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Décisions

Cass. com., 13 janvier 2015, n° 13-21.886

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Transports Frigo 7 - Locatex (Sté), Ajire (Sté), Goïc (Sté)

Défendeur :

Gefco (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Lecaroz

Avocat général :

Mme Beaudonnet

Avocats :

Me Le Prado, SCP Gatineau, Fattaccini

CA Versailles, 12e ch., du 11 juin 2013

11 juin 2013

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 juin 2013), que la société Gefco, commissionnaire de transports, a confié des transports de marchandises à la société Locatex, devenue la société Frigo 7 - Locatex ; que cette dernière, après avoir assigné la société Gefco en dommages-intérêts pour prix abusivement bas, a été mise en liquidation judiciaire ; que l'administrateur et le mandataire judiciaires sont volontairement intervenus à l'instance ;

Attendu que l'administrateur et le mandataire judiciaires font grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble des demandes de la société Frigo 7 - Locatex contre de la société Gefco au titre de prix anormalement bas alors, selon le moyen : 1°) qu'aux termes de l'article 16, alinéa 1er, du Code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que, dans ses écritures d'appel, la société Gefco n'a aucunement fait valoir que l'article 23-1 de la loi n° 95-96 du 1er février 1995 modifié par l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 n'aurait pas pour objet de protéger le transporteur pour lequel les prix sont anormalement bas ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que ce texte n'a pas pour objet de protéger le transporteur pour lequel les prix sont anormalement bas, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ; 2°) que l'article 23-1 de la loi n° 95-96 du 1er février 1995 modifié par l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 prohibe le fait pour tout prestataire de transport public routier de marchandises, et notamment les transporteurs routiers de marchandises, commissionnaires de transports ou loueurs de véhicules industriels avec conducteurs, d'offrir ou de pratiquer un prix inférieur au coût de la prestation qui ne permet pas de couvrir les charges entraînées par les obligations légales et réglementaires, notamment en matière sociale et de sécurité, ainsi que les charges de carburant et d'entretien, les amortissements ou les loyers des véhicules, les frais de route des conducteurs de véhicules, les frais de péage, les frais de documents de transport, les timbres fiscaux et, pour les entreprises unipersonnelles, la rémunération du chef d'entreprise ; que cette disposition n'opère pas de distinction selon que le prix du transport a été négocié entre le commissionnaire et le transporteur ou imposé à ce dernier ; que la cour d'appel, pour refuser de considérer que la société Gefco avait pratiqué des prix abusivement bas, s'est fondée sur la circonstance que le prix des transports était négocié entre la société Gefco et la société Frigo 7 - Locatex et qu'il n'était pas établi que les grilles de tarifs ainsi proposées et retenues seraient le résultat de négociations au cours desquelles la société Gefco aurait imposé des rabais sur les prix élaborés par la société Frigo 7 - Locatex en considération de ses données d'exploitation, en connaissance de cause d'une insuffisance objective des prix retenus ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ; 3°) que, dans ses écritures d'appel, la société Frigo 7 - Locatex a fait valoir que le règlement des factures de la société Locatex n'était mis en œuvre que dans la mesure où celles-ci correspondaient strictement à la préfacturation établie par la société Gefco et qu'elle n'avait aucune liberté de facturation ; qu'elle faisait encore valoir que, conformément à la loi du 5 janvier 2006, elle a émis des factures d'indexation en décembre 2007 et que la société Gefco a refusé le paiement, même partiel, de ces factures ; qu'elle en déduisait que ce refus établit que la société Frigo 7 - Locatex n'avait aucune liberté de facturation ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que la cour d'appel a considéré que la société Frigo 7 - Locatex avait la liberté de fixer elle-même ses tarifications ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur les éléments invoqués par la société Frigo 7 - Locatex établissant qu'elle n'avait aucune liberté dans la fixation du prix des transports qu'elles effectuaient pour le compte de la société Gefco, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 4°) que, dans ses écritures d'appel, la société Frigo 7 - Locatex, en réponse à l'affirmation de la société Gefco selon laquelle elle fixait elle-même ses prix et qu'elle ne pouvait dès lors se prévaloir de leur caractère abusivement bas, soutenait que les courriers invoqués par la société Gefco ne concernent que certaines lignes et ne portent que sur une toute petite partie du trafic confié ; qu'elle précisait que le courrier du 3 octobre 2006 ne se réfère qu'à deux lignes VSL 02 et VSL 07 et que ces courriers ne concernent qu'une période limitée ; qu'elle faisait valoir qu'elle n'avait aucune liberté de facturation ; qu'elle exposait que la plupart des lignes Gefco traitées par la société Locatex l'étaient depuis de très nombreuses années, parfois avec quelques modifications ou changements d'appellation, qu'au fil des ans, face aux demandes d'augmentation de la société Locatex, la société Gefco a répondu par une minoration de l'augmentation demandée, en contrepartie de laquelle elle octroyait des trafics supplémentaires, que cette démarche a eu progressivement pour effet de donner au trafic Gefco une place extrêmement importante, empêchant par là même la société Locatex, puis la société Frigo 7 - Locatex de pouvoir négocier ses tarifs ; qu'elle précisait que ceux proposés étaient tellement faibles qu'après de longues tractations, la société Gefco daignait parfois procéder à quelques augmentations, lorsque les prix pratiqués étaient particulièrement anormaux, mais que celles-ci ont été plus qu'exceptionnelles et permettaient à peine d'arriver à l'équilibre ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que la cour d'appel a considéré que la société Frigo 7 - Locatex avait la liberté de fixer elle-même ses tarifications ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur les éléments invoqués par la société Frigo 7 - Locatex établissant qu'elle n'avait aucune liberté dans la fixation du prix des transports qu'elles effectuaient pour le compte de la société Gefco, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) que, dans ses écritures d'appel, la société Frigo 7 - Locatex a fait valoir qu'en 2004, alors que la société Gefco représentait 75 % du chiffre d'affaires de la société Locatex, elle a prêté à cette dernière 400 000 euros ; qu'elle a affirmait qu'il s'agit d'une reconnaissance implicite mais nécessaire du fait que les tarifs Gefco étaient insuffisants pour assurer la rémunération du transporteur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur cet élément de nature à établir que la société Gefco avait pratiqué des prix abusivement bas, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 6°) que, dans ses écritures d'appel, la société Frigo 7 - Locatex a invoqué les conclusions du rapport d'expertise, aux termes desquelles : "la production des tableaux de rentabilité de 2005 à 2008 (7 premiers mois) établis au final par la requérante les 13 et 29/01/2010 détermine le montant par année des indemnisations à l'effet d'équilibrer à zéro les comptes des transports réguliers Gefco au titre des exercices 2005 à 2008 (7 premiers mois). Le montant total des réajustements de prix s'élève à la somme de 2 854 688 euros. Je n'ai pas relevé d'erreur de gestion" ; qu'elle invoquait encore les conclusions de l'expert aux termes desquelles "enfin, si l'indexation gas-oil est à revoir suite à une récente décision de la Cour d'appel de Versailles (9 mars 2010), il n'en reste pas moins que "l'enveloppe des déficits à combler dus à des coûts de revient insuffisants, frais d'indexation gas-oil compris" restera intangible, les résultats d'exploitation de la requérante devant être remis à zéro pour les périodes 2005 à 2008 (7 mois).

Ainsi, si les frais d'indexation gas-oil viennent à être minorés, l'enveloppe des coûts de revient hors indexation de gas-oil bas seraient rehaussés d'autant pour la même période" ; qu'en refusant cependant d'examiner ces conclusions du rapport d'expertise, établissant que la société Gefco pratiquait des prix abusivement bas, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que, répondant aux conclusions de la société Gefco qui soutenait que, l'action pénale fondée sur l'article 23-I de la loi n° 95-96 du 1er février 1995, devenu L. 3241-5, alinéa 2, du Code des transports, étant engagée par le ministère public, le ministre chargé de l'économie ou son représentant, le transporteur public routier de marchandises évincé en raison d'un prix trop bas pouvait se porter partie civile, la cour d'appel, n'a pas relevé un moyen d'office en énonçant que ce texte de nature pénale n'autorise pas le transporteur retenu à se porter partie civile ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'après avoir constaté que la société Frigo 7 - Locatex ne produisait aucune pièce permettant d'affirmer que les grilles de tarifs proposées par elle dans ses lettres des 21 juin 2005 et 3 octobre 2006 et acceptées par la société Gefco seraient le résultat de négociations au cours desquelles cette dernière société lui aurait imposé des prix abusivement bas, l'arrêt retient que les prix facturés entre 2005 et septembre 2007 n'ont pas fait l'objet de critique en ce qui concerne leur adéquation par rapport à l'ensemble des charges d'exploitation de toute nature supportées par la société Frigo 7 - Locatex et que les désaccords ne sont intervenus, à partir du milieu de l'année 2007, que sur les modalités d'indexation à raison de l'augmentation du coût du gazole qui font l'objet de prétentions distinctes dans une autre procédure ; que la cour d'appel en déduit que les fautes reprochées à la société Gefco ne sont pas établies ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en dernier lieu, que la cour d'appel, qui n'était tenue ni de suivre la société Frigo 7 - locatex dans le détail de son argumentation, ni de répondre au moyen inopérant visé par la cinquième branche, a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; Condamne la société Goïc, en qualité de mandataire judiciaire de la société Transports Frigo 7 - Locatex, et la société Ajire, en qualité d'administrateur de celle-ci, aux dépens ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, rejette les demandes.