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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 7 janvier 2015, n° 13-04512

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Clipso Productions (SAS)

Défendeur :

Normalu (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panetta

Conseillers :

Mmes Roubertou, Alzeari

Avocats :

Mes Renaud, Haas, Cahn, Trensz

TGI Mulhouse, ch. com., du 29 juill. 201…

29 juillet 2013

Par acte d'huissier du 14 octobre 2010, la SAS Clipso Productions a fait assigner la SA Normalu afin qu'il soit fait injonction à cette dernière notamment, de cesser l'utilisation du mot "toile" sur son site Internet, ses communications de toute nature et sur tout support à destination des professionnels revendeurs et ou du public et à défaut, de remplacer le mot "toile" par l'expression "toile de PVC" sur son site Internet, ses communications de toute nature et sur tout support à destination des professionnels, revendeurs, prescripteurs et du public.

Vu le jugement en date du 29 juillet 2013 par lequel la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Mulhouse a débouté la SAS Clipso Productions de l'ensemble de ses demandes, débouté la SA Normalu de sa demande reconventionnelle et condamné la SAS Clipso Productions à payer à la SA Normalu la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Vu la déclaration d'appel formalisée par la SAS Clipso Productions le 19 septembre 2013.

Vu les dernières conclusions de l'appelante du 13 mars 2014.

Elle sollicite l'infirmation du jugement déféré quant au rejet de ses demandes initiales et sa confirmation quant au débouté de la demande reconventionnelle.

Elle réclame le paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose qu'elle a inventé le revêtement thermo rétrécissant composé de maille en polyester enduite, posé à froid et à sec, sans soudure ni couture. Elle précise que grâce à ce système de profilé, ses revêtements habillent murs et plafonds.

La SA Normalu, quant à elle, fabrique des plafonds tendus en PVC depuis 1974.

Elle explique donc qu'elle intervient avec la SA Normalu dans le même domaine d'activité.

Elle soutient commercialiser des revêtements en tissu alors que la SA Normalu vend pour sa part des produits en PVC et ajoute que cette différenciation est un enjeu commercial.

Elle prétend que l'attitude de la SA Normalu se révèle clairement anticoncurrentielle en ce que d'une part, elle l'a fait assigner devant le Tribunal de Stuttgart afin qu'elle n'utilise plus l'expression "plafonds sans PVC" au motif qu'elle tromperait ainsi le consommateur sur les qualités du produit vendu et qu'elle informe le consommateur de la toxicité du PVC et d'autre part, que la SA Normalu dans ses propres documents et sites Internet évite avec soin d'indiquer clairement que ses plafonds sont composés à 100 % de PVC alors que le produit serait, quand il est commercialisé par elle, miraculeusement dépourvu de toute éventuelle toxicité.

Elle fonde sa prétention sur l'article 1382 du Code civil et réclame en outre le paiement d'une somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Vu les dernières écritures de l'intimée du 19 février 2014.

Elle prétend à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAS Clipso Productions de l'ensemble de ses demandes et forme appel incident afin d'être accueillie en sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive à hauteur de 50 000 euros outre le paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Elle rappelle la définition du mot "toile" et estime qu'en utilisant celui-ci pour désigner ses produits, elle ne se livre à aucune publicité trompeuse.

Elle ajoute qu'elle n'a pas à informer le public d'un prétendu risque supposé du PVC.

Elle soutient donc n'avoir commis aucun acte de concurrence déloyale et précise que l'appelante ne justifie nullement de son préjudice.

Elle explique que la démarche de la SAS Clipso Productions afin d'obtenir de la justice qu'elle l'oblige sans aucune raison à prétendre que le PVC serait dangereux est manifestement abusive.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 mai 2014 ayant renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 24 novembre 2014.

MOTIFS,

Attendu que la SAS Clipso Productions demande que la SAS Normalu cesse d'utiliser le mot toile pour désigner ses produits dans la mesure où elle soutient que, par ce biais, cette société induit en erreur le consommateur qui ne peut, en aucune façon, différencier ce produit des produits en tissu qu'elle commercialise ; qu'elle rappelle que ses propres toiles enduites ne contiennent pas de PVC ;

Attendu ainsi qu'elle souhaite que l'intimée, pour désigner ses plafonds tendus, n'utilise plus le terme toile de nature à semer le trouble et la confusion dans l'esprit du consommateur sur les qualités intrinsèques de ceux-ci ; qu'elle soutient que la SAS Normalu tente de réduire ainsi les différences fondamentales entre ses produits et les siens qui eux, sont de vraies toiles enduites ;

Attendu toutefois qu'il doit être observé, en liminaire, que le raisonnement de l'appelante part du postulat qu'une toile constitue exclusivement une réalisation utilisant des fils de lin ou d'autres matières textiles végétales conduisant à la fabrication d'une toile de coton ou autre ;

Attendu néanmoins qu'au fil du temps, le mot toile a été progressivement utilisé pour désigner des produits qui ne sont ni en lin, ni en coton ou en tout autre matière textile ; qu'ainsi, le vocable toile existe également pour désigner des tissus fabriqués dans une tout autre matière, s'agissant à titre d'exemple, de toile métallique ou de toiles d'amiante ;

Attendu bien plus que le mot toile peut désigner des produits bien différents dans leur utilisation tels que des écrans de vidéo projection voir même l'accès à Internet ; que dans ces conditions, l'utilisation du mot toile par la SAS Normalu ne peut être considéré, à lui seul, comme une utilisation frauduleuse afin de d'obtenir un avantage qui serait nécessairement anticoncurrentiel ;

Attendu que l'appelante estime que la SAS Normalu utilise le terme toile dans le but de dissimuler que ses plafonds tendus sont en PVC ; que toutefois, il ressort du procès-verbal de constat produit que cette dernière informe clairement ses clients potentiels que ses produits contiennent effectivement du PVC ; que d'ailleurs la documentation technique de cette dernière permet de constater qu'il est expressément indiqué que ses toiles sont à base de PVC ;

Attendu qu'au demeurant ainsi que l'ont noté les premiers juges, aucune réglementation, qu'elle soit française ou européenne, n'impose aux fabricants de produits contenant du PVC d'informer le consommateur d'un risque pour la santé ou l'environnement ; que bien plus, il n'est nullement établi, au regard des pièces versées aux débats et en l'état actuel des données de la science, que le PVC, en sa forme actuelle, présente un risque quelconque pour la santé et l'environnement ;

Attendu qu'il en résulte que l'appelante ne peut valablement invoquer les dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation en ce que les observations précédentes permettent de considérer que l'intimée ne s'est nullement rendue coupable d'une pratique commerciale trompeuse ;

Attendu au demeurant, sur sa demande tendant à la réparation de son préjudice, que l'appelante soutient qu'en évitant sciemment d'utiliser le mot PVC pour qualifier ses plafonds, la SAS Normalu a détourné une partie de sa clientèle potentielle ;

Attendu sur ce point qu'il doit être noté qu'aucune des pièces versées aux débats ne permettent de caractériser le préjudice invoqué, même à titre potentiel ; qu'en effet, la demande de réparation est fondée sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil qui prévoit l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux ;

Attendu en l'espèce, qu'en considération des éléments précités, il doit être admis que la preuve d'une faute commise par la SAS Normalu et d'un préjudice effectivement subi par la SAS Clipso Productions ne sont pas rapportées ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté cette dernière de l'ensemble de ses demandes ;

Attendu sur la demande reconventionnelle que la SAS Normalu explique en substance que l'action menée par l'appelante a été abusivement diligentée en guise de représailles notamment au regard d'une décision rendue par une juridiction allemande durant l'année 2010 ; que dans cette mesure, elle soutient que l'abus est caractérisé ;

Attendu néanmoins que la seule existence d'une précédente procédure ayant opposé les mêmes parties ne sauraient, à elle seule, caractériser une intention de nuire ; que les motifs, éminemment subjectif, faute d'être établis, ne peuvent être retenus ;

Attendu en effet qu'aucune pièce versée aux débats ne permet de caractériser un comportement fautif de l'appelante dans le cadre de son action alors au surplus, que son droit d'agir en justice ne pouvait être limité du seul fait qu'elle a été attraite devant une autre juridiction précédemment ; que la demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive sera donc rejetée ;

Attendu que la SAS Clipso Productions, qui succombe à titre principal, doit être condamnée aux dépens et déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'en revanche, il doit être fait application de cet article au profit de la SAS Normalu qui en fait la demande en cause d'appel,

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Mulhouse en date du 29 juillet 2013 en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la SAS Clipso Productions aux dépens d'appel, Condamne la SAS Clipso Productions à payer à la SAS Normalu la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.