Cass. crim., 13 janvier 2015, n° 13-88.386
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Alech, Direct marketing solutions (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pers
Avocat général :
M. Boccon Gibod
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié
La COUR : - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 427, 429, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Alech et la société Direct marketing solutions coupables de tromperie, a condamné M. Alech à une amende de 30 000 euros et la société DMS à une amende de 60 000 euros et a prononcé sur les intérêts civils ; "aux motifs, d'une part, que M. Alech et la SAS Direct marketing solutions (DMS) font plaider leur relaxe à l'appui des moyens suivants : l'absence de valeur probante du procès-verbal d'enquête de la DDCCRF aux motifs qu'il comporte des appréciations personnelles et des informations fausses démontrant un manque d'impartialité ; que le procès-verbal de l'administration, s'il sert de fondement aux poursuites, n'est qu'un des éléments soumis à l'examen du juge et dire qu'il priverait les prévenus du droit à un procès équitable équivaudrait à tort à dénier tout pouvoir d'appréciation souveraine aux juges du fond ; qu'en l'espèce, tant devant le tribunal correctionnel que devant la cour où ils ont d'ailleurs fait citer un témoin, les prévenus ont fait valoir tous les moyens et ont produit tous les documents qui leur paraissaient utiles à leur défense ; qu'en conséquence, il ne saurait y avoir atteinte au principe du droit à un procès équitable posé par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; "aux motifs, d'autre part, que les enquêteurs de la DDCCRF ont rencontré Mmes Leclerc et Lautier, assistance de M. Guillaud pour la formulation des compléments alimentaires et cosmétiques, le choix des façonneurs, la conception de l'étiquetage ainsi que Mme Petit, gestionnaire de stock, s'occupant de l'approvisionnement des produits et de leur achat et consulté deux "dossiers de relecture" d'où ressort la responsabilité de M. Guillaud pour la vérification des contenus des messages publicitaires et, notamment, pour leur conformité avec la réglementation en vigueur ; qu'il n'est ainsi pas contestable que DMS gérait la publicité mais également l'approvisionnement et l'achat des matières premières composant les produits et leur conception puis procédait à la publicité par l'envoi massif de catalogues et de documents publicitaires, qu'en résumé, elle était responsable des produits et du marketing et intervenait donc bien dans la chaîne d'élaboration et de commercialisation des produits ; "1°) alors que le principe de la loyauté des preuves s'impose aux autorités publiques ; que seules les pièces obtenues sans fraude, artifice, stratagème ou déloyauté peuvent être produites en justice et servir de fondement à une déclaration de culpabilité ; que les juges correctionnels, lorsqu'ils en sont requis par les conclusions des parties, doivent rechercher si la loyauté des preuves a été respectée par l'administration lors de l'enquête ; qu'en s'abstenant de rechercher si les irrégularités dénoncées par les prévenus, irrégularités qui étaient la conséquence du défaut d'impartialité des agents de la DGCCRF, avaient irrémédiablement compromis les droits de la défense, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées et a porté atteinte au droit à un procès équitable et aux droits de la défense ; "2°) alors que les prévenus relevaient, dans leurs conclusions régulièrement déposées, l'irrégularité des informations obtenues et énoncées dans le procès-verbal de la DGCCRF ; qu'en fondant néanmoins sa conviction sur ces informations et en déduisant la culpabilité des prévenus de ce procès-verbal, la cour d'appel a méconnu les dispositions et le principe susvisés" ;
Attendu que le moyen, qui revient à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 212-1 et L. 213-1 du Code de la consommation, 3, 15 et 16 du décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatifs aux compléments alimentaires, 8 du décret n° 91-827 du 29 août 1991 relatif aux aliments destinés à une alimentation particulière, 121-2 du Code pénal, 591 et 593 9 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Alech et la société Direct marketing solutions coupables de tromperie, a condamné M. Alech à une amende de 30 000 euros et la société DMS à une amende de 60 000 euros et a prononcé sur les intérêts civils ; "aux motifs que l'article L. 213-1 du Code de la consommation dispose "sera puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 37 500 euros ou de l'une de ces deux peines seulement quiconque, qu'il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers : 1- soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises ; 2- soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet du contrat ; 3- soit sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectuées, les modes d'emploi ou les précautions à prendre" ; qu'il est constant que le texte vise quiconque a participé à la chaîne visant à commercialiser le produit et non pas, comme le soutiennent les prévenus, le responsable de la première mise sur le marché du produit ; qu'en l'espèce le témoin, M. Guillaud qui est le pharmacien salarié, responsable du service achat-choix des produits au siège de la DMS, a bien déclaré à la barre que son rôle était le choix des produits et la mise en forme de ces produits pour AMA ; que les enquêteurs de la DDCCRF ont rencontré Mmes Leclerc et Lautier, assistance de M. Guillaud pour la formulation des compléments alimentaires et cosmétiques, le choix des façonneurs, la conception de l'étiquetage ainsi que Mme Petit, gestionnaire de stock, s'occupant de l'approvisionnement des produits et de leur achat et consulté deux "dossiers de relecture" d'où ressort la responsabilité de M. Guillaud pour la vérification des contenus des messages publicitaires et, notamment, pour leur conformité avec la réglementation en vigueur ; qu'il n'est ainsi pas contestable que DMS gérait la publicité mais également l'approvisionnement et l'achat des matières premières composant les produits et leur conception puis procédait à la publicité par l'envoi massif de catalogues et de documents publicitaires, qu'en résumé, elle était responsable des produits et du marketing et intervenait donc bien dans la chaîne d'élaboration et de commercialisation des produits ; que M. Alech qui en était bien le président est donc bien auteur des infractions qui sont visées dans l'acte de poursuite ; "1°) alors qu'en application des articles L. 212-1 et L. 213-1 du Code de la consommation, l'obligation de conformité du produit pèse sur le responsable de la première mise sur le marché du produit et à la date de cette mise sur le marché ; que les prévenus soulignaient, dans leurs conclusions régulièrement déposées, que la décision de mise sur le marché du produit incombait à la société AMA et que la société DMS n'intervenait que, préalablement, pour l'achat des matières premières et le marketing ; qu'en l'état des motifs de l'arrêt desquels il résulte que la société DMS n'était pas le responsable de la mise sur le marché des produits litigieux, ni le responsable d'une quelconque commercialisation desdits produits, la cour d'appel qui a cependant prononcé sa condamnation, n'a pas donné de base légale à sa décision ; "2°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que pour retenir la culpabilité de la société DMS et de son président M. Alech, la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur les faits commis par M. Guillaud, pharmacien salarié, Mmes Leclerc et Lautier, ses assistantes, et Mme Petit, gestionnaire de stock, qui n'ont aucun pouvoir de direction ni de représentation au sein de la société DMS ; qu'en l'état de ces énonciations qui n'établissent pas la commission de faits constitutifs d'une infraction, par un organe ou un représentant de la société DMS et pour le compte de celle-ci, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
Attendu que, pour déclarer M. Alech et la société Direct marketing solutions coupables de tromperie, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors, d'une part, que l'article L. 213-1 du Code de la consommation, en vue d'assurer la loyauté des transactions commerciales, s'applique à tous les stades de commercialisation du produit, d'autre part, que la responsabilité pénale de la personne morale a été engagée par son représentant, M. Alech, président de la société, qui a agi en son nom et pour son compte, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 49 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 111-1, 111-2, 111-3 et 111-4 du Code pénal, L. 212-1, L. 213-1, L. 214-1, L. 214-2, R. 112-7, R. 112-9, R. 112-9-1, R. 112-12 et R. 112-16-1 du Code de la consommation, 2, 8 et 12 du décret no2006-352 du 20 mars 2006 relatifs aux compléments alimentaires, 1er, 5 et 7 du décret no91-827 du 29 août 1991 relatif aux aliments destinés à une alimentation particulière, préliminaire, 6, 8, 9, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense, excès de pouvoir ; "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Alech et la société Direct marketing solutions coupables de tromperie pour avoir omis de mentionner dans des envois publicitaires la présence d'additifs allergènes concernant les produits gelée royale 1 000, Myrtille et Gaspacho et pour avoir violé l'interdiction de faire état concernant des compléments alimentaires, de propriétés de prévention, de traitement et de guérison d'une maladie humaine, a condamné M. Alech à une amende de 30 000 euros et la société DMS à une amende de 60 000 euros, a prononcé sur les intérêts civils ; "aux motifs que sur l'absence de mention de la présence d'additif allergène dans les envois publicitaires concernant les produits gelée royale 1 000, myrtille et gaspacho, M. Alech ne conteste pas la matérialité du manquement puisque la mention n'était effectivement pas portée sur les envois publicitaires mais indique qu'elle l'était sur l'emballage du produit et donc qu'il n'y a pas d'intention frauduleuse ; que les omissions sur les publicités de mentions obligatoires, qui sont de nature à altérer substantiellement le bien-fondé des choix d'achat du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif, constituent des pratiques commerciales trompeuses, le fait qu'il puisse en avoir connaissance à réception de la commande et bénéficier d'un droit de retour des marchandises ne suffit pas à faire disparaître l'infraction, l'élément intentionnel se déduisant d'ailleurs de l'attitude délibérée de M. Alech qui estime qu'une information a posteriori est suffisante alors que le consommateur ne reçoit pas les informations substantielles dont il a besoin pour décider d'acheter tel produit en connaissance de cause ; qu'il convient de confirmer le jugement sur ce point ; que sur les allégations et présentations fausses sur les propriétés et résultats pouvant être attendus sur les produits, que l'article R. 112-7 du Code de la consommation, l'article 8 du décret 2006-352 du 20 mars 2006 relatifs aux compléments alimentaires et l'article 7 du décret 91-827 du 29 août 1991 relatif aux aliments destinés à une alimentation particulière interdisent de faire état de propriétés de prévention, de traitement et de guérison d'une maladie humaine ni d'invoquer ces propriétés ; qu'en l'espèce, les mentions suivantes : - augmente la résistance au froid et aux infections sur la gelée royale 1000 - renforce les défenses naturelles sur ginseng, - meilleure résistance aux formes d'angoisse sur gelée royale pure, - régulation de la tension artérielle sur oméga 3 - insuffisance veineuse chronique sur pépins de raisin - douleurs, gonflements, varices, hémorroïdes sur vigne rouge - effet et étude sur les patients souffrant de DMLA sur lutéine - diminution du risque cardiaque, de l'hypertension, du cholestérol sur pom activ sont bien des mentions faisant état de propriétés de prévention, de traitement et de guérison d'une maladie humaine ou invoquant ces propriétés ; qu'en conséquence, l'infraction est donc bien constituée et qu'il convient de confirmer le jugement sur ce point ; "1°) alors que les modes de présentation et les inscriptions des produits sont constitutifs, en application des articles R. 112-7 et suivants du Code de la consommation et des décrets pris pour leur application, de contraventions de troisième classe ; qu'il résulte des dispositions des articles L. 214-1 et L. 214-2 du Code de la consommation que les contraventions au Code de la consommation ne se cumulent avec un délit de fraude ou de falsification prévu par les articles L. 213-1 à L. 213-4 de ce Code que si les faits contraventionnels s'accompagnent de manœuvres distinctes et destinées à tromper le consommateur ; qu'en l'espèce, la prévention concerne les infractions contraventionnelles prévues par les articles R. 112-7 et suivants du Code de la consommation et les décrets pris pour leur application, et ne vise pas de telles manœuvres ; que la cour d'appel qui n'a relevé dans ses motifs l'existence d'aucune manœuvre distincte des contraventions formelles relevées à l'encontre des prévenus, ne pouvait pas entrer en voie de condamnation à l'encontre de M. Alech et de la société Direct marketing solutions du chef de tromperie et prononcer à leur encontre des amendes délictuelles ; "2°) alors que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à son absence ; qu'en s'abstenant de toute énonciation quant à des manœuvres extérieures commises par les prévenus et destinées à tromper les consommateurs tandis qu'au contraire il résulte des constatations de l'arrêt que les additifs allergènes, dont la présence était omise dans les envois publicitaires, étaient dûment indiqués sur les produits eux-mêmes, la cour d'appel qui a néanmoins qualifié ces faits de pratique commerciale trompeuse n'a pas donné de base légale à sa décision ; "3°) alors que de même il ne résulte d'aucune des constatations de l'arrêt que les mentions indiquées sur l'emballage des compléments alimentaires en méconnaissance des articles R. 112-7 et suivants du Code de la consommation et des textes pris pour leur application, ne correspondaient pas à la qualité intrinsèque des produits contenus dans ces emballages et constituaient des allégations fausses sur les propriétés et résultats pouvant être attendus sur les produits ; qu'en entrant cependant en voie de condamnation à l'encontre de M. Alech et de la société Direct marketing solutions sous la qualification de tromperie, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; "4°) alors que la prescription est d'ordre public et que le procès-verbal base des poursuites ayant été établi le 24 mars 2009, remis le 6 avril 2009 à M. Alech et transmis le même jour au procureur de la République et les infractions retenues par l'arrêt attaqué étant de nature contraventionnelle, la cour d'appel aurait dû d'office constater la prescription des contraventions relevées dans le procès-verbal base des poursuites, antérieures au 6 avril 2008" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de tromperie dont elle a déclaré les prévenus coupables ; D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; Rejette les pourvois.