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Décisions

ADLC, 27 février 2014, n° 14-A-05

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Avis

Relatif au fonctionnement concurrentiel du marché du transport interrégional régulier par autocar

ADLC n° 14-A-05

27 février 2014

L'Autorité de la concurrence (section I A),

Vu la décision n° 13-SOA-02 du 26 février 2013 enregistrée sous le numéro 13-0013A par laquelle l'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office d'un avis relatif au fonctionnement concurrentiel du marché du transport interrégional régulier par autocar; Vu les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence et notamment son article L. 462-4; Vu les autres pièces du dossier; Vu le document de consultation publique publié par l'Autorité de la concurrence le 13 novembre 2013; Vu les contributions reçues jusqu'au 24 décembre 2013; Vu le courrier de l'Association des régions de France (ARF) du 6 janvier 2014; Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance du 22 janvier 2014; Les représentants de l'établissement public industriel et commercial SNCF, des sociétés SNCF-C6 et VT Eurolines, de l'association REUNIR, de la fédération nationale des transports de voyageurs, du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 463-7 du code de commerce; Adopte l'avis suivant :

INTRODUCTION

1. L'Autorité de la concurrence s'est saisie d'office pour avis le 26 février 2013 en vue d'examiner le secteur du transport collectif de personnes, plus précisément le marché français du transport interrégional régulier par autocar. Cette procédure d'avis s'inscrit dans une démarche d'analyse du fonctionnement concurrentiel du marché concerné. L'Autorité de la concurrence s'est ainsi donné pour objectif d'évaluer les conditions de la concurrence sur le marché naissant des services d'autocar "interrégionaux" ou "longue distance", ainsi que la façon dont ce marché pourrait être davantage ouvert, au bénéfice des consommateurs.

2. Dans le cadre de l'instruction de la saisine, les rapporteurs ont entendu ou reçu des contributions des parties prenantes suivantes:

- des représentants des bureaux traitant du transport routier au sein de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère du développement durable, qui instruit et délivre les autorisations de dessertes intérieures en cabotage;

- des conseillers techniques de la Région Pays de la Loire et de l'Association des régions de France (ARF);

- la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT), fédérant des associations d'usagers de transports;

- la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), représentant les intérêts des autocaristes;

- le Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF);

- les transporteurs Eurolines (VT Eurolines), iDBUS (SNCF-C6), Les Courriers Rhodaniens et Stagecoach Group;

- le groupe SNCF (SNCF Voyages Développements au sein de la branche "Voyages" du groupe et SNCF Participations);

- le Groupement des autorités responsables de transports (GART);

- l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP);

- la société COMUTO (service de covoiturage "blablacar");

- les services techniques transports de la région Provence-Alpes-Côte- d'Azur.

3. La réflexion a également été enrichie par de nombreux rapports et documents publics, en particulier des rapports et données des organismes suivants : le Centre d'étude sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (CERTU), le Service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements (Sétra) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) du Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer. Enfin, un relevé d'horaires et de prix a été conduit concernant des services de transports par car et par train.

4. Un document de synthèse a été publié et mis en consultation publique du 13 novembre 2013 au 24 décembre 2013. Il a suscité dix contributions, de la part de la SNCF, iDBUS, Keolis, Eurolines, l'association Réunir, Stagecoach Group, Vinci, l'Union des transports publics (UTP), la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) et l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF). L'association des régions de France a par ailleurs fait part de remarques, plus tardivement.

5. Lors d'une séance tenue le 22 janvier 2014, l'Autorité a entendu plusieurs parties intéressées : l'établissement public industriel et commercial SNCF, les sociétés SNCF-C6 et VT Eurolines, l'association Réunir, la Fédération nationale des transports de voyageurs ainsi que des représentants du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

6. Dans ce contexte et à l'issue des travaux menés, le présent avis décrit les conditions actuelles de concurrence dans le secteur du transport longue distance par autocar (section 1). Il présente notamment la structure et les caractéristiques de l'offre, les volumes d'activité actuels et prévisionnels et les positionnements des différents groupes et entreprises. Il décrit les modalités d'accès au marché retenues par la France (régime d'autorisation préalable des dessertes intérieures en cabotage). Il se penche par ailleurs sur la question des gares routières de voyageurs et de leur cadre réglementaire.

7. L'avis analyse les effets possibles d'un développement accru du transport par autocar longue distance sur l'offre de transports proposée aux voyageurs (dessertes et façons de voyager), les prix ainsi que le pouvoir d'achat des consommateurs, l'emploi, les finances publiques et l'environnement (section 2). L'Autorité a notamment examiné la question de la substituabilité entre les services ferroviaires et routiers.

8. Malgré les gains substantiels pouvant être retirés d'une ouverture accrue, l'Autorité fait le constat de fortes barrières réglementaires au fonctionnement du marché du transport par autocar (section 3).

9. L'avis s'attache également à apprécier quels types d'avantages ou de comportements des acteurs du marché du transport longue distance par autocar pourraient venir perturber le jeu de la concurrence (section 4). En particulier, il examine les avantages liés au fait de proposer d'autres types de services ou de détenir des ressources stratégiques telles que les gares ferroviaires de voyageurs ou certaines informations à caractère stratégique. Enfin, l'avis examine les risques liés à la coopération entre opérateurs, notamment via des groupements d'entreprises.

10. À la suite de son analyse, et constatant que les services d'autocar sont plus complémentaires que concurrents des services ferroviaires, l'Autorité formule des recommandations, de court et de moyen terme, ayant pour objectif une ouverture plus large du marché du transport interrégional par autocar, dans l'intérêt des consommateurs, des opérateurs et des autorités publiques investies dans l'organisation des services de transports (section 5). Elle propose notamment des mesures pour clarifier le cadre réglementaire applicable aux autorisations d'entrée sur le marché et aux gares routières, pour faciliter l'accès des opérateurs et des pouvoirs publics à des informations nécessaires au fonctionnement efficace de ce marché et pour mettre en place, à terme, une autorité administrative indépendante multimodale pour en assurer la régulation.

SECTION 1. LE SECTEUR DU TRANSPORT REGULIER LONGUE DISTANCE PAR AUTOCAR

11. Jusqu'en 2011, les services non conventionnés de transport régulier interrégional par autocar étaient quasi-inexistants en France. Peu de données existent sur ce marché, le transport interurbain régulier par autocar n'étant pas distingué, statistiquement, du transport collectif urbain par autobus (1). Cependant, une analyse de la mobilité longue distance des Français réalisée à partir de l'enquête nationale "Transports et déplacements" de 2008 (2) fournit une première appréciation du poids de ce mode de transport. Cette étude indique que sur 358 millions de voyages longue distance (3) réalisés annuellement (y compris donc les voyages à l'international), 75,2 % étaient effectués en voiture, 17 % en train, 5,8 % en avion et 2 % en autocar, la part modale de l'autocar étant en net recul (elle était de 4,4 % en 1994). Une étude plus récente indique quant à elle une part modale du transport régulier longue distance par autocar en nombre de voyageurs/kilomètres de 1 % en 2011 (4)

12. Ce faible développement de lignes routières nationales peut sembler en décalage, d'une part, avec la qualité du réseau routier et autoroutier français, et, d'autre part, avec le fort développement du transport low cost dans le secteur aérien en particulier.

(5), mais aussi dans le secteur routier dans d'autres pays d'Europe (au Royaume-Uni, en Suède ou en Espagne notamment (6)

13. L'article 38 de la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires, pris en application du règlement (CE) n° 1073-2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l'accès au marché international des services de transport par autocars et autobus et prévoyant, dans ses articles 14 à 17, l'ouverture du marché européen du transport routier régulier de voyageurs au cabotage, marque la création d'un marché du transport interrégional par autocar en France. ).

14. Cette première section vise à présenter l'évolution du cadre réglementaire du transport régulier interrégional en France (I) et à décrire la structure actuelle du marché et les caractéristiques de ses acteurs (II).

I. Le cadre réglementaire du transport régulier interrégional par autocar en France

15. Cette première partie s'attachera tout d'abord à présenter la réglementation applicable aux différents services d'autocar (A). Elle décrira ensuite les offres "longue distance" ou interrégionales préexistantes à l'ouverture du cabotage (B), puis examinera le cadre applicable aux services de "cabotage" sur des lignes internationales (C) et les modalités d'obtention des autorisations administratives préalables que ce cadre requiert (D). Sera enfin présenté succinctement le cadre juridique applicable aux gares routières de voyageurs, structures et équipements indissociables des services de transports routiers, tout particulièrement pour le transport longue distance (E).

A. LA RÉGLEMENTATION APPLICABLE AUX SERVICES D'AUTOCAR

16. Les entreprises de transport régulier par autocar se voient appliquer une réglementation spécifique en matière de matériel roulant et de sécurité, de vitesses autorisées, de droits des voyageurs et de droit du travail. Ces règles sont pour la plupart issues de la réglementation européenne (7)

17. En termes de contraintes sur le matériel roulant et la sécurité,l'arrêté du 2 juillet 1982 relatif au transport en commun de personnes précise les notions d'"autobus" et d'"autocar" et leurs différentes catégories, qui tiennent aux conditions d'accueil intérieur des passagers et pour l'essentiel au fait qu'ils voyagent assis ou debout. Ainsi :

- les "autobus" sont des véhicules à moteur conçus et aménagés pour être exploités principalement en agglomération. Ils sont équipés de sièges et comportent des espaces destinés à des passagers debout. Ils sont agencés pour permettre les déplacements des passagers correspondant à des arrêts fréquents. Au sens des textes européens, ces véhicules sont dits "de classe I";

- les "autocars" sont des véhicules à moteur conçus et aménagés pour le transport en commun de personnes principalement assises. Au sens des textes européens, ces véhicules sont "de classe III", ou "de classe II" lorsqu'ils disposent de places destinées à des passagers debout.

18. Le code des transports, en conformité avec la réglementation européenne, conditionne l'exercice des activités de transport routier public de personnes à la détention d'une licence communautaire (ou d'une licence de transport intérieur pour les véhicules de moins de 10 passagers), établie au nom de l'entreprise et incessible (article L. 3411-1). Le décret n° 85-891 du 16 août 1985 modifié, relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains de personnes, fixe les conditions de la délivrance de ces titres : enregistrement par le préfet de région, qui vérifie le respect des exigences d'établissement, d'honorabilité professionnelle, de capacité financière et de capacité professionnelle.

19. Le code de la route impose diverses limitations de vitesse aux véhicules de transport en commun de personnes. Ainsi selon l'article R. 413-10 du code de la route, la vitesse des véhicules de transport en commun est limitée à 90 km/h hors agglomération. Cette vitesse maximale est relevée à 100 km/h sur autoroutes et voies rapides, sous certaines conditions; elle est abaissée à 70 km/h pour les autobus et les autocars en exploitation avec passagers debout.

20. La réglementation prévoit par ailleurs diverses obligations envers les voyageurs, en application du règlement (UE) n° 181-2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 concernant les droits des passagers dans le transport par autobus et autocar, et rapportées par la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports (article 19).

21. La réglementation impose ainsi, depuis le 1er mars 2013 (8)

- la fourniture d'une aide appropriée en cas d'annulation ou de retard de plus de 90 minutes pour un voyage de plus de trois heures (collation, repas, nuit d'hôtel, etc.); au bénéfice des voyageurs sur les services "longue distance" (définis par ce texte comme de plus de 250 km) :

- des garanties de remboursement, de réacheminement ou d'indemnisation en cas de surréservation, d'annulation ou de retard au départ;

- une information en cas d'annulation du service ou si son départ est retardé;

- une assistance spécifique gratuite pour les personnes handicapées et les personnes à mobilité réduite dans les stations et à bord des autobus et autocars.

22. D'autres droits sont prévus, applicables à tous les services :

- la non-discrimination en fonction de la nationalité (conditions contractuelles et tarifaires);

- le traitement non discriminatoire des personnes handicapées et à mobilité réduite;

- le droit à l'information;

- des mécanismes de traitement des plaintes.

23. Enfin, en matière sociale, les autocaristes sont astreints à un ensemble de règles concernant notamment la durée du travail, l'amplitude des journées de travail, les durées de conduite maximales et les différents repos des conducteurs (pauses, repos journaliers et hebdomadaires, règle "des 12 jours", etc.) (9).

B. LES SERVICES DE TRANSPORT INTERRÉGIONAUX PAR AUTOCAR EXISTANT AVANT 2011

24. Jusqu'en 2011, les seuls services interrégionaux de transport par autocar qu'il était possible d'exploiter en France étaient des services conventionnés par les autorités organisatrices de transport (ci-après "AOT").

25. Il pouvait s'agir de services :

- sur des liaisons interrégionales (au nombre de 128 en 2013) mises en place par des régions ou des départements en application des articles L. 3111-1 et L. 3111-2 du code des transports (hors liaisons TER et délégations de l'État). Certains de ces services interrégionaux sont organisés par une seule AOT, d'autres par plusieurs AOT de différents types, s'entendant pour conventionner, organiser ou autoriser ensemble le service ou certaines de ses dessertes;

- en substitution des trains TER desservant des régions limitrophes. Le code des transports prévoit alors que ces liaisons extrarégionales peuvent faire l'objet d'une convention entre les deux régions limitrophes (article L. 2121-6). Le rapport du CGEDD de 2010 (10) (fait notamment état du fait que ces liaisons extrarégionales sont "en règle générale gérés de manière pratique par une seule des deux régions";

- sur des lignes (au nombre de trois en 2013) dites "d'intérêt national" (article L. 3111-3), c'est-à-dire des liaisons pour lesquelles l'État est censé être autorité organisatrice mais pour lesquelles il a conclu des délégations au bénéfice d'autres AOT. Seules trois lignes de ce type existent (deux liaisons entre la région Picardie et l'aéroport de Roissy, et une liaison entre l'aéroport de Beauvais et la porte Maillot à Paris). Les seules lignes déclarées aujourd'hui d'intérêt national sont donc des lignes interrégionales entre la Picardie et l'Ile-de-France.

C. L'INTRODUCTION DU CABOTAGE SUR LIGNES INTERNATIONALES ROUTIÈRES EN 2011

26. Le transport international de voyageurs par autocar est ouvert en Europe depuis les années 1990, en application d'un ensemble de règlements européens (11)

27. Le règlement européen n° 1073-2009 du Parlement européen et du conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l'accès au marché international des services de transport par autocars et autobus a consolidé et amendé ce cadre. Il a surtout ajouté la possibilité pour les transporteurs européens de fournir des services dits "de cabotage", entendu comme la possibilité de réaliser un transport intérieur dans le cadre d'une liaison internationale régulière. Le règlement européen le définit de la manière suivante : "la prise en charge et la dépose de voyageurs dans un même État membre au cours d'un service régulier international, dans le respect des dispositions du présent règlement, pour autant que ladite prise en charge et dépose ne constitue pas l'objet principal de ce service" (article 2, "définitions").

28. La réglementation française a intégré cette évolution par l'article 38 de la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports. Cette disposition a été codifiée par la suite à l'article L. 3421-2 du code des transports. Elle ouvre donc depuis 2011 la possibilité aux autocars d'effectuer des transports de personnes entre deux points du territoire national dans le cadre de services internationaux réguliers.

29. Sur un plan procédural, les services nationaux de cabotage sont autorisés en deux temps. Les services internationaux dont ils sont l'accessoire font tout d'abord l'objet d'une première autorisation préalable. Aux termes des articles 6 à 8 du règlement 1073-2009 précité, les demandes d'autorisation sont introduites auprès de l'autorité compétente de l'État d'établissement (l'"autorité délivrante"), qui a pour charge de relayer la demande auprès des autorités compétentes des autres États membres, desservis ou traversés.

30. Les articles 6 à 8 du règlement prévoient que ces autorités ont un délai de deux mois pour donner leur accord ou émettre un refus motivé. Les motifs de refus possibles sont limitativement énumérés. L'absence de réponse vaut acceptation. La durée maximale de validité de l'autorisation est de cinq ans (mais elle peut être fixée à une période inférieure, soit à la demande du requérant, soit d'un commun accord par les autorités compétentes des États membres sur le territoire desquels les voyageurs sont pris en charge ou déposés). Cette procédure donne lieu, pour les transporteurs qui remplissent les conditions du règlement, à la délivrance d'une licence communautaire et d'une autorisation de transport régulier international de voyageurs, des documents dont l'obtention est un préalable aux demandes d'autorisation de cabotage national.

31. Les services de cabotage, ensuite, sont également encadrés par un système d'autorisation préalable, par les États membres desservis.

32. Concernant la France, l'article L. 3421-2 du code des transports précité prévoit ainsi:

"L'État peut autoriser, pour une durée déterminée, les entreprises de transport public routier de personnes à assurer des dessertes intérieures régulières d'intérêt national, à l'occasion d'un service régulier de transport routier international de voyageurs, à condition que l'objet principal de ce service soit le transport de voyageurs entre des arrêts situés dans des États différents.

L'État peut limiter ou, le cas échéant, interdire ces dessertes intérieures si la condition précitée n'est pas remplie ou si leur existence compromet l'équilibre économique d'un contrat de service public de transport de personnes. Il peut être saisi à cette fin par une collectivité intéressée.

Les dispositions du présent article sont applicables en région Ile-de-France.

Le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 3421-10 fixe les conditions d'application du présent article et notamment les conditions dans lesquelles les autorités organisatrices de transport concernées sont consultées."

33. De manière synthétique, le cabotage est donc autorisé sous réserve :

- que l'objet principal du service de transport soit le transport international de voyageurs entre différents États de l'Union européenne; autrement dit que les dessertes en cabotage soient "accessoires" par rapport au service international;

- que l'existence des dessertes régulières intérieures ne compromette pas l'équilibre économique d'un contrat de service public de transport de personnes. Ceci peut notamment concerner des services ferroviaires ou routiers conventionnés.

34. Le décret n° 85-891 du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains de personnes, tel que modifié par le décret n° 2010-1388 du 12 novembre 2010, précise notamment les critères d'évaluation du caractère accessoire des dessertes intérieures. Pour être autorisés, les services de cabotage doivent ainsi respecter les deux conditions cumulatives suivantes :

- entre deux arrêts quelconques du territoire national desservis par ce service, le nombre de voyageurs sur une desserte intérieure doit être inférieur à 50 % du nombre total de voyageurs transportés par ce service entre ces deux points (cette proportion étant appréciée sur une période d'un an);

- le chiffre d'affaires annuel du service provenant de l'ensemble des dessertes intérieures doit être inférieur à 50 % du chiffre d'affaires provenant du service de transport réalisé sur le territoire national.

35. De plus, les dessertes de cabotage routier doivent :

- concerner au moins deux régions, c'est-à-dire qu'il est interdit au transporteur de laisser monter et descendre des passagers nationaux entre deux arrêts au sein d'une même région;

- emprunter sur le territoire national, avec un même véhicule routier, le même itinéraire et les mêmes points d'arrêt que ceux des services réguliers internationaux auquel elles se rattachent (12)

36. L'article 31-4 de ce décret prévoit que les régions, les départements et le syndicat des transports d'Ile-de-France sont consultés par l'État, en leur qualité d'autorités organisatrices de transport de personnes, sur tout projet de desserte régulière routière intérieure d'intérêt national disposant d'arrêts situés dans leur ressort territorial. Ces autorités organisatrices disposent d'un délai de deux mois à compter de leur saisine pour "émettre un avis motivé sur l'impact éventuel de cette desserte sur l'équilibre économique d'un contrat de service public de transport de personnes existant ou en projet". L'absence d'avis dans ces délais vaut avis favorable.

37. L'article 31-5 prévoit notamment que l'État dispose d'un délai global de trois mois pour délivrer ou refuser d'accorder l'autorisation demandée.

38. Par ailleurs, l'article 31-3 prévoit la remise par l'exploitant d'un rapport annuel par ligne, en vue de pouvoir justifier dans la durée du caractère accessoire du cabotage.

39. Enfin, l'arrêté du 19 janvier 2011 précise diverses dispositions du décret précité, notamment le contenu et les formes des demandes d'autorisation, ainsi que les données requises aux fins du rapport annuel. Son article 4 prévoit notamment que l'autorisation est délivrée "pour une durée qui ne peut excéder celle restant à courir pour l'autorisation de transport régulier international de voyageurs à laquelle elle est rattachée".

40. Les procédures d'autorisation sont confiées à la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère des transports, qui délivre des autorisations de dessertes intérieures (ci-après "ADI") pour tout ou partie des origines-destinations horaires (ODH) demandées. La mise en œuvre pratique de ces textes par la DGITM sera détaillée ultérieurement.

D. LES MODALITÉS PRATIQUES DE LA DÉLIVRANCE PAR L'ÉTAT DES AUTORISATIONS DE DESSERTES INTÉRIEURES EN CABOTAGE

41. Les transporteurs voulant exploiter des dessertes intérieures en cabotage adressent un dossier au bureau de l'organisation des transports routiers de voyageurs "TR2", au sein de la sous-direction des transports routiers de la DGITM (ci-après le "service en charge de l'instruction des demandes" ou "instructeur"), contenant, en cinq exemplaires :

- la copie de documents attestant des qualités et autorisations préalables requises pour l'exercice de la profession et la fourniture de dessertes internationales (i.e. copie de la licence communautaire, cf. supra, §18, et de l'autorisation internationale);

- un formulaire identifiant le demandeur, et présentant, de manière normée (formulaire CERFA), la description des dessertes intérieures souhaitées, en précisant les fréquences et périodes d'exploitation, ainsi que la dimension d'aller-retour;

- un document explicitant le nombre de véhicules mobilisés;

- un document présentant le nombre de voyageurs estimés et les tarifs prévus pour chaque desserte intérieure, ainsi que le chiffre d'affaires prévisionnel, en distinguant la part relative aux dessertes intérieures et celles relatives au service international;

- un document explicitant l'organisation interne mise en place pour fournir le rapport annuel sur les données d'exploitation prévu par l'article 31-3 du décret du 16 août 1985 modifié.

42. À réception, le service instructeur ouvre un dossier de demande d'autorisation, identifié par un numéro d'ADI (exemple : ADI-2012-003). Il dresse la liste des AOT régionales et départementales concernées par les dessertes souhaitées.

43. Le service instructeur adresse, d'une part, à chacune de ces AOT un courrier portant demande d'avis. Il est accompagné d'une note résumant le cadre réglementaire précité et contient copie des documents constitutifs de la demande du transporteur, à l'exception du document relatif aux chiffres d'affaires et trafics prévisionnels. Il a pour objet de demander l'appréciation de l'AOT quant à l'impact des dessertes demandées sur les services existants ou en projet relevant de sa compétence, et d'obtenir de la part notamment :

- une estimation du trafic passager pouvant être affecté (notamment en nombre de voyageurs par an);

- une estimation des conséquences financières pour l'AOT;

- une estimation des conséquences sur les compensations prévues dans les contrats de services publics en vigueur;

- une cartographie des services publics existants ou en projet du ressort de l'AOT.

44. Le service instructeur sollicite, d'autre part, l'avis de la "Mission Autorité organisatrice des trains d'équilibre du territoire" (MAOT), autre service de la DGITM (sous-direction des transports ferroviaires et collectifs et des déplacements urbains (FCD) chargé de représenter l'État en tant qu'autorité organisatrice des lignes d'équilibre du territoire exploitées par la SNCF dans le cadre de son offre "Intercités" ("trains d'équilibre du territoire" ou "TET").

45. Le service instructeur reçoit par la suite les contributions des AOT. Chaque dossier d'ADI contient ainsi une fiche résumant l'ensemble de ces retours : existence ou non d'un avis, position générale de l'AOT par rapport aux dessertes la concernant.

46. Une fois les avis des différentes AOT obtenus, le service d'instruction opère plusieurs synthèses et retient ou refuse les autorisations demandées.

47. Le demandeur se voit par la suite adresser un courrier (signé pour la ministre et par délégation du directeur des services de transports), joignant l'autorisation de dessertes intérieures octroyée. Ce document présente les ODH autorisées et la durée de l'autorisation.

48. L'appréciation de cette procédure, par les acteurs qui en font l'objet notamment, est présentée ci-après (§264 et suivants).

E. LES GARES ROUTIÈRES DE VOYAGEURS

49. Les gares routières sont des éléments indissociables du service de transport, a fortiori pour des services longue distance. Seront successivement abordés des éléments de définitions (1), de compétences (2), et de modalités de gestion des gares routières de voyageurs (3).

1. UN RÉGIME JURIDIQUE ANCIEN

50. Les gares routières de voyageurs sont des infrastructures d'accueil et de correspondances pour les voyageurs employant des services de transports collectifs routiers. Des réseaux de diverses envergures peuvent y converger, généralement les services de transports urbains en bus, de transports interurbains et longue distance en autocar également. Il est possible de parler de pôle d'échange ou multimodal lorsque plusieurs modes sont intégrés ou proches, entre les modes routier, ferroviaire ou d'autres modes guidés comme les métros et tramways, ou des modes "doux" ou plus individuels, tel le vélo.

51. Les gares routières font l'objet d'un cadre réglementaire ancien. L'ordonnance du 24 octobre 1945 prévoit que "constitue une gare routière de voyageurs toute installation dont l'objet est de faciliter au public l'usage des services de transports publics automobiles routiers de voyageurs desservant une localité, en liaison éventuelle avec les autres modes de transports. Elle peut être utilisée, en outre, pour le service des messageries ou le service postal".

52. Sur le plan des droits et des obligations liés à l'accès des différents transporteurs à ces installations, les articles 2 et 3 de l'ordonnance introduisent une distinction entre gare routière "publique" et gare routière "privée" : "Une gare routière de voyageurs est dite publique lorsque toute entreprise de transports publics de voyageurs desservant la localité a le droit de l'utiliser. Toute gare routière de voyageurs qui n'est pas publique au sens de l'article précédent est dite privée. Entre notamment dans la catégorie de gares privées une gare créée par un transporteur public ou un groupement de transporteurs publics et réservée en principe aux services qu'assurent cet entrepreneur ou ce groupement : elle ne perd pas ce caractère si le créateur de la gare consent à la mettre à la disposition d'autres transporteurs. Les gares privées sont soumises au régime de l'autorisation."

53. L'article 14 impose aux transporteurs une obligation d'usage de la gare publique à tout le moins pour les transporteurs urbains et locaux, dans les conditions précisées par le cahier des charges. L'article 17 détermine des taux de taxes maximum perceptibles sur les usagers de la gare (transporteurs routiers, entreprises et public). L'usage peut également donner lieu à la perception de redevances, liées aux charges de création ou de transformation des gares, ainsi qu'à l'avantage qui est retiré de leur usage pour le transporteur (article 21). Un régime de police des gares est également prévu (articles 25 et suivants), confiée notamment au préfet.

54. L'octroi des autorisations d'accès aux gares "privées" incombe au ministre ou au préfet, en application de l'article 32 de l'ordonnance. L'acte d'autorisation peut prévoir l'obligation d'accorder l'accès, moyennant redevances, à certains transports autres que ceux des transporteurs demandeurs de la gare (article 32). Une partie du régime juridique des gares publiques est applicable aux gares privées (cf. article 34, pouvoirs de police essentiellement).

2. AUTORITÉS COMPÉTENTES

55. L'ordonnance de 1945 ne désigne pas de collectivité publique compétente pour l'octroi de droits en gares. Ainsi, par exemple, concernant les gares publiques, l'article 24 renvoie à "l'autorité qui a concédé ou affermé une gare publique de voyageurs".

56. Les gares routières sont, depuis la loi LOTI de 1982, une composante du service public des transports. L'article L. 1211-4 du code des transports dispose en effet que "constituent des missions de service public dont l'exécution est assurée par l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics en liaison avec les entreprises privées ou publiques : 1°) La réalisation et la gestion d'infrastructures et d'équipements affectés au transport et leur mise à la disposition des usagers dans des conditions normales d'entretien, de fonctionnement et de sécurité; […]"

57. Aussi, en application du cadre général prévu par le code des transports, les autorités compétentes en matière de gares routières peuvent être :

- les communes, leurs groupements et les syndicats mixtes de transports pour les lignes urbaines (articles L. 1231-1 et L. 1231-1 du code des transports);

- les départements pour les dessertes relevant de leur compétence (transports non urbains) (article L. 3111-1 du code des transports);

- les régions pour les dessertes routières ou ferroviaires de niveau régional (article L. 3111-2 du code des transports);

- l'État pour les lignes d'intérêt national (article L. 3111-3 du code des transports).

58. En pratique aujourd'hui, ce sont souvent des départements, des communes ou des regroupements intercommunaux, qui sont compétents concernant la création, l'entretien ou le développement de ces installations, qui en délèguent la gestion ou concèdent des droits sur elles. Ainsi, sous l'angle de la propriété des installations (et indépendamment des modalités de gestion subséquentes), une étude de la FNTV de 2012 a constaté, sur un échantillon comprenant 91 % des préfectures, que 44 % des gares routières appartenaient à des autorités organisatrices urbaines et 37 % aux départements

(13)

3. MODALITÉS DE GESTION LOCALE.

59. Les autorités compétentes sont libres de choisir le mode de gestion des gares routières. L'article L. 1221-3 du code des transports prévoit en effet que "l'exécution des services de transports publics de personnes réguliers et à la demande est assurée (…), soit en régie par une personne publique sous forme d'un service public industriel et commercial, soit par une entreprise ayant passé à cet effet une convention avec l'autorité organisatrice". La gestion peut donc être directe, déléguée ou semi-déléguée, ce qui tend à complexifier le cadre réglementaire applicable aux gares routières.

60. Tout d'abord, l'autorité compétente peut organiser elle-même la gare routière en ayant recours à la régie directe. Le régime juridique de la régie directe a été précisé par le décret n° 85-891 du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains de personnes qui distingue les établissements publics à caractère industriel et commercial des régies dotées de la seule autonomie financière (article 12) et prévoit des modalités juridiques et financières de fonctionnement plus souples pour les secondes que pour les premières (article 16 et article 18). La loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 est venue ajouter une nouvelle modalité de gestion directe, par la création de sociétés publiques locales (ci-après "SPL"), prévues à l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales.

61. Ensuite, l'autorité compétente peut déléguer la gestion de la gare routière, entre autres, par un contrat de concession, d'affermage ou de régie intéressée, le type de contrat étant fonction de l'organisation locale des transports collectifs interurbains.

62. Enfin, l'article 36 bis de l'ordonnance du 24 octobre 1945 précitée prévoit que "les communes ou les syndicats de communes (…) et les départements peuvent, soit acquérir des sociétés chargées d'exploiter des gares routières publiques de voyageurs, soit recevoir, à titre de redevances, des actions d'apport ou des parts de fondateur". La société acquise, qui est alors une société d'économie mixte (ci-après "SEM") doit revêtir, conformément à l'article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales, la forme de société anonyme. De plus, l'autorité compétente doit détenir plus de la moitié du capital de ces sociétés et des voix dans les organes délibérants.

63. Le cadre ainsi résumé fait ressortir une absence d'homogénéité, de laquelle découlent certaines difficultés, voire certains obstacles au développement des services d'autocars, qui seront présentés ultérieurement (cf. infra, § 290 et suivants).

II. Structure et caractéristiques du marché

64. Seront tout d'abord présentés les principaux acteurs du marché du transport longue distance par autocar (A) puis l'activité constatée en termes d'offre et de demande (B).

A. LES ACTEURS DU MARCHÉ

65. Les acteurs offrant des dessertes en cabotage seront examinés dans un premier temps (Eurolines et SNCF C6, qui propose le service "iDBUS"). Dans la mesure où de telles dessertes peuvent être ajoutées accessoirement à des dessertes internationales, seront ensuite présentés deux acteurs desservant des villes françaises à l'international (Stagecoach et son service "Megabus"; les Courriers rhodaniens et son service "Starshipper"). La présentation s'attachera à décrire les activités des acteurs et de leurs groupes d'appartenance sur des marchés de transport connexes, dans la mesure où de telles activités sont susceptibles d'influer sur les positionnements de chacun sur le marché de transport longue distance par autocar.

1. LES ACTEURS PRÉSENTS SUR LE CABOTAGE

66. Deux opérateurs sont actuellement présents en France sur le marché du transport interrégional par autocar. L'un, Eurolines, est l'opérateur historique du marché du transport international par autocar (a); le second, iDBUS, est un nouvel entrant sur ce marché mais appartient à la SNCF, opérateur historique du marché du transport ferroviaire (b).

a) Eurolines et le groupe Transdev

67. Eurolines est un service de transport routier par autocar en Europe, opéré par un groupement d'autocaristes français et étrangers réunis depuis 1985 sous la marque "Eurolines".

68. Seront successivement étudiés les entités fournissant le service Eurolines, et le service fourni aux voyageurs (en Europe et en France).

Les entités fournissant le service de transport routier Eurolines

69. Eurolines se présente sur son site internet comme "une association de transporteurs privés créée en 1985. Cette structure représente aujourd'hui le plus important regroupement européen de transporteurs de voyageurs en car. La marque Eurolines regroupe 32 compagnies de car indépendantes, pour créer le plus vaste réseau de transport par car en Europe." Eurolines désigne ses transporteurs comme des "franchisés".

70. En pratique, il existe deux sous-ensembles au sein de ce groupement : des sociétés de transport dont le capital est en tout ou partie possédé par le groupe Transdev, via les sociétés VT Eurolines et Transdev Group SA. Il existe par ailleurs une structure associative, Eurolines Organisation, qui fédère des transporteurs et unifie leur service

VT Eurolines

71. VT Eurolines est la société principale au sein du groupe Transdev concernant les services d'autocar. C'est une société française présentant une activité de holding, active en matière de transport international routier par les participations qu'elle détient dans les sociétés françaises et étrangères suivantes :

- Eurolines SA (France);

- Eurolines SA (Belgique);

- Eurolines Nederland BV (Pays-Bas);

- VT Eurolines Polska SPZOO (Pologne);

- Veolia Eurolines CZ et Touring Bohemia SRO (République Tchèque);

- Eurolines Peninsular SA et Viajes Eurolines SA (Espagne).

Transdev Group SA

72. Par ailleurs, la société française Transdev Group SA, maison-mère de VT Eurolines (qu'elle détient à 95,4 %), détient également des participations dans un ensemble de sociétés étrangères actives dans le transport par autocars :

- trois sociétés portugaises : Transportes Internacionais Rodoviarios Do Norte, Lda, dite Internorte; Transportes Internacionais Rodoviarios Do Centro, Lda, dite Intercentro; Transportes Internacionais Rodoviarios Do Sul, Lda, dite Intersul;

- une société allemande: Deutsche Touring Group GmbH.

73. Toutes ces entités sont membres d'Eurolines Organisation.

Eurolines Organisation

74. Eurolines Organisation est une association internationale sans but lucratif, de droit belge, créée en 1985 et qui regroupe 32 transporteurs indépendants par autocars, dont des filiales de Transdev Group ainsi que des opérateurs étrangers tels que Eurolines UK ou encore Eurolines Italie.

75. Cette association fédère les autocaristes autour d'un service unifié sous la marque Eurolines. Elle défend les intérêts de ses membres devant les instances communautaires et internationales, effectue des études de marché, s'investit dans des actions de formation.

76. Les membres de l'organisation doivent adopter la marque "Eurolines" et coopérer entre eux au développement de l'activité de transport international de voyageurs par route. Ils doivent respecter les règles fixées concernant notamment l'utilisation de la marque, la gestion des réservations, les capacités et la présentation des véhicules.

Les acteurs membres d'Eurolines Organisation hors du groupe TRANSDEV

77. Eurolines Organisation réunit également des entités indépendantes du groupe Transdev. C'est le cas d'ALSA, opérateur majeur du transport de voyageurs par route en Espagne, filiale du groupe britannique National Express Group. C'est également le cas d'Eurolines UK et d'Eurolines Italia. Les entités constitutives des groupes précités ou membres d'Eurolines Organisation peuvent recourir à de la sous-traitance, sur laquelle le modèle économique d'Eurolines repose.

L'activité multimodale de Transdev

78. Transdev détient et exploite la marque Eurolines en Belgique, en France, aux Pays-Bas, en République tchèque et en Pologne, et en partenariat en Espagne et au Portugal.

79. Le groupe Transdev est également actif sur plusieurs marchés similaires ou connexes à celui du transport "longue distance" (entendu comme le transport international et sur les dessertes intérieures qui lui sont accessoires). À plusieurs reprises en application de son pouvoir de contrôle des opérations de concentrations, l'Autorité de la concurrence a constaté notamment sa présence sur les marchés de transport conventionné que sont le transport urbain et le transport interurbain (14), occasionnel et régulier. Transdev détient ainsi des participations dans un grand nombre d'entreprises (par exemple Ocecars ou CGFTE) ou de sociétés d'économie mixte de transport collectif. Elle se présente de ce fait comme un grand groupe de transport multimodal, en France et à l'étranger.

80. Le groupe Transdev dispose enfin d'actifs, de participations ou de filiales dans des activités associées aux transports, comme le conseil et l'ingénierie en information de transport et en billettique (par exemple au travers de sa filiale Cityway).

Le réseau et le service Eurolines

81. Eurolines se présente comme le premier réseau de lignes régulières par car en Europe. Ce service se prévaut ainsi de :

- plus de 600 destinations en Europe (sur 140 lignes régulières), dans 33 pays;

- 3,5 millions de voyageurs transportés par an.

82. En France, les cinq principales liaisons intérieures en termes de trafic, desservies par Eurolines en cabotage sont au départ de Paris et relient respectivement Bordeaux, Lyon, Strasbourg, Lille et Rennes. Eurolines indique plus largement desservir 60 villes françaises dans le cadre d'un service interrégional inscrit dans ses lignes internationales.

83. En Europe centrale et de l'Est, Eurolines propose deux gammes de service, avec notamment une classe "business" mettant l'accent sur le confort. Eurolines propose également des offres forfaitaires permettant de voyager entre plusieurs villes européennes, voire des offres "illimitées".

84. Eurolines est donc un opérateur ancien et très implanté sur le marché des lignes régulières internationales par car en Europe. A cet égard, le cabotage est, sur le service international déjà en place, une opportunité pour remplir les cars et une source de revenu supplémentaire. En France, Eurolines indique desservir 96 points d'arrêts et avoir transporté 900 000 passagers français, dont 50 000 voyageurs en cabotage, en 2012. Depuis l'ouverture du cabotage en 2011, le service offert en France par Eurolines a connu les évolutions principales suivantes :

- lancement de deux nouveaux services "4 étoiles" sur Paris - Lyon (juillet 2013);

- lancement de la nouvelle liaison Marseille - Paris (mars 2013);

- renforcement des liaisons Lyon - Paris (novembre 2012).

85. Sur le plan tarifaire, les prix des billets présentent une variabilité de faible ampleur, en fonction notamment du taux de remplissage du car, de la période de l'année, du jour de la semaine et de la date de réservation du client. Les tarifs intègrent également une certaine dégressivité selon les trajets (l'aller-retour est moins cher que deux allers simples), l'âge, les groupes (une place offerte pour 10 voyageurs payants).

86. La clientèle du cabotage est présentée comme essentiellement jeune et urbaine, sensible au prix mais peu sensible au temps de parcours, privilégiant l'achat en ligne, peu de temps avant le départ. La clientèle de l'offre internationale est présentée comme légèrement différente, avec des profils plus variés, selon notamment la nationalité des voyageurs.

87. Eurolines commercialise ses billets notamment via son site internet, par guichets et agences physiques répartis en France et à l'étranger, dans les gares routières notamment, ainsi que par téléphone.

b) IDBUS et le groupe SNCF

88. IDBUS est le service de transport longue distance par autocar de la SNCF. Il est opéré par une filiale du groupe, SNCF C6. La SNCF est un nouvel entrant sur le marché de l'autocar longue distance mais un opérateur historique en position dominante voire monopolistique sur des marchés connexes.

La société SNCF-C6, fournissant le service iDBUS

89. SNCF-C6 est une société par action simplifiée détenue à 100 % par SNCF Voyages Développements (SVD), elle-même détenue à 100 % par SNCF Participations, société à activité de holding détenue à 99,97 % par l'EPIC SNCF. Elle dispose d'un capital social de 17 millions d'euros. Son objet ne se limite pas au transport par autocar, puisqu'il prévoit "le transport public de voyageurs, par tous modes et tous moyens". SNCF-C6 est présidée par Mme Barbara Dalibard, par ailleurs à la tête de la branche SNCF Voyages.

90. iDBUS affiche son lien avec le groupe SNCF de différentes manières : sur les cars, sur son site, en gares, etc.

Le groupe de transport multimodal SNCF

91. Le groupe SNCF se présente en cinq branches d'activités correspondant, chacune, à une division de l'EPIC SNCF, d'une part, et à des sociétés dont la SNCF détient tout ou partie du capital (via la holding SNCF Participations), d'autre part. Le schéma exposé ci-dessous, issu du rapport financier de la SNCF pour l'année 2013, présente ainsi la structure du groupe :

Schéma n° 1 : organisation du groupe SNCF

<EMPLACEMENT SCHEMA N° 1>

92. SNCF C6 et son service iDBUS s'inscrivent donc au sein de la branche SNCF Voyages, caractérisée par une activité ferroviaire "grandes lignes", internationale et nationale.

93. Le groupe SNCF compte notamment parmi ses filiales la société Keolis, un acteur majeur du transport conventionné, urbain et interurbain (15) au sein de la branche Proximités qui réunit les offres conventionnées, notamment ferroviaires. Le groupe compte également une branche distincte et davantage séparée fonctionnellement, Gares & Connexions, chargée de la gestion des gares ferroviaires de voyageurs

94. Par ailleurs, la branche Voyages de la SNCF comprend le site internet voyages-sncf.com, moyen privilégié de la distribution des offres du groupe, un site parmi les plus visités en France (16). Ce site permet entre autres la distribution de l'offre d'autocar iDBUS de la SNCF.

95. Par ailleurs, la SNCF développe et met en avant un nouveau service, "Mytripset", qu'elle présente comme "le premier site de voyage multimodal en Europe. Lancé en 2012, Mytripset […] offre aux utilisateurs la possibilité de préparer et de planifier leurs voyages en porte-à-porte et en comparant l'ensemble des modes de transport disponibles, que ce soit en voiture, en train, en avion, en transports en commun et demain en covoiturage ou en vélo !". La SNCF se prévaut d'intégrer par ce portail l'offre de "180 compagnies aériennes, plus de 100 000 trains en Europe et des centaines de milliers de trams, bus et métros dans toute l'Europe également". La SNCF prétend à terme à "l'exhaustivité des possibilités de transport", dans l'optique de renforcer une offre de transport "porte-à-porte", "sans couture" et multimodale, ce qui apparaît comme un nouvel axe de développement du groupe (17) Le site ne présente pas actuellement de résultats intégrant des offres de transport par autocar.

Le réseau et le service iDBUS.

96. Le service a été lancé en juillet 2012. iDBUS propose des liaisons entre les métropoles suivantes : Lille, Londres, Bruxelles, Amsterdam, Lyon, Aix-en-Provence, Marseille, Nice, Turin, Milan et Gênes. iDBUS a également ouvert en octobre 2013 un nouveau service international (sans dessertes de cabotage en France) entre Lyon et Barcelone.

97. Le service en cabotage en France est ainsi constitué de deux liaisons : Paris-Lille et Paris-Lyon, soit 4 OD, et 28 ODH. iDBUS fournit ce service avec une quarantaine d'autocars récents offrant 48 places pour un meilleur confort, et 200 salariés environ et a indiqué avoir transporté 200 000 voyageurs en 2012, sur l'ensemble de ses lignes routières, après un an d'activité. iDBUS a par la suite indiqué avoir transporté 400 000 voyageurs en 2013.

98. iDBUS indique mettre l'accent sur la simplicité et la stabilité des tarifs. Le communiqué de juillet 2013 indique ainsi : "Les prix sont annoncés plusieurs mois à l'avance et ne changent pas jusqu'à la date de départ du car. Que l'on réserve longtemps à l'avance ou quelques heures avant le départ, le prix est donc le même. Il n'est pas nécessaire d'anticiper son voyage pour avoir le meilleur tarif."

99. La communication de l'opérateur met également en avant un prix d'appel ("prix mini") par destination, ainsi qu'une dégressivité en fonction du nombre de billets achetés (tarif "tribu" : pour trois places achetées, la quatrième est offerte). La communication de la société s'attache à présenter ses tarifs comme fixes et prévisibles (modulés selon la période de la semaine ou le jour et la nuit, mais non variables selon la période de réservation), en vue d'une bonne comparabilité du tarif avec d'autres modes de transport, en premier lieu la voiture particulière.

100. L'offre d'iDBUS met enfin l'accent sur le confort d'une part (choix du siège; espace; wifi et alimentation électrique) et sur l'accueil d'autre part (personnel d'accueil, conducteurs bilingues).

101. IDBUS indique adresser une clientèle jeune (66 % ont entre 15 et 25 ans), connectée (95 % des achats de billets sont faits via internet), sensible aux prix bas mais peu au temps de parcours, notamment du fait de services de confort (prises électriques et wifi notamment).

102. Sur le plan de la commercialisation des billets, IDBUS emploie les moyens suivants :

- le site internet www.idbus.fr, multilingue (anglais, français, néerlandais, italien);

- l'accueil téléphonique, en anglais et en français (numéro payant de type 0892 depuis la France);

- la vente en gares :

o ferroviaires : auprès de certains guichets SNCF en gares de Paris-Bercy, de Lille-Europe et de Lyon Perrache, et également en gare de Bruxelles;

o routières : à Londres, Turin et Milan.

- via le site voyages-sncf.com de la SNCF.

2. LES ACTEURS PRÉSENTS EN FRANCE SUR DES LIAISONS INTERNATIONALES

103. Deux acteurs offrent des services internationaux de transport par autocar desservant la France, susceptibles d'être complétés de services accessoires de cabotage : Stagecoach Group et Les Courriers rhodaniens.

a) Le groupe Stagecoach et son service Megabus

104. Stagecoach Group est une compagnie britannique active depuis 35 ans, fournissant des services de transport variés dans trois zones : Royaume-Uni, Etats-Unis et Canada. Au Royaume-Uni, Stagecoach fournit du transport local et longue distance, par train et par autocar. Le groupe bénéficie de concessions (ou "franchises") ferroviaires : South West Train (au départ de Waterloo Station, Londres) et East Midland Trains (au départ de Saint Pancras, Londres), et il détient part ailleurs une part notable du capital de Virgin Rail, entreprise ferroviaire britannique titulaire de deux autres franchises. Le groupe indique employer environ 35 000 personnes dans le monde et transporter 3 millions de clients chaque jour (dont près de 2,5 millions au moyen de 8 000 bus et cars, sur le Royaume-Uni).

105. Stagecoach opère notamment le service "Megabus", un service de transport par autocar comprenant 120 destinations aux Etats-Unis, 60 destinations en Angleterre et en Ecosse, ainsi que des liaisons du Royaume-Uni vers Paris, Bruxelles et Amsterdam. Megabus est présenté comme un service "low cost", proposant des prix bas et flexibles, en fonction de l'offre et de la demande et des dates de réservation. Il a été introduit en 2003 au Royaume-Uni, entrant en concurrence avec l'opérateur historique, National Express. Son entrée a modifié les équilibres et le fonctionnement du marché, générant notamment une baisse sensible des prix (18)

106. Ce service dessert, au départ du Royaume-Uni, les villes françaises de Boulogne-sur-Mer et Paris. Ces deux destinations n'offrent pas de cabotage. Le service entre Paris et Londres est constitué de deux allers-retours quotidiens, pour des prix variant fortement, entre 1 et 40€. .

b) Les Courriers Rhodaniens, l'association Réunir et le service Starshipper

107. Les Courriers Rhodaniens sont une PME indépendante active dans la vallée du Rhône. Ils exploitent notamment des lignes régulières et scolaires pour les conseils généraux de l'Ardèche, de la Drôme, de l'Isère, de la Loire et du Rhône, des services d'autocar en substitution de trains TER et des services urbains. La société compte plus de 200 salariés, 230 véhicules et plus de 8 500 voyageurs au quotidien.

108. Les Courriers Rhodaniens sont adhérents du groupement Réunir, une association regroupant une centaine de PME de transport par autocar. Ce groupement, qui apporte du conseil et des prestations mutualisées à ses adhérents, a développé une marque, "Starshipper", pour un service longue distance que les Courriers rhodaniens exploitent depuis 2012. En cas d'assouplissement du cadre applicable, les différents membres du groupement Réunir pourraient offrir davantage de services "longue distance" au moyen de la marque Starshipper.

109. Actuellement, le service Starshipper consiste ainsi en une liaison internationale entre les villes de Lyon, Chambéry en France, et Turin en Italie, entre un et trois allers-retours quotidiens, pour des prix généralement situés entre 29 et 37 euros, selon les jours et les périodes. Le service utilise des autocars récents et confortables, disposant notamment d'un service d'accès à internet en wifi.

110. Les principaux éléments du cadre applicable aux services de transports routiers longue distance étant décrits, il convient désormais d'en présenter la résultante actuelle : l'activité économique observée sur les marchés de transports interrégionaux par autocar, qu'il s'agisse de services intérieurs délivrés dans le cadre du droit au cabotage, ou encore de services internationaux desservant le territoire français.

B. L'ACTIVITÉ SUR LE MARCHÉ

111. Seront d'abord présentées les caractéristiques de l'offre et de la demande de transport par autocar interrégional en cabotage (1) puis les facteurs d'attractivité de ce mode de transport collectif (2).

1. LES CARACTÉRISTIQUES DE L'OFFRE ET DE LA DEMANDE DE TRANSPORT INTERRÉGIONAL PAR AUTOCAR

112. Sont successivement présentées les principales caractéristiques de l'offre de services de transport interrégional par autocar interrégional en cabotage, en termes de liaisons (a), de prix proposés (b) et de la demande pour ces services, en termes de trajets effectués et de profil de clientèle (c).

a) L'offre de services

Les demandes d'autorisation formulées par les opérateurs

113. A la date du 13 septembre 2013(19), soit un peu plus de deux ans après l'ouverture du marché, 602 liaisons interrégionales, soit 1 202 "origine-destination"(20), ont fait l'objet d'au moins une demande d'autorisation d'ODH auprès du ministère par les différents opérateurs présents sur le marché (21) Cela correspond à un total de 5 067 demandes d'autorisation sur des ODH ("Origine-Destination-Horaire") et 80 points d'arrêt.

114. Les 15 liaisons ayant fait l'objet du plus grand nombre de demandes d'ODH sont :

1) Paris-Tours / Tours-Paris

2) Paris-Orléans / Orléans-Paris

3) Tours-Bordeaux / Bordeaux-Tours

4) Paris-Bordeaux / Bordeaux-Paris

5) Orléans-Bordeaux / Bordeaux-Orléans

6) Bordeaux-Poitiers / Poitiers-Bordeaux

7) Bordeaux-Saintes / Saintes-Bordeaux

8) Poitiers-Tours / Tours-Poitiers

9) Saintes-Tours / Tours-Saintes

10) Bayonne-Paris / Paris-Bayonne

11) Orléans-Poitiers / Poitiers-Orléans

12) Orléans-Saintes / Saintes-Orléans

13) Paris-Poitiers / Poitiers-Paris

14) Bayonne-Orléans / Orléans-Bayonne

15) Bayonne-Tours / Tours-Bayonne.

115. A elles seules, ces 15 liaisons (soit 30 "origine-destination") représentent un peu plus de 20 % du total des demandes d'ODH formulées par les opérateurs. Autrement dit, sur les 600 liaisons ayant fait l'objet d'une demande, 2,5 % des liaisons (15 liaisons) concentrent à elles seules 20 % du total des demandes d'autorisation.

116. A contrario, 233 liaisons n'ont fait l'objet que d'une demande par OD (soit deux demandes par liaison) et représentent un peu moins de 10 % du total des demandes d'ODH. Autrement dit, sur les 600 liaisons ayant fait l'objet d'une demande, près de 40% (38,9 % exactement) représentent seulement 10 % du total des demandes d'autorisation d'ODH. Pour ces liaisons, les demandes adressées par les opérateurs ne portent donc que sur un petit nombre d'horaires (1 départ aller, 1 départ retour).

117. Sur les 15 liaisons les plus demandées, 6 sont desservies par une offre ferroviaire TGV uniquement, 3 par une offre TER uniquement, 1 par une offre Intercités ou TGV, 1 par une offre Intercités ou TER et 4 sont desservies uniquement par des offres ferroviaires avec correspondance.

118. De manière générale, sur un échantillon constitué des 174 OD pour lesquelles plus de 5 demandes d'autorisation ont été formulées, on constate que 26 % concernent des liaisons pour lesquelles il n'existe pas d'offre de transport ferroviaire, 18 % concernent des liaisons pour lesquelles il n'existe qu'une alternative d'offre ferroviaire à grande vitesse, 39 % concernent des liaisons pour lesquelles il n'existe pas d'offre ferroviaire directe et 79 % concernent des liaisons transversales, c'est-à-dire ne reliant pas Paris (22)

Les demandes d'autorisation acceptées par le ministère : l'offre théorique.

119. Au 13 septembre 2013, sur les 5 067 demandes d'autorisation d'ODH adressées, 3 064 ont été acceptées ou sont en cours d'acceptation par le ministère, soit environ 60%. Cela correspond à 933 "origine-destination", dont 896 OD avec AR et 37 OD isolées. C'est donc 448 liaisons AR, auxquelles s'ajoutent 37 OD isolées, reliant 80 villes qui ont été autorisées.

120. A raison d'une capacité de 50 places assises par autocar (23), et étant donné le cadre réglementaire actuel limitant l'offre à destination des passagers en cabotage à 50 % de la capacité des autocars, l'offre théorique peut donc être évaluée à 76 600 (153 200-2) places par jour, soit 2 298 000 (4 596 000-2) places par mois. Cela correspond à une part modale de l'ordre de 1,6% (en nombre de déplacements à plus de 50 kilomètres) (24). Cette part modale constitue un maximum puisque son calcul repose sur l'offre théorique. Elle est en outre bien inférieure à la part modale attendue en Allemagne. D'après une étude réalisée avant l'ouverture généralisée du marché allemand fin décembre 2012, la part modale de l'autocar devrait en effet être d'au moins 5% (25) (voir annexe 4 pour des éléments de comparaison avec plusieurs pays européens).

121. Ont en général été octroyées les autorisations de cabotage parallèles à des lignes TGV. Certaines régions militent toutefois contre cette approche (c'est le cas par exemple des régions Poitou-Charentes et Bourgogne) parce qu'elles ont contribué au financement de lignes à grandes vitesses ("LGV"). De même, pour la liaison Paris-Reims, la région Champagne-Ardenne contribuant à l'exploitation du service TGV, a émis un avis défavorable qui a été suivi. Pourtant, le critère d'atteinte à l'équilibre économique d'une ligne existante dans le cadre de l'instruction des demandes d'autorisation de dessertes intérieures ne porte que sur les services conventionnés. L'éventuel impact de l'ouverture d'une ligne de transport par autocar sur l'équilibre économique des lignes de TGV n'entre en principe pas dans les conditions de refus d'octroi des autorisations.

122. Les villes susceptibles d'être les mieux desservies en autocar sont de taille et de situation géographique très variables, ainsi que l'illustre le tableau suivant, qui présente les 20 villes françaises théoriquement les mieux desservies en autocar (i.e., proposant le plus grand nombre de destinations).

Tableau n° 1 : villes françaises susceptibles d'être le mieux desservies par autocar en cabotage

Ville de départ/ Région/Nombre de destinations possibles depuis cette ville/Nombre total d'ODH autorisées depuis cette ville/

BAYONNE/Aquitaine/32/203

PARIS/Ile-de-France/30/239

BAGNOLET/Ile-de-France/30/65

DIJON/Bourgogne/27/79

LILLE/Nord-Pas de Calais/27/57

STRASBOURG/Alsace/25/100

LYON/Rhône-Alpes/25/87

VALENCE/Rhône-Alpes/25/55

TOURS/Centre/24/148

BORDEAUX/Aquitaine/23/231

CALAIS/Nord-Pas de Calais/23/33

RENNES/Bretagne/22/54

AVIGNON/Languedoc-Roussillon/21/32

POITIERS/Poitou-Charentes/20/135

NÎMES/Languedoc-Roussillon/20/39

CHALON-SUR-SAÔNE/Bourgogne/19/63

TOULOUSE/Midi-Pyrénées/19/35

GRENOBLE/Rhône-Alpes/18/38

SAINT-JEAN-DE-LUZ/Aquitaine/18/36

NARBONNE/Languedoc-Roussillon/18/30

MONTPELLIERLanguedoc-Roussillon1735

123. En termes de fréquence de services, les liaisons sur lesquelles l'offre pourrait être la plus dense sont présentées dans le tableau suivant :

Tableau n° 2 : liaisons susceptibles d'être le plus fréquemment desservies par autocar en cabotage

Ville de départ/Ville d'arrivée (toutes régions)/Nombre de départs autorisés à l'aller/Nombre de départs autorisés au retour

TOURS/BORDEAUX/43/42

PARIS/BORDEAUX/41/39

ORLÉANS/BORDEAUX/38/37

PARIS/POITIERS/29/29

BAYONNE/SAINTES/28/28

PARIS/SAINTES/28/28

TOURS/BAYONNE/28/27

BAYONNE/POITIERS/26/26

PARIS/BAYONNE/26/20

ORLÉANS/BAYONNE/24/18

VERSAILLES/BORDEAUX/24/22

SAINTES/VERSAILLES/21/21

NIORT/PARIS/20/20

POITIERS/VERSAILLES/20/20

BAYONNE/NIORT/19/19

LILLE/PARIS/19/19

VERSAILLES/BAYONNE/19/13

NIORT/VERSAILLES/18/18

BLOIS/BORDEAUX/17/15

BLOIS/BAYONNE/15/14

BORDEAUX/CHAMPIGNY-SUR-MARNE/12/11

LYON/PARIS/12/12

SAINTE/STOURS/12/12

BORDEAUX/POITIERS/11/11

NIORT/CHAMPIGNY-SUR-MARNE11/10

124. De manière générale, sur un échantillon composé des 269 liaisons pour lesquelles toutes les demandes d'autorisation d'ouverture d'un service horaire de transport par autocar ont été refusées par le ministère, on constate que 7 % concernent des liaisons pour lesquelles il n'existe pas d'offre de transport ferroviaire, 45 % concernent des liaisons pour lesquelles il n'existe pas d'offre ferroviaire directe et 96 % concernent des liaisons transversales, c'est-à-dire ne reliant pas Paris. On constate en outre que 10 % des services horaires (ODH) refusés sont des services pour lesquels il n'existe qu'une alternative ferroviaire à grande vitesse.

125. Ces chiffres font apparaître une incohérence entre, d'un côté, les critères théoriques qui fondent le refus d'octroyer une autorisation d'exploitation d'une liaison routière et, de l'autre, la pratique du service autorisateur du ministère. C'est en particulier le cas pour les refus d'accorder des autorisations d'exploitation de services de transport routier sur des liaisons pour lesquelles aucune alternative de transport ferroviaire autre que le TGV, voire aucune alternative de transport ferroviaire, n'existe.

Les autorisations exploitées par les opérateurs : l'offre effective

126. Les autorisations délivrées par le ministère ne sont pas toutes exploitées par les opérateurs les ayant demandées. En effet, dans le cadre réglementaire actuel, les horaires et lignes des services en cabotage ont vocation à être définis avant tout en fonction de l'offre internationale.

127. En conséquence, d'une part, certaines liaisons intérieures ne peuvent être adressées, l'étendue et la géographie de la France rendant difficile l'insertion de dessertes de cabotage dans une offre internationale. D'autre part, pour les liaisons qu'il est possible d'insérer effectivement dans des lignes internationales, les horaires envisageables peuvent être inadaptés aux exigences de la clientèle des liaisons intérieures. Par exemple, les horaires construits de manière à satisfaire la clientèle de liaisons internationales de longue distance peuvent amener à desservir des points d'arrêt de cabotage de nuit ou à des horaires aléatoires, ce qui rend la desserte intérieure autorisée peu attractive commercialement et explique, in fine, que les autorisations obtenues ne soient pas toutes exploitées par les opérateurs.

128. Ainsi, l'offre de services effectivement proposée en 2013 sur le marché français du transport interrégional par autocar en France couvre 350 "origine-destination", soit 175 liaisons, reliant 61 points d'arrêt, pour un total de 725 ODH. Autrement dit, moins de 24 % des ODH autorisées sont exploitées, 39 % des liaisons autorisées sont desservies par des services de transport par autocar et près de 76 % des villes où une liaison par autocar est autorisée sont effectivement desservies par ce mode de transport.

129. Au total, au 13 septembre 2013, le réseau de transport interrégional par autocar en France relie donc 61 villes et est constitué de 175 liaisons. Les liaisons sur lesquelles l'offre est la plus dense sont présentées dans le tableau suivant :

Tableau n° 3: principales liaisons de cabotage

Ville de départ/Ville d'arrivée/Nombre maximal de départs quotidiens existants à l'aller/Nombre maximal de départs quotidiens existants au retour

PARIS/LILLE/16/15

ORLEANS/BORDEAUX/11/8

BORDEAUX/TOURS/9/9

ORLEANS/BAYONNE/10/7

BORDEAUX/PARIS/9/8

SAINTES/BAYONNE/9/7

PARIS/LYON/8/8

SAINTES/PARIS/9/6

TOURS/BAYONNE/8/7

POITIERS/PARIS/8/6

VERSAILLES/BORDEAUX/8/5

BLOIS/BORDEAUX/8/4

130. Les liaisons sur lesquelles il existe des offres de transport en autocar concurrentes sont limitées, du fait du faible nombre d'acteurs, de l'ouverture récente du marché et du cadre réglementaire imposant l'insertion des dessertes dans une liaison internationale. Elles se réduisent, pour l'heure, à deux liaisons, Paris-Lille et Paris-Lyon, qui sont également desservies par des trains à grande vitesse (TGV ou Ouigo pour la liaison entre Marne-la-Vallée et Lyon Saint-Exupéry).

131. La répartition de l'offre des deux opérateurs présents sur ces liaisons est la suivante :

Tableau n° 4 : offres d'IDBUS et d'Eurolines sur les liaisons Paris-Lyon et Paris-Lille

<EMPLACEMENT TABLEAU N° 4>

132. Sur ces liaisons, on constate en outre que les deux concurrents proposent des horaires de départ très proches, comme l'illustre le tableau ci-dessous présentant tous les horaires de la liaison Paris-Lyon.

Tableau n° 5 : horaires d'IDBUS et d'Eurolines sur la liaison Paris-Lyon

<EMPLACEMENT TABLEAU N° 5>

b) Les tarifs

Des tarifs inférieurs à ceux des autres modes de transport collectif

133. Comme souligné par l'ensemble des parties prenantes, l'intérêt principal du transport par autocar est le prix peu élevé des billets par rapport aux autres modes de transport collectif. Les relevés de prix effectués dans le cadre de l'instruction indiquent en effet qu'en moyenne les billets de transport par autocar au départ de Paris sont deux fois moins chers que les billets de TGV (26), si l'on fait abstraction des temps de parcours. Sur les 10 liaisons les plus fréquentées par les usagers du transport par autocar, on relève en outre que le prix au kilomètre des billets d'autocar s'élève en moyenne à 12 centimes d'euro quand le prix au kilomètre des billets de TGV est en moyenne de 25 centimes (27). Un rapport récent commandé par une association d'usagers, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT), indique quant à lui que les déplacements par autocar sont moins coûteux pour les usagers que les déplacements en TGV et même en trains Intercités (28). La dépense d'un voyageur empruntant un autocar sur un trajet longue distance (supérieur à 80 kilomètres) y est en effet estimée à 6,90 centimes par voyageur.kilomètre, tandis qu'elle est évaluée à 10,98 centimes par voyageur.kilomètre pour le TGV et 9,11 centimes pour l'Intercités.

134. Cette différence peut être illustrée pour les deux liaisons présentant des offres de transport par autocar concurrentes ainsi que des alternatives modales variées (Paris-Lille et Paris-Lyon).

Graphique n° 1 : tarifs comparés sur la liaison Paris-Lille (29)

<EMPLACEMENT GRAPHIQUE N° 1>

Graphique n° 2 : tarifs comparés sur la liaison Paris-Lyon

<EMPLACEMENT GRAPHIQUE N° 2>

135. Ces relevés de tarifs mettent en évidence, d'une part, la différence entre le prix des billets de transport par autocar et le prix des billets de train et, d'autre part, la plus grande stabilité des prix des billets d'autocar. Il convient cependant de souligner que ces écarts entre les tarifs ne reflètent pas les différences de coûts généralisés des déplacements pour les usagers, dans la mesure où les différences de temps de parcours et de fréquences de services ne sont pas prises en compte. Comme plus amplement développé au paragraphe 224, la comparaison d'offres alternatives de services de transport ne peut se limiter à une simple comparaison des tarifs.

Des tarifs stables

136. En l'état actuel de développement du marché français du transport longue distance par autocar, l'autre facteur de différenciation du mode de transport par autocar est de permettre aux usagers d'acheter leur billet peu de temps avant le départ sans supporter une forte hausse des tarifs. Les opérateurs actuellement présents sur le marché proposent en effet à leur clientèle des tarifs stables, c'est-à-dire qui varient très peu en fonction de la date de réservation.

137. Plus précisément, les prix peuvent être modulés selon la période de la semaine et de la journée mais la variation qui résulte de cette modulation est faible, en comparaison par exemple de ce que l'on peut observer dans l'aérien ou pour le train à grande vitesse. Ainsi, pour une même liaison, la variation des tarifs des billets d'autocar constatée par l'instruction est de l'ordre de 20 % en moyenne quand la variation des tarifs des billets TGV est de l'ordre de 95 % en moyenne (30), le prix des billets de TGV achetés peu de temps avant le départ pouvant être bien plus élevé que le prix des billets réservés très en amont de la date de départ (trois mois maximum). Ainsi, par exemple, sur la liaison Paris-Lyon, le prix d'un billet aller-retour de TGV peut aller de 96 euros à 186 euros (soit une différence de 93 %), d'après la méthodologie de relevé de tarifs utilisée par l'instruction, quand le prix d'un billet aller-retour en autocar sur la même liaison varie entre 47 et 62 euros pour Eurolines (soit une différence de 32 %) et entre 70 et 78 euros pour iDBUS (soit une différence de 11 %) (31)

138. En outre, le prix des billets d'autocar ne varie pas en fonction de la date de départ. Aux périodes de pic de fréquentation (vacances scolaires, jours fériés, week-ends prolongés), les prix des billets d'autocar ne varient pas, contrairement à ceux des billets de TGV qui sont élaborés suivant des méthodes de "yield management". .

139. On peut toutefois considérer que cette caractéristique des tarifs des billets de transport en autocar n'est que temporaire. Elle peut en effet être due au fait que la demande sur le marché français est encore limitée. Dans un marché où la demande serait forte et croissante, on ne peut exclure que les opérateurs aient recours à des techniques de "yield management" pour fixer leurs tarifs de sorte que la stabilité des prix ne serait plus une caractéristique de ce marché. Toutefois, la faible volatilité des prix des billets de transport par autocar peut également s'expliquer par les caractéristiques de la clientèle cible de ce mode de transport. Les usagers de l'autocar étant très sensibles au prix, le recours à des techniques de "yield management" conduisant à de fortes variations de prix pourrait décourager une partie de la demande et par conséquent être contraint.

c) La demande de services

En nombre de voyageurs et en chiffre d'affaires

140. Le cabotage ne peut être, dans le cadre réglementaire actuel, qu'un moyen d'améliorer le taux de remplissage des autocars, dont la vocation première reste de transporter des passagers internationaux.

141. En outre, les opérateurs ont tous indiqué que ce mode de transport était encore peu connu et souffrait d'un déficit d'image handicapant sa progression, même si plusieurs opérateurs ont souligné que l'arrivée sur le marché d'iDBUS et les moyens de communication qu'il a engagés pour accompagner son lancement avaient pu contribuer à améliorer l'image du car et par là même, à accroître la demande globale. L'activité d'iDBUS aurait ainsi été porteuse d'externalités positives pour ses concurrents.

142. Aussi la part modale du transport régulier par autocar en cabotage dans le transport de voyageurs est-elle infime par rapport à celle du ferroviaire.

143. Les données relatives au trafic et au chiffre d'affaires qu'il génère n'étant pas toutes disponibles, seuls des ordres de grandeurs peuvent être donnés.

144. On peut ainsi seulement relever que l'autocar a transporté sur des liaisons intérieures au plus 110 000 voyageurs au cours des douze derniers mois. Cela correspond à 0,0005% du nombre de voyages longue distance (32). A titre de comparaison, les trains Intercités, les trains à grande vitesse (TGV) et les trains express régionaux (TER) transportent, respectivement, 100 000, 300 000 et 800 000 voyageurs par jour.

145. La progression de la demande sur la première année complète d'exercice de la concurrence sur ce marché est difficile à interpréter, par définition. Les données recueillies indiquent une augmentation progressive du nombre de passagers transportés.

146. Ces premières observations sont cohérentes avec ce qui a pu être relevé en Allemagne, où le marché du transport régulier par autocar a été ouvert plus récemment, en janvier 2013, mais aussi plus largement (33) (voir annexe 4 : comparaison européennes).

Les dessertes les plus demandées

147. Les dessertes ayant accueilli le plus grand nombre de passagers sont pour l'essentiel des liaisons radiales, déjà desservies par le TGV. Les liaisons concentrant le plus grand volume de voyageurs sont en effet les suivantes : Paris-Bordeaux, Paris-Lyon, Paris-Strasbourg, Paris-Lille, Paris-Rennes, Paris-Nantes, Paris-Bayonne, Paris-Rouen et Paris-Poitiers.

148. Parmi les 10 liaisons les plus fréquentées, une seule est une liaison transversale : Rennes-Rouen. Ceci peut s'expliquer par le fait que l'offre existante, étant donné le cadre réglementaire contraignant sur les dessertes intérieures, manque d'attractivité en termes de dessertes et d'horaires.

Le profil de la demande

149. La clientèle des opérateurs de transport longue distance par autocar est constituée en grande majorité de voyageurs de type "loisirs".

150. Il s'agit aussi, pour l'essentiel, d'une clientèle jeune, et donc moins sensible au temps de parcours. Selon les opérateurs, entre 40 et 60 % des clients ont en effet moins de 30 ans.

151. La clientèle des seniors est également visée. Même si, à l'heure actuelle, les opérateurs du marché français constatent qu'elle ne constitue pas une fraction importante de la demande qui s'adresse à eux, ils considèrent qu'il s'agit d'un profil de clients pour l'avenir, au regard de ce qui est observé dans les pays où le marché du transport par autocar est plus mature. En effet, en Grande-Bretagne par exemple, en 2009, 47,5 % de la clientèle avait plus de 50 ans et 33,5 % était âgée de moins de 30 ans (voir annexe 4).

152. Ces profils de clients sont également ceux qui ressortent des études menées sur les caractéristiques de la demande de transport par autocar dans d'autres pays d'Europe où ce mode de transport est plus développé (Grande-Bretagne (34), Suède, Norvège (35)). Ils correspondent à des usagers aux revenus modestes, prêts à choisir un mode de transport plus lent mais meilleur marché, dont la valeur du temps est moins élevée que celle des voyageurs se déplaçant pour des motifs professionnels notamment. Aussi, l'élasticité prix de la demande de transport longue distance par autocar est relativement élevée et comparable à celle observée sur d'autres moyens de transport comme l'avion. Pour le marché britannique par exemple, elle est estimée à -1.0, ce qui contraste avec l'élasticité prix de la demande de transport public urbain par bus, estimée à -0.4 (36)

153. En cela, comme l'ont souligné tous les opérateurs présents sur le marché français, la demande qui s'adresse à eux, tout comme leur cible de clientèle, n'est pas celle des services de transport collectif terrestre existants, qui est moins sensible aux prix. Cela suggère que les opérateurs de transport par autocar se situent sur une niche de marché, constituée de clients qui ne voyageraient pas en l'absence d'une offre de services de transport collectif routier. Ainsi, l'opérateur iDBUS a confirmé en séance cette "induction de trafic", l'estimant au moyen d'une enquête à 23 % de sa clientèle. Aussi peut-on s'attendre à ce que le développement de l'offre de transport par autocar induise, à l'image de ce qui est observé dans l'aérien sur le segment du court/moyen courrier "loisir", un accroissement du nombre de déplacements, c'est-à-dire une extension du marché du transport collectif, plutôt qu'un report de trafic et donc un risque de "cannibalisation" d'autres modes de transport collectif, au premier rang desquels le transport ferroviaire.

154. En revanche, tous les opérateurs font valoir que les utilisateurs de la voiture particulière constituent une cible importante de clientèle.

155. Enfin, certains opérateurs ont indiqué qu'une part non négligeable de leur clientèle était constituée de familles.

2. LES FACTEURS D'ATTRACTIVITÉ DES LIAISONS ROUTIÈRES

156. Plusieurs facteurs d'attractivité des liaisons intérieures du point de vue des opérateurs ont pu être identifiés par l'instruction : qualité du réseau routier et densité de la population (a), absence de solutions de transport à bas coût (b), insuffisance de l'offre ferroviaire (c).

157. Une autre condition du développement de lignes routières intérieures est l'existence de gares routières dans les villes que les opérateurs envisagent de desservir. L'existence de gares routières tout d'abord, et l'accès aux gares existantes en second lieu, constituent des conditions nécessaires au développement de liaisons intérieures. Il s'agit, comme cela sera plus amplement développé plus loin, de contraintes fortes, présentées comme telles par tous les opérateurs.

a) Qualité du réseau routier et densité de population

158. Pour la plupart des opérateurs, le mode collectif routier ne serait plus dans sa "zone de pertinence" au-delà de 600 kilomètres et serait particulièrement attractif pour des distances comprises entre 300 kilomètres et 600 kilomètres.

159. Partant de cette délimitation du domaine de pertinence du mode collectif routier, les liaisons attractives pour les opérateurs, sur lesquelles de gros volume de trafic peuvent être anticipés, sont des liaisons empruntant des axes routiers efficaces, c'est-à-dire autorisant une vitesse commerciale élevée. La qualité des infrastructures routières, mais aussi le degré de congestion du réseau routier constituent donc un premier critère à prendre en compte pour apprécier l'attractivité de liaisons par autocar (37)

160. La densité du réseau autoroutier n'est toutefois pas un critère suffisant pour apprécier le volume de trafic et donc l'attractivité d'une ligne, du point de vue des opérateurs. Ce critère de densité du réseau routier doit en effet être conjugué avec un critère démographique de densité de population (38)

161. On peut en effet raisonnablement s'attendre à ce que les liaisons entre régions à faible densité de population (par exemple le Limousin, l'Auvergne…) soient faiblement attractives pour les opérateurs de transport collectif routier, et ce, même en présence d'un réseau routier de qualité.

Liaisons radiales

162. A l'inverse, les liaisons radiales au départ de l'Ile-de-France sont amenées à attirer des volumes importants de trafic. Les opérateurs ont en effet tous souligné l'attractivité des liaisons au départ de Paris, considérant qu'il s'agit là des liaisons à plus fort potentiel, tant l'Ile-de-France est une aire géographique génératrice de trafic.

163. Ainsi, les liaisons entre Paris et Lyon, Paris et Bordeaux, Paris et Lille et Paris et Rennes ont été présentées comme les liaisons à plus fort potentiel. Un des arguments avancés pour expliquer l'attractivité de la liaison routière Paris-Lyon est la forte part modale de la voiture particulière sur cette liaison, estimée à 30 %. Cet argument illustre la pertinence des critères de qualité du réseau routier et de densité de population et rend compte, corrélativement, de ce que la clientèle visée par les autocaristes est constituée de voyageurs n'empruntant pas de mode de transport collectif.

Liaisons transversales entre capitales régionales

164. Sont également amenées à attirer des voyageurs, pour les mêmes raisons, les liaisons transversales entre capitales régionales, comme la liaison Lyon-Bordeaux, pour laquelle des opérateurs avaient sollicité davantage d'ouverture du marché avant même la réforme de 2011, ou encore les liaisons entre Rennes et Bordeaux, entre Lyon et Nantes ou encore entre Bordeaux et Nice via Toulouse et Montpellier. Ce type de liaison présente un potentiel de trafic pour les autocaristes d'autant plus fort que l'offre ferroviaire y est souvent assez imparfaite (cf. paragraphes 170 à 173 ci-dessous), et que les prix des services de transport aérien y sont souvent élevés. Ce constat est partagé par l'ensemble des acteurs entendus.

165. Il a toutefois été souligné que certaines de ces liaisons transversales, bien qu'ayant un potentiel élevé de croissance, sont, en l'état actuel de la réglementation, difficiles à exploiter.

166. Il peut en effet apparaître difficile de trouver des passagers internationaux pour certaines de ces liaisons et, par conséquent, de mettre en place un service de cabotage répondant aux exigences de la clientèle intérieure. Il peut également, comme cela a déjà été mentionné, se révéler difficile de rendre des liaisons intérieures attractives commercialement car les horaires qu'impose le régime actuel de cabotage réduisent de fait la clientèle nationale. C'est le cas notamment de la liaison radiale entre Paris et Bordeaux et de la liaison transversale entre Lyon et Clermont-Ferrand.

167. Par ailleurs, comme déjà souligné au paragraphe 124, 96% des liaisons pour lesquelles les demandes d'autorisation ont systématiquement été refusées (soit 269 liaisons) sont des liaisons transversales.

b) Absence d'alternatives modales à bas coût

168. Les liaisons parallèles à des lignes TGV sont considérées comme attractives car l'existence d'une ligne TGV témoigne de l'existence d'une demande de transport conséquente, que tous les clients potentiels n'ont pas nécessairement les moyens de satisfaire au travers d'un transport en TGV. Les liaisons en autocar permettent alors d'attirer les clients n'ayant pas les moyens de recourir au TGV, mais peu sensibles au temps de parcours, qu'il s'agisse de nouveaux voyageurs ou de clients habitués à utiliser leur voiture particulière. Comme indiqué précédemment, un des indicateurs utilisé par les opérateurs pour apprécier le potentiel de croissance du trafic sur une ligne de transport par autocar est en effet la part modale de la voiture particulière sur la liaison en question. Ainsi, la liaison entre Paris et Lyon, sur laquelle la part du trafic assurée par la voiture particulière est estimée à 30 %, est considérée comme ayant encore un important potentiel.

169. La plupart des autorisations de cabotage sur des lignes parallèles à des lignes TGV ont d'ailleurs été délivrées. Aussi, les liaisons par autocar parallèles à des lignes TGV mais non (encore) autorisées seraient attractives. C'est le cas de la liaison Paris-Reims par exemple.

c) Insuffisance de l'offre ferroviaire alternative

170. Des services d'autocar pourraient également se développer et attirer de la clientèle sur des liaisons non ou insuffisamment desservies par un mode collectif, y compris pour des dessertes de gares ou d'aéroports. En comparaison avec d'autres pays, la qualité du réseau routier français devrait en outre permettre que ces services s'effectuent dans de bonnes conditions. On note en effet que la France dispose du réseau routier le plus vaste d'Europe, avec plus de 1 million de kilomètres de routes, dont 1,1% d'autoroutes et qu'elle est le 5ème pays européen pour la densité de son réseau routier, avec 1,9 kilomètre de route par km² (39)

171. A titre d'exemple, les liaisons entre Clermont-Ferrand et Montpellier ou entre Lille et Metz, sur lesquelles l'offre régulière de transport collectif n'est pas suffisante puisqu'il n'existe pas de ligne ferroviaire directe, sont considérées comme des liaisons à fort potentiel de trafic. (40) Dans un autre ordre d'idées, les liaisons vers les stations de sports d'hiver, qui ne sont pas desservies par le mode ferroviaire du fait des ruptures de charge et du caractère saisonnier des flux, pourraient utilement être desservies par l'autocar.

172. Les liaisons desservies par le mode ferroviaire mais dont le temps de trajet est long, parce qu'il comprend un temps de rabattement important ou de nombreuses correspondances, ou sur lesquelles le matériel utilisé est vétuste voire obsolète, ce qui limite la vitesse commerciale et le confort du service, pourraient également être attractives pour l'autocar. Ces cas ne sont pas rares. Sur la base d'un échantillon de 5 086 liaisons interrégionales, un rapport du Sétra de juin 2012 relève en effet que, sur 30 % de ces liaisons, l'offre ferroviaire présente une vitesse moyenne de moins de 60 km/h, tandis que la vitesse moyenne de l'autocar sur les liaisons de l'échantillon est estimée à 76 km/h (41). La faible vitesse commerciale des trains sur certaines liaisons, qui peut s'expliquer par le nombre de dessertes de villes intermédiaires, des contraintes liées à l'exploitation du réseau ferroviaire (limite de vitesse de circulation) ou encore par des temps de correspondance importants, sont un élément déterminant de l'attractivité d'une desserte par autocar de ces liaisons. Ce mode de transport dispose en effet d'un avantage comparatif par rapport au mode ferroviaire en termes d'ajustement des capacités (cf. paragraphe 204).

173. En conclusion, il ressort de cette première section consacrée à la présentation du marché du transport régulier interrégional par autocar que l'offre de services y est encore peu développée, notamment en raison des contraintes imposées par le cadre réglementaire.

SECTION 2. LES EFFETS POTENTIELS DU DEVELOPPEMENT DE L'OFFRE DE TRANSPORT PAR AUTOCAR

174. Il ressort des éléments recueillis que des gains substantiels et variés peuvent être retirés d'un développement des offres de transport régulier longue distance par autocar (I). Dans la mesure où ces nouveaux services peuvent se développer en parallèle d'offres ferroviaires et notamment de services conventionnés, la question de la concurrence ou de la complémentarité des deux modes doit être plus spécifiquement étudiée (II).

I. Les gains escomptés

175. Le développement d'une offre de transport interrégional par autocar correspond, en premier lieu, à l'émergence d'une offre routière à bas prix, dont on peut attendre, à l'instar de ce qui a pu être observé dans le secteur aérien, qu'elle contribue à des gains de pouvoir d'achat, d'élargissement du marché et de diversification de l'offre (A).

176. Les gains de l'ouverture du marché du transport collectif routier ne se limitent cependant pas à des gains de pouvoir d'achat. Un accroissement de la mobilité, dû à l'arrivée d'une offre à bas prix mais également à un meilleur maillage du réseau de transport et à la diversification de l'offre de transport, est également à attendre (B).

A. LES GAINS DE POUVOIR D'ACHAT POSSIBLES

177. Les transports occupent une part importante du budget des ménages : en 2012, la part des transports dans les dépenses de consommation des ménages s'élevait en effet à 14,1 %, tous modes confondus (42). La part des services de transport représentait quant à elle 16,3 % de l'ensemble des dépenses de transport, soit 2,3 % de l'ensemble du budget des ménages français.

178. Or, le développement des transports interurbains par autocar devrait améliorer le pouvoir d'achat des consommateurs grâce à des prix des billets plus compétitifs que ceux des autres modes de transport (1), une plus grande stabilité des tarifs (2) et à une pression à la baisse des prix des autres modes de transport (3). En cela, l'ouverture du marché du transport par autocar devrait contribuer à alléger la part du budget des ménages consacrée aux services de transport

1. EFFET DIRECT SUR LES PRIX DU TRANSPORT

179. Du point de vue des consommateurs, le premier intérêt de l'ouverture du marché du transport interurbain par autocar est la création d'une offre de transport à des prix plus compétitifs que ceux proposés par les autres modes de transport, et ce en raison de l'avantage en termes de coûts de production dont bénéficie ce mode par rapport aux autres modes de transport collectif, en particulier le mode ferroviaire.

180. Le transport par autocar offre en effet une alternative modale à un coût raisonnable car ne nécessitant pas d'investissement lourd dans les infrastructures et utilisant des matériels roulants facilement redéployables (43)

181. A titre indicatif, les éléments recueillis indiquent que, pour des prestations de transport infrarégional équivalentes, les coûts d'exploitation du TER sont environ 3 fois supérieurs aux coûts d'exploitation de l'autocar et que cet écart est encore plus important lorsque l'on compare les coûts complets, c'est-à-dire que l'on tient compte des coûts d'infrastructure et de matériels roulants. (44)

182. S'agissant du coût moyen du transport longue distance par autocar en France, il est estimé par les opérateurs à environ 2,20 euros par kilomètre, ce qui rend ce mode de transport plus compétitif que le train.

183. La concurrence entre transporteurs routiers de voyageurs devrait permettre aux consommateurs de bénéficier de cet avantage en termes de coûts (45), d'autant que, comme souligné précédemment, l'élasticité prix de la demande de transport par autocar longue distance semble élevée. Aussi, même avec une structure de marché très concentrée, on peut s'attendre à une vive concurrence en prix entre les opérateurs.

184. Comme relevé au paragraphe133, pour une même liaison, les tarifs proposés aux voyageurs empruntant l'autocar sont plus attractifs que ceux d'autres modes collectifs, en particulier le TGV et le transport aérien, même "low cost". En particulier, les billets de TGV apparaissent en moyenne deux fois plus chers que les billets de transport par autocar.

185. Ce différentiel de prix est conforme à ce qui peut être observé dans les pays ayant une plus grande expérience de la concurrence sur le marché du transport par autocar (cf. annexe 4). Ainsi, en Grande-Bretagne et en Suède, les prix des billets de transport par autocar sont significativement inférieurs aux prix des billets de train, de l'ordre de 50 % (46)

186. On s'attend en outre à ce que le prix des billets d'autocar soit d'autant plus bas que la concurrence entre autocaristes s'intensifie et que des opérateurs spécialisés dans les offres "low cost", tels que Stagecoach avec son offre Megabus, entrent sur le marché, à l'instar de ce qui a pu être observé dans des pays ayant libéralisé le transport longue distance par autocar. (47)

187. C'est également l'effet attendu de l'ouverture à la concurrence du marché en Allemagne. Les prévisions disponibles à ce jour font en effet état d'une baisse des prix des billets de transport longue distance par autocar de l'ordre de 30 % (48) consécutivement à la libéralisation du marché.

2. MOINDRE VARIABILITÉ DU BUDGET "TRANSPORT" DES MÉNAGES

188. Un autre effet potentiel bénéfique sur le pouvoir d'achat des ménages attendu du développement de l'offre de transport par autocar est de permettre aux usagers d'acheter leur billet peu de temps avant le départ, sans supporter de forte variation des tarifs. Les opérateurs actuellement présents sur le marché présentent en effet à leur clientèle des tarifs permanents, c'est-à-dire qui varient très peu en fonction de la date de réservation.

189. Les prix peuvent être modulés selon la période de la semaine et de la journée mais la variation qui résulte de cette modulation est faible. Ainsi, comme relevé au paragraphe 137, pour une même liaison, la variation des tarifs des billets d'autocar constatée par l'instruction est de l'ordre de 20 % en moyenne quand la variation des tarifs des billets TGV est de l'ordre de 95 % en moyenne (49)

190. En outre, le prix des billets d'autocar ne varie pas en fonction de la date de départ. Aux périodes de pic de fréquentation (vacances scolaires, jours fériés, week-ends prolongés), les prix des billets d'autocar ne varient pas, contrairement à ceux des billets de TGV par exemple.

191. En introduisant une offre de transport régulier à des tarifs stables, le transport par autocar devrait aussi permettre de réduire l'incertitude relative au budget "transport" des ménages. En effet, même si des techniques de "yield management" étaient amenées à être plus largement utilisées à l'avenir par les opérateurs du marché du transport par autocar, compte tenu de la forte sensibilité au prix des usagers de ce mode de transport, la variabilité des tarifs ne pourrait qu'être faible.

2. EFFET INDIRECT SUR LES PRIX DES AUTRES MODES DE TRANSPORT

192. Dans le secteur aérien, il a pu être constaté un effet indirect de l'arrivée de transporteurs "low cost" sur les tarifs proposés par les compagnies aériennes "traditionnelles" pour les liaisons en concurrence. Cet effet, aussi appelé "effet Southwest", du nom de la compagnie américaine pionnière du "low cost" aérien, consiste en un mimétisme tarifaire des compagnies de transport aérien en place qui réduisent leurs tarifs, d'abord à l'annonce de l'arrivée d'un concurrent "low cost" sur les liaisons qu'elles desservent, puis aussi, une fois le concurrent implanté (50)

193. Dans le secteur des transports collectifs terrestres, il peut être pertinent de se demander si l'arrivée d'une offre routière "low cost" pourrait se traduire par un tel effet indirect. On pourrait envisager que sur une ligne existante, l'arrivée d'une offre par autocar incite les opérateurs servant déjà cette ligne avec un autre mode (ferroviaire ou covoiturage) à baisser leurs prix. Cet effet bénéficierait aux clients restés fidèles à l'opérateur préexistant de sorte que l'arrivée d'une offre de transport routier aurait comme conséquence une baisse généralisée du prix du transport collectif terrestre. Un tel effet a ainsi pu être observé en Grande-Bretagne où certaines catégories de billets de train ont vu leur tarif baisser en réponse à l'arrivée de la concurrence des autocars. C'est notamment le cas des tarifs des billets longue distance en période creuse (51)

194. Cependant, en France, du fait du différentiel de temps de trajet important et de la très faible substituabilité entre ces modes qu'il entraîne, en particulier entre le mode routier et le mode ferroviaire à grande vitesse, un tel effet est peu probable.

195. Reste toutefois que le développement récent d'une offre de transport ferroviaire à grande vitesse sur la liaison entre Marne-la-Vallée et Lyon (offre Ouigo), bien qu'elle ne puisse être interprétée comme la conséquence de l'ouverture du marché du transport par autocar, rend compte de la volonté de l'opérateur ferroviaire de se positionner sur le segment du transport "low cost". Or, on ne peut exclure que la poursuite d'une telle stratégie soit, toutes proportions gardées, indirectement influencée par le développement de l'offre de transport collectif routier.

196. En outre, on ne peut exclure que le développement de l'offre de transport par autocar ait une influence sur le prix du transport en covoiturage et que le prix des billets de transport en autocar joue le rôle de prix plafond des prestations de covoiturage.

B. LA DIVERSIFICATION DE L'OFFRE DE TRANSPORT COLLECTIF

197. Le développement d'une offre de transport interurbain par autocar permettra, d'une part, de répondre à la demande de clients à revenus modestes (1), d'autre part, d'organiser des liaisons à ce jour délaissées par les opérateurs ferroviaires (2), et ce, avec une plus grande flexibilité (3).

1. EFFET "D'INDUCTION DE TRAFIC"

198. De manière générale, l'arrivée sur un marché d'une offre de transport "low cost" se traduit le plus souvent par une augmentation du trafic et donc de la taille du marché, la baisse des prix incitant de nouvelles catégories de la population à voyager. En ce sens, le "low cost" donne accès au transport à une clientèle qui jusqu'ici ne voyageait pas et participe ainsi à une forme de "démocratisation" du transport. Ainsi par exemple, l'entrée d'Easyjet en 1995 sur la liaison Londres-Barcelone, auparavant desservie par le duopole Iberia-British Airways, a entraîné une multiplication par cinq du trafic en dix ans (52). De même, l'arrivée de compagnies aériennes "low cost" à l'aéroport de Lyon aurait entraîné un doublement du trafic (53). Un même phénomène peut être attendu de l'arrivée d'une offre de transport collectif routier, sans qu'il soit possible à ce stade d'en apprécier l'ampleur.

199. En effet, dans les exemples européens ou sur les liaisons internationales, les transports par autocar s'adressent a priori à des personnes dont le déplacement est aujourd'hui freiné par le coût du voyage et qui sont prêtes à voyager plus longtemps pour réduire ce coût. Des études de clientèle réalisées par les opérateurs présents sur le marché français indiquent ainsi que plus de 40% des passagers en cabotage ont moins de 26 ans. Malgré un handicap manifeste en termes de temps de trajet, le transport par autocar attirerait donc des clients à revenus modestes et peu sensibles au temps de parcours, qui ne voyageraient sans doute pas si le train, l'avion ou la voiture constituaient les seules alternatives modales

200. Les opérateurs du marché français font eux-mêmes valoir que le développement d'une offre de transport collectif routier crée de nouveaux usages. Tous indiquent que l'arrivée d'une offre de transport par autocar permet à une clientèle voyageant peu, voire pas du tout, de voyager davantage (ex: étudiants, personnes âgées) de sorte que le volume d'activités augmente. Cette induction de trafic est due au fait que les prix des billets par autocar sont en moyenne plus bas que ceux des billets de train et d'avion et qu'ils peuvent être moins onéreux que l'usage de la voiture particulière

201. Cet effet d'induction de trafic ressort clairement des éléments recueillis, sans qu'il soit possible de le mesurer avec précision. Toutefois, sur le marché du transport par autocar sur des lignes intérieures en France, la part de la clientèle "induite" par l'émergence d'une nouvelle offre est estimée par les opérateurs eux-mêmes entre 20 et 30 % (54). iDBUS a ainsi fait état de cette induction de trafic en séance, l'estimant sur la base d'une enquête à 23 % de sa clientèle. Autrement dit, entre 20 et 30 % des usagers des lignes intérieures interrégionales desservies par autocar n'auraient pas voyagé en l'absence d'une telle offre, et ce alors même que ce mode de transport est encore peu connu et souffre toujours d'un déficit d'image en France.

202. Aussi, pour les individus ayant de fortes contraintes de budget, l'introduction d'une offre de transport par autocar à faible coût peut contribuer à un élargissement du marché et à une amélioration de bien-être. Cet effet serait en outre d'autant plus important que de nouvelles liaisons sont ouvertes, notamment des liaisons transversales non desservies par d'autres modes de transport.

2. ACCROISSEMENT DU NOMBRE DE DESSERTES

203. Dans les pays ayant une plus grande expérience de la libéralisation du marché du transport collectif routier, comme la Grande-Bretagne ou les pays scandinaves, les réseaux de transport par autocar longue distance, comme tous les réseaux de transport collectif, sont denses autour des principaux centres d'activités, le volume de trafic sur les liaisons entre ces pôles en justifiant l'exploitation commerciale (55). Les liaisons radiales au départ des capitales (Londres) et les liaisons transversales entre capitales régionales (Birmingham, Glasgow, …) constituent donc le réseau principal. Le fait que les services de transport par autocar longue distance soient exploités sans recours aux fonds publics explique que la viabilité financière de l'exploitation soit un critère central de la définition des liaisons desservies.

204. Toutefois, à la différence du transport ferroviaire, dans le secteur routier, des flux de trafic de bien plus faible densité peuvent suffire à soutenir une exploitation financièrement rentable. En outre, l'interface d'infrastructure physique du transport routier offre davantage de possibilités de dessertes que l'interface ferroviaire de sorte que le nombre de dessertes en autocar et donc de liaisons routières est potentiellement plus élevé que pour le transport ferroviaire. Pour ces raisons, un réseau plus étendu et des villes plus petites peuvent être couverts par le mode de transport par autocar.

205. Le développement de l'offre de transport par autocar peut donc permettre de mieux se déplacer sur le territoire, parce que ce mode permet de resserrer le maillage du réseau de transport collectif terrestre et de rendre un service de point à point, contrairement au train.

206. Aussi, le développement du transport par autocar peut-il permettre d'élargir l'offre de transport collectif aux liaisons non ou insuffisamment desservies par le mode ferroviaire. Une offre de transport routier peut être attractive et présenter un gain pour le bien-être collectif sur les liaisons pour lesquelles le service ferroviaire n'est pas plus rapide que la route, ou lorsque le trajet requiert des changements compliqués voire des correspondances entre deux gares parisiennes qui, non seulement allongent le temps de trajet, mais le rendent inconfortable, ou enfin lorsque la fréquence offerte sur la liaison ferroviaire est très faible.

3. FLEXIBILITÉ ACCRUE

207. Le transport routier possède, enfin, un atout structurel, celui de s'adapter rapidement aux évolutions des besoins de la clientèle, en termes de dessertes, de fréquences ou encore de délais de réservation (56)

208. L'adaptation du service en autocar est en effet facilitée par le fait que ce mode nécessite peu d'infrastructures dédiées. Il offre donc plus de flexibilité, du point de vue des opérateurs capables d'adapter leur offre de services à des besoins nouveaux et à des changements de préférences des usagers. .

209. Ainsi, par exemple, en Grande-Bretagne, le développement de services directs de transport routier longue distance vers les principaux aéroports (notamment Heathrow) et l'ajout de dessertes dans les campus universitaires, qui ont fait suite à l'ouverture du marché en 1980 sont présentés comme des illustrations de la capacité du mode routier à s'adapter aux évolutions de la demande de transport (57)

210. Pour les consommateurs, ce gain en flexibilité participe également des frais d'annulation réduits voire nuls et de la possibilité de réservation de dernière minute à des tarifs compétitifs. Ce faisant, les contraintes de planification du voyage sont allégées, facilitant la mobilité des individus.

C. LES GAINS POUR LA COLLECTIVITÉ

211. D'un point de vue plus général, le développement du transport régulier par autocar en France peut bénéficier à la collectivité dans son ensemble et pas seulement aux usagers de ce mode de transport.

212. Des gains en termes d'emploi sont par exemple à attendre du développement du marché du transport par autocar. Ainsi, dans une étude parue en août 2013, l'OPCA Transports anticipe un taux de croissance du nombre d'emplois dans le secteur des transports routiers réguliers de voyageurs compris entre 1,5% et 3% par an à horizon 2020, soit entre 10 000 et 16 000 créations d'emplois salariés et souligne que "la libéralisation du transport régulier par autocar peut fortement stimuler l'emploi dans le secteur" (58)

213. Enfin, s'agissant de l'impact sur l'environnement, une étude récente de l'ADEME.

(59) rend compte des bonnes performances énergétiques du transport par autocar (60). Ce rapport, sur lequel s'appuie notamment la Cour des comptes (61) indique en effet que, en zone régionale, l'efficacité énergétique moyenne par voyageur transporté des autocars est meilleure que celle des autres modes, le taux d'occupation moyen observé en France étant très élevé (environ 66 %). En cas de taux d'occupation réduit, l'autocar devient en revanche moins performant que le train TER moyen, les émissions pouvant même être comparables à celles des véhicules particuliers. De même, d'après ce rapport, l'efficacité énergétique des autocars en zone interrégionale peut être supérieure à celle des autres modes de transport collectif, trains TGV ou Intercités, selon les taux d'occupation respectifs de ces différents modes. Ainsi, les émissions de gaz à effet de serre des trains grandes lignes chargés à 15 % sont supérieures à celles des autocars chargés à 80 %, toutes choses égales par ailleurs. Cela ne signifie pas que les performances énergétiques de l'autocar sont meilleures que celles du train en toutes circonstances, mais met en évidence que les performances énergétiques comparées des deux modes ne se mesurent pas par véhicule mais dépendent du nombre de voyageurs transportés. Or, dans la mesure où, comme souligné par le rapport du Sétra de 2012, près de deux tiers des liaisons ferroviaires interrégionales correspondent à des flux de moins de 40 voyageurs par jour et 37 % à des flux de moins de 12 voyageurs par jour, quand le nombre de places assises par train est compris entre 200 et 600, les résultats présentés dans l'étude de l'ADEME correspondent à des situations fréquentes.

II. Concurrence ou complémentarité entre modes de transport ?

214. Une des conséquences éventuelles du développement de l'offre de transport par autocar mise en avant par certains observateurs du marché est le risque de "cannibalisation" des services ferroviaires par les services routiers. Cette position, bien que minoritaire, et l'existence d'un cadre d'autorisation préalable dont l'un des contrôles consiste à apprécier préalablement si l'ouverture d'une liaison de cabotage est susceptible de remettre en cause l'équilibre d'une ligne conventionnée, notamment ferroviaire, ont amené à s'interroger sur les façons dont cette atteinte pourrait se produire. En particulier, le développement du car pourrait-il avoir des conséquences négatives sur le taux de remplissage des trains et, si oui, le report de clientèle risquerait-il d'affecter sensiblement la faisabilité économique de l'exploitation de services publics offerts sur des lignes conventionnées ?

215. Ces considérations ont amené à étudier la réalité et les modalités d'une éventuelle concurrence entre le car et le train (A). D'autre part, mesurer la concurrence intermodale amène à s'intéresser à un mode de transport terrestre alternatif considéré comme le principal concurrent de l'autocar, le covoiturage (B).

A. CRITÈRES D'ANALYSE DE LA CONCURRENCE ENTRE LE CAR ET LE TRAIN SUR LES LIAISONS INTERRÉGIONALES

216. Certains facteurs doivent être analysés pour pouvoir établir si, d'un point de vue théorique ou d'un point de vue pratique, le train et le car doivent être considérés comme complémentaires ou au contraire substituables, et en ce cas concurrents. Les principaux critères sont l'appréciation des temps de trajets et le prix (1) ainsi que les besoins spécifiques des clientèles adressées et leur sensibilité au prix (2). Au regard de ces critères et des contraintes de capacité des différents modes de transport, l'offre d'autocar apparaît avant tout constituer une alternative complémentaire à l'offre ferroviaire (3).

1. TEMPS DE PARCOURS ET PRIX DU BILLET

217. Dans les secteurs des transports, l'analyse concurrentielle s'effectue généralement en retenant une définition de marché pertinent ligne par ligne, chaque ligne, ou origine-destination, constituant un marché pertinent. C'est notamment l'approche qui a été retenue par la Commission dans la décision du 12 août 2010 autorisant la prise de contrôle par Veolia Environnement et la Caisse des dépôts et consignations de Veolia Transdev (62) Elle est également cohérente avec la pratique décisionnelle de la Commission en matière de transport aérien et de transport ferroviaire de voyageurs. Ainsi, dans la décision de la Commission n° COMP/M.3150, SNCF/Trenitalia du 4 août 2003, la Commission indiquait : "afin de définir les marchés géographiques pertinents dans le secteur des transports, la Commission a développé l'approche de paire point d'origine - point de destination (O&D). Selon cette approche, chaque combinaison O&D devrait être considérée comme un marché distinct du point de vue de la demande" (63). De même, dans sa décision n° 07-D-39 du 23 novembre 2007, le Conseil de la concurrence a retenu une approche origine-destination et a considéré comme marché pertinent la route Paris-Londres, sur lequel l'avion et le train étaient en concurrence (64). Dans sa décision n° 12-DCC-154 du 7 novembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs de la société SeaFrance par la société Groupe Eurotunnel, l'Autorité de la concurrence a suivi une approche similaire et a procédé à une analyse de substituabilité ligne par ligne (65)

218. La possible substitution entre modes de transport s'analyse donc ligne par ligne, en tenant compte d'un certain nombre de facteurs, comme le temps et le coût du trajet. En effet, lorsqu'un usager dispose, pour un déplacement donné, d'offres de transport alternatives reposant sur des modes différents, le temps est un paramètre essentiel du choix modal. Pour en tenir compte, il convient, dans une analyse de la concurrence intermodale, de monétariser le temps de déplacement c'est-à-dire d'estimer la valeur du temps, que l'on peut définir comme le prix qu'un usager est prêt à payer pour diminuer la durée de transport.

219. Ce faisant, il devient possible de comparer des modes de transport alternatifs et d'apprécier l'arbitrage à l'œuvre lorsque, sur une même origine-destination, un mode rapide mais plus cher (par exemple le train) et un mode plus lent mais meilleur marché (par exemple l'autocar) coexistent.

220. L'estimation de la valeur du temps permet en effet de mesurer le coût généralisé supporté par un usager pour un trajet modal, que l'on peut définir de la manière suivante :

où, est le coût généralisé d'un déplacement sur la liaison OD avec le mode de transport M, est la valeur du temps avec le mode M, est le temps de trajet sur la liaison OD avec le mode M et P est le prix payé par l'usager.

221. Une telle approche a été utilisée récemment par le Sétra pour analyser le choix modal en transport terrestre de voyageurs longue distance en France (66). Cette analyse repose sur un grand nombre d'hypothèses sur la valeur du temps mais aussi sur les temps de trajet et les prix. En particulier, la valeur du temps retenue pour chaque mode est une moyenne, et ne tient donc pas compte des différences de sensibilité au temps entre usagers. En outre, seules 18 origines-destinations interrégionales y sont étudiées, pour lesquelles, qui plus est, l'amplitude des temps de parcours en train est très large (67). Aussi, l'étude ne permet pas de tirer de conclusions pour l'ensemble des liaisons interrégionales. Elle fournit cependant un certain nombre d'enseignements et reste, à ce jour, la seule analyse robuste apportant des éléments d'appréciation tangibles de l'arbitrage à l'œuvre entre les modes ferroviaire et routier en France. Comme le déplorait en effet, en 2010, le rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable sur les services de transport d'intérêt national (68) la réflexion sur les conditions de concurrence entre mode routier et ferroviaire est peu approfondie et les rares études permettant d'appréhender la substituabilité entre les modes sont trop anciennes (elles datent des années 1970) pour que leurs conclusions puissent être utiles.

222. Du fait notamment des fortes fluctuations des temps de trajets en train auxquelles conduisent les hypothèses de l'étude Sétra, et du petit nombre de liaisons qui y sont étudiées, les résultats de l'étude doivent être interprétés avec précaution. Ils sont néanmoins cohérents avec les déclarations des acteurs du marché quant à l'existence d'un seuil au-delà duquel le mode routier ne serait pas pertinent, évalué à 600 kilomètres par les acteurs du marché, et qui apparaît être de l'ordre de 500 kilomètres d'après l'étude (69)

223. Les résultats de l'étude sont également cohérents avec les déclarations des acteurs du marché quant à l'imparfaite substitution entre les modes ferroviaire et routier même pour des distances inférieures à 500-600 kilomètres. En effet, la comparaison des coûts généralisés de chacun des deux modes sur les 18 liaisons interrégionales étudiées amène plutôt à conclure à une complémentarité entre le car et le ferroviaire, l'autocar se révélant rarement plus compétitif que le train en termes de coût généralisé de déplacement. L'existence d'une concurrence entre les modes collectifs terrestres semble donc loin d'être avérée, les risques de report de la clientèle des services ferroviaires vers le mode routier l'étant encore moins.

2. PARTICULARITÉS DE LA CLIENTÈLE

224. Les transporteurs s'accordent tous pour indiquer que l'autocar vise une clientèle peu dépendante du temps de parcours mais fortement sensible au prix : jeunes et étudiants, seniors, petits budgets, personnes non actives, pour qui la durée de transport et certains aléas quant à l'heure d'arrivée ne sont pas importants, ou qui ne prévoient pas leurs voyages en avance de manière à bénéficier de tarifs bas. Cette catégorie de clients renvoie à la distinction opérée par la Commission dans ses analyses concurrentielles dans le secteur des transports entre voyageurs "time-sensitive" et voyageurs "non time-sensitive"(70)

225. Tous les autocaristes indiquent considérer que leurs offres génèrent un surplus de voyageurs, ou "induction de trafic", car les services qu'ils proposent s'adressent en premier lieu à des usagers qui ne voyageraient pas en l'absence d'une telle offre. C'est le cas notamment d'iDBUS qui, sur la base d'une enquête menée sur sa clientèle, a déclaré en séance qu'elle estimait cette part d'induction à 23 %, quand la proportion de ses clients qui aurait pris le train en l'absence d'offre routière est évaluée à 30 %. Le report modal au détriment d'autres modes de transports, le train notamment, leur semble donc très faible.

226. Une autre clientèle spécifique est ciblée, celle des automobilistes, identifiés comme prêts à effectuer l'OD avec un temps de transport similaire. C'est d'ailleurs un axe fort de la communication de certains autocaristes longue distance : "L'offre iDBUS s'adresse principalement aux automobilistes, qui recherchent un mode de transport simple d'usage, plus économique, plus sûr et sans concession sur le confort. Pour 80 % des déplacements de plus de 100 km en France, les voyageurs ont fait le choix de la voiture individuelle, une tendance qui s'est généralisée en Europe. Les études-clients préalables au projet iDBUS, comme l'identification du profil des premiers voyageurs, montrent que l'attractivité du car est plus forte auprès des automobilistes qu'auprès des utilisateurs du train.". De manière générale, et comme déjà indiqué au paragraphe 163, un des critères retenus par les opérateurs pour déterminer l'attractivité d'une liaison routière est la forte part modale de la voiture particulière sur la liaison en question, ce qui rend compte de ce que la clientèle visée par les autocaristes n'est pas celle des services ferroviaires.

227. Certains besoins accessoires des voyageurs peuvent également être déterminants du choix du mode collectif routier plutôt que d'autres modes de transport. Comparé au transport aérien "low cost", l'autocar peut ainsi apparaître plus adapté au transport gratuit en soutes de bagages nombreux ou massifs et offre davantage de services à bord comparativement aux services aériens de court et moyen-courrier (wifi par exemple). De même, l'autocar longue distance permet, à l'occasion de trajets nocturnes longs, d'économiser sur l'hébergement, ce qui peut être un avantage pour ce mode de transport, particulièrement sur les liaisons pour lesquelles la différence de temps de parcours (et de prix) entre autocar, d'une part, et train voire avion, d'autre part, est importante. Les offres des transporteurs prévoient fréquemment dans cette perspective des départs en soirée (voir paragraphe 132).

3. CONTRAINTES DE CAPACITÉ

228. Le mode collectif routier est davantage contraint en capacité que le mode ferroviaire, en raison des matériels roulants utilisés (dont le nombre de places assises tend d'ailleurs à se réduire à mesure que le confort proposé s'améliore) et de la congestion routière. Ainsi pour illustration, des autocars longue distance confortables comprennent autour de 50 places assises, tandis que les TET en proposent en moyenne 600 (71) et les TER assurant des services interrégionaux environ 200 (72) Aussi, sur les liaisons interrégionales à forte densité de trafic, où le mode lourd qu'est le ferroviaire est tout particulièrement adapté, les risques que le transport collectif routier vienne capter une part substantielle de la demande ferroviaire apparaissent très limités.

229. Sur les liaisons à faible densité de trafic ferroviaire ou dans les périodes creuses de l'offre ferroviaire, l'autocar pourrait en revanche être plus attractif que le train du point de vue des usagers. Or, dans la mesure où cette attractivité découlerait de l'insuffisance de l'offre ferroviaire, on ne peut considérer que l'offre de services routiers viendrait concurrencer l'offre ferroviaire sur les liaisons en question.

230. Il ressort donc de l'ensemble de ce qui précède que l'autocar et le train paraissent difficilement pouvoir être considérés comme des modes de transport substituts de sorte que la concurrence entre ces modes sur les liaisons interrégionales semble pour le moins limitée. C'est d'ailleurs ce qu'ont indiqué les opérateurs au cours de l'instruction. C'est aussi ce qui ressort des expériences étrangères de libéralisation du transport par autocar. En effet, au Royaume-Uni comme en Espagne ou dans les pays scandinaves, l'ouverture du marché du transport par autocar n'a pas freiné le transport ferroviaire.

231. D'un point de vue plus pragmatique, on notera en outre que les acteurs du marché de l'autocar ont indiqué ne pas tenir compte des prix des billets de train, TET et, a fortiori, TGV, dans la détermination de leurs propres tarifs, ce qui tend à corroborer l'argument d'une faible substituabilité entre les deux modes.

232. Les conditions et circonstances dans lesquelles le développement du car pourrait avoir des conséquences négatives sur le taux de remplissage des trains et risquerait donc de porter atteinte à l'équilibre économique d'une ligne ferroviaire paraissent donc, en théorie, limitées. Afin de les préciser, il a été procédé à une analyse des caractéristiques de l'ensemble des liaisons routières ayant fait l'objet d'un refus d'octroi d'autorisation entre juillet 2011 et septembre 2013 comparées avec les caractéristiques des liaisons ferroviaires conventionnées pouvant potentiellement être affectées par ces nouveaux services. Ainsi, chaque service horaire de transport entre une ville d'origine et une ville de destination (OD) ayant fait l'objet d'une demande d'autorisation refusée a été comparé au service de transport conventionné avec lequel il risquait d'entrer en concurrence, c'est-à-dire avec le service de transport conventionné proposé entre les mêmes villes d'origine et de destination et à un horaire comparable.

233. Il ressort de cette analyse empirique (voir graphique n° 3) que la distance médiane des liaisons routières ayant systématiquement fait l'objet d'un refus est de 233 kilomètres alors que les liaisons de moins de 233 kilomètres ne représentent que 23% de l'ensemble des liaisons ayant fait l'objet d'une demande d'autorisation (la distance médiane de l'ensemble des liaisons ayant fait l'objet d'une demande d'autorisation étant de 406 kilomètres). Les liaisons de moins de 233 kilomètres qui, au regard de la définition du Sétra, correspondent à des liaisons interrégionales de courte distance (73)

, semblent donc les plus sensibles.

Graphique 3 : dispersion des liaisons routières systématiquement refusées en fonction de la distance kilométrique

<EMPLACEMENT GRAPHIQUE N° 3>

234. On constate, en outre, que, sur les liaisons ayant fait l'objet d'un refus d'autorisation, les temps moyens de trajet en transports conventionnés, que les services soient réalisés en train ou en train et en autocar, sont significativement inférieurs aux temps moyens de trajet en autocar pour les liaisons de plus de 189 km. Au-dessous de cette distance, le transport par autocar ne présente pas de désavantage, et peut même présenter un avantage en termes de temps de parcours par rapport au train (voir graphique n° 4). Ceci est notamment dû au fait que les trains conventionnés n'empruntent pas toujours le tronçon ferroviaire le plus court entre deux villes (c'est le cas par exemple pour les liaisons transversales) et qu'ils effectuent parfois plusieurs arrêts à des points de desserte intermédiaires non prévus par les autocaristes. L'éventuel risque de report de la clientèle des services de transport conventionnés vers les services de transport par autocar est donc sensible à partir de cette distance. Cette proposition se trouve en outre corroborée par le constat que la très grande majorité des refus effectivement motivés par les autorités organisatrices de transport concernent des liaisons de moins de 200 kilomètres.

Graphique 4 : comparaison des temps et des distances de parcours en autocar et en train sur les liaisons systématiquement refusées

<EMPLACEMENT GRAPHIQUE N° 4>

235. Il résulte de ce qui précède que les liaisons routières d'une distance inférieure à environ 200 kilomètres sont celles pour lesquelles il peut apparaître justifié d'examiner si l'ouverture d'une liaison routière peut affecter l'équilibre économique de conventions de service public de transport et risque de porter atteinte à leur viabilité économique.

C. LE COVOITURAGE, QUELLE CONCURRENCE FAITE À L'AUTOCAR ET AUX TRANSPORTS COLLECTIFS?

236. Le covoiturage est une pratique en développement en France. Pour certains transporteurs, il tend à concurrencer l'autocar, voire le ferroviaire. Il ressort néanmoins des éléments recueillis que cette pratique reste distincte du transport collectif, même si l'autocar et le covoiturage connaissent un certain degré de concurrence.

1. ELÉMENTS DE DÉFINITION

237. Le covoiturage peut être défini comme le fait d'utiliser de manière conjointe et préalablement organisée (à la différence de l'auto-stop) un véhicule individuel, par un conducteur non professionnel et un ou plusieurs tiers passagers, dans le but d'effectuer un trajet en commun.

238. L'intérêt pour les voyageurs consiste à réduire les dépenses de transport, en en partageant certaines (carburant et péages notamment) mais également d'agrémenter les voyages (développer le lien social). Plus globalement, il peut avoir un intérêt collectif : augmenter le taux de remplissage des véhicules et ainsi diminuer les embouteillages ou la pollution.

239. Il y a lieu de distinguer deux types de covoiturage : le "domicile-travail" (ou pendulaire) et le covoiturage "longue-distance". Le premier apparaît notamment soutenu par les collectivités territoriales, certaines s'efforcent de le développer, par la création notamment d'aires de covoiturage. Il nous intéressera moins que le second.

3. ETAT DU MARCHÉ

240. La presse généraliste ou spécialisée fait ainsi état d'une croissance importante de ce transport et de ses acteurs. Les services "blablacar" (74) et "carpooling" (75) font figure de leader. Par ailleurs, le groupe SNCF a racheté en septembre 2013 le service "123envoiture.com", ce qui a été largement présenté comme une conséquence de la concurrence accrue qu'exercerait le covoiturage sur le transport ferroviaire, mais aussi par autocar (76)

241. Ce mode de transport connaît un dynamisme certain, du fait notamment de l'usage croissant des technologies de l'information et des terminaux mobiles. Il serait ainsi proposé par près de 300 sites internet et plus de 3 millions de personnes y auraient recours.

4. SUBSTITUABILITÉ, CONCURRENCE, COMPLÉMENTARITÉ

242. En termes de distance pertinente et de temps de parcours, le covoiturage longue distance et l'autocar apparaissent particulièrement comparables. Tous deux recourent au réseau routier, avec ses avantages de desserte et également ses inconvénients, en termes de congestion notamment.

243. Certains acteurs entendus ont fait état d'une concurrence exercée par le covoiturage sur les transports collectifs terrestres (fer et autocar). Ainsi iDBUS, qui axe une partie de sa communication sur le fait que son service vise à concurrencer la voiture individuelle et le covoiturage, a fait part, dans sa contribution à la consultation publique, d'une pression "extrêmement forte" exercée par le covoiturage sur ses prix. Eurolines a néanmoins indiqué ne pas prendre en compte les tarifs de covoiturage pour fixer les siens. Pour sa part, la FNTV considère que l'autocar et le covoiturage ne sont pas substituables, du fait notamment de l'absence de garanties de prestations.

244. Une autre caractéristique potentiellement avantageuse du covoiturage longue distance est qu'il permet dans une certaine mesure des dessertes plus fines. Les plateformes utilisées autorisent ainsi notamment une discussion et un accord entre les voyageurs, sur les adresses précises de prise en charge et de destination. En termes d'origine-destination, le covoiturage adresse donc potentiellement tous les points d'un territoire, quand les modes collectifs sont eux davantage contraints, de gare à gare.

245. Toutefois, le covoiturage semble peu concurrencer les transports en commun dans la mesure où, selon une étude de l'ADEME : "les ¾ des voyageurs "co-voiturent" en remplacement de l'utilisation de leur voiture personnelle et seul ¼ co-voiture au lieu d'utiliser les transports en commun" (77). Toujours selon cette étude, le covoiturage apparaît comme la "solution pertinente de mobilité en zones peu denses, mal connectées aux transports en commun à des coûts raisonnables, ou à des périodes où les transports collectifs ne sont pas disponibles" (78)

246. De plus, cette pratique de mobilité ne permet pas à tous les types de voyageurs de se déplacer. Les familles en particulier ne font pas partie de la demande adressable par les services de covoiturage. . De ce fait, cette alternative de transport serait plutôt complémentaire au transport régulier par autocar (et par train) que concurrente.

247. De même, pour les consommateurs désirant prévoir suffisamment longtemps à l'avance leur voyage, les services de covoiturage sont moins pertinents car les dates et horaires de départ sont décidés par les conducteurs et sont donc soumis à des aléas difficilement compatibles avec une demande de date et d'horaire de départ non flexibles. Le covoiturage n'a pas les caractéristiques essentielles du transport régulier, il n'apporte pas les mêmes garanties, la même prévisibilité pour les voyageurs, en termes de continuité de service, de fréquences, d'horaires, et de dessertes géographiques.

248. Pour ces raisons notamment, il paraît davantage de nature à adresser une demande de voyage occasionnelle.

249. D'autres caractéristiques du covoiturage limitent sa substituabilité à l'autocar :

- il ne permet pas le transport de bagages dans une mesure similaire;

- il n'offre pas le même confort que l'autocar, qui permet de "rentabiliser" le temps de trajet. Il paraît davantage possible de lire, travailler, dormir en autocar alors que la solution de covoiturage permet difficilement de réaliser les deux premières activités et met plutôt en avant le concept de partage (pratiques collaboratives) et d'échanges entre voyageurs que celle de repos.

250. Pour conclure, le covoiturage et l'autocar paraissent imparfaitement substituables, même s'ils exercent l'un sur l'autre une pression sur leurs prix respectifs. Au demeurant, d'une part, il s'agit avant tout d'une pratique individuelle de partage de coûts de l'automobile et non d'une activité économique de transport, et, d'autre part, le développement de cette pratique reflète avant tout des carences en termes d'offre de transport collectif.

SECTION 3. LES OBSTACLES AU FONCTIONNEMENT CONCURRENTIEL DU MARCHE DU TRANSPORT REGULIER PAR AUTOCAR

251. La section 2 a présenté un ensemble d'effets possibles du développement de l'autocar interrégional ou longue distance, pour l'essentiel globalement positifs, tant pour le consommateur voyageur que pour des collectivités organisatrices de transports collectifs. Ces effets ne semblent pouvoir être obtenus en l'état des obstacles au libre jeu concurrentiel sur les marchés de l'autocar et, plus largement, des transports terrestres.

252. Il ressort de l'ensemble des éléments au dossier que la principale limite au développement du marché du transport régulier par autocar est son cadre réglementaire. Plus précisément, les obstacles identifiés tiennent aux modalités d'autorisation des services interrégionaux (I) et au manque d'homogénéité et de transparence dans la gestion des gares routières de voyageurs (II).

I. Les limites tenant aux autorisations de services interrégionaux

253. Des limites importantes existent dans la mise en œuvre du contrôle opéré dans le cadre de la procédure d'autorisation des dessertes intérieures en cabotage. Elles génèrent des critiques unanimes de la part des acteurs concernés.

254. Ces limites et critiques tiennent (A) aux délais constatés dans le traitement des demandes d'autorisation, (B) aux contraintes liées au caractère accessoire du cabotage par rapport au service international, (C) au critère d'atteinte à l'équilibre économique de contrats de transports conventionnés et aux capacités des différentes AOT consultées pour en apprécier, et (D) à l'interdiction des dessertes intrarégionales dans le cadre du cabotage.

A. LES DÉLAIS D'INSTRUCTION DES DEMANDES D'AUTORISATION

255. Comme cela a été vu précédemment (§29 et suivants), la mise en place d'offres de transport par autocar en cabotage requiert l'obtention d'autorisations internationales, dans un premier temps, et d'autorisations de dessertes intérieures (ADI) nationales, dans un second temps. La délivrance de l'autorisation internationale est en théorie encadrée par un délai de quatre mois à partir de la demande (art. 8 du règlement précité); la délivrance de l'ADI fait ensuite objet d'un délai de trois mois (qui inclut le délai de deux mois requis des AOT infra étatiques sollicitées pour émettre leur avis).

256. Ces délais annoncés sont en pratique fréquemment dépassés. Les transporteurs et leurs associations représentatives ont ainsi fait état de cas dans lesquels la délivrance des autorisations nationales et internationales a pris jusqu'à 18 mois, au lieu des 7 mois théoriquement prévues par les textes.

257. Ceci crée un aléa dommageable pour la prévision par les opérateurs des ressources (matériels, conducteurs) devant servir à l'exploitation commerciale du service une fois autorisé, des manque-à-gagner ou des coûts d'adaptation aux ODH effectivement octroyées. Cet état de fait rend la procédure préjudiciable à l'investissement et obère l'un des principaux avantages prêtés à l'autocar en termes de transport : sa facilité et sa rapidité de déploiement.

B. LE CARACTÈRE ACCESSOIRE DE L'OFFRE DE SERVICES EN CABOTAGE

258. Deux types de contraintes apparaissent du fait de l'inscription, à titre accessoire, des dessertes en cabotage au sein d'un service international : il s'agit de la "double règle des 50 %" (1), mais également des conséquences induites notamment par la géographie française, qui limitent l'attractivité des services intérieurs, en termes de dessertes et d'horaires notamment (2).

1. LES CONTRAINTES DE CHIFFRE D'AFFAIRES ET DE NOMBRE DE VOYAGEURS

259. Comme déjà relevé aux paragraphes 34 et suivants, les services de cabotage font l'objet d'une double contrainte liée au caractère accessoire requis du cabotage : le chiffre d'affaires et le nombre de voyageurs transportés en cabotage doivent rester en-deçà d'une limite de 50 %, ce qui est vérifié sur la base d'un rapport annuel devant être transmis par les transporteurs au service autorisateur, dans un délai d'un an et trois mois suivant l'obtention des autorisations.

260. Ce double critère est l'application en droit français du règlement européen n° 1073-2009 qui prévoit que la prise en charge et la dépose dans le cadre du cabotage "ne constitue pas l'objet principal de ce service". Il est considéré comme excessif par les acteurs. Selon eux, il entraîne, tout d'abord, une limitation du revenu tiré de l'activité "cabotage" et génère aussi, plus indirectement, des contraintes sur les outils de réservation (développements informatiques) afin de contrôler le nombre de voyageurs en cabotage. Il crée enfin une incompréhension de la part des voyageurs, voire une perte d'image, lorsque des cars non remplis refusent néanmoins des clients. IDBUS a ainsi indiqué en séance être régulièrement contrainte de cesser la commercialisation de ses billets, ce qui génère de la déception et des pertes côté clientèle.

2. LES CONTRAINTES SUR LES ITINÉRAIRES ET LES HORAIRES DU SERVICE AUX VOYAGEURS

261. La contrainte réglementaire d'inscription des dessertes nationales au sein d'un service international limite le nombre de villes desservies, du fait de la géographie du territoire français.

262. Ainsi, tout d'abord, des destinations ou des liaisons (notamment transversales) théoriquement intéressantes sont difficiles à rattacher géographiquement à un service international. L'obligation d'inscrire un service intérieur dans une ligne internationale limite ainsi l'offre de transport longue distance par autocar sur certaines parties du territoire, pour certaines communes et populations. Par ailleurs, sur certaines liaisons, les arrêts dans les villes françaises ne peuvent avoir lieu qu'à des horaires rendant leur usage difficile. A titre d'exemple, les dessertes de la ville de Bordeaux, inscrites dans des services vers l'Espagne ou le Portugal, ont lieu dans une large mesure de nuit. Certaines ADI octroyées ne sont ainsi pas exploitées du fait de ces contraintes.

263. Le problème des dessertes nocturnes peut se retrouver également conjugué avec celui lié à la rareté d'infrastructures routières pouvant accueillir de tels voyageurs dans des conditions minimales, d'accueil, de confort et de sécurité durant la nuit (voir développement sur les limites relatives aux gares routières, paragraphes

290 et suivants). L'attractivité des services routiers interrégionaux pour les voyageurs en ressort altérée.

C. LE CRITÈRE DE L'ATTEINTE À L'ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE DE CONTRATS DE TRANSPORTS CONVENTIONNÉS ET SES MODALITÉS D'EXAMEN

264. La procédure d'autorisation vise notamment à apprécier le risque d'une "atteinte à l'équilibre économique d'un contrat de service public de transport de personnes" par les offres d'autocars. Ce critère répond manifestement à des enjeux de politique publique, tendant notamment à éviter que des services de transports conventionnés, organisés pour des considérations d'intérêt général, ne soient moins rentables compte tenu de la concurrence d'offres privées plus compétitives.

265. Il ressort des éléments recueillis que l'examen de l'atteinte à l'équilibre économique d'offres subventionnées, motif essentiel de l'octroi ou du refus d'autorisation, connaît d'importantes limites. Ces limites découlent essentiellement de la procédure mise en œuvre impliquant l'Etat, d'une part (1), et les régions et départements, d'autre part (2), et des capacités de ces différentes AOT (3). Elles aboutissent à un examen partiel et dont la teneur reste floue pour les acteurs demandeurs (4).

1. LES AVIS DE L'ETAT EN TANT QU'AUTORITÉ ORGANISATRICE DES TRAINS TET

266. Comme déjà relevé au paragraphe 44, le service autorisateur (le bureau de l'organisation des transports routiers de voyageurs "TR2", au sein de la sous-direction des transports routiers de la DGITM) demande l'avis de l'Etat en tant qu'autorité organisatrice des "trains d'équilibre du territoire" exploités par la SNCF au titre d'une convention de trois ans conclue en décembre 2010 entre l'Etat et la SNCF. Le suivi de cette offre ferroviaire conventionnée est confié à un bureau adjacent au sein de la DGITM, la "mission autorité organisatrice des trains d'équilibre du territoire" (MAOT), au sein de la sous-direction des transports ferroviaires et collectifs et des déplacements urbains (FCD).

267. Il ressort des avis rendus par la MAOT pour les années 2012 et 2013 (ces avis sont absents concernant les demandes d'autorisations formulées durant l'année 2011) que la teneur de l'examen effectué est limitée. La contribution de l'État en tant qu'AOT consiste ainsi essentiellement en l'envoi d'un tableau répertoriant chaque ODH demandée, rapportant l'existence ou non d'une liaison TET en parallèle, et concluant sur ces bases à l'appréciation "favorable" ou "défavorable" du service à la demande d'ODH concernée, avis assorti d'un commentaire valant motif, avec quatre choix possibles : "départs suffisamment espacés" ou "pas de ligne TET" pouvant justifier l'avis "favorable"; "concurrence directe avec une ligne TET", ou "concurrence avec une liaison de nuit" pouvant justifier l'avis "défavorable".

268. Le tableau suivant illustre cette approche, dans le cas d'une demande d'ADI prévoyant quatre services horaires entre Paris et une ville frontalière (deux services horaires à l'aller et deux services horaires au retour).

Tableau n° 6 : exemple d'analyse de la concurrence entre autocar et TET réalisée par le service autorisateur

<EMPLACEMENT TABLEAU N° 6>

269. C'est donc la proximité des ODH entre les services routiers et TET qui fonde l'avis de l'Etat AOT, selon une approche mécanique. Les questions de substituabilité (prix pratiqués, durée des trajets, clientèles, etc.) ne sont pas prises en compte dans les dossiers d'examen observés.

270. De même, ces avis ne contiennent pas de projections d'impact sur l'offre TET conventionnée (en termes de trafics ou de recettes perdus notamment), des précisions qui sont pourtant demandées aux AOT infra-étatiques, concernant leurs offres TER notamment.

271. Enfin, le fait que l'Etat soit à la fois organisateur de services conventionnés (qui plus est au sein de la même direction du ministère en charge des transports), d'une part, et en charge de l'autorisation de services potentiellement "concurrents", d'autre part, suscite des questions en termes d'indépendance, d'objectivité et de garantie de traitement équitable. Les acteurs du secteur ont déploré cet état de fait.

2. LES AVIS DES CONSEILS RÉGIONAUX ET DÉPARTEMENTAUX

272. La qualité des réponses des AOT infra-étatiques aux demandes d'avis de la DGITM est des plus variables :

- Certaines AOT font des retours documentés sur les services existants et l'appréhension de l'impact des dessertes de cabotage demandées, en apportant, comme demandé, des projections sur les conséquences possibles sur les services conventionnés, en termes d'impact sur les trafics et les recettes associées. Elles émettent ainsi des avis circonstanciés, sur les aspects économiques notamment.

- Au contraire, d'autres - les plus nombreuses - émettent des avis minimaux, sans aucune analyse économique, exprimant une position d'hostilité de principe. Pour elles, le constat d'ODH proches entre les services routiers et ferroviaires, voire la simple existence d'une offre ferroviaire préexistante sur l'OD concernée, suffisent souvent à motiver leur position défavorable.

273. Par ailleurs, les orientations des réponses diffèrent substantiellement : certaines AO ont pu faire état d'investissements dans des infrastructures pour motiver des avis défavorables à l'ouverture de services routiers. D'autres ont fait état de l'existence de services TGV, pourtant particulièrement différents en termes de tarifs notamment, pour justifier de tels avis.

274. Enfin, certaines AOT régionales se contentent de renvoyer à leurs précédents avis sur des demandes similaires. Les conseils généraux, lorsqu'ils répondent, font généralement part d'avis neutres ou favorables aux services routiers proposés.

275. Ici encore, aucun des avis obtenus ne soulève de questions quant à la substituabilité des services sous l'angle des clientèles, des différences tarifaires entre les services, de la disposition à payer pour l'un ou l'autre ou encore du caractère régulier ou occasionnel du recours à ces services.

3. MOYENS ET INFORMATIONS DES AOT POUR APPRÉCIER L'ATTEINTE AUX OFFRES QU'ELLES ORGANISENT

276. Le code des transports prévoit que l'État et les collectivités publiques "ont accès aux informations relatives au trafic ferroviaire et aux données économiques nécessaires à la conduite d'études et de recherches de nature à faciliter la réalisation des objectifs assignés au système de transports" (article L. 1211-5). La loi a également renforcé, en 2013, les obligations de la SNCF de fournir aux AOT concernées des éléments de coûts, de recettes et de trafic liés aux offres qu'elles conventionnent, notamment par la fourniture d'un rapport annuel (article L. 2141-11).

277. L'ensemble des éléments recueillis montre que les autorités organisatrices connaissent d'importantes carences en données de transport, occasionnant des difficultés, voire pour certaines une impossibilité, à apprécier l'atteinte possible à leurs offres conventionnées.

278. Ainsi par exemple, une région déplore le fait que la convention la liant à la SNCF pour l'offre TER ne lui permet pas de connaître le niveau de recettes des liaisons. D'autres AOT font même état de discussions ponctuelles ou informelles avec la SNCF visant à obtenir des données permettant d'apprécier l'impact, les reports de trafics et les possibles pertes de recettes face à des services routiers, ce qui n'est pas sans poser de questions.

279. Plus largement, les éléments recueillis font apparaître des carences globales et récurrentes en matière d'informations liées aux services de transports (en termes de circulation, d'exhaustivité, d'objectivité et de collecte unifiée), pouvant nuire à l'exercice, par les AOT, de leurs compétences en matière de transport.

4. LA PRISE EN COMPTE DES AVIS DES AOT PAR LE SERVICE AUTORISATEUR

280. Les dossiers de demandes d'ADI recueillis montrent que le service autorisateur de l'État élabore ses propositions de refus ou d'autorisations sur la base de l'ensemble des avis obtenus des AOT (État, régions et départements). Au-delà des conditions réglementaires connues (par exemple celles relatives au caractère accessoire ou interrégional de la liaison cabotage), les critères d'autorisation pris en compte sont les suivants :

- l'absence d'un avis négatif de l'autorité organisatrice des trains TET ou des régions en tant qu'autorités organisatrices des trains TER;

- l'absence de concurrence directe à un train TER ou TET (coexistence de services ferroviaire et routier ayant la même origine-destination et des horaires de circulation proches);

- l'absence d'un refus antérieur d'une AOT dans un créneau horaire de plus ou moins 1h, et;

- ne pas être proche géographiquement d'une ODH refusée antérieurement en référence à un avis négatif émis par une région.

281. C'est avant tout sur la base de ces critères que le service propose au ministre l'octroi ou le refus des autorisations demandées. L'approche retenue donne ainsi un poids décisif aux avis des AOT, pris en compte mécaniquement, au-delà de leur nature consultative.

282. La proximité des horaires des différents services est également sujette à d'importantes approximations. Dans le meilleur des cas, la proximité en question est relativement précise et porte sur des ODH (dans les avis de la MAOT, qui concernent le TET uniquement). Cependant, elle apparaît réduite, au stade final de la procédure, à une question de coexistence de liaisons routières et ferroviaires (cf. documents "analyse concurrence route-fer" du service autorisateur, couvrant TER et TET notamment). Ainsi, l'examen de l'atteinte à l'équilibre économique semble déporté systématiquement sur les AOT.

283. Surtout, par manque d'information ou d'analyse, le contrôle opéré n'appréhende pas le risque réel d'atteinte à l'équilibre économique d'un contrat de service public. Ce faisant, la pratique administrative s'éloigne notablement du texte de la loi, qui prévoit que "L'État peut limiter ou, le cas échéant, interdire ces dessertes intérieures (…) si leur existence compromet l'équilibre économique d'un contrat de service public de transport de personnes. Il peut être saisi à cette fin par une collectivité intéressée". Dans ce contexte, la réponse faite aux demandeurs d'ADI consiste essentiellement en l'envoi de l'autorisation elle-même, sans précision sur les ODH refusées ni sur les motifs justifiant ces refus. Comme relevé précédemment, le cadre réglementaire, notamment européen, prévoit pourtant que les refus d'autorisation sont motivés.

284. De ce fait, les transporteurs entendus ont indiqué ne pas être en mesure d'apprécier la teneur de l'atteinte à l'équilibre économique d'offres conventionnées pouvant être opposée à leurs demandes. Un tel défaut de transparence est un frein important au développement efficace du marché du transport par autocar. Les acteurs de ce marché ne sont, d'une part, pas en mesure d'anticiper quelles lignes ils pourraient chercher à développer et, d'autre part, pas mis en situation d'analyser les raisons d'un refus et d'en tirer un plan de développement adapté.

285. Les transporteurs ont à cet égard souligné que la transparence sur le contenu du critère et les modalités de son examen pourrait être améliorée en s'inspirant du travail mis en œuvre par l'ARAF dans le cadre de la procédure d'autorisation des dessertes de cabotage ferroviaire. La procédure d'autorisation applicable à ces services (article L. 2133-1 du code des transports) est également basée sur un double examen, similaire à celui requis pour l'autorisation de dessertes routières, du caractère accessoire du service et de l'absence d'atteinte d'offres faisant l'objet d'un contrat de service public. Dans ce contexte, l'ARAF a mené des travaux multilatéraux qui ont renforcé la prévisibilité et la légitimité de l'examen opéré (décision n° 2013-004 du 27 février 2013 portant sur les services de transport international de voyageurs comportant des dessertes intérieures). Elle a rendu le 8 octobre 2013 une décision autorisant des liaisons, au terme d'un examen mené conformément aux principes qu'elle avait fixés.

286. Il ressort ainsi des éléments recueillis que la procédure d'autorisation mise en œuvre limite considérablement le développement des offres d'autocar. L'examen d'une possible atteinte à l'équilibre économique d'offres conventionnées est déficient, et ne consiste actuellement pas en une analyse d'un risque d'atteinte à l'équilibre d'une liaison conventionnée, sous l'angle de la substituabilité des deux services notamment. Un tel examen n'est pas illégitime : il peut en effet répondre à des préoccupations de politique publique et apporter des garanties que des services publics ne seront pas brutalement menacés par l'offre privée.

D. L'INTERDICTION DE FOURNIR DES DESSERTES AU SEIN D'UNE MÊME RÉGION

287. Il ressort du cadre réglementaire, et plus précisément de la définition même des services de cabotage routier (cf. supra §35), que les transporteurs routiers ont interdiction de prendre et déposer des voyageurs entre deux villes d'une même région administrative. La plupart des acteurs déplorent cette interdiction de principe. Ils font notamment état d'une demande adressable entre villes importantes d'une même région, sur une même liaison internationale.

288. Il y a lieu d'observer que cette interdiction n'existe pas dans le cadre du cabotage ferroviaire. Ainsi par exemple, l'entreprise ferroviaire Thello dispose d'autorisations de dessertes des villes situées entre Marseille et Menton, toutes comprises dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (avis de l'ARAF n° 2013-022 du 8 octobre 2013 relatif à l'impact du service de transport de voyageurs envisagé par l'entreprise ferroviaire Thello entre Milan, Gênes, Monaco, Nice et Marseille sur l'équilibre économique du contrat de service public de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur).

289. En tout état de cause, l'objectif de cette interdiction n'est pas clair. Elle fait "double emploi" avec la condition d'absence d'atteinte à l'équilibre économique d'offres conventionnées. Bien mené, ce dernier contrôle devrait théoriquement suffire à protéger des offres régionales de transport conventionnées. Aussi, une interdiction de principe des dessertes intrarégionales peut être considérée comme non justifiée.

II. Les limites tenant aux gares routières de voyageurs

290. Le cadre applicable aux gares routières a été précédemment décrit (cf. supra, §50 et suivants). Ce cadre, ancien, et sa pratique, constituent un obstacle majeur au développement des services d'autocar, notamment longue distance.

291. Déjà en 1992, une étude du CETUR (devenu le CERTU) intitulée "Gares routières, guide et recommandations" a pointé les faiblesses du cadre et notamment de la définition originelle : "On peut reprocher à cette définition d'être trop vague sur le plan juridique et de recouvrir des installations très différentes. Sur le plan des réalisations, les techniciens des transports répartissent ces installations en gares routières; haltes routières; haltes abris; autres aménagements. On opère aussi une classification catégorielle suivant leur destination : équipements lourds permettant d'assurer une bonne coordination des moyens de transport et l'interface des réseaux; simple structure d'accueil améliorant les conditions d'utilisation et d'exploitation d'un type de réseau; construction légère dont l'unique rôle est de rendre l'attente plus confortable à l'usager. On constate qu'une même législation s'applique à des installations dont la taille et la vocation sont bien différentes".

292. Aujourd'hui, les limites réglementaires et les carences associées sont essentiellement les suivantes.

293. En premier lieu, un manque notable d'infrastructures peut être regretté. Selon une enquête réalisée par la FNTV en 2012 portant sur 91 % des préfectures de département, seules "50 % des préfectures françaises disposent d'une gare routière". D'après l'un des acteurs, "beaucoup de villes françaises, même de grande taille, n'ont pas de gare routière digne de ce nom".

294. En deuxième lieu, les infrastructures sont peu adaptées aux transports "longue distance", qui nécessitent des équipements et services développés (espaces d'attente, toilettes, équipements adaptés aux dimensions particulières des cars internationaux, leur plus grande hauteur notamment). Or, les besoins d'équipements et de services sont accrus compte tenu des dessertes nocturnes occasionnées dans le cadre du cabotage. De plus, l'étude précitée de la FNTV sur les pôles d'échanges souligne que la présence humaine et commerciale sur les gares routières est discontinue, ce dont peut plus particulièrement pâtir le transport "longue distance", toujours du fait des horaires nocturnes.

295. En troisième lieu, les modalités d'accès aux gares routières sont extrêmement variables. Du fait du cadre réglementaire applicable (cf. supra, §55 et suivants) l'accès aux gares routières dépend d'une grande variété d'entités (collectivités territoriales de différentes natures et niveaux, émanations diverses et délégations), et les transporteurs connaissent des difficultés manifestes ne serait-ce que pour identifier l'interlocuteur pertinent pour en obtenir l'accès.

296. Par suite, les conditions d'accès peuvent varier sur différentes dimensions :

- en termes d'instrument juridique : si l'accès est le plus souvent octroyé dans le cadre de conventions d'accès, possiblement pluriannuelles, les accords informels sont courants (simples courriers, courriels), ce qui peut conférer un caractère précaire à l'activité;

- sous l'angle des prestations offertes, on trouve là encore une très grande variété, depuis le simple droit de stationnement jusqu'à un panel de prestations d'accueil, de signalétique et d'affichage, de prestations de confort ou de sécurité, etc.;

- dès lors, la tarification est elle aussi très variable, diverses formules sont possibles et bien souvent panachées, entre la facturation des arrêts (à l'unité ou à la durée), du nombre de voyageurs transitant dans la gare, jusqu'à des autorisations à la durée (annuelle), indépendamment du nombre d'arrêts. La tarification peut ainsi valoriser différemment l'accès à l'infrastructure, les services qui y sont offerts, différents coûts sous-jacents, etc.;

- les montants versés par les transporteurs, ramenés en coûts unitaires (au toucher de gare) varient dans des proportions très importantes, d'un facteur 6 entre différentes gares routières françaises. Certains droits d'accès peuvent varier fortement dans le temps, sans justification. Il est à noter que l'accès à des gares routières dans d'autres États membres est accordé à titre gratuit.

297. En séance, la FNTV a regretté l'absence d'une compétence clairement confiée aux autorités publiques organisatrices de transports, ainsi que le manque d'implication des autorités publiques dans le développement et la gestion de ces infrastructures.

298. En quatrième lieu, l'adossement des gares routières aux gares ferroviaires SNCF suscite des interrogations concernant l'accès des concurrents (problématique des "pôles d'échange" intégrant le mode ferroviaire). iDBUS, filiale de la SNCF, a indiqué qu'il n'y avait pas d'intérêt à ce que les gares routières soient à proximité des gares ferroviaires. Compte tenu de l'état actuel du développement du marché de l'autocar longue distance, et pour ce qui concerne les plus grandes agglomérations, il peut apparaître en effet que la desserte de gares ferroviaires historiques par les autocars est susceptible de rallonger les temps de parcours, multiplier les aléas et complications d'exploitation. Néanmoins, en particulier si le marché de l'autocar interrégional est appelé à se développer, les gares ferroviaires, des villes moyennes et petites notamment, paraissent constituer des structures adaptées.

299. L'Autorité a déjà souligné que les gares ferroviaires de voyageurs constituent des pôles d'échange essentiels (avis n° 09-A-55 du 4 novembre 2009 sur le secteur du transport public terrestre de voyageurs, §136 et suivants), du fait notamment des interconnexions qu'elles offrent avec les réseaux urbains et leurs différents modes de transport. La question de l'accès à ces infrastructures est donc cruciale. A cet égard, la SNCF a indiqué ne pas être en mesure de dénombrer les installations de son ressort, en raison des insuffisances juridiques tenant à la définition ou au classement des différents types d'équipements (gares routières proprement dites, parkings ou simples arrêts). Ceci illustre les limites du cadre actuel et justifie encore davantage une réforme, qui pourrait venir clarifier la situation de la SNCF en la matière.

SECTION 4. LES STRATÉGIES POTENTIELLES DES ACTEURS

300. Le secteur des transports est caractérisé par une intégration importante des acteurs et de leurs offres, tant horizontalement (développement d'opérateurs multiservices ou multimodaux) que verticalement (gestion intégrée des infrastructures et des services) ainsi que par l'accroissement constant des besoins et des possibilités de transport intermodal (problématiques dites d'intermodalité).

301. L'Autorité de la concurrence a parcouru ces différentes dimensions pour examiner, dans le respect des contraintes réglementaires des différents acteurs du secteur, des risques potentiels d'atteinte au fonctionnement de la concurrence sur le marché du transport longue distance par autocar, ceci dans la perspective de son développement. Ce tour d'horizon tend à identifier certains comportements potentiels pouvant relever de sa compétence. Il se limite néanmoins à identifier des points de vigilance. La pratique consultative de l'Autorité n'a en effet pas pour objet de constater ou de sanctionner des infractions aux règles de la concurrence de la part d'acteurs des marchés.

302. Les opérateurs de transport longue distance par autocar peuvent tirer avantage d'activités exercées sur des marchés connexes. Seront d'abord présentés les avantages liés à la maîtrise d'une offre intermodale (I), puis ceux liés à la maîtrise d'infrastructures ou d'informations stratégiques (II). Seront également abordés les avantages issus d'une position de monopole historique (III) et les risques d'entente susceptibles de caractériser un marché fonctionnant par groupements d'opérateurs (IV).

I. Les avantages liés à l'articulation des offres et des modes de transport

303. Les différents marchés de transports de voyageurs connaissent des liens de connexité (A) qui peuvent créer des risques concurrentiels, par la combinaison d'une autre offre avec celle de services d'autocar (B).

A. DES MARCHÉS DE TRANSPORTS CONNEXES ET DES OPÉRATEURS INTÉGRÉS

304. En France, les opérateurs de transport par autocar déjà présents sur le marché appartiennent tous à des groupes multimodaux, c'est-à-dire opérant sur plusieurs marchés de transport où ils se trouvent parfois en position de leader voire de monopole. Ainsi, Transdev est présent en France sur le marché du transport longue distance par autocar, à travers Eurolines, mais aussi sur le marché du transport public urbain. Les Courriers Rhodaniens, actifs sur le marché du transport routier international à travers leur service Starshipper, sont également présents sur le marché du transport routier intra-régional, qu'il s'agisse du transport scolaire, au niveau départemental, ou du transport intra-régional en substitution du TER. Enfin, la SNCF est présente sur les marchés du transport longue distance par autocar, à travers iDBUS, du transport public urbain et interurbain, via Keolis, et du transport ferroviaire.

305. Cette caractéristique des opérateurs de transport longue distance par autocar n'est pas propre au marché français. En effet, en Grande-Bretagne, les leaders du marché du transport par autocar longue distance (National Express et Stagecoach, à travers son service Megabus, également présent en France) sont aussi des opérateurs multimodaux, présents sur les marchés du transport ferroviaire et du transport urbain. En Allemagne, où le marché a été libéralisé très récemment (en 2013), l'opérateur ferroviaire historique, la Deutsche Bahn, dispose déjà, via ses filiales Berlin Linien Bus, Bayern Express et Autokraft, d'une forte part de marché, estimée à 40 % (79) (cf. annexe 4).

306. La maîtrise d'une offre intermodale présente des avantages du point de vue des usagers. Elle permet, par exemple, une meilleure coordination des horaires des modes de transport complémentaires, une amélioration de l'offre de services de rabattement, ou encore une harmonisation de la billettique, avec, potentiellement, des avantages tarifaires prenant la forme de billets combinés ou de cartes de fidélité.

307. En outre, la production conjointe de services de transport par des modes divers peut permettre de réaliser des économies de gamme susceptibles d'être répercutées sur les prix proposés aux usagers. Ces économies de gamme pourraient provenir de la mutualisation des coûts fixes communs aux différentes activités, comme par exemple les coûts des dépôts ou les coûts de structure. Elles pourraient aussi résulter d'une réduction des coûts unitaires des facteurs variables, quand ceux-ci peuvent être partagés. Un opérateur multimodal peut ainsi bénéficier de réductions sur le coût d'acquisition de ces équipements (80)

308. Ceci étant, la maîtrise d'une offre intermodale peut conférer à ses détenteurs des avantages susceptibles de distordre la concurrence. Un opérateur multimodal pourrait notamment proposer aux autorités organisatrices de transport une offre combinant différents modes de transport qui présenterait un avantage concurrentiel significatif auquel les autres opérateurs de transport ne peuvent prétendre, notamment lorsque l'opérateur proposant l'offre intermodale est dominant sur l'un des marchés de transport. L'Autorité de la concurrence a déjà eu l'occasion de se prononcer sur les risques d'atteinte potentielle à la concurrence par effets non horizontaux entre les marchés du transport ferroviaire et du transport urbain et interurbain.

309. Ainsi, dans sa décision relative à la prise de contrôle de Keolis par la SNCF (81), l'Autorité a souligné que l'opération de fusion entre l'exploitant ferroviaire et un des principaux opérateurs du marché du transport urbain en France était susceptible de conférer à Keolis un avantage concurrentiel majeur par rapport à ses concurrents dans la mesure où son lien structurel avec la SNCF lui permettrait de disposer d'un accès facilité aux informations horaires sur les trains de la SNCF et donc d'établir plus facilement des correspondances entre les réseaux de transport urbain ou interurbains qu'elle exploite et les trains de la SNCF. Aussi l'Autorité de la concurrence n'a-t-elle autorisé cette opération que sous réserve d'engagements. En particulier, la SNCF s'est engagée à mettre à disposition de tout transporteur concurrent de Keolis en faisant la demande les horaires prévisionnels de ses transports ferroviaires pour l'année à venir.

B. LES RISQUES LIÉS À L'ARTICULATION DE DIFFÉRENTES OFFRES

310. Le fait, pour un autocariste, d'être également opérateur de transport urbain peut lui permettre de proposer à ses clients des liaisons interrégionales une offre incluant par exemple des billets combinés car-bus, potentiellement avec des avantages tarifaires, une information complète sur les horaires et caractéristiques des réseaux urbains d'origine ou de destination, ou encore des facilités de correspondance, dans le cas où, par exemple, les points d'arrêt coïncideraient. Il ressort d'ailleurs des éléments recueillis que certains opérateurs tiennent compte de l'amplitude des horaires des transports publics urbains dans la conception de leurs horaires de transport par autocar. Les premiers horaires de départ et derniers horaires d'arrivée des services de transport par autocar qu'ils proposent sont ainsi cohérents avec les horaires des services de transport public urbain. Du point de vue de l'usager, une offre de ce type peut représenter un gain de temps et d'argent.

311. De manière plus générale, le développement de l'intermodalité est un enjeu d'actualité important pour les décideurs publics. Elle présente cependant des risques d'atteinte à la concurrence.

312. En effet, sur une liaison longue distance où plusieurs opérateurs seraient en concurrence, il n'est pas exclu que l'opérateur proposant une offre combinée avec d'autres liaisons ou une offre intermodale, avec tous les avantages qu'elles peuvent comprendre, ait la préférence des voyageurs.

313. Cet avantage peut être limité par le fait que les réseaux de transport public urbain sont attribués par appel d'offres pour des durées déterminées et relativement brèves, de sorte que l'avantage tiré de la possibilité de proposer une offre intermodale peut être remis en cause en cas de non-renouvellement du contrat de transport urbain. Un tel avantage paraît également limité par les difficultés techniques de mise en œuvre de l'intermodalité (même système de billettique, coordination des horaires), difficultés souvent avancées, d'ailleurs, pour expliquer que l'intermodalité soit encore très peu développée en France.

314. Toutefois, certaines parties prenantes ont indiqué que l'avantage, notamment sous l'angle de la tarification tirée de la coordination d'offres, et en particulier entre offres routières et offres ferroviaires existantes, était le principal risque d'entrave au fonctionnement concurrentiel du marché du transport par autocar.

315. À cet égard, l'Autorité rappelle que le fait, pour des opérateurs intégrés, d'articuler des offres de transports, qu'il s'agisse d'interfaçage des différents modes et services ou d'intégration des offres tarifaires, peut avoir des avantages pour le consommateur. Cela peut néanmoins également comporter des risques d'atteinte à la concurrence pouvant relever de la compétence de l'Autorité de la concurrence, notamment dans les cas où, des services ou ressources non réplicables par les concurrents seraient mobilisés par une entreprise en position dominante.

II. Les avantages liés à la maîtrise d'infrastructures physiques ou immatérielles stratégiques

316. Dans les activités nécessitant l'accès à des infrastructures essentielles (marché amont), les risques de pratiques abusives sont d'autant plus forts que le détenteur de ces infrastructures opère également sur le marché de services (marché aval), et est susceptible d'y faire face à la concurrence de nouveaux acteurs. Une séparation insuffisante entre gestion des infrastructures essentielles et exploitation des services fait notamment courir le risque que des conditions d'accès discriminatoires soient appliquées par l'opérateur intégré à ses concurrents sur le marché aval, voire que l'accès leur soit refusé. Des risques d'accès discriminatoire aux infrastructures de transport ne sont pas hypothétiques. Ainsi dans le secteur du fret ferroviaire, l'Autorité de la concurrence a sanctionné, fin 2012, la SNCF pour avoir notamment empêché ses concurrents d'accéder à des capacités ferroviaires indispensables à leur activité (décision n° 12-D-25 du 18 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport ferroviaire de marchandises).

317. Dans le secteur des transports, où les liens verticaux entre les activités amont et aval demeurent étroits, les risques de telles pratiques anticoncurrentielles sont élevés, d'autant plus que les infrastructures essentielles sont diverses. La fourniture de services de transport collectif nécessite en effet d'avoir accès à des infrastructures essentielles physiques, comme les gares, les aéroports, les ports, les dépôts, etc. (A), mais aussi aux infrastructures essentielles "immatérielles" que sont les informations relatives aux horaires, aux places disponibles et aux tarifs des services de transport contenues dans les systèmes informatisés de réservation (SIR) (B).

A. LES AVANTAGES TIRÉS DE LA MAÎTRISE DES GARES

318. S'agissant des gares ferroviaires de voyageurs, auxquelles sont souvent adossées les gares routières, l'Autorité de la concurrence a déjà relevé que celles-ci constituent le point de jonction des autres réseaux de transport et représentent de ce fait un enjeu sur les marchés connexes de transport (82) où la SNCF est également présente (83). L'Autorité a insisté à maintes reprises, notamment dans ses avis, sur le fait que l'accès privilégié voire la détention des infrastructures stratégiques que constituent les gares ferroviaires peuvent servir à bloquer l'entrée de concurrents sur des marchés connexes, comme cela est d'ailleurs développé dans la décision autorisant la prise de contrôle conjoint des sociétés Keolis et Effia par les sociétés SNCF-Participations et Caisse de Dépôt et Placement du Québec (84)

319. Dans cette décision, l'Autorité a ainsi souligné que l'opération de fusion entre l'exploitant ferroviaire, qui est également le gestionnaire des gares ferroviaires de voyageurs, et un des principaux opérateurs du marché du transport urbain en France était "de nature à entraîner une forclusion de l'accès des concurrents de Keolis aux marchés de transport public routier de voyageurs en limitant leur possibilité de proposer des services d'information et de billettique dans les gares". Aussi l'Autorité de la concurrence n'a-t-elle autorisé cette opération que sous réserve d'engagements. En particulier, la SNCF s'est engagée à établir un catalogue des services en gare ferroviaires.

320. Dans son avis 13-A-14, l'Autorité a de nouveau souligné que les gares de voyageurs sont des pôles d'échanges essentiels dès lors que le transport ferroviaire de voyageurs occupe une place centrale dans la chaîne de transport public, notamment pour les marchés de transport urbain. Dans ce cadre, les risques d'ordre concurrentiel existent compte tenu de la diversification des activités de l'opérateur historique, qui n'est pas en elle-même critiquable, la demande de transport intermodal étant de plus en plus forte de la part des usagers.

321. Or, à l'instar de ce qui a pu être observé en Grande-Bretagne à la gare de Victoria Station, l'intégration verticale de la gestion des gares et de l'exploitation d'un service de transport routier peut avoir pour conséquence de dissuader l'entrée de concurrents de l'opérateur intégré. Le transfert de la propriété de la gare de Victoria Station à Londres de l'opérateur historique National Express à la municipalité, en 1988, s'est ainsi traduit par un changement de tarification de l'accès à la gare qui a permis l'arrivée d'un grand nombre d'opérateurs (85). L'avantage tiré de la gestion d'une gare ferroviaire par un opérateur de transport par autocar peut toutefois dépendre de l'emplacement de la gare en question :

- en effet, les gares routières adossées à des gares ferroviaires des grandes agglomérations sont situées en centre-ville et donc difficilement accessibles aux heures de pointe. Le temps de parcours d'un autocar desservant ces gares est par conséquent rendu incertain, ce qui altère potentiellement la qualité du service de transport par autocar offert. Il y aurait donc peu d'avantages à tirer de l'exploitation des gares routières adossées aux gares ferroviaires situées dans les centres-villes des grandes agglomérations (Paris en particulier).

- en revanche, gérer les gares routières adossées à des gares ferroviaires facilement accessibles car éloignées des grands centres-villes et disposant de facilités de parking peut conférer un avantage. Seraient concernées par cette situation les gares situées en périphérie des grandes villes ou dans des villes moyennes peu congestionnées.

322. Comme elle l'a déjà fait dans les avis précités, l'Autorité rappelle la nécessité de garantir la neutralité concurrentielle des gares de voyageurs et préconise que la gestion et l'exploitation des gares de voyageurs soient séparées, de façon effective, des autres activités de l'opérateur historique de transport pour prévenir les conflits d'intérêts concernant leur gestion.

323. Des questions similaires relatives aux conditions d'accès peuvent également se poser pour la gestion des gares routières, même lorsqu'elles ne sont pas adossées à des gares ferroviaires. L'Autorité de concurrence espagnole a ainsi sanctionné la compagnie gestionnaire de la gare routière du sud de Madrid, également exploitante de services de transport par autocar empruntant cette gare, pour avoir proposé à un de ses concurrents nouvel entrant des conditions discriminatoires d'accès aux guichets de la gare (86)

324. Cette question est d'autant plus sensible pour le marché du transport interrégional en France que, comme présenté aux paragraphes 290 à 299, le cadre réglementaire des gares routières est actuellement imparfait. Des recommandations pour remédier à cette situation sont présentées aux paragraphes 429 à 445.

B. LES AVANTAGES LIÉS AU CONTRÔLE DES DONNÉES DE TRAFIC OU DE L'INFORMATION MULTIMODALE

325. Dans un contexte d'ouverture à la concurrence des marchés du transport et de développement des technologies de l'information, l'accès aux infrastructures "immatérielles" stratégiques présente un enjeu au moins aussi important que l'accès aux infrastructures physiques. Les nombreuses plaintes ayant fait suite à la libéralisation du secteur aérien aux États-Unis en fournissent la preuve. Comme le documentent D. Encaoua et A. Perrot (87), au moment de l'ouverture à la concurrence du secteur aérien aux États-Unis, les systèmes informatisés de réservation (SIR) se sont révélés être, pour les transporteurs les ayant développés, de puissants "instruments de domination du marché du transport et d'éviction des concurrents". Diverses distorsions du processus de concurrence, en termes d'accès, d'affichage et de tarification ont en effet pu être observées et condamnées par les autorités américaines (88)

326. Ces faits, bien qu'anciens et relatifs au secteur aérien, peuvent être riches d'enseignement pour le secteur du transport terrestre. Ils mettent en effet en évidence que "l'ouverture de l'accès aux SIR, la neutralité des règles d'affichage sur les écrans, l'uniformité des redevances, l'absence de relations privilégiées entre compagnies et agences de voyages [sont] autant de conditions nécessaires pour l'obtention d'une transparence du marché (…) et le maintien d'une certaine concurrence dans le transport", qu'il s'agisse de concurrence entre opérateurs de transport routier (concurrence intramodale) ou entre acteurs proposant des modes de transports complémentaires (concurrence intermodale).

327. Plusieurs parties prenantes ont ainsi fait état de l'avantage qui pourrait être retiré de la connaissance des données de fréquentation des autres modes de transport collectif, en particulier du mode ferroviaire. Des informations sur les trafics, mais aussi, plus simplement, sur les liaisons existantes, permettraient aux opérateurs de faire des projections en amont de l'ouverture d'un service sur une liaison, quand certains admettent procéder, à l'heure actuelle, un peu à l'aveugle. L'intérêt de ces données est encore limité dans le cadre réglementaire actuel, qui contraint les liaisons en cabotage. Elles pourraient cependant être amenées à devenir un élément important dans un cadre plus ouvert. En tout état de cause, elles sont indispensables à l'appréciation du degré de concurrence intermodale et de ses effets. Des recommandations pour rendre certaines de ces informations obligatoirement accessibles aux AOT sont présentées aux paragraphes 420 à 428.

328. Par ailleurs, la SNCF a mis en place un calculateur d'itinéraire, appelé "MyTripSet", qui intègre des données de transport collectif en train et en avion, des données de voyage en voiture individuelle et, dans une certaine mesure, des données de transports urbains. Ce calculateur d'itinéraire fournit plus d'informations que Voyages-SNCF, qui ne présente que les itinéraires gare à gare. Actuellement à l'état expérimental, il a vocation à être multimodal et à calculer des itinéraires porte à porte. Il est susceptible de servir in fine de portail vers des sites d'achat de billets en fonction des modes et des trajets retenus.

329. À la date du présent avis, aucun équivalent à "MyTripSet" ne semble exister en France. Si les modalités de la fourniture d'informations aux voyageurs concernant le mode ferroviaire sont normées par un règlement européen (89), la SNCF est actuellement dans une position privilégiée puisqu'elle produit ces données. Cette position pourrait à terme lui conférer un avantage sur divers marchés de transport, en termes d'image ou de distribution, en particulier sur le marché du transport par autocar, dont la clientèle est jeune et réalise la grande majorité de ses achats via internet.

330. Dans ce contexte, l'Autorité rappelle que la détention de données de transport est susceptible d'apporter un avantage à son détenteur. Elle est donc favorable à une action tendant à assurer la circulation la plus grande et la plus neutre possible de ces données, dans l'intérêt des voyageurs, des transporteurs concurrents et des acteurs de l'information et de la distribution des services de transports.

331. Sur ces questions, les annonces du ministre en charge des transports en date du 11 février 2014, tendant à renforcer la collecte et l'accès aux données publiques de transport, d'une part, et à développer un calculateur d'itinéraire national multimodal d'initiative publique sous la conduite de l'Agence française pour l'information multimodale et la billettique (AFIMB), d'autre part, sont de nature à favoriser le fonctionnement concurrentiel des marchés du transport en général, et de celui de l'autocar en particulier, si sont garantis :

- d'une part, la pertinence des données, et notamment leur mise à jour rapide et régulière et,

- d'autre part, un usage large et neutre des données en question, par la mise en place de modalités pratiques d'accès transparentes et non discriminatoires.

III. Les avantages liés aux moyens d'un monopole historique

332. Une assise financière solide, de même qu'une forte image de marque, peuvent placer l'opérateur les détenant dans une position telle qu'elle dissuade l'entrée de concurrents.

333. Ainsi, par exemple, l'Autorité de la concurrence a indiqué, dans sa décision relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Keolis et Effia par les sociétés SNCF-Participations et Caisse de Dépôt et Placement du Québec, que la puissance financière de la SNCF pourrait lui permettre de supporter dans le temps des pertes élevées dans le cadre de ses activités de diversification et, par conséquent, de se livrer à des pratiques de prix prédateurs sur les marchés sur lesquels elle entend se diversifier ou qu'elle souhaite protéger de la concurrence (90)

334. Sur le marché anglais du transport collectif par autocar, il a été montré (91) que l'opérateur en place, National Express, s'était appuyé sur sa puissance financière et sur son réseau de commercialisation des titres de transport pour soutenir une politique tarifaire agressive à l'encontre de ses concurrents nouveaux entrants. En adoptant une telle stratégie dès l'ouverture du marché, l'opérateur historique aurait acquis une réputation constituant une importante barrière à l'entrée de nouveaux opérateurs sur le marché longtemps après sa mise en œuvre.

335. L'avantage tiré d'une assise financière solide, qui plus est lorsqu'elle s'accompagne d'une grande notoriété, peut aussi se traduire par une asymétrie des moyens de communication entre opérateur de grande envergure et opérateurs de taille plus modeste. Or, il ressort de l'instruction que, dans le secteur du transport par autocar, qui souffre d'un déficit d'image, les coûts de marketing constituent une barrière à l'entrée élevée, voire la principale barrière (92).

336. Sur ce point, l'Autorité rappelle que si elle ne s'est jamais opposée à la diversification des activités d'un monopole historique, qui peut être bénéfique à la concurrence en permettant l'entrée d'un nouvel opérateur sur des marchés connexes, une telle diversification nécessite de prendre des précautions particulières et ne doit pas mobiliser de moyens issus de marchés en monopole, non réplicables par des concurrents, tels que des moyens financiers ou immatériels issus du monopole historique. Une telle pratique serait susceptible d'être contraire à l'article L. 420-2 du code de commerce et à l'article 102 du TFUE (décision n° 13-D-16 du 27 juin 2013 relative à une demande de mesures conservatoires concernant des pratiques mises en œuvre par le groupe SNCF dans le secteur du transport de personnes, paragraphe 114).

IV. Les risques d'ententes dans un secteur fonctionnant en groupements

337. Comme dans tout secteur d'activité où s'exerce une concurrence sur le marché, il existe un risque de collusion dans les secteurs des transports. Le Conseil de la concurrence a, par exemple, sanctionné deux compagnies assurant des liaisons maritimes entre la France et les îles anglo-normandes pour entente sur le prix des traversées (93).

338. L'activité de contrôle des ententes horizontales dans le secteur des transports a cependant, jusqu'à présent, essentiellement porté sur l'examen des nombreux accords explicites d'alliances y ayant vu le jour. Il existe en effet dans le secteur des transports une forte demande de coopération de la part des acteurs de sorte que la constitution d'alliances entre compagnies s'est multipliée au cours des dernières décennies. De telles alliances ont par exemple vu le jour dans le transport maritime intercontinental de marchandises, dès les années 1980, et ont également pu se nouer dans le transport ferroviaire (94). Mais c'est dans le secteur du transport aérien que ces alliances d'envergure nationale, voire internationale, sont les plus emblématiques et les mieux documentées (95)

339. Dans le secteur du transport routier de voyageurs, les groupements d'entreprises ne sont pas rares, tant dans le secteur du transport scolaire que dans celui du transport routier international. Or, si de tels arrangements organisationnels peuvent permettre de dégager des gains d'efficience et notamment de bénéficier d'effets de réseau, ils peuvent aussi être le support d'accords horizontaux collusifs (96)

340. À l'instar de ce qui peut être observé dans le secteur aérien, l'organisation des autocaristes en groupements ou associations pourrait permettre de réaliser des économies de taille et de densité (97) qui, dans un environnement concurrentiel, bénéficient aux consommateurs. Toutefois, dans le transport aérien, de telles économies reposent sur l'organisation de réseaux en étoile (dits "hub-and-spokes"), dont on peut se demander si elle serait pertinente dans le secteur du transport par autocar, du fait des temps de parcours importants.

341. Plus probablement, un des gains attendus de l'organisation en groupement des autocaristes est l'amélioration de l'offre de services, en termes de destinations et d'homogénéité de la qualité. Mais, de tels arrangements sont également susceptibles de relâcher la concurrence entre les membres du groupement, en particulier sur les liaisons sur lesquelles ils sont en mesure de proposer des offres alternatives. Dans un tel scénario, le groupement servirait donc de support à une entente anticoncurrentielle prenant la forme d'une répartition de marchés.

342. En revanche, il est probable qu'un accord entre opérateurs proposant essentiellement des liaisons complémentaires ait un effet positif sur le bien-être parce qu'il améliore l'interconnexion du réseau.

343. Des structures qui, bien que pouvant permettre des gains d'efficience, aboutiraient en pratique à la mise en place d'accords de répartition des dessertes et des lignes, relèveraient de la compétence de l'Autorité et seraient susceptibles d'être contraires à l'article L. 420-1 du code de commerce et à l'article 101 du TFUE.

SECTION 5. RECOMMANDATIONS

344. Il ressort de ce qui précède que de nombreuses conditions sont réunies pour que les services de transport par autocar sur longue distance se développent en France, parmi lesquelles la qualité du réseau routier français, l'existence d'une demande potentielle et l'appétence qu'ont montrée les entreprises de transport pour ce marché depuis qu'existe la possibilité de proposer de tels services dans le cadre du droit au cabotage sur ligne internationale.

345. En particulier, le développement de l'offre de transport par autocar peut se faire à l'avantage des consommateurs. Tout d'abord, il peut permettre de se déplacer davantage. Le développement du marché de l'autocar permettrait de donner accès au voyage à des consommateurs qui n'y avaient pas accès et ainsi de faire croître la demande globale de transport en France. Ensuite, il peut permettre de mieux se déplacer sur le territoire, dans des conditions d'accueil et de confort modernes (accès à Internet en wifi, espace accru, etc.), en diversifiant l'offre de transport et en resserrant le maillage du réseau de transport collectif terrestre. L'autocar et le train sont, à cet égard, et de manière générale, plus complémentaires que concurrents. Enfin, il peut permettre aux consommateurs déjà utilisateurs de services de transport de voyager à moindre coût et d'opérer ainsi un transfert de pouvoir d'achat. Il permettrait en outre des créations d'emplois, sans effets adverses sur l'environnement.

346. Mais, bien qu'il présente de nombreux avantages, le transport interrégional par autocar occupe encore une très faible part du transport collectif de voyageurs en France (environ 0,003 % du nombre total de voyageurs.kilomètres), principalement en raison des contraintes réglementaires qui en grèvent l'efficacité. En effet, le régime de cabotage sur ligne internationale crée d'importantes contraintes commerciales, pratiques et juridiques pour les opérateurs sur le marché. Par ailleurs, l'objectif poursuivi lors de l'examen d'une éventuelle atteinte à l'équilibre économique d'une ligne conventionnée n'est pas défini, pas plus que les critères retenus. En pratique, les autorités organisatrices de transport régionales et départementales se sont massivement opposées, sans fournir d'analyse détaillée, à l'ouverture de lignes routières, ce que le service autorisateur de l'État n'a pas remis en question. Enfin, l'accès aux gares routières est rendu difficile par des situations peu transparentes et très différentes en fonction des gares.

347. Ces constats, partagés par les contributions reçues dans le cadre de la consultation publique, conduisent l'Autorité à réaffirmer l'intérêt d'une ouverture plus large du marché du transport régulier interrégional par autocar et à recommander que soit mis en place un cadre plus ouvert, plus transparent et plus simple. Les recommandations de l'Autorité sont donc orientées vers les mesures visant à la refonte de ce cadre réglementaire.

348. Pour que le marché puisse se développer efficacement et équitablement, les conditions d'accès au marché doivent être simplifiées (I), ce qui ne pourra produire d'effets que si les autorités publiques organisatrices ont accès aux informations nécessaires pour rendre un avis éclairé sur les demandes d'autorisation (II). De même, les opérateurs doivent disposer des informations relatives aux conditions d'accès aux gares routières, qui doivent en outre impérativement être harmonisées à moyen terme (III). Enfin, l'Autorité recommande que le contrôle de l'accès au marché soit confié à une autorité de régulation sectorielle compétente tant en matière de transport ferroviaire que routier (IV). Un tableau synthétisant ces recommandations figure en annexe 1 du présent avis.

I. Simplifier les conditions d'accès au marché de l'autocar longue distance

349. L'Autorité est parvenue à la conclusion selon laquelle le cadre actuel du transport par autocar longue distance ne permet pas d'en assurer le plein essor, ce qui prive les consommateurs des bénéfices qu'ils pourraient retirer du développement de ce mode de transport. Le représentant du ministère des transports a indiqué en séance que le cadre issu du droit au cabotage n'avait pas pour but de permettre l'ouverture du marché, mais de permettre une optimisation des lignes internationales traversant la France. Ceci explique sans doute en grande partie les longueurs et les rigidités constatées. Notamment, les réponses aux demandes d'autorisation ont été rendues dans des délais trop longs et n'ont pas été suffisamment motivées.

350. Les mesures recommandées ont ainsi pour objectif la mise en place de conditions d'accès transparentes et proportionnées. Celles-ci permettraient une ouverture efficace du marché, en donnant des informations claires aux opérateurs sur la manière dont leurs demandes seront examinées. Ceci passe, d'une part, par une simplification de la procédure administrative, afin de limiter l'incertitude qui pèse sur les opérateurs et de leur permettre d'adapter rapidement leur stratégie à l'évolution de la demande. D'autre part, une clarification de l'objectif poursuivi par l'examen des demandes et des critères retenus pour mener cet examen est nécessaire. Elle doit notamment permettre d'autoriser les liaisons qui pourraient avoir un intérêt économique sans pour autant faire peser un risque sur des lignes conventionnées.

351. La clarification des conditions présente des avantages au-delà des seuls opérateurs privés. Elle serait en effet, pour les autorités organisatrices de transports, l'occasion de s'interroger, sur la base de données concrètes et d'une méthodologie transparente, sur l'intérêt que peut représenter pour elles l'apparition d'une offre de transport par autocar, moins coûteuse en ressources publiques. Dans le cas où une telle offre pourrait sembler plus efficace, les collectivités seraient ainsi en mesure de réaliser un arbitrage éclairé entre cette offre et le maintien de services conventionnés, fondé sur des objectifs légitimes tels que le financement de liaisons moins rentables ou la garantie qu'elles continueront d'être assurées. Lorsque de tels objectifs pourraient être remis en cause par une offre de transport par autocar, elles pourront alors, en toute connaissance de cause, en empêcher la mise en place.

352. Dans l'idéal, une mise en balance de ce type nécessiterait une comparaison fine des pertes anticipées et du seuil de rentabilité de la ligne concernée. Néanmoins, les recommandations de l'Autorité se veulent réalistes : elles se limitent dès lors à définir un examen pertinent pour apporter la preuve d'un risque d'atteinte à une ligne conventionnée, sans pour autant exiger trop de données, afin de prendre en compte la nécessité d'une procédure rapide et les ressources limitées que les autorités publiques peuvent consacrer à une telle démonstration.

353. La refonte des conditions d'accès passe tout d'abord par la levée des contraintes relatives au cabotage international (A). Elle requiert ensuite la mise en place d'une procédure efficace, permettant un débat motivé sur les situations pouvant effectivement nécessiter un contrôle de l'absence d'atteinte à l'équilibre économique de services conventionnés préexistants (B). Enfin, elle repose sur une méthode d'analyse dont la finalité, les étapes et les données qu'elle requiert doivent être suffisamment transparentes (C).

A. SUPPRIMER LES CONTRAINTES LIÉES AU CABOTAGE

354. Le cadre réglementaire français qui s'applique aux services interrégionaux réguliers de transport par autocar repose sur une procédure d'autorisation administrative intégrant des contraintes d'exploitation (tenant au caractère accessoire des dessertes en cabotage) et donnant lieu au contrôle préalable et systématique d'une absence d'atteinte à l'équilibre économique de contrats conventionnés préexistants. Ces contraintes d'exploitation sont très fortes et limitent la qualité de l'offre de transport par autocar. En effet, les conditions d'inscription de lignes nationales dans un service international ainsi que les plafonds de chiffre d'affaires et de voyageurs nationaux réduisent considérablement les bénéfices possibles du développement de l'autocar longue distance, par exemple en ce qui concerne les dessertes et les horaires. Ceci nuit à l'attractivité commerciale des services mis en place.

355. Aussi, pour améliorer le fonctionnement de ce marché, il est impératif de s'abstraire du cadre réglementaire du cabotage pour créer un cadre national de l'autocar régulier de longue distance d'initiative privée reposant sur une procédure simplifiée, sans contraintes d'exploitation et avec un contrôle de l'absence d'atteinte à l'équilibre économique d'offres conventionnées réservé aux cas pertinents.

356. Concrètement, supprimer la contrainte de cabotage nécessiterait de prévoir dans la loi une disposition autorisant la mise en place de services de transport par autocar d'initiative privée, en sus des services conventionnés prévus par les articles L. 3111-1 à L. 3111-3 du code des transports. La procédure recommandée ci-dessous pourrait, le cas échéant, être précisée par décret et s'appliquer également pour des demandes d'autorisation de cabotage qui s'effectueraient dans le cadre de lignes internationales.

B. SIMPLIFIER LA PROCÉDURE ADMINISTRATIVE D'ACCÈS AU MARCHÉ

357. La procédure actuelle se caractérise par sa lourdeur et son opacité. Alléger la procédure diminuerait l'incertitude pesant sur les entreprises souhaitant offrir des services d'autocar, ainsi que la charge administrative pesant sur le service autorisateur.

358. Si une simplification passe par la révision de la place du test d'absence d'atteinte à l'équilibre économique des offres conventionnées, ce test n'en demeure pas moins légitime, dès lors qu'il permet notamment de s'assurer que la mise en place d'offres privées non conventionnées n'aura pas pour conséquence un écrémage des liaisons les plus rentables, sans prise en charge des services néanmoins nécessaires pour une population donnée.

359. Cependant, un tel test doit être réservé aux cas dans lesquels une concurrence intermodale ou, plus largement, une concurrence entre offre privée et offre conventionnée est effectivement possible. Du point de vue de la gestion administrative des autorisations, il n'est donc pas nécessaire de mettre en place un examen des situations qui ne sont pas susceptibles de soulever de risque (1). Dans ces cas, l'autorisation doit être automatique, dès lors que les conditions d'exercice de la profession sont remplies. Les signaux pour les opérateurs seraient ainsi améliorés, les délais administratifs d'accès au marché réduits et le marché fluidifié.

360. Dans les cas où un examen est nécessaire, la réponse du service autorisateur doit pouvoir être obtenue sous un délai ferme, même dans les cas où une AOT s'opposerait et qu'au terme d'une procédure contradictoire les conditions pour s'opposer à l'autorisation seraient réunies par le service autorisateur (2).

1. UN RÉGIME D'AUTORISATION DE PLEIN DROIT POUR LES LIAISONS DE PLUS DE 200 KILOMÈTRES

361. L'Autorité considère que les conditions d'accès au marché devraient être assouplies au-delà d'un seuil de distance kilométrique. Sur la base des éléments détaillés aux paragraphes 216 à 235, ce seuil devrait être fixé à une distance de 200 kilomètres, pour les raisons suivantes :

- d'une part, la grande majorité des refus pour lesquels les autorités organisatrices ont fourni une motivation argumentée portent sur des liaisons d'une distance inférieure à 200 kilomètres (98)

- d'autre part, il s'avère que les temps moyens de trajet en train et en car sont identiques pour les liaisons de moins de 200 kilomètres, la distance médiane des liaisons ayant systématiquement (c'est-à-dire quels que soient les horaires de service demandés) fait l'objet d'un refus, que celui-ci soit ou non motivé, étant de 233 kilomètres (99), le transport ferroviaire commençant à être significativement plus rapide que le transport par autocar à partir de 189 kilomètres.

362. Autrement dit, en dessous de cette distance, même les consommateurs sensibles au temps sont susceptibles d'arbitrer en faveur de l'autocar. Pour ces raisons, le risque de report des usagers des transports ferroviaires vers le transport par autocar sur les liaisons d'une distance inférieure à 200 kilomètres paraît donc une préoccupation justifiée.

363. En revanche, au-delà d'une distance de 200 kilomètres, l'absence de substituabilité entre les modes routier et ferroviaire ne justifie pas qu'un test d'atteinte à l'équilibre économique de services conventionnés soit systématiquement mené. Ceci a pour conséquence que l'autorisation pour ces distances devrait être automatiquement attribuée.

364. Le seul contrôle de l'accès au marché de l'autocar longue distance consisterait alors, pour le service autorisateur, à vérifier la qualité d'entreprise de transport public routier de personnes du demandeur, d'une part, et diverses exigences d'établissement, d'honorabilité professionnelle, de capacité financière et de capacité professionnelle, d'autre part. En application de la réglementation européenne et nationale en vigueur, le respect de ces exigences est attesté par la détention de la "licence communautaire" (voir notamment l'article L. 3411-1 du code des transports et le décret n° 85-891 du 16 août 1985 modifié relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains de personnes; cf. supra, §41). La fourniture au service autorisateur de ce document suffit donc à remplir la condition préalable d'autorisation de fourniture de services réguliers d'autocar.

365. D'autres États européens ont mis en place un seuil de ce type, en particulier l'Allemagne (le seuil est de 50 kilomètres) et la Suède (le seuil est de 100 kilomètres) (100). À l'occasion de la consultation publique, deux des acteurs intéressés se sont prononcés en faveur de seuils de distance kilométrique au-delà desquelles les conditions d'accès au marché devraient être assouplies. Chacune de ces contributions propose un seuil et des modalités différentes.

366. En revanche, pour les liaisons routières de moins de 200 kilomètres, il ne peut être exclu que des services routiers concurrencent des services ferroviaires conventionnés et portent atteinte à des objectifs de politique publique de moyen et long termes, tels que le maintien d'une offre de services publics de transport sur une ligne donnée. Au-delà des problématiques d'écrémage et de renchérissement des offres conventionnées, cette préoccupation paraît d'autant plus fondée que la fermeture d'une ligne ferroviaire est une décision difficilement réversible ou tout du moins sur laquelle il est impossible de revenir instantanément. Un test permettant aux AOT de tenir compte, dans leur appréciation des conséquences de l'ouverture de services routiers, des risques d'écrémage et de rupture de la continuité de services, apparaît donc justifié.

367. L'objectif de ce test devrait être de vérifier si l'ouverture d'un service de transport par autocar à l'initiative du marché affecte la viabilité d'une ligne de transport conventionnée. Le refus d'autoriser l'ouverture d'un service routier devrait être justifié par la démonstration que la création de ce nouveau service menace le maintien d'une ligne de transport ferroviaire conventionnée similaire. Une telle démonstration doit être encadrée par une procédure transparente et contradictoire.

2. UNE PROCÉDURE PLUS TRANSPARENTE

368. La procédure d'autorisation recommandée par l'Autorité requiert au préalable, comme actuellement en matière de cabotage, que l'entreprise candidate justifie de sa qualité d'entreprise de transport et déclare au service autorisateur les principales caractéristiques du service qu'elle envisage d'exploiter : dessertes, distances entre ces dessertes, fréquences, horaires, capacité des véhicules en termes de nombre de voyageurs, prix envisagé des billets d'autocar sur la liaison.

369. Dans l'hypothèse où le service déclaré desservirait deux villes distantes de plus de 200 km, l'autorisation serait accordée de plein droit. Dans l'hypothèse où le service déclaré desservirait deux villes distantes de moins de 200 km, la procédure pourrait se dérouler en deux temps, chacun encadré par un délai de deux mois selon le schéma décrit ci-après.

370. À réception d'une demande, le service autorisateur serait chargé de publier et de relayer la demande d'autorisation aux AOT compétentes sur le territoire desquelles les dessertes sont prévues. Ces deux mois à compter du dépôt de la demande doivent permettre :

- d'une part, au service autorisateur de procéder au contrôle de la qualité et des aptitudes professionnelles et financières du demandeur ainsi que de vérifier les distances déclarées, qui conditionnent l'étendue du contrôle et sa procédure et,

- d'autre part, aux AOT concernées d'exprimer, dans un avis motivé qui sera soumis au demandeur, une opposition justifiée par un risque d'atteinte à l'équilibre économique d'une offre préexistante qu'elles conventionnent. La teneur de cet avis et les données qu'il devrait contenir sont détaillées ci-après.

371. En l'absence d'opposition d'une AOT, l'entreprise demandeuse serait ainsi en mesure d'obtenir un accès au marché dans un délai de deux mois.

372. La réception d'un avis d'opposition motivé par le service autorisateur ferait débuter un second délai de deux mois, nécessaire à l'examen du risque invoqué d'atteinte à l'équilibre économique de services conventionnés préexistants. Cette phase d'instruction devrait notamment donner lieu à un débat contradictoire : le demandeur d'autorisation devrait ainsi se voir transmettre l'avis d'opposition motivé des autorités organisatrices et pouvoir formuler des observations sur ce document, dans un délai suffisant avant la décision finale. La charge de la preuve reposerait sur la collectivité souhaitant s'opposer à l'ouverture d'une ligne routière.

373. Dans l'hypothèse où la procédure donnerait lieu à l'examen de l'atteinte économique, et quelle qu'en soit l'issue (autorisation, interdiction voire limitation), l'Autorité recommande que les avis d'opposition motivés des autorités organisatrices, d'une part, et les décisions de refus d'autorisation qui pourraient être prises par le service autorisateur, d'autre part, soient rendus publics. Ceci apporterait en effet aux différentes parties intéressées, autorités organisatrices comme entreprises à l'origine de la demande d'autorisation, la transparence nécessaire à l'exercice effectif d'un recours juridictionnel.

374. Outre ses avantages immédiats sur le caractère contradictoire de la procédure d'autorisation, une telle publicité permettrait de faire connaître la pratique décisionnelle du service autorisateur, notamment sur les critères d'analyse qui seront affinés au fil de l'examen réel des demandes d'autorisation.

375. En tout état de cause, l'autorisation devrait être tacitement acquise à défaut de réponse à l'issue de l'un ou l'autre de ces deux délais. L'entreprise demanderesse se verrait ainsi apporter une réponse dans un délai maximum de quatre mois.

376. À titre transitoire et avant la mise en place par la loi d'une autorité indépendante (voir infra), le service autorisateur pourrait être un service au sein de la DGITM, pour les liaisons interrégionales. Des garanties et des moyens sont nécessaires pour qu'un tel service puisse assurer sa mission avec efficacité, indépendance et objectivité, même si celle-ci est transitoire. Notamment, le personnel en charge de l'autorisation devrait pouvoir consacrer assez de temps à la gestion administrative des demandes d'autorisation et à leur examen, soit en étant affecté à cette tâche, soit, si le nombre de demandes ne justifie pas un personnel dédié, en étant en mesure de les traiter en priorité lorsqu'elles sont déposées.

377. L'ouverture du marché doit également se concilier avec la compétence d'organisation des régions sur les services (routiers comme ferroviaires) de leur ressort. Or, si des dessertes interrégionales sont généralisées, des arrêts à l'intérieur d'une région sont envisageables et pourraient être attractifs. Dès lors, les régions pourraient se voir confier le rôle de service autorisateur lorsque la procédure d'autorisation de services routiers de moins de 200 kilomètres concerne une origine et une destination se situant dans la même région. La même procédure, les mêmes conditions et les mêmes délais que ceux décrits ci-avant devraient alors s'appliquer.

378. Dans la mesure où des conflits d'intérêts sont également possibles à l'échelon régional (puisque l'autorité organisatrice peut aussi bien se trouver en position d'organiser sous conventionnement des services tant ferroviaires que routiers, que chargée d'apprécier, aux fins d'autorisation, la possible atteinte que ces services d'initiative privée peuvent causer aux services qu'elle organise), ce rôle ne devrait être institué qu'à la stricte réserve d'une application complète des principes procéduraux précités, et en particulier :

- la motivation et la publicité des avis d'opposition motivés demandant l'application du contrôle d'absence d'atteinte à l'équilibre économique (comprenant notamment l'ensemble des données requises pour les comparaisons);

- la tenue d'un examen contradictoire au bénéfice du demandeur d'autorisation;

- la motivation et la publicité des décisions tendant à refuser ou limiter les services d'initiative privée proposés, et

- la garantie d'une voie de recours juridictionnel.

379. Les caractéristiques de la procédure recommandée sont synthétisées dans un tableau en annexe 2 du présent avis.

380. Cette procédure est cohérente avec l'approche présentée très récemment par la Commission européenne concernant les demandes de cabotage sur ligne internationale ferroviaire. Celle-ci a en effet proposé, le 22 janvier 2014, en application de la directive "de refonte" n° 2012-34-EU du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, un acte d'exécution tendant à préciser les procédures et les critères applicables aux fins d'autorisation des services de cabotage sur ligne internationale ferroviaire. Ce projet retient notamment un système de déclarations préalables des entreprises ferroviaires souhaitant offrir des dessertes en cabotage, publiées par l'entité de régulation compétente. Diverses parties prenantes (autorités organisatrices, titulaires de contrats publics, etc.) peuvent alors, dans un délai de trois semaines suivant cette publication, solliciter de sa part deux examens : l'examen du caractère principalement international du service ferroviaire envisagé, d'une part, et l'examen de l'absence d'atteinte à l'équilibre économique de services publics ferroviaires préexistants, d'autre part. L'entité de régulation doit se prononcer dans un délai de six semaines à compter de la réception des différentes informations requises pour mener ces examens.

C. CLARIFIER LE TEST D'ATTEINTE À L'ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE D'UN SERVICE CONVENTIONNÉ

381. Pour les liaisons d'une distance inférieure au seuil de 200 kilomètres, le test de l'atteinte à l'équilibre économique d'une offre conventionnée préexistante devrait s'effectuer en trois étapes, qui sont schématisées en annexe 3 au présent avis.

382. Il consiste en substance, tout d'abord, à vérifier l'existence d'un service conventionné similaire sur la liaison faisant l'objet d'une demande d'autorisation (1), ensuite, à examiner si, au cas par cas, les deux services de transport sont ou non susceptibles d'être en concurrence (2) et, enfin, à examiner s'il existe un risque de report de la demande susceptible de porter atteinte à la viabilité d'une ligne conventionnée (3). Ce test pourrait être appliqué dès maintenant lors de l'examen du risque d'atteinte à l'équilibre économique d'une ligne conventionnée pour demandes d'autorisation de cabotage dans le cadre de lignes internationales.

1. PREMIÈRE ÉTAPE : L'EXISTENCE D'UN SERVICE CONVENTIONNÉ

383. La première étape du test consisterait à vérifier qu'il existe des services de transport conventionnés permettant d'effectuer la même liaison que celle faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'ouverture de services de transport par autocar, que ces services conventionnés soient avec ou sans correspondance, et qu'ils prévoient, ou non, des arrêts entre les villes d'origine et de destination.

384. Cette étape ne vise qu'à identifier les liaisons où le transport par autocar pourrait constituer une alternative à un mode collectif terrestre répondant à des obligations de service public et nécessitant donc un conventionnement.

385. Concrètement, une limitation à l'exercice des activités de transport de voyageurs par autocar sur longue distance ne peut être envisagée qu'au bénéfice du maintien d'autres services de transports de voyageurs, faisant l'objet d'une convention explicitant les obligations de service public devant être assurées et les modalités de leur financement, conformément au règlement (CE) n° 1370-2007 du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, dit "OSP".

386. Dès lors, le service autorisateur ne doit être amené à examiner que la possible atteinte aux offres suivantes :

- d'une part, pour ce qui concerne les services ferroviaires, aux offres de trains d'équilibre du territoire ("TET" ou "Intercités") et aux offres de transport express régional ("TER"), et;

- d'autre part, pour ce qui concerne des services routiers, aux offres non urbaines organisées par les départements, les régions et l'État en application des articles L 3111-1 à L. 3111-3 du code des transports.

387. En tous les cas, les offres prises en compte doivent être conformes aux exigences du cadre national et européen (mise en concurrence, précisions contractuelles des obligations de service public et des contreparties convenues, etc.).

388. Pour les autres liaisons, c'est-à-dire celles où il n'existe pas de service de transport collectif terrestre et celles sur lesquelles il n'existe que des services ferroviaires non conventionnés, il n'est, par définition, pas pertinent de s'interroger sur l'éventuelle atteinte à l'équilibre économique d'une convention. Ces liaisons, qui n'entrent pas dans le champ du test, ne pourraient donc faire l'objet d'un refus.

389. Ainsi, contrairement à ce qui a pu être observé jusqu'à présent, le service routier envisagé ne saurait se voir opposer ni des investissements publics dans des infrastructures ferroviaires, ni de possibles effets sur la rentabilité de services opérés sans soutien public, tels les services de trains à grande vitesse "TGV".

390. Bien que fondamental, ce premier critère n'a pas toujours été pris en compte dans l'instruction des demandes d'autorisation d'ouverture de services routiers en cabotage. On constate en effet que 7 % des demandes d'autorisation systématiquement refusées concernent des liaisons où il n'existe pas d'offre de transport collectif terrestre, et que 10 % des services horaires ayant fait l'objet d'un refus concernent des liaisons pour lesquelles il n'existe qu'une alternative ferroviaire non conventionnée à grande vitesse. Par exemple, certaines régions s'opposent aux dessertes en cabotage parallèles à des lignes TGV (c'est le cas notamment des régions Poitou-Charentes et Bourgogne) parce qu'elles ont contribué au financement de lignes à grande vitesse ("LGV"). De même, pour la liaison Paris-Reims, la région Champagne-Ardenne a fait état de l'offre TGV desservant Reims "dont l'équilibre financier, selon la SNCF, serait précaire", pour émettre un avis défavorable qui a été suivi.

2. DEUXIÈME ÉTAPE DU TEST : LA DÉMONSTRATION D'UNE CONCURRENCE POTENTIELLE

391. La deuxième étape consisterait à démontrer qu'il existe une situation potentielle de concurrence entre le mode routier et des modes terrestres conventionnés pour un service donné, c'est-à-dire une origine-destination donnée à des horaires donnés.

392. Compte tenu de l'objectif du test, cette démonstration devrait s'appuyer sur la comparaison du service routier faisant l'objet d'une demande d'autorisation avec un service conventionné comparable en termes de dessertes, d'horaires et de temps de parcours.

393. En revanche, dans la mesure où les tarifs proposés par les autocaristes devraient, compte tenu de leur avantage comparatif en termes de coûts d'exploitation, toujours être inférieurs aux tarifs des services ferroviaires conventionnés, il n'apparaît pas pertinent de prendre en compte le critère du prix des services de transport par autocar dans cette analyse de la concurrence intermodale. Un tel critère ne serait en effet pas discriminant, dès lors que le résultat de l'analyse conduirait systématiquement à conclure à un prix moins cher des services routiers. En outre, la pérennité d'une différence entre les tarifs ne pourrait être garantie. Les prix des services de transport routier non conventionnés sont en effet susceptibles d'être modifiés selon l'évolution de la demande et des conditions de marché.

394. L'éventuelle substituabilité entre les modes ferroviaire et routier ne peut donc être limitée que par les contraintes de capacité de l'offre routière et par des différences de qualité de service, en termes d'horaires notamment.

395. L'application de ces critères implique que soient comparés, pour une même liaison entre une ville d'origine et une ville de destination (101), des services similaires en termes d'horaires (heure de départ ou heure d'arrivée) et de temps de parcours.

396. Ainsi, pour une liaison donnée, seules les offres routières proposant un horaire de service et un temps de trajet similaires à ceux déjà proposés par des services conventionnés pourraient être considérées comme potentiellement concurrentes et devraient être soumises à l'étape suivante du test. À l'inverse, les offres de services routiers proposant des horaires sensiblement différents de ceux proposés par les services conventionnés ou des temps de parcours sensiblement plus longs pourraient difficilement être considérés comme substituables aux offres conventionnées et devraient donc être autorisées.

397. L'appréciation de la similarité entre les horaires proposés par les services conventionnés et ceux des services routiers relève d'une analyse au cas par cas. Elle dépend, notamment, de la fréquence des services existants, des durées de trajet et des caractéristiques de la demande. Une heure de départ différente de trente minutes n'a, par exemple, pas la même portée si le trajet dure une heure trente ou s'il dure six heures.

398. La publication des avis d'opposition des AOT et des décisions des services autorisateurs devrait à cet égard permettre d'établir une doctrine en la matière.

3. TROISIÈME ÉTAPE DU TEST : LA DÉMONSTRATION D'UN RISQUE D'ATTEINTE À LA VIABILITÉ D'UNE LIGNE CONVENTIONNÉE

399. La troisième étape du test que propose l'Autorité consisterait à mettre en évidence que les services routiers, dont il aura été préalablement démontré qu'ils peuvent concurrencer des services conventionnés, risquent de mettre en péril le maintien d'une ligne conventionnée de transport.

400. Les AOT pourraient légitimement craindre un écrémage des services conventionnés rentables qui nuirait à court terme à la viabilité économique de l'offre de transport qu'elles subventionnent. Elles pourraient également vouloir garantir la continuité de certains services de transport, ce que ne permet pas une offre privée non conventionnée. En effet, dans le cas où un autocariste privé aurait supplanté une offre ferroviaire sur une OD et viendrait finalement à s'en désengager, par exemple car elle ne se révélerait pas assez rentable, il serait impossible à la collectivité d'assurer la continuité du service sur cette liaison tant les investissements à réaliser et les compétences à mobiliser pour rouvrir un service ferroviaire sont spécifiques. L'interruption de services qui en résulterait constitue un risque que la collectivité peut légitimement vouloir éviter. Un tel risque, s'il est démontré de façon crédible, doit être pris en compte dans le test d'atteinte à l'équilibre économique.

401. De manière générale, l'Autorité a déjà souligné que "la coexistence de contrats de services publics et d'un secteur concurrentiel peut faire peser un risque d'écrémage conduisant le délégataire à servir seul les segments de marché les moins rentables et ce sans pouvoir dégager de marge significative sur les segments rentables, ceux-ci étant soumis à la concurrence. Ce risque peut conduire à accorder une large exclusivité au bénéficiaire du contrat de service public, afin de favoriser un financement du service public par péréquation interne" (102). Toutefois, l'Autorité considère également que "les obligations auxquelles est soumis le délégataire exploitant des services non rentables ne nécessitent pas, par nature, que l'opérateur qui en est chargé se trouve en situation de monopole sur l'ensemble des services" (103)

402. En outre, pour ce qui concerne le cas particulier du transport collectif terrestre, les segments de marché qui seraient soumis à la concurrence des autocaristes correspondent à des services de transport entre une ville d'origine et une ville de destination à un horaire donné (ODH). Le risque d'écrémage qui pourrait résulter de la fourniture par des autocaristes de services de transport sur une ODH précise doit donc s'apprécier au regard de l'ensemble des services fournis par l'opérateur ferroviaire dans le cadre de la convention et non uniquement par rapport à cette ODH précise.

403. Il s'agit donc de montrer que le report de demande pour une ODH vers un service d'autocar risquerait de porter atteinte à la viabilité de la ligne conventionnée sur laquelle un service comparable est proposé, c'est-à-dire remettrait en cause la fourniture de l'ensemble des services horaires proposés sur cette ligne.

404. Autrement dit, il s'agirait de tenir compte de l'impact que pourrait avoir l'ouverture d'un service horaire de transport par autocar entre deux villes :

- sur la demande s'adressant à un opérateur conventionné entre ces deux villes à un horaire similaire,

- mais aussi et surtout sur la viabilité de la ligne incluant le service horaire en question.

405. Une telle analyse nécessite, d'abord, d'apprécier le risque de report (a) et, ensuite, d'évaluer si ce report pourrait porter atteinte à la viabilité de la ligne (b).

a) Critères d'analyse du risque de report

406. La démonstration du report potentiel pourrait en théorie reposer sur une projection chiffrée du report de clientèle du service conventionné vers le service routier. Cependant, une telle évaluation nécessiterait d'établir le profil d'une demande de transport encore peu ou pas adressée sur le marché et de disposer d'informations sur les préférences futures des passagers. Or, ces données sont coûteuses à collecter et peuvent se révéler assez peu fiables.

407. Une alternative plus simple à mettre en œuvre consisterait à partir de l'hypothèse maximaliste selon laquelle les autocars mis en service sur la liaison et à l'horaire proposés seraient intégralement remplis de passagers qui auraient pris le train en l'absence de cette offre de service routier. Il s'agirait donc de définir le report maximal de clientèle que pourrait causer l'ouverture d'un service de transport par autocar à un horaire donné.

408. Les autocars actuellement mis en service par les entreprises de transport actives sur le marché français disposant d'environ 50 places assises, le report maximal de clientèle que pourrait susciter une offre de transport routier serait de 50 voyageurs par service horaire lorsqu'un tel flux de voyageurs existe sur la liaison conventionnée. En revanche, lorsque le service conventionné potentiellement concurrencé par un service routier génère un flux de voyageurs inférieur à 50, le report maximal de clientèle ne pourrait dépasser ce niveau de demande.

409. Ce volume maximal de clientèle adressable par le transporteur routier devrait ensuite être comparé au nombre d'usagers de la ligne conventionnée effectuant le trajet entre les villes d'origine et de destination du service routier à un horaire similaire à celui du service routier envisagé. Ce ratio comparant le volume maximal de clientèle du service routier sur une ODH au volume observé d'usagers du service ferroviaire sur une ODH similaire permettrait d'apprécier l'ampleur du risque de report de la clientèle, mais aussi d'identifier l'enjeu de l'usage de transports collectifs. Il doit être calculé sur la base de données, fournies par l'opérateur en charge de l'exploitation de la ligne conventionnée, spécifiques ou reconstruites à partir de données plus agrégées, charge à l'AOT d'en justifier la pertinence et au service autorisateur d'en apprécier la robustesse.

410. Les décisions du service autorisateur permettront d'établir une doctrine sur l'appréciation de ce ratio. Deux cas polaires peuvent néanmoins déjà être évoqués :

- un ratio très faible rendrait compte d'une capacité limitée du mode routier à absorber la demande s'adressant à l'opérateur conventionné sur une ODH particulière;

- à l'inverse, un ratio proche de 1 rendrait compte d'un risque important de report de la clientèle.

411. Dans le cas où le service autorisateur conclurait à un risque de report significatif, il lui faudrait alors mener une analyse des conséquences d'un report éventuel sur la viabilité de la ligne.

412. Il convient néanmoins de signaler que l'interprétation d'un ratio élevé dépend du flux d'usagers du service conventionné. L'étude du Sétra de 2012 relève que la moyenne des flux de voyageurs sur les liaisons ferroviaires s'élève à environ 560 voyageurs par jour, mais souligne la prépondérance des liaisons interrégionales sur lesquelles les flux ferroviaires de voyageurs sont inférieurs à 40 voyageurs par jour (65 % des liaisons). D'après cette même étude, les liaisons ferroviaires interrégionales transportant moins de 12 voyageurs par jour correspondent à 37% de l'ensemble des liaisons ferroviaires interrégionales. De manière plus générale, si la capacité de l'offre de transport par autocar à capter la clientèle du mode ferroviaire peut être considérée comme une source de risque, elle peut aussi amener à s'interroger sur la pertinence du choix modal opéré par l'autorité organisatrice.

b) Critères d'analyse du risque d'atteinte à la viabilité d'une ligne

413. L'indicateur du risque de report n'est pas suffisant pour évaluer le risque d'atteinte à la viabilité de la ligne portant le service amené à s'ouvrir à la concurrence. Pour ce faire, il conviendrait tout d'abord de comparer le volume de clientèle adressable par le service routier envisagé entre deux villes avec le nombre d'usagers de l'ensemble des services horaires conventionnés offerts entre ces deux villes.

414. Les conséquences financières de l'ouverture d'un service routier devraient ensuite être appréciées en comparant la perte de chiffre d'affaires induite par le report de clientèle (104)

- le chiffre d'affaires global que génère le service conventionné sur l'OD considérée, d'une part, et avec :

- le chiffre d'affaires global que génère le service conventionné sur l'ensemble (des OD) de la ligne conventionnée, d'autre part.

415. Dans le cas où plusieurs lignes conventionnées seraient invoquées pour justifier une opposition à l'ouverture d'une ligne, ce ratio devrait être calculé ligne par ligne, sur la base des chiffres propres à chacune des lignes.

416. Ces ratios, établis sur la base de données fournies par l'opérateur exploitant la ligne conventionnée, permettraient d'apprécier dans quelle mesure l'introduction d'un service routier sur une ODH donnée pourrait affecter la pérennité de l'intégralité d'une ligne conventionnée. L'examen ne doit néanmoins pas se limiter à une analyse formelle de ces ratios, ou d'un seuil fixé de manière absolue. Ces chiffres, robustes et signifiants, ont vocation à être la base minimale sur laquelle l'AOT pourrait justifier son opposition, le demandeur d'autorisation la discuter et le service autorisateur motiver sa décision.

417. La réalisation d'un tel test permettrait ainsi aux AOT de fonder leurs avis sur des critères clairs et objectifs ce qui, combiné à la publication de leurs avis motivés et des décisions des services instructeurs, conduirait à limiter l'incertitude de l'environnement dans lequel évoluent actuellement les acteurs du marché du transport par autocar.

418. La publication des résultats de ce test et des données qui le sous-tendent permettrait, en outre, aux autorités organisatrices de réaffirmer leurs objectifs de politique publique en matière de transport mais aussi en matière budgétaire. Elle les amènerait en effet à s'interroger sur l'intérêt ou le risque d'autoriser, sur certaines liaisons, la fourniture de services de transport par autocar aussi rapide, mais meilleur marché que des services ferroviaires comparables. Elle leur donnerait également les moyens d'expliquer, le cas échéant, les raisons motivant une opposition.

419. En ce sens, les données chiffrées servant de support à la démonstration d'une atteinte à la viabilité de lignes conventionnées constituent les éléments de base d'un débat argumenté sur les choix publics en matière de transport. C'est pourquoi l'accès des AOT à ces données doit être garanti.

II. Faciliter l'accès aux informations relatives au transport

420. En l'état actuel, il existe des carences importantes dans l'accès des autorités publiques aux données de transport, qui sont pourtant indispensables pour un contrôle efficace et équitable des demandes d'autorisation d'ouverture de services routiers.

421. Notamment, les données ferroviaires à disposition des autorités organisatrices régionales sur les offres qu'elles organisent et subventionnent sont limitées. Certaines d'entre elles ont ainsi indiqué ne pas disposer de l'ensemble des données demandées par le service autorisateur de l'État pour documenter les avis motivés concernant la possible atteinte à l'équilibre économique des offres qu'elles conventionnent (chiffres de trafics et de recettes notamment). D'autres ont sollicité, au cas par cas, l'exploitant des services conventionnés pour obtenir ces données. Au-delà de l'examen de la concurrence intermodale entre le ferroviaire et l'autocar, ces carences peuvent nuire à l'exercice par les régions de leurs compétences en matière de transport.

422. Un cadre réglementaire pour la diffusion des données de transports existe pourtant. Ainsi d'une part, l'article L. 1211-5 du code des transports prévoit pour l'État et les principales autorités publiques, un droit d'accès "aux informations relatives au trafic ferroviaire et aux données économiques nécessaires à la conduite d'études et de recherches de nature à faciliter la réalisation des objectifs assignés au système de transports". Ce droit est néanmoins restreint sur des considérations de confidentialité et de secret d'affaires. L'exercice de ce droit requiert ainsi une procédure de déclassement complexe, sous contrôle du ministre compétent.

423. En outre, les conventions d'organisation entre les régions et la SNCF prévoient des obligations de fourniture d'information à l'organisateur par l'exploitant du service. La loi a récemment renforcé ces obligations (loi n° 2013-431 du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports). Néanmoins, comme indiqué au paragraphe 276, les effets de cette réforme sont encore insuffisants. Par ailleurs, cette loi ne s'applique qu'aux informations relatives aux offres conventionnées TER.

424. L'Autorité recommande donc de préciser les obligations de fourniture, par l'exploitant ferroviaire, des informations d'exploitation aux autorités organisatrices. Ceci permettrait de garantir que celles-ci auront régulièrement accès aux informations qui leur sont indispensables pour appréhender leurs besoins et pouvoir se prononcer sur une demande d'autorisation d'ouverture de ligne par autocar.

425. L'accès à des données complètes et fiables concernant les trafics et les recettes est donc nécessaire. Il peut prévoir en particulier l'accès, ligne conventionnée par ligne conventionnée, aux données suivantes :

- nombre moyen d'usagers par ODH conventionnée;

- nombre moyen d'usagers par OD conventionnée;

- prix moyen du billet sur l'OD conventionnée;

- recettes générées par l'ensemble de la ligne conventionnée incluant l'OD.

426. La loi n° 2013-431 déjà mentionnée devrait lister explicitement les informations précitées et prévoir une obligation pour l'exploitant d'une ligne conventionnée de les fournir sur une base régulière, a minima annuelle, sous peine de pénalités imposées par l'AOT. Elle devrait aussi prévoir que les éléments permettant de confirmer l'exactitude des informations fournies soient transmis, afin que les AOT puissent justifier des chiffres avancés dans le cadre d'une opposition à autorisation. Ce régime doit s'appliquer tant aux lignes de TER qu'aux lignes d'intérêt national telles que les lignes TET.

427. Dans l'hypothèse où l'exploitant serait dans l'impossibilité de fournir précisément certaines données, notamment de fréquentation, en raison de limites techniques ou d'usages commerciaux (abonnements sans réservation, difficulté de mesurer exhaustivement les montées et les descentes de voyageurs dans les trains qu'il exploite, etc.), la loi ou ses textes d'application devraient prévoir que :

- l'exploitant fournisse alors une reconstitution de la donnée manquante, accompagnée des données approchantes ou agrégées utilisées pour la reconstituer et d'une description précise de la méthodologie suivie;

- l'exploitant, le cas échéant en collaboration avec les autorités organisatrices concernées, mette en place des moyens de mesure de l'usage des services offerts (compteurs, portiques, validations) de manière à pouvoir, à terme, fournir les informations requises.

428. Sur cette question, la mise en place d'une autorité de régulation des transports serait susceptible de contribuer à :

- la collecte régulière de données exhaustives, dans le respect du secret des affaires,

- la réflexion autour des solutions pour répondre aux éventuelles difficultés pour collecter certaines données, et

- l'exploitation efficace des informations relatives au transport, une fois celles-ci collectées et centralisées.

III. Clarifier les modalités d'accès aux gares routières

429. Les gares routières de voyageurs constituent une composante essentielle du service de transport car elles répondent aux besoins d'accueil, de confort, de sécurité et d'interconnexion avec les autres moyens de transport urbain existants.

430. Or, les autocaristes rencontrent un ensemble de difficultés dans l'accès à ces structures. Ces difficultés tiennent au nombre limité de gares routières existantes, d'une part, et à divers problèmes d'accès aux infrastructures existantes, d'autre part, au premier rang desquels la difficulté à identifier les entités responsables de l'accès aux gares.

431. Il y a en effet lieu de souligner la très grande variété des entités impliquées dans la construction, l'exploitation et la gestion de ces structures : les différentes collectivités locales, leurs divers groupements et émanations, sans oublier notamment l'implication possible de la SNCF (détention des emprises, exploitation de la gare routière ou gestion de son accès, etc.). Certaines responsabilités ou certains droits sur l'infrastructure peuvent également faire l'objet de délégations, parfois accordées à des acteurs privés. Au final, les autocaristes peinent ne serait-ce qu'à identifier les interlocuteurs avec lesquels ils doivent convenir de l'accès, ce qui représente un frein évident au développement efficace du marché et présente même des risques quant aux possibilités pour les pouvoirs publics d'offrir des garanties de sécurité suffisantes.

432. À court terme, il est donc impératif que les opérateurs aient accès au minimum d'informations nécessaires pour leur permettre d'accéder aux gares routières de manière efficace. Concrètement, ceci nécessiterait le recensement des principales gares routières et la collecte et la centralisation des informations et coordonnées des entités responsables de leur accès, au bénéfice des opérateurs.

433. Par exemple, pourraient être recensés, pour chaque préfecture de département ou ville de plus de 50 000 habitants :

- l'adresse de la gare routière,

- le nom du propriétaire ou détenteur du foncier,

- l'identité du gestionnaire de la gare,

- la superficie ou la capacité d'accueil de la gare, et

- un contact (téléphone, fax, courriel ou adresse postale).

434. Cette tâche peut s'inscrire dans les missions des autorités publiques en charge des transports prévues par l'article L. 1211-4 du code des transports. La centralisation et la communication de ces informations pourraient quant à elles relever du ministère compétent.

435. Une fois ces informations recensées, le principe d'un droit d'accès aux gares listées dans des conditions transparentes et non discriminatoires devrait être consacré par la loi, et opposable à leur gestionnaire.

436. Par ailleurs, et comme cela a été vu précédemment (paragraphe 51) et confirmé par les contributions des acteurs, écrites et en séance, les carences constatées résultent notamment d'un cadre réglementaire ancien. Une refonte du cadre réglementaire applicable aux diverses infrastructures pouvant relever du transport routier de voyageurs apparaît à cet égard nécessaire, bien qu'elle ne semble réalisable qu'à plus long terme.

437. Au-delà du recensement effectué, une définition des différentes infrastructures accessibles aux autocars devra être établie. À cet égard, la FNTV a indiqué, dans le cadre de la consultation publique, avoir procédé à un recensement des gares routières de voyageurs dans les préfectures de départements qui répondaient aux critères suivants :

- une infrastructure hors voirie;

- avec salle d'attente protégeant de la pluie et du froid;

- présentant une information aux usagers sur les horaires et les services;

- ayant des quais affectés pour les véhicules à l'arrivée et au départ, et

- faisant l'objet d'identification et de signalétique dans la ville pour pouvoir s'y rendre.

438. La FNTV a constaté, en examinant 91 % des préfectures de département, qu'en 2012 seules 50 % d'entre elles disposaient d'une gare répondant à cette définition.

439. Plusieurs catégories d'équipements devront être définies, en fonction des modes de transport impliqués, de leur taille, de leur vocation et des diverses prestations qui peuvent y être fournies : pôles d'échange, gares routières; haltes routières; haltes abris; autres aménagements, etc.

440. Sur la base de cette typologie pourra être mis en place un régime juridique cohérent, en termes de droits et d'obligations d'accès pour les différents fournisseurs de services, conventionnés ou non. Les gares routières peuvent en effet constituer des points de dessertes stratégiques en termes d'attractivité ou d'interconnexion, et leurs capacités d'accueil peuvent se révéler contraintes ou limitées, a fortiori si le marché de l'autocar longue distance doit s'ouvrir davantage. Les mêmes questions stratégiques peuvent se poser pour les autres catégories d'équipement.

441. Concrètement, ceci nécessiterait que soient consacrés et harmonisés, par catégorie d'équipement, les modalités d'application des principes suivants :

- obligation de transparence des modalités techniques et financières d'accès et garantie d'un traitement équitable et non discriminatoire dans l'octroi des accès;

- définition prévisible des redevances ou autres conditions tarifaires liées à l'accès en considération de références objectives, tenant aux services fournis aux autocaristes ou aux coûts sous-jacents de l'infrastructure et de ses services.

442. Sur ces différentes questions, la création d'une autorité de régulation indépendante est souhaitable, tant pour la définition du cadre que pour en faire assurer le respect. L'Autorité de la concurrence pourrait également connaître de pratiques relatives à l'accès aux gares ou leur tarification, dès lors que ces pratiques entreraient dans le champ des articles L. 420-1 ou L. 420-2 du code de commerce.

443. Enfin, une clarification des responsabilités des collectivités, de leurs groupements et émanations en matière de gares routières appartenant au domaine public devrait être réalisée. Sur ce point, la proposition figurant dans le projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie territoriale (article 3), tendant à identifier une autorité organisatrice de transport compétente pour chaque gare publique routière, est pertinente.

444. Toutefois, le champ d'application, la portée et les effets de cette disposition en projet semblent pouvoir être élargis. En effet, ce texte ne concerne que le parc des "gares publiques". Sont exclues les gares dites "privées" (gares créées par un transporteur public ou un groupement de transporteurs publics et réservée en principe à leurs services, mais qui peuvent néanmoins être accessibles à d'autres transporteurs), les gares routières d'Ile-de-France et les pôles d'échanges, à vocation multimodale et pouvant inclure le mode ferroviaire.

445. Par ailleurs, d'après ce projet de loi, les entités publiques bénéficiaires des transferts de compétences resteraient variées. Or, il serait plus clair d'uniformiser davantage les responsabilités pour tel ou tel type de collectivité, au moins sur certaines catégories d'infrastructures, ou d'instituer certaines d'entre elles comme chefs de file ou comme guichets d'entrée pour l'obtention des accès en gares routières.

IV. Mettre en place une autorité indépendante de régulation multimodale

446. L'Autorité recommande que soit mise en place une autorité de régulation des transports terrestres, compétente en matière de transports ferroviaires et routiers. Une telle autorité permettrait d'apporter des garanties dans l'examen des demandes d'accès, dans la collecte et la mise à disposition des informations nécessaires tant aux opérateurs qu'aux autorités organisatrices de transport et enfin dans la régulation de l'accès aux infrastructures routières.

447. L'un des principaux enjeux pour le développement du marché de l'autocar est en effet la garantie d'un examen objectif et dans des délais raisonnables du risque d'atteinte à l'équilibre économique d'offres conventionnées ferroviaires par des offres routières.

448. Le test prévu par la loi amène à se prononcer sur l'éventualité d'une concurrence intermodale, d'une part, et sur les possibilités d'une conciliation entre offre privée non conventionnée et offre conventionnée répondant à des besoins de service public, d'autre part. Pour apprécier le risque d'atteinte à la viabilité économique de services conventionnés, des savoir-faire techniques et économiques spécifiques sont requis. La nature bimodale de l'analyse amène nécessairement à recommander que le service autorisateur ait des compétences concernant les deux modes de transport, pour apprécier notamment les degrés de concurrence ou de complémentarité entre eux.

449. Par ailleurs, dans la mesure où des entités publiques telles que l'État ou les régions sont impliquées dans l'organisation et le financement des services conventionnés, d'une part, et sont en charge d'articuler ou d'autoriser des services potentiellement concurrents, d'autre part, ces entités peuvent être en situation de conflits d'intérêts. Ceci peut porter atteinte à la prévisibilité et à la sécurité juridique que les acteurs économiques du secteur des transports sont en droit d'attendre et nuire, plus généralement, à une organisation rationnelle des transports.

450. Sur ces points, la mise en place d'un régulateur bimodal indépendant permettrait d'apporter, d'une part, l'expertise et l'autorité techniques sur les deux modes en question, et, d'autre part, les meilleures garanties juridiques de transparence, d'équité et de prévisibilité de l'action publique, notamment quant aux règles d'accès au marché.

451. Cette mise en place pourrait passer par une extension des compétences et pouvoirs de l'ARAF, qui examine déjà des questions similaires dans le cadre des procédures d'autorisation de cabotage ferroviaire (cf. supra, §285 et 288), et présente les garanties décisionnelles propres aux autorités administratives indépendantes. Il y a lieu de relever que le législateur a déjà étendu les compétences de telles autorités par le passé. Ainsi l'Autorité de régulations des télécommunications s'est vue adjoindre en 2005 des compétences en matière postale, pour devenir l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). De même, la Commission de régulation de l'électricité a vu ses compétences étendues aux marchés du gaz en 2003, pour devenir la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

452. Une autorité de régulation indépendante et compétente pour apprécier les conditions d'accès au marché et examiner les demandes d'autorisation et les éventuelles oppositions aurait par ailleurs un intérêt réel pour la collecte, la gestion et le partage de l'information. Comme indiqué aux paragraphes 420 et 430, il existe actuellement de sérieuses carences informationnelles qui nuisent au fonctionnement du marché. Elles sont préjudiciables aux autorités organisatrices dans l'appréhension de leurs besoins, au service autorisateur chargé d'apprécier le degré de concurrence entre les offres privées et conventionnées et aux opérateurs dans l'organisation de leur offre et leur accès aux infrastructures.

453. À cet égard, le régulateur pourrait contribuer à la collecte régulière de données exhaustives, dans le respect du secret des affaires, à la réflexion autour des solutions pour répondre aux éventuelles difficultés à collecter certaines données et à l'exploitation efficace des informations relatives au transport, une fois celles-ci collectées et centralisées. Il pourrait également coordonner le recensement des informations relatives aux infrastructures routières, les centraliser et participer à la définition d'un régime juridique cohérent pour l'accès et la gestion de ces infrastructures par l'exercice de pouvoirs consultatifs et réglementaires dérivés.

454. Comme dans le secteur ferroviaire, le secteur routier nécessite l'accès à des infrastructures payantes et à certaines capacités contraintes. C'est le cas concernant l'accès aux sillons ou aux gares ferroviaires, ce qui a justifié de confier à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) un pouvoir de règlement de différends, permettant de préciser ou de fixer des règles d'accès, pour éviter des discriminations, traitements inéquitables ou autres préjudices injustifiés (art. L. 2134-2 du code des transports). Le secteur routier peut présenter des risques similaires, tenant aux conditions d'accès aux gares routières et à de possibles discriminations entre acteurs, qu'une autorité de régulation dotée d'un pouvoir de règlement de différends serait susceptible de contrôler.

455. Plus largement, une institution bimodale contribuerait à l'unification de l'action publique en matière de transports, notamment sur des questions de fond tenant au développement de l'intermodalité et à l'intégration croissante des acteurs et de leurs offres, tant horizontalement (développement d'opérateurs multimodaux) que verticalement (gestion intégrée des infrastructures et des services). Son intérêt dépasse les besoins de transport de voyageurs et concerne également le secteur du fret, dans lequel les modes routiers et ferroviaires sont potentiellement concurrents. Des questions de choix modal s'y posent avec une acuité forte, en lien par exemple avec des considérations de développement durable et d'environnement, et sur lesquelles des arbitrages publics tenant aux niveaux respectifs des redevances ferroviaires et routières ont une influence.

456. Par le passé et compte tenu de l'accroissement des problématiques liées à l'intermodalité et face au développement d'acteurs multimodaux toujours plus intégrés, l'Autorité a déjà recommandé la création d'une autorité indépendante unique qui serait compétente pour l'ensemble des modes de transport. Elle renvoie sur ces points à l'étude thématique "concurrence et transports de voyageurs" (rapport annuel pour 2011), ainsi qu'aux avis n° 10-A-04 du 22 février 2010 relatif à une demande d'avis de l'Association pour le maintien de la concurrence sur les réseaux et infrastructures (AMCRI) sur les problèmes de concurrence pouvant résulter de la privatisation des aéroports français et n° 11-A-15 sur un projet de décret relatif aux gares de voyageurs et autres infrastructures de services du réseau ferroviaire.

457. L'Autorité recommande pour toutes ces raisons la mise en place d'une autorité de régulation indépendante des transports terrestres. Une telle évolution suppose une réforme législative de plus grande ampleur, alors que l'ouverture du marché des services de transport par autocar qui est proposée ci-avant peut avoir lieu à court terme sur la base d'adaptations plus légères. Mais elle renforcerait la cohérence et l'efficacité de l'ouverture souhaitée par l'Autorité.

Délibéré sur le rapport oral de Mme Anne Yvrande-Billon et de M. Alexandre Beaudouin, rapporteurs, et l'intervention de M. Umberto Berkani, rapporteur général adjoint, par M. Bruno Lasserre, président, Mmes Élisabeth Flüry-Hérard et Claire Favre, vice-présidentes, M. Emmanuel Combe, vice-président, Mmes Laurence Idot et Carol Xueref, MM. Jean-Bertrand Drummen et Thierry Tuot, membres.

La secrétaire de séance,

Béatrice Déry-Rosot

Le président,

Bruno Lasserre

© Autorité de la concurrence

ANNEXE 1 : TABLEAU DE SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS

<EMPLACEMENT ANNEXE 1>

ANNEXE 2 : PROCÉDURE SIMPLIFIÉE D'ACCÈS AU MARCHÉ DU TRANSPORT LONGUE DISTANCE PAR AUTOCAR (RECOMMANDATIONS 2 ET 3)

La procédure d'autorisation recommandée requiert 1) la fourniture d'une licence communautaire de transport public de voyageurs en cours de validité (attestant de l'honorabilité et des capacités professionnelles et financières de l'entreprise demandeuse) et 2) une présentation du service routier envisagé, incluant : fréquences, horaires, capacité des véhicules en termes de nombre de voyageurs, prix envisagé des billets d'autocar sur la liaison, dessertes et distances entre les dessertes.

<EMPLACEMENT ANNEXE N° 2>

ANNEXE 3 : LES ÉTAPES DU TEST D'ATTEINTE ÉCONOMIQUE À LA VIABILITÉ DE SERVICES CONVENTIONNÉS (RECOMMANDATION 3)

<EMPLACEMENT ANNEXE N° 3>

ANNEXE 4 : COMPARAISONS EUROPÉENNES

Les différents États membres de l'Union européenne présentent un vaste éventail de situations en matière d'autocar "longue distance". La législation européenne est moins complète et moins contraignante que pour d'autres secteurs ou modes de transports. Le secteur est de fait très fragmenté : en termes de réglementation et d'autorités organisatrices (depuis les conseils municipaux jusqu'aux ministères nationaux), de tailles et de types d'opérateurs (d'entreprises locales jusqu'aux acteurs multinationaux et intégrés), de types et de gammes de services de transport (services réguliers interurbains, services de transport scolaire, liaisons à la demande et touristiques, etc.), qui varient notamment en fonction des distances ou encore de l'importance des réseaux ferroviaires.

Les définitions des services varient également fortement selon les États membres. Ainsi la distinction entre autobus ("bus") et autocar ("coach") est peu répandue. Autre limite : les statistiques nationales intègrent différemment le transport scolaire. En conséquence, la disponibilité et la fiabilité des statistiques sont faibles, en particulier sur les sous-segments du marché et notamment sur la longue distance.

Au-delà de l'information quantitative sur les marchés, une approche typologique des modes d'organisation est possible, tendant d'abord à distinguer deux grandes familles : les États privilégiant l'initiative privée (marchés "déréglementés") et ceux privilégiant l'organisation publique (marchés "réglementés"), avec, entre les deux, les États recourant à un système de "franchises" ou de concessions : des autorisations de longue durée avec droits exclusifs, délivrées à l'issue de procédures de mise en concurrence (concurrence "pour le marché").

Selon cette approche, la situation dans les États membres les plus emblématiques est la suivante :

<EMPLACEMENT TABLEAU ANNEXE N° 4>

Une autre présentation est possible, celle retenue par le CGEDD en 2010 sur la base des travaux de D. Van de Velde (2009). Après mise à jour (notamment concernant l'Allemagne, initialement classée comme "réglementé"), elle apporte la vue suivante :

<EMPLACEMENT TABLEAU ANNEXE N° 4>

La présente section s'attachera maintenant à présenter plus en détail la situation de l'autocar longue distance dans les pays européens suivants : Grande-Bretagne, Allemagne, Espagne, Suède et Norvège.

A. Grande-Bretagne

Cadre réglementaire

En Grande-Bretagne, le marché du transport régulier de longue distance par autocar s'est développé parallèlement au marché du transport ferroviaire, dès le début du 20ème siècle, et a été entièrement déréglementé en 1985. Aujourd'hui, la seule condition à remplir pour ouvrir un service de transport longue distance par autocar est de disposer d'une licence d'opérateur de transport de voyageurs, spécifiant notamment le nombre total de véhicules que l'opérateur est autorisé à mettre en service et les exigences en matière de sécurité des matériels et de réglementation du temps de travail des conducteurs auxquelles il doit se conformer.

Taille du marché

L'autocar jour un rôle important dans la mobilité en Grande-Bretagne mais il est difficile d'en déterminer avec précision la part modale car, comme dans beaucoup d'autres pays, les statistiques de transport ont tendance à intégrer les services de transport par autobus et par autocar. Néanmoins, les estimations récentes les plus précises indiquent qu'en 2012 les autocars ont transporté près de 30 millions de voyageurs, ce qui correspond à une part modale de 4 % des voyages de longue distance, c'est-à-dire de plus de 50 miles (soit environ 80 km) (105). Principaux acteurs. Ces estimations montrent en outre que la part modale de l'autocar augmente avec la distance parcourue. Sur le segment des trajets de 150 à 250 miles (soit entre 240 et 400 km), la part de l'autocar en nombre de voyages est en effet de 6 % et elle est de 8 % sur le segment des déplacements de 250 à 350 miles (soit entre 400 et 565 km). Ces statistiques indiquent aussi clairement que la demande de services réguliers de transport par autocar est principalement adressée par une clientèle de seniors (en 2009, 47,5 % de la clientèle avait plus de 50 ans et 33,5 % avait moins de 30 ans) et de consommateurs ne disposant pas de voiture particulière (en 2009, 40 % des usagers des services réguliers de transport par autocar n'avaient pas de voiture alors que pour les usagers du train cette part tombe à 20 %).

Avant sa déréglementation, le marché était servi par un monopole public, la compagnie National Bus Company, privatisée en 1985 et devenue alors National Express. National Express est aujourd'hui un groupe multimodal, présent en Grande-Bretagne sur les marchés du transport ferroviaire, du transport urbain et du transport interurbain, mais aussi en Amérique du Nord, en Espagne, en Allemagne et au Maroc. Elle reste le principal autocariste en Grande-Bretagne, avec une part de marché en nombre de voyageurs estimée à 60 %, et une densité de réseau sans commune mesure avec celle des concurrents, avec près de 1 000 destinations desservies.

L'ouverture complète du marché britannique fait qu'on y dénombre un nombre important d'opérateurs régionaux de petite taille, exploitant des services sur quelques liaisons voire une seule. Seuls deux concurrents de National Express disposent d'un réseau plus large : Firstgroup, opérant sous la marque First Greyhound, et Stagecoach, opérant sous la marque Megabus, ces deux opérateurs ayant la particularité d'être aussi des acteurs multimodaux, présents sur les marchés ferroviaire et urbain. Chacun de ces opérateurs détient environ 10 % des parts du marché en nombre de voyageurs, de sorte que trois opérateurs se partagent environ 80 % du marché britannique du transport régulier longue distance par autocar.

Fonctionnement concurrentiel

La forte concentration du marché cache une situation concurrentielle très variée selon les lignes. Ainsi, une concurrence intense s'exerce entre plusieurs opérateurs de taille très différente sur certaines liaisons, notamment vers les aéroports et les campus universitaires. Une forte pression concurrentielle s'exerce plus largement sur la quarantaine de lignes où Stagecoach a développé son offre "low cost", Megabus. L'arrivée de cet opérateur, en 2003, a en effet permis une baisse significative, parfois de près de 50 %, des tarifs moyens sur les liaisons où National Express était présent. Le succès de Megabus démontre que certaines barrières à l'entrée sur le marché de l'autocar ont été levées grâce aux nouvelles technologies de l'information, plus particulièrement internet, qui a permis à cet opérateur de se passer des agences de voyages et des guichets physiques de billetterie. Ceci étant, la position d'opérateur historique de National Express, son réseau très étendu, l'emplacement des gares qu'il occupe et les partenariats qu'il a développés avec des opérateurs régionaux rendent difficile l'entrée de concurrents d'envergure.

B. Allemagne

Cadre réglementaire

Jusqu'en 2013, le cadre réglementaire du marché allemand du transport régulier par autocar limitait l'offre de services routiers aux liaisons non servies par le transport ferroviaire, ce qui, compte tenu de la densité du réseau ferré allemand, a rendu impossible le développement du transport par autocar. Ce cadre, explicitement conçu pour protéger l'opérateur ferroviaire historique, Deutsche Bundesbahn, a été profondément modifié en janvier 2013. En effet, depuis cette date, l'ouverture de services de transport par autocar est autorisée pour toutes les liaisons de plus de 50 kilomètres. En outre, les services routiers ne peuvent être ouverts sur les liaisons où existent des services ferroviaires régionaux dont le temps de parcours est de moins d'une heure, sauf s'il est démontré que cela n'affecte pas significativement la demande adressée aux services existants ou que l'offre existante n'est pas satisfaisante. En termes de procédure, les opérateurs désireux d'ouvrir des services sur une ligne doivent disposer d'une autorisation, dont le délai d'obtention est d'environ trois mois. Ils doivent en outre, le cas échéant, faire part de leur intention de supprimer un service au plus tard trois mois avant la date prévue de fermeture de la ligne.

Taille du marché

Depuis la déréglementation du marché en janvier 2013, l'offre de services routiers a considérablement augmenté. Le nombre de liaisons routières interurbaines est ainsi passé de 86, principalement à destination des aéroports, fin 2012, à 194 liaisons reliant les principales villes allemandes, fin 2013, auxquelles s'ajoutent une quarantaine de liaisons en attente d'autorisation par le gouvernement fédéral. La distance moyenne des liaisons routières autorisées est de 360 kilomètres et le temps de trajet moyen de 5h environ. Compte tenu du développement récent de ce marché, les statistiques de demande sont encore rares. Des estimations font cependant état d'une part modale attendue d'environ 5 % en nombre de voyages longue distance.

Principaux acteurs

En comptant les sous-traitants locaux, près de 70 opérateurs sont désormais actifs sur le marché du transport régulier par autocar en Allemagne, mais 4 opérateurs d'envergure nationale se partageraient, d'après les estimations existantes, environ 70 % du marché : Deustche Bahn, MeinFernbus, Flixbus et Deinbus, et un cinquième opérateur important, filiale commune de l'ADAC (fédération nationale d'automobile clubs) et de la Deutsche Post AG (ancien monopole public de la poste), devrait entrer sur le marché prochainement. Des opérateurs de transport étrangers, notamment les groupes déjà présents sur le marché ferroviaire, ont également fait part de leur intention d'investir ce marché.

Fonctionnement concurrentiel

Le marché allemand devrait ainsi attirer rapidement de nombreux opérateurs. Pour l'heure, les projections existantes font état d'une baisse attendue de 30 % du prix des billets de transport par autocar du fait de la déréglementation et de l'entrée sur le marché d'autocaristes positionnés sur le segment "low cost" comme Flixbus.

C. Espagne

L'autocar a occupé une place importante sur les marchés du transport en Espagne, en particulier sur le segment de l'interurbain, et certainement du fait de l'importance relative des réseaux et des services ferroviaires. Ainsi, le marché des services d'autocars a été estimé comme quatre fois plus important que celui des services ferroviaires en termes de voyageurs-kilomètre. La poursuite du développement du réseau espagnol à grande vitesse et la croissance des compagnies aériennes à bas coût exercent une concurrence croissante sur l'autocar, à tout le moins sur certaines liaisons.

Cadre réglementaire

Le système repose sur des concessions (droits exclusifs) de longue durée, octroyées par le gouvernement national (Ministerio de fomento) pour ce qui concerne les services longue distance ou "interurbains". Ces droits sont de plus en plus octroyés à l'issue de procédures d'appel d'offres, sous l'influence des règles européennes.

Les offres ainsi organisées apparaissent rentables : les concessions octroyées n'impliquent pas de fonds publics.

Par ailleurs, le ministère des transports espagnol propose le service "bus.es", un portail d'information sur les liaisons offertes, les compagnies concessionnaires et les gares routières utilisées.

Taille du marché

Le ministère des transports espagnol fait état, en 2013, de 94 concessions nationales, d'une longueur moyenne de 800 km, couvrant 3 600 points de desserte. Ce réseau aurait transporté 32 millions de voyageurs en 2012.

Selon l'opérateur Alsa, principal acteur notamment sur la longue distance, et partie du groupe britannique National Express, le marché espagnol se caractérise, en 2012, par :

- l'importance de l'initiative privée : 3 678 entreprises (4 742 en 1999), essentiellement des très petites entreprises (en moyenne 10 à 11 employés et 9-10 véhicules); 62 000 emplois directs; la part de marché des 5 premiers groupes ne dépasserait pas 15 %;

- des concessions très dispersées: 1 448 franchises (dont 108 nationales);

- un marché mature, en déclin sur de nombreuses routes.

Fonctionnement concurrentiel

Le système suscite certaines interrogations, tenant à la durée des droits octroyés ou à certaines conditions de leur renouvellement (par exemple la Catalogne a renouvelé 143 concessions en 2003, pour 25 ans), ou aux critères d'octroi des marchés, qui semblent de nature à avantager les titulaires sortants.

D. SUÈDE

La géographie, le climat et le bon réseau routier font de l'autocar un mode attractif en Suède. Bien que le réseau et les services ferroviaires y soient développés, les distances et les faibles densités de population ménagent une place conséquente à l'autocar.

Cadre réglementaire

La Suède définit comme interurbains les services d'autocars parcourant une distance d'au moins 100 kilomètres et franchissant la frontière d'au moins une région. Ce marché, des autocars dits "express", est aujourd'hui intégralement ouvert, et non subventionné. Les collectivités investissent éventuellement à l'échelon régional, en organisant des services subventionnés.

La dérégulation du marché de la longue distance a eu lieu en deux temps. Il s'est d'abord agi de renverser la charge de la preuve autour de possibles atteintes à des services préexistants subventionnés. Depuis 1993, les opérateurs et les collectivités locales doivent, pour s'opposer à l'ouverture d'une ligne d'autocar, prouver que l'exploitation d'une telle ligne porterait gravement préjudice à la rentabilité d'offres ferroviaires ou routières régionales (il incombait auparavant à l'autocariste entrant de démontrer le contraire). Puis, à partir de 1999, le marché suédois a été entièrement dérégulé, a ceci près toutefois qu'une autorité régionale peut encore limiter un service à l'intérieur du territoire relevant de sa compétence.

Les résultats de la déréglementation engagée en 1993 et aboutie en 1999 sont jugés positifs. Les services d'autocar sont vus comme un complément utile au reste du système de transport public.

Par ailleurs, les autorités publiques suédoises développent des services d'intégration des services d'autocar, en termes d'information et de billettique. Ainsi par exemple, les usagers locaux peuvent utiliser les autocars interurbains dans le cadre du réseau régional et aux mêmes conditions tarifaires. Ceci apporte des recettes additionnelles pour les autocaristes et un service complémentaire utile pour les usagers.

Taille du marché

Le marché du transport interrégional par autocars compte une trentaine d'opérateurs. Il est dominé par Swebus, filiale du groupe de transport Nobina (anciennement Concordia, actif également en Norvège et en Finlande), avec ses 2 400 véhicules et 7 000 employés. Selon le site de Nobina, Swebus transporte près de 2 millions de passagers par an sur 30 liaisons longue distance, pour un chiffre d'affaires de 176 millions de couronnes soit 20 millions d'€.

Les transports par autocars représentaient en 2005/2006 environ 5% du nombre de déplacements interurbains et 6% du nombre de voyageurs-kilomètres.

E. NORVÈGE

Cadre réglementaire

A l'issue d'une libéralisation progressive des services d'autocars interurbains, entreprise dans les années 1990 à l'issue d'initiatives de coopération (sous forme de partenariats) engagées par les opérateurs en place à la fin des années 1980, le marché norvégien est aujourd'hui presque totalement dérégulé. Contrairement à la Suède voisine, il est largement subventionné.

Si ces initiatives se sont heurtées au départ à une certaine résistance des autorités qui craignaient un affaiblissement des transports publics locaux et notamment du transporteur ferroviaire national, Norges Statsbaner (NSB), l'introduction des services interurbains express a connu une grande popularité auprès des usagers, et les craintes d'atteinte aux services préexistants se sont révélés infondés.

Les services d'autocars express actuels sont issus de l'ancien régime d'autorisations qui relève aujourd'hui de la compétence des autorités locales et non plus de l'administration centrale. L'organisation de ces services repose sur une définition administrative : par la traversée de la frontière d'un comté. Le régime d'autorisation apparaît souple dans la mesure où, en pratique, toutes les demandes d'autorisation formulées par les autocaristes sont octroyées dès lors que les normes de qualité de service sont respectées. Les comtés peuvent néanmoins imposer certaines limitations visant à protéger des services de transport public locaux subventionnés. Il semble que ces autorités aient bien souvent adapté les services locaux aux lignes express, et interviennent également pour "acheter" des compléments de services répondant aux besoins locaux.

Taille du marché

Dans ce cadre, l'opérateur public norvégien NSB est le premier acteur sur les moyennes distances, et l'un des principaux partenaires de Nor-Way Bussekspress, qui domine le marché de la longue-distance. Il s'agit d'une organisation de transporteurs détenue par une quarantaine d'opérateurs qui exploitent les différentes lignes d'autocars, dont certaines en coopération. Le principal concurrent de Nor-Way Bussekspress est Timekspress, une enseigne présente dans le sud du pays dont les services sont opérés par Nettbuss, l'autocariste de NSB, qui propose également d'autres services d'autocars comme Komfortbussen, Bus4you et Flybussen (liaisons vers les aéroports).

Fonctionnement concurrentiel

Le marché norvégien est caractérisé par l'importance des participations croisées et des coopérations, qui ont permis la mise en place d'un réseau étendu, sur la plus grande partie du territoire. La place prépondérante de Nor-Way Bussekspress sur les marchés de l'autocar n'est pas sans poser de questions en termes de concurrence et d'organisation du marché.

Tableau n° 7: synthèse des présentations des cinq pays européens

Cadre réglementaire/Caractéristiques du marché

Grande-Bretagne/Déréglementé (1985)/30 millions de voyageurs; 4% des voyages de longue distance (2012)Fortement concentré

Allemagne/Déréglementé (2013), sauf pour les liaisons < 50 km /194 liaisons interurbaines; projection de 5 % de part modale (2013) 70 opérateurs; 4 d'ampleur nationale

Espagne/Concessions exclusives/94 concessions nationales (longueur moyenne de 800 km), 3 600 points de desserte; 32 millions de voyageurs (2012)

Marché atomisé et hétérogène (1 448 franchises dont 108 nationales; 3 678 entreprises; 15 % du marché aux 5 premiers groupes); mature voire en déclin; services non subventionnés

Suède/Déréglementé (1999), mais les autorités régionales peuvent limiter ou agir sur l'organisation du service/Une trentaine d'opérateurs interrégionaux; marché dominé par Swebus/Nobina (2 millions de passagers par an).L'autocar interrégional représente environ 5% du nombre de déplacements interurbains et 6% du nombre de voyageurs-kilomètres (2006/2006)

Norvège/Déréglementé (années 90), mais les autorités régionales peuvent limiter ou agir sur l'organisation du service/Subventionnements importants; participations croisées et des coopérations nombreuses; marché concentré dominé par Nor-Way Bussekspress impliquant l'opérateur historique.

Références

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Notes :

1 Cette distinction n'est par exemple pas opérée dans les Comptes des transports.

2 La mobilité des Français, Panorama issu de l'enquête nationale "Transports et déplacements" de 2008, La Revue du CGDD, Commissariat général du développement durable, décembre 2010.

3 Dans l'enquête nationale "Transports et déplacements" du CGDD précitée, les voyages longue distance sont définis comme les déplacements à plus de 80 kilomètres à vol d'oiseau du domicile ainsi que les déplacements impliquant au moins une nuitée hors du domicile, ou à destination de l'étranger.

4 Estimation des dépenses unitaires selon les différents modes de transport en 2011, Etude FNAUT multi-clients, Décembre 2012.

5 Selon les chiffres publiés par l'Union des aéroports français en février 2014, le poids du low cost dans le transport aérien est évalué en France en 2012 à 23,8% en nombre de passagers.

6 Des éléments de comparaison entre les marchés et les systèmes d'organisation de plusieurs pays européens figurent en annexe 4 du présent avis. Voir également le rapport de la Commission Européenne du 19 juin 2009, TREN-E1-409-2007.

7 On citera notamment : la directive 92-6-CEE du Conseil du 10 février 1992 relative à l'installation et à l'utilisation, dans la Communauté, de limiteurs de vitesse sur certaines catégories de véhicules à moteur; la directive 96-53-CE du Conseil du 25 juillet 1996 fixant, pour certains véhicules routiers circulant dans la Communauté, les dimensions maximales autorisées en trafic national et international et les poids maximaux autorisés en trafic international; la directive 2003-59-CE du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2003 relative à la qualification initiale et à la formation continue des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs; ainsi que le règlement (CE) n° 561-2006 du Parlement et du Conseil du 15 mars 2006 modifié, relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route.

8 L'entrée en vigueur de certaines obligations est toutefois aménagée par un arrêté du 25 septembre 2013 relatif aux reports de l'application de certaines dispositions du règlement (UE) n° 181-2011 concernant les droits des passagers dans le transport par autobus et autocar.

9 Voir en particulier le règlement (CE) n° 561-2006 du Parlement et du Conseil du 15 mars 2006 modifié, relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, et le décret n° 2008-418 du 30 avril 2008 modifié, relatif à certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route.

10 Conseil général de l'environnement et du développement durable : services de transport d'intérêt national, Rapport n °007141-01, Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, Octobre 2010.

11 Essentiellement : le règlement (CEE) n° 684-92 du Conseil du 16 mars 1992 établissant des règles communes pour les transports internationaux de voyageurs effectués par autocars et autobus; le règlement (CE) n° 12-98 du Conseil du 11 décembre 1997 fixant les conditions de l'admission des transporteurs non résidents aux transports nationaux de voyageurs par route dans un État membre; le règlement CE n° 561-2006 du parlement européen et du conseil du 15 mars 2006 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les règlements (CEE) n° 3821-85 et (CE) n° 2135-98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) n° 3820-85 du Conseil.

12 Ces deux conditions résultent des définitions des dessertes de cabotage (article L. 3421-2 du code et article 31-1, 4°, du décret).

13 Les 19% restants répondent à des contextes locaux particuliers et sont, selon la FNTV, difficilement classables : domaine public dévolu à la SNCF, association Etat-SNCF-département, exploitant urbain, exploitant interurbain, régie, société d'économie mixte, société privée, etc.

14 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 13-DCC-137 du 1er octobre 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Transdev Group (ex-Veolia Transdev) par la Caisse des Dépôts et Consignations, ainsi que la décision n° 10-DCC-198 du 30 décembre 2010 relative à la création d'une entreprise commune par Veolia Environnement et la Caisse des Dépôts et Consignations (notamment § 232 et s. pour ce qui concerne le transport routier interurbain).

15 Voir la décision n° 12-DCC-129 du 5 septembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Keolis par la société SNCF-Participations, notamment les § 64 et suivants, où il est fait état des parts de marché en 2011 de Keolis sur le transport urbain hors Ile-de-France (entre 30 et 40%) et sur le transport interurbain (entre 20 et 30%).

16 Le baromètre trimestriel Mediamétrie-Netratings de l'audience du e-commerce place ainsi Voyages-sncf.com 5e du "top 15 des sites e-commerce les plus visités en France". Le site est également 2e au "top 5 des sites et applications de m-commerce" (sites et applications pour terminaux mobiles), "1ère agence de voyage en ligne" et "1er site des marques e-tourisme". Source : communiqué de la fédération e-commerce et vente à distance (FEVAD), 24 septembre 2013.

17 Source : communication de la SNCF intitulée "Rapport 2013 - Les mobilités en Europe - État du marché des transports de voyageurs et de marchandises".

18 Voir l'annexe 4 pour une présentation du marché britannique.

19 Date du dernier fichier de la DGITM mis à disposition des rapporteurs.

20 1 200 "origine-destination" avec AR et 2 "origine-destination" isolées.

21 La notion d'origine-destination (OD) fait ici référence à un déplacement d'une entité (voyageur, véhicule, etc.) d'un lieu/point de départ/origine à un lieu d'arrivée/destination dans un sens. La notion de liaison entre deux lieux est utilisée sans précision d'orientation et désigne donc un aller et retour sur une OD.

22 A ce stade, l'instruction n'a pas tenu compte, pour caractériser les demandes d'autorisation, de l'offre de transport aérien "low cost", pourtant récemment enrichie sur les liaisons transversales, notamment par le service Hop ! d'Air France. Ceci tient au fait que l'instruction des demandes d'autorisation par le ministère vise à apprécier l'atteinte à l'équilibre économique uniquement de services conventionnés de transport terrestre, comme indiqué au paragraphe

23 Il s'agit ici d'une estimation élevée du nombre de places par autocar; les autocars mis en service récemment par les opérateurs sont des cars de grand tourisme, plus confortables car plus spacieux que les cars "traditionnels". Ils disposent donc plutôt de 48 places.

24 Source CGDD.

25 Walter M., Haunerland F., Moll R.: "Heavily regulated, but promising prospects: Entry in the German Express Coach Market", Transport Policy, vol. 18(2), pages 373-381, Mars 2011.

26 Plus précisément, pour une même liaison, la différence entre le prix d'un billet de TGV et celui d'un billet d'autocar est en moyenne de 120%. S'agissant de la méthodologie de relevé des tarifs des billets TGV, 10 liaisons ferroviaires ont servi de support au calcul du prix moyen des billets; pour chacune des liaisons, le prix moyen retenu est la moyenne des tarifs proposés pour un même billet aller-retour (départ le vendredi à partir de 18h et retour le dimanche à partir de 16h) réservé à des dates différentes plus ou moins éloignées de la date de départ. En revanche, comme l'illustre le 2ème graphique, les tarifs des services de transport ferroviaire à grande vitesse Ouigo sont très compétitifs mais il convient de noter qu'ils relient Marne-la-Vallée à Lyon Saint-Exupéry.

27 Méthodologie de calcul des prix au kilomètre : pour le transport par autocar, le prix moyen des billets a été divisé par la distance kilométrique du trajet effectué par voie routière; pour le transport par TGV, le prix moyen des billets a été divisé par la distance kilométrique du trajet effectué par voie ferrée.

28 Estimation des dépenses unitaires selon les différents modes de transport en 2011, Etude FNAUT multi-clients réalisée par Beauvais Consultants, décembre 2012.

29 Méthodologie de relevé des tarifs sur les liaisons Paris-Lille et Paris-Lyon : moyenne des prix trouvés le 15 octobre 2013 pour un aller simple sur un trajet; simulations effectuées pour un départ 60 jours plus tard, 30 jours plus tard, 7 jours plus tard et le lendemain. Pour vérifier que le choix de ces dates de départ ne biaise pas les résultats, des relevés de tarifs ont été effectués à d'autres dates suivant la même méthodologie. Ceux-ci amènent à des résultats semblables. Les tarifs des billets d'avion n'apparaissent pas sur les graphiques mais s'élèvent, en moyenne, à 200 euros pour Paris-Lille et 230 euros pour Paris-Lyon, avec une évolution à la hausse à mesure que la date de réservation se rapproche de la date de départ..

30 Calculs effectués pour les 10 liaisons les plus fréquentées par les usagers de l'autocar.

31 Sources : sites internet des opérateurs de transport par autocar.

32 Sources : SOeS 2013.

33 Pour une description de la réforme allemande du marché du transport régulier par autocar, voir A. Karl : "Legal and organisational developments in the German land passenger transport", Document de travail, Actes du colloque "13th International Conference on Competition and Ownership in Land Passenger Transport", Septembre 2013. .

34 Pour une étude des caractéristiques de la demande sur le marché britannique, voir par exemple J. Dargay : The prospects for longer distance coach, rail, air and car travel in Britain, Report by Institute of Transport Studies, Leeds, to the Independent Transport Commission, Janvier 2010.

35 Pour une présentation synthétique des caractéristiques de la demande dans différents pays de l'OCDE, voir D. Van de Velde : Long-distance bus services in Europe : Concessions or free market ?, OECD Discussion Paper n °2009-21, décembre 2009.

36 R. Balcombe, R. Mackett, N. Paulley, J. Preston, J. Shires, H. Titheridge: The demand for public transport: A practical guide. Transport Research Laboratory Report TRL593, 2004. Ce niveau d'élasticité est celui repris par la UK Competition Commission dans ces différents travaux sur le marché britannique du transport collectif routier, en particulier dans l'enquête sectorielle publiée en décembre 2011 : Local bus services market investigation, A report on the supply of local bus services in the UK (excluding Northern Ireland and London). .

37 Sétra (Service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements du Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer) : Choix modal en transport de voyageurs longue distance - Les critères prix et temps, Rapport d'étude, Juin 2012.

38 Sétra, précité.

39 Source : Les comptes des transports en 2012, Commissariat général au développement durable - Service de l'observation et des statistiques.

40 Voir sur ce point la publication de la FNTV : "Développement des lignes routières en France".

41 Sétra, précité.

42 Source : Les comptes des transports en 2012, Commissariat général du développement durable - Service de l'observation et des statistiques.

43 Sur ce point, voir par exemple l'étude récente de Walter M., F. Haunerland et R. Moll (2010), Heavily regulated, but promising prospects : Entry in the German Express Coach Market, Transport Policy 18(2), pp. 373-381, .

44 Voir notamment le rapport Premiers éléments de réflexion sur la pertinence des modes fer et route pour les dessertes régionales, Certu, Sétra, Cete de Lyon, Cete Nord Picardie, 2013.

45 Plusieurs études font état de l'impact positif de l'ouverture à la concurrence du marché du transport routier longue distance sur les prix. Voir notamment White P. (1995), Deregulation of local bus services in Great Britain, Transport Reviews 15(2), pp. 185-209.

46 Study of passenger transport by coach - Final report, Rapport de Steer Davies Gleave préparé pour la Commission Européenne, Juin 2009.

47 Voir sur ce point le document de travail de K. Augustin et al. (203) précité, dans lequel les auteurs montrent qu'en Allemagne et aux Etats-Unis i) le nombre de concurrents sur une ligne routière a un impact à la baisse statistiquement significatif sur le prix des billets et, ii) l'arrivée sur le marché de transporteurs clairement positionnés sur le segment "low cost" a un effet quasi-immédiat sur les prix pratiqués par l'ensemble des opérateurs du marché.

48 H. Strö?enreuther : Opening the intercity bus an d coach market in Germany : challenges and opportunities, Actes du IRU Bus and Coach Workshop, Long Distance Bus and Coach Transport in Europe : (re) Discorvering the wheel, Bruxelles, 29 février 2012. 49 Calculs effectués pour les 10 liaisons les plus fréquentées par les usagers de l'autocar.

50 Sur l'impact de l'arrivée de la compagnie "low cost" Southwest Airlines aux Etats-Unis sur la politique tarifaire des compagnies aériennes historiques, voir l'article de A. Goolsbee et C. Syverson : How Do Incumbents Respond to the Threat of Entry? The Case of Major Airlines, Quarterly Journal of Economics, 123(4), Novembre 2008, 1611-1633. Dans cet article, les auteurs ont pu montrer que la seule annonce de l'arrivée de ce concurrent "low cost" à l'aéroport de Washington Dulles en 2006 a entraîné une diminution des tarifs des vols des compagnies déjà implantées de 24%, qui a été suivie d'une seconde baisse des prix de 21 à 29% une fois le service établi. De même, une étude de E. Combe estime qu'au cours de la période 2007-2009, l'entrée sur l'aéroport de Lyon Saint Exupéry de compagnies "low cost" a permis aux clients restés fidèles à l'opérateur historique d'économiser 86 millions d'euros (E. Combe : Les vertus cachées du low cost aérien, Note Fondapol, 2010).

51 P. White et D. Robbins (2012) précités.

52 E. Combe, Le Low Cost, La Découverte, Repères, 2011.

53 E. Combe, Les vertus cachées du low cost aérien, Etude Fondapol, 2010.

54 Dans le secteur aérien, en France, cet effet d'induction peut atteindre jusqu'à 40% sur certaines lignes (cf. E. Combe, Le Low Cost, La Découverte, Repères, 2011, page 94).

55 White P. et Robbins D., Long-term development of express coach services in Britain, Research in Transportation Economics 36 (2012), 30-38.

56 Des études de clientèle réalisées par les opérateurs montrent que 50% des achats ont lieu dans les quatre jours précédant le départ.

57 Voir White P. et Robbins D. précités. , 58 Contrat d'Etudes Prospectives des transports routiers, maritimes et fluviaux, Rapport final, OPCA Transports et DGEPF, Août 2013, pages 398-401.

59 Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, établissement public à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle conjointe des ministères en charge de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et de l'enseignement supérieur et de la recherche.

60 Efficacité énergétique des modes de transport, Etude réalisée pour le compte de l'ADEME par Deloitte, Janvier 2008.

61 Le transfert aux régions du transport express régional (TER) : un bilan mitigé et des évolutions à poursuivre, Cour des comptes, 2009,

62 Décision n° COMP/M.5741 - CDC/Veolia Environnement/Transdev/Veolia Transport du 12 août 2010.

63 Décision n° COMP/M.3150, SNCF/Trenitalia du 4 août 2003, §25. 64 Décision n° 07-D-39 du 23 novembre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport ferroviaire de personnes sur la route Paris-Londres, §80 et s.

65 Décision n° 12-DCC-154 du 7 novembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs de la société SeaFrance par la société Groupe Eurotunnel, §13 et s. Voir également la décision n° 11-DCC-189 du 9 décembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs de la société SeaFrance et de la société LD Lines par la société DFDS, §12 et s.

66 Sétra, précité.

67 Les fluctuations des temps de trajet retenues dans cette étude sont en effet très prononcées pour le mode ferroviaire, ce qui désavantage ce mode.

68 Services de transport d'intérêt national, Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), Rapport n °007141-01, octobre 2010.

69 Pour les 18 liaisons interrégionales retenues dans l'étude, le coût généralisé de déplacement de chaque mode a été estimé selon la formule supra à partir d'hypothèses sur les temps de parcours. Les résultats ont ensuite été mis en parallèle avec les caractéristiques de chaque liaison et il ressort que pour les liaisons de plus de 500 kilomètres le coût généralisé d'un déplacement en autocar est systématiquement plus élevé que le coût généralisé d'un déplacement en train.

70 Voir par exemple la décision n ° COMP/M.3770, LUFTHANSA/SWISS, du 4 juillet 2005.

71 Source SNCF : rapport de gestion de l'exécution de la convention d'exploitation des trains d'équilibre du territoire (TET) pour l'année 2011. 72 Comme le souligne le document de synthèse du Sétra dont est tirée cette estimation, il existe, sur les liaisons interrégionales assurées par des TER, une grande variété de trains présentant des caractéristiques techniques très différentes. D'après ce document, la capacité moyenne des matériels roulants affectés à ces services est en effet comprise entre 150 et 340 places assises. Le transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau ferré national français, Rapport, septembre 2009.

73 Le rapport du Sétra de juin 2012 (précité) distingue en effet les liaisons de moins de 200 kilomètres, qualifiées de liaisons de courte distance, les liaisons d'une distance comprise entre 250 et 450 kilomètres, considérées comme des liaisons de moyenne distance et les liaisons de plus de 500 kilomètres, considérées comme des liaisons de longue distance.

74 Services exploité par la société française COMUTO.

75 Service exploité par la société allemande MITFAHRGELEGENHEIT.

76 Voir l'article de Challenges du 10 septembre 2013 : "Pourquoi la SNCF s'intéresse-t-elle tant au covoiturage ?"

77 Rapport de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) intitulé "Caractérisation de services et usages de covoiturage en France: quels impacts sur l'environnement, quelles perspectives d'amélioration ?", juin 2010.

78 Idem.

79 H. Strö?enreuther (2012) précité et K. Augustin et al. (2013) précités

80 Pour une estimation des économies de gamme générées par la production conjointe de services de transport urbain et interurbain, voir par exemple M. Di Giacomo et E. Ottoz : "The Relevance of Scale and Scope Economies in the Provision of Urban and Intercity Bus Transport.", Journal of Transport Economics and Policy, 44(2), pp. 161-187, 2010.

81 Décision 10-DCC-02 du 12 janvier 2010.

82 Voir notamment l'avis 09-A-55 et l'étude thématique "concurrence et transport de voyageurs" du rapport annuel de l'Autorité de la concurrence de 2011.

83 La SNCF est en effet un opérateur multimodal présent sur l'ensemble de la chaîne de transport, du train au vélo, en passant par les prestations liées au transport urbain (par bus, métro, tramway) ou la gestion de parcs de stationnement, à travers sa filiale Effia.

84 Décision 10-DCC-02 du 12 janvier 2010.

85 Voir sur ce point White P. et Robbins D. (2012) précités.

86 Décision de la NCC espagnole du 4 avril 2008 à l'encontre de la société ESAMSA ("Estacion Sur de Autobuses en Madrid, S.A.").

87 D. Encaoua et A. Perrot, Concurrence et coopération dans le transport aérien en Europe, Commission des Communautés Européennes, 1992, Bruxelles.

88 Pour des détails sur les pratiques abusives liées aux systèmes informatisés de réservation dans le secteur aérien aux Etats-Unis, voir Encaoua et Perrot (1992) précités, pages 112-118.

89 Règlement (UE) n° 454-2011 de la Commission européenne du 5 mai 2011 relatif à la spécification technique d'interopérabilité concernant le sous-système "applications télématiques au service des voyageurs" du système ferroviaire transeuropéen. .

90 Décision 10-DCC-02 du 12 janvier 2010 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Keolis et Effia par les sociétés SNCF-Participations et Caisse de Dépôt et Placement du Québec. Voir aussi avis 09-A-55.

91 Thompson D. et Whitfield A. (1995), "Express coaching : privatisation, incumbent advantage and the competitive process", Chapter 1 in: M. Bishop, J. Kay et C. Mayer (eds), The regulatory challenge, Oxford University Press.

92 C'est notamment ce qui ressort des analyses de P. White et D. Robbins (2012) précités et de M. Leiren et N. Fearnley : "Public funding to long distance buses : An entry barrier or a necessity ?", Document de travail, International Conference Series on Competition and Ownership in Land Passenger Transport, 2007.

93 Décision 04-D-74 du 21 décembre 2004.

94 Création de Rail team, regroupant sept compagnies ferroviaires dont la SNCF, la SNCB, et la Deutsche Bahn, et trois de leurs filiales communes en juillet 2007; Création de TEE Rail Alliance, regroupant les compagnies ferroviaires allemande, autrichienne et suisse en juin 2000.

95 Pour une analyse récente des enjeux concurrentiels des alliances aériennes voir par exemple V. Bilotkach et K. Hüschelrath, "Antitrust Immunity for Airline Alliances", Journal of Competition Law and Economics, 7(2), 2011, pp. 335-380. Voir aussi par exemple la décision de la Commission européenne relative à l'alliance Skyteam (COMP-37.984).

96 Sur ce point, voir en particulier Van de Velde D. (2009), Long-distance bus services in Europe : Concessions or free market ?, OECD Discussion Paper No. 2009-21, qui mentionne une enquête réalisée par l'Autorité de concurrence norvégienne.

97 Les économies de taille rendent compte d'une variation à la baisse des coûts lorsque la taille du réseau augmente, à densité constante. Les économies de densité rendent compte d'une variation à la baisse des coûts lorsque le trafic augmente, à taille de réseau constante.

98 Les distances mesurées sont les distances par la route.

99 D'après les données disponibles, le temps de parcours moyen des liaisons de moins de 200 kilomètres ayant fait l'objet de demandes d'autorisation systématiquement refusées est de 2h26 en autocar et de 2h27 en train.

100 Le seuil suédois prévoit une autre condition : franchir la frontière d'au moins une région. Pour plus de détails sur les régimes allemand et suédois, voir l'annexe 4.

101 Et ce quels que soient les lieux précis de desserte à l'intérieur d'une ville.

102 Voir notamment en ce sens l'avis n °12-A-05 du 12 février 2012 relatif au transport maritime entre la Corse et le continent.

103 Voir notamment en ce sens l'avis n °12-A-05 précité ou l'avis n °05-A-08 du 31 mars 2005 relatif à une demande d'avis de la Confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie portant sur les conditions dans lesquelles pourrait être envisagée la mise en place d'un service bancaire de base.

104 Cette perte de chiffre d'affaires pourrait être calculée comme le produit du tarif moyen du service conventionné avec le nombre maximal de passagers que peut transporter un autocar (environ 50).

105 Source : Department of Transport, National Travel Survey, 2013.