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Décisions

CA Montpellier, 5e ch. A, 3 juillet 2014, n° 13-08271

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Saunière Monblason (SAS)

Défendeur :

Amos

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vernudachi

Conseillers :

Mmes Conte, Gregori

Avocats :

Cabinet Lexcase, Mes Céleste, Garrigue

T. com. Carcassonne, prés., du 30 oct. 2…

30 octobre 2013

Faits :

La société Saunière Monblason, enregistrée à l'OHMI depuis le 2 mai 2002, conçoit et fabrique depuis 1906 sous le nom commercial de "Monblason" des articles de marquage sur textiles et autres supports, notamment à destination des clubs de sport tels PSG et Olympique de Marseille. Elle fabrique également des adhésifs et commercialise ses produits sur un site Internet.

S'estimant victime d'une concurrence déloyale de la part d'une société Mon-Blason qui vendrait des adhésifs avec logos et emblèmes de club sportif sur Internet, la société Saunière Monblason mettait en demeure M. Amos gérant de la société concurrente de cesser d'utiliser l'appellation "Mon-Blason" en l'état de la confusion créée dans l'esprit de la clientèle sur des produits similaires et concurrents en se servant de la notoriété de Monblason.

En raison du refus de la société Mon-Blason de cesser son activité, la société Monblason a saisi le juge des référés du Tribunal de commerce de Carcassonne sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil pour faire cesser le trouble manifestement illicite aux agissements parasitaires et déloyaux de M. Amos.

Par ordonnance rendue le 30 octobre 2013 le président du Tribunal de commerce de Carcassonne a fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par M. Amos et, vu l'article 42 du code de procédure civile, s'est déclaré incompétent au profit de M. le président du Tribunal de commerce de Grenoble (38) et réservé tous autres droits et demandes des parties.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 14 novembre 2013 par la société Saunière Monblason qui, dans ses conclusions transmises par voie électronique le 17 avril 2014, demande à la cour de :

- Réformer l'ordonnance entreprise,

- Juger que le juge des référés du Tribunal de commerce de Carcassonne est compétent pour statuer sur le présent litige,

- Condamner M. Olivier Amos à cesser l'utilisation du nom de domaine "Mon-Blason.fr" sous astreinte de 500 euro par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir,

- Condamner M. Olivier Amos à payer la somme provisionnelle de 15 000 euro à a Société SAS Monblason à valoir sur la réparation de son préjudice né de la concurrence déloyale,

- Débouter M. Olivier Amos de toutes ses demandes fins et conclusions,

- Condamner M. Olivier Amos au paiement de la somme de 5 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses conclusions transmises le 28 mars 2014 par voie électronique, M. Olivier Amos demande de :

- Constater que l'action en référé n'a aucun fondement délictuel et que les dispositions de l'article 46 du Code de procédure civile ne peuvent s'appliquer en l'espèce,

- Constater que seul le président du tribunal de commerce du domicile du défendeur est compétent pour statuer,

- Confirmer en tous points l'ordonnance,

A titre subsidiaire, pour le cas où la compétence du juge des référés du Tribunal de commerce de Carcassonne serait retenue,

- Constater que la société Léon Saunière a adopté la dénomination sociale Monblason au mois de mars 2013,

- Constater que la société Léon Saunière ne rapporte pas la preuve de l'utilisation du nom commercial Monblason dont elle allègue depuis la création de la société,

- Constater que M. Olivier Amos exploite le nom de domaine www.monblason.fr depuis le mois de janvier 2011,

- Constater que la société Léon Saunière et M. Amos ne sont pas en situation de concurrence,

- Constater que la dénomination Monblason ne dispose d'aucune notoriété susceptible de lui conférer une protection au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

- Constater qu'il n'existe aucune confusion possible entre la société Léon Saunière devenue Saunière Monblason et le site Internet exploité par M. Olivier Amos,

- Constater que la protection des droits de propriété intellectuelle de la marque Monblason relève de la compétence exclusive du tribunal de grande instance,

- Constater que l'octroi d'une provision sur dommages-intérêts échappe à la cour statuant sur appel d'une ordonnance de référé en l'absence de preuve d'un préjudice, et priverait en tout état de cause M. Amos du double degré de juridiction,

En conséquence,

- Juger abusive l'action de la société Léon Saunière devenue Monblason,

- Débouter la société Léon Saunière devenue Monblason de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause,

- Condamner la société Léon Saunière devenue Monblason à verser à M Olivier Amos la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la même société aux entiers dépens distraits au profit de Me Yves Garrigue, avocat au barreau de Montpellier, sur son affirmation de droit.

M. Amos, dont le site en ligne www.mon-blason.fr est mis en cause par la société Saunière Monblason notamment pour concurrence déloyale, conclut au rejet en faisant valoir en premier lieu qu'il emploie cette dénomination Mon-Blason depuis le mois de janvier 2011 soit bien avant le changement de dénomination sociale de la société Saunière en Monblason effective à compter de mars 2013 et en second lieu qu'aucune confusion entre les activités n'est possible puisque M. Amos commercialise des stickers autocollants aux couleurs des blasons régionaux, destinés aux plaques d'immatriculation alors que la société Léon Saunière a une activité de transfert sur textile; il indique que priver M. Amos de son nom de domaine reviendrait à le priver de son activité.

M. Amos soutient qu'avec une dénomination sociale Monblason créée depuis mars 2013 seulement la société Monblason ne jouit nullement d'une notoriété de nature à lui conférer des droits privatifs autres que ceux liés à la propriété intellectuelle et que, même au titre du droit des marques - qui ne relève pas de la compétence du juge des référés - le caractère générique de la marque Monblason exclut toute protection particulière, et ce, d'autant plus qu'en l'espèce M. Amos et la société Léon Saunière interviennent dans des secteurs d'activités distincts, de sorte qu'aucune confusion n'est possible.

Pour une plus ample connaissance des faits, il convient de se référer expressément à ceux exposés dans la décision entreprise et, pour les moyens des parties en appel, à leurs conclusions.

SUR CE

Sur la compétence du juge des référés du Tribunal de commerce de Carcassonne :

L'article 46 du Code de procédure civile qui dispose que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière délictuelle la juridiction du lieu du fait dommageable.

En l'espèce le fait dommageable est subi sur l'ensemble du territoire national en raison de la diffusion sur Internet de messages afférents aux objets fabriqués. Le fondement de l'action est délictuel. Dès lors que, en vertu du choix que lui offre l'article 46 du Code de procédure civile, le demandeur la société Monblason peut choisir la juridiction de Carcassonne où le dommageable est nécessairement subi d'autant que la société Monblason y a son siège social.

Il convient d'infirmer la décision critiquée et de retenir la compétence territoriale du juge des référés du Tribunal de commerce de Carcassonne.

Sur le fond du référé :

La cour d'appel ayant statué sur la compétence et retenu celle du juge des référés de Carcassonne, il convient en application de l'article 568 du Code de procédure civile d'évoquer afin de donner une réponse à la demande formulée par la société Monblason.

"L'enregistrement du nom Mon-Blason et l'utilisation du site Internet www.mon-blason.fr constitue-t-il une concurrence ou un agissement parasitaire de nature à créer un trouble illicite pour la société Saunière Monblason"

"La marque Monblason dispose-t-elle d'une notoriété telle qu'elle puisse être protégée contre les agissements parasitaires"

Il apparaît, d'après la pièce n° 10 qui est la reproduction d'une brochure documentaire éditée en 1956 (année du cinquantenaire des établissements Léon Saunière) avec des caractères d'imprimerie anciens correspondants aux années 1950-1960, que le sigle commercial de la société Saunière était Monblason et donc qu'elle possédait l'antériorité à Mon-Blason.

Cette brochure établit par ailleurs que la société Saunière (Monblason) produisait des fanions, des blasons, des décalcomanies, des casquettes, des casques motos, des écussons sportifs, des dossards pour cyclisme athlétisme football rugby ski et moto, des brassards, des serre-têtes de rugby, et en exclusivité un personnage "Mlle Prudence" mascotte pouvant se présenter sous diverses formes fanions, décalcomanies et fétiches pour motos, cycles, scooters et autos.

Cependant la société Saunière Monblason, spécialiste de la sérigraphie et du transfert sur textile et cuir n'établit pas avec évidence et certitude que l'activité de M. Amos soit concurrentielle à la sienne puisque M. Amos produit des autocollants représentant des blasons régionaux destinés à être apposés sur des plaques d'immatriculation de véhicules.

Dès lors qu'un doute existe sur la nature identique des activités exercées le juge des référés, ne peut dans le cadre de ses compétences, juger qu'il existe une situation de concurrence déloyale ou une pratique commerciale trompeuse susceptible de créer pour la société Monblason un trouble manifestement illicite.

En conséquence, la demande de la société Saunière Monblason visant à faire cesser l'utilisation du nom du domaine "Mon-blason.fr" sous astreinte sera rejetée de même que la demande d'indemnité provisionnelle de 15 000 euro pour les mêmes raisons, le juge du fond pouvant seul apprécier la situation.

Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, l'équité commande de rejeter les demandes des parties sur ce point.

Les dépens seront à la charge de la société Saunière Monblason.

Par ces motifs LA COUR, Infirme l'ordonnance de référé rendue le 30 octobre 2013 par le juge des référés du Tribunal de commerce de Carcassonne, Dit que le juge des référés du Tribunal de commerce de Carcassonne est territorialement compétent, Evoquant, Dit n'y avoir lieu à référé, Rejette les demandes de la société Saunière Monblason tendant à voir cesser l'utilisation illicite du nom de domaine "Mon-Blason.fr" sous astreinte et à obtenir une provision, Rejette les demandes des deux parties présentées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Saunière Monblason aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Yves Garrigue, avocat au barreau de Montpellier, sur son affirmation de droit.