendra une part de marché inférieure à 25 % sur un éventuel marché global qui inclurait les tests électroniques et mécaniques, tant au niveau mondial qu'au niveau européen. L'opération n'est donc pas susceptible d'engendrer des problèmes concurrentiels que ce soit sur un marché des tests mécaniques d'équipements aéronautiques, ou sur un marché global regroupant les tests mécaniques et électroniques de ces équipements.

19. Sur le marché des tests électroniques pour l'aéronautique, les parties cumulent une part de marché de [5-10] % au niveau mondial, avec un incrément très faible de [0-5] %, et une part de marché de [20-30] % au niveau européen (incrément de [0-5] %). En distinguant les secteurs civils et militaires, la part de marché cumulée des parties demeure inférieure à [20-30] % quelle que soit la délimitation géographique du marché retenue.

20. Au sein de l'industrie aéronautique civile, la cible ne commercialise pas de tests pour les avions de transport régional et d'affaires. Sur un marché des tests électroniques des avions commerciaux de grande capacité, la part de marché des parties demeurerait en tout état de cause inférieure à [20-30] % selon l'estimation des parties, avec un incrément inférieur à [0-5] %.

21. Enfin, la seule société contrôlée par ACE Management active dans le secteur du test électronique pour l'industrie aéronautique est la société Arelis, qui est spécialisée dans le test des équipements de radiofréquence et hyperfréquence. Or la cible propose des solutions de test pour un grand nombre d'équipements électroniques embarqués dans le secteur de l'aéronautique, mais n'exerce pas d'activité de test des équipements de radiofréquence et hyperfréquence. L'opération ne crée donc pas de chevauchement d'activité sur des sous-segmentations de marché en fonction du type d'équipements.

22. Par conséquent, au regard de la part de marché modérée de la nouvelle entité à l'issue de l'opération, et de l'incrément marginal de part de marché engendré par l'opération, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 14-087 est autorisée.

Notes :

1 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne n°COMP/M.1601 AlliedSignal/Honeywell du 1er décembre 1999 et n° COMP/M.2021 Snecma/Labinal du 25 août 2000.

2 Voir les décisions de la Commission n° COMP/M.2220 General Electric/Honeywell du 3 juillet 2001 et n° COMP/M.5426 Dassault Aviation/TSA/Thales du 10 mars 2009.

3 Voir la décision de la Commission n° COMP/M.5426 précitée.

4 Voir par exemple les décisions de la Commission n° IV/M.1283 Volkswagen/Rolls-Royce/Cosworth relative aux moteurs automobiles, et n° COMP/M.2168 Snecma-Hurel-Dubois du 14 novembre 2000 relative aux systèmes nacelles des avions.

5 Voir la décision de la Commission n° COMP/M.5426 précitée.

6 Voir notamment la décision de la Commission n° IV/M.1493 United Technologies/Sundstrand du 25 mai 1999.