CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 16 janvier 2015, n° 11-10913
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Eurofim (SARL)
Défendeur :
Stop Hotel Villeneuve d'Ascq (SNC), Stop Hotel Pontault Combault (SNC), Hôtel Economique Perpignan Nord (SNC), Motel Perpignan Sud (SNC), Hôtel Privilège Paris Porte de Montreuil (SNC), Hôtel Nice Arenas (SNC), Hôtel Paris Bercy (SNC), Hôtel Centre Perpignan (SNC), Hôtel Centre Bordeaux Meriadeck (SNC), Hôtel Paris Alésia Montparnasse (SNC), Hôtel du Pirée (SNC), Motel Perpignan Nord Rivesaltes et Cie (SNC), Motel Béziers Est (SNC), Montpellier Sud (SARL), Motel Perpignan Nord Rivesaltes (SARL), Grenelle Hôtel (SAS), Hôtel Béziers Palais des Congrès (SNC), Hôtel Paris Voltaire (SNC), Hôtel Sud Perpignan (SNC), Economique Hôtel Porte d'Italie (SNC), Relais 3000 (SARL), Stop Hôtel Pasteur (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Touzery-Champion
Conseillers :
Mmes Prigent, Volte
Avocats :
Mes Guizard, Scheuer, Fisselier, Petitgirard
En 1988, 22 sociétés exploitant chacune un hôtel et appartenant à un même groupe (22 sociétés hôtelières) ont conclu un contrat de prestations de services informatiques et d'entretien avec la société à associé unique Eurofim (dont le gérant est M. Brice Marques) en contrepartie d'une somme mensuelle de 782,18 TTC, sauf pour deux sociétés payant une redevance inférieure d'un montant de 391,09 euro TTC par mois.
Reprochant à la société Eurofim d'avoir cessé d'assurer ses prestations à compter du mois d'octobre 2006 et estimant lui avoir réglé indûment des redevances pour le dernier trimestre 2006 en se prévalant d'un usage selon lequel les factures de la société Eurofim étaient payées trimestriellement et d'avance, les 22 sociétés hôtelières, après une première procédure en référé, ont saisi le Tribunal de commerce de Perpignan, lequel par jugement du 27 avril 2009 s'est estimé incompétent et a renvoyé l'affaire devant la juridiction parisienne auprès de laquelle la société Eurofim a formé une demande reconventionnelle en paiement en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales imposée par les sociétés hôtelières par des voies de fait en l'empêchant d'avoir accès au siège social de sa société (7 rue Alfred Sauvy à Rivesaltes), à sa comptabilité, à ses archives, en débauchant son unique salarié informaticien M. Lugagne, en utilisant indûment le logiciel Omega qu'elle a créé.
Selon une décision du 31 janvier 2011, le Tribunal de commerce de Paris a :
- débouté les 22 sociétés hôtelières de leur demande en paiement au motif qu'elles ne rapportent pas la preuve de l'absence de prestations effectuées par la société Eurofim au soutien de leur demande en répétition de l'indu (les avoirs sur lesquels elles se fondaient n'ayant aucune valeur probante du fait que la société Eurofim ne disposait plus de sa comptabilité et ne pouvait par conséquent établir des avoirs),
- débouté la société Eurofim de ses demandes tenant à une utilisation indue du logiciel Omega et à la rupture brutale des relations commerciales en vertu de l'article L. 442-6 1 5e du Code de commerce,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions signifiées par RPVA le 5 mars 2014, la société Eurofim, appelante :
- sollicite le rejet des demandes formées à son encontre par les 22 sociétés au motif qu'elles ne justifient pas d'une inexécution ou de manquements qu'elle aurait commis dans l'exécution de ses prestations informatiques,
- estime que ces 22 sociétés ont procédé à une rupture abusive et brutale des relations commerciales les liant, qui l'ont totalement désorganisée, privée de son unique salarié, de l'ensemble de ses moyens de production, de ses archives, de ses débouchés commerciaux, et, qui est à l'origine de la cessation de son activité,
- considère que les 22 sociétés utilisent indûment depuis la rupture de leurs relations le 1er janvier 2007 le logiciel Omega, propriété de la société Eurofim qui l'a créé,
- souhaite la condamnation :
In solidum des 22 sociétés à lui payer la somme de 197 109,36 euro au titre du préjudice subi du fait de cette rupture brutale,
Pour chacune d'elle la condamnation d'une indemnité compensatrice de l'utilisation indue du logiciel Omega égale à 195,55 euro TTC pour deux sociétés Motel Perpignan Sud et Hôtel Privilège Paris Porte de Montreuil et à 391,09 euro TTC pour les 20 autres sociétés,
In solidum des 22 sociétés à lui verser la somme de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts pour action abusive
In solidum des 22 sociétés à lui régler la somme de 25 000 euro en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le gérant de la société Eurofim, M. Marques, explique que la cause de ce litige résulte en réalité d'un conflit familial, né de sa requête en divorce déposée le 10 octobre 2006 à l'encontre de son épouse Mme Jeanne Farines, à la fois avocate et gérante de la SARL Eurojuris, conflit qui s'est développé au sein du groupe des sociétés hôtelières car les membres de la famille Farines (Mme Marie Farines, sœur de son épouse, est gérante des 22 sociétés hôtelières et de la SCI du Péage propriétaire de l'immeuble, dans lequel la société Eurofim a son siège social, François Farines frère de son épouse, aujourd'hui décédé, avait en charge le suivi comptable de la société Eurofim, Francis Farines, père de son épouse, expert-comptable et associé majoritaire de la SCI du Péage) ont tous des intérêts dans les diverses sociétés hôtelières qui ont assigné en justice la société Eurofim.
Selon écritures signifiées par RPVA le 5 septembre 2014, les 22 sociétés Hôtelières, intimées :
- considèrent que les pièces 18.3, 7.2, 7.3, 7.4 n'ont pas été communiquées,
- soulèvent l'irrecevabilité des demandes nouvelles formées par la société Eurofim,
- demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société Eurofim de ses demandes, mais l'infirmation pour le surplus,
- sollicitent la condamnation de la société Eurofim à payer à deux sociétés Motel Perpignan Sud et Hôtel Privilège Paris Porte de Montreuil la somme de 1 173,27 euro avec intérêts au taux légal à compter du 15 février 2007 et aux 20 autres sociétés la somme de 2 346,54 euro assortie des mêmes intérêts,
- souhaitent la condamnation de la société Eurofim à verser à chacune d'elles la somme de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les intimées réfutent tout lien entre le divorce de M. Marques et Mme Jeanne Farines et le présent litige, événement d'ordre privé qui n'a pas interféré dans la gestion des sociétés.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant à titre liminaire que les 22 sociétés hôtelières soulèvent un moyen d'irrecevabilité des demandes nouvelles formées par la société Eurofim tendant au paiement en contrepartie de l'utilisation indue du logiciel informatique Omega d'une indemnité calculée mensuellement et non globalement et au règlement de préjudices financiers jamais évoqués avant la procédure d'appel, et ce, en application des articles 564 et 954 alinéa 2 du Code de procédure civile ;
Mais considérant que devant les premiers juges la société Eurofim se prévalant de l'utilisation indue du logiciel Omega par les 22 sociétés hôtelières a sollicité une indemnité compensatrice, qu'elle s'est également plainte de la rupture brutale des relations commerciales par des voies de fait qui l'ont totalement désorganisée, privée de son unique salarié et de toute activité et a sollicité des dommages et intérêts ;
Considérant qu'en application de l'article 566 du Code de procédure civile les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ;
Qu'il s'ensuit que les demandes indemnitaires formées devant la cour ne sont pas nouvelles, qu'elles visent aussi conformément aux dispositions de l'article 564 du même Code à faire écarter la demande adverse, de sorte qu'elles sont recevables ; qu'enfin contrairement à ce que soutiennent les sociétés intimées le paiement mensuel d'une indemnité à compter du 1er janvier 2007 figure bien dans le dispositif des conclusions de la société Eurofim du 5 mars 2014 ;
Considérant qu'il convient d'observer également liminairement que même si un seul contrat de maintenance entre la société Eurofim et la société Hôtel Perpignan Nord Rivesaltes est versé aux débats, les 22 sociétés hôtelières intimées ne contestent pas l'existence des 21 autres conventions depuis 1988 et leur teneur puisqu'elles en demandent l'application dans la présente instance;
Considérant, en premier lieu, que les 22 sociétés hôtelières reprochent à la société Eurofim de n'avoir effectué aucune des prestations informatiques pour le dernier trimestre de l'année 2006 alors qu'elle a reçu un paiement d'avance de 49 277,34 euro selon un usage convenu entre eux (contraire à la lettre du contrat qui prévoit une facture mensuelle) et qu'elles estiment que la société Eurofim doit en conséquence procéder à la restitution de l'indu en application de l'article 1235 du Code civil ; que les sociétés intimées en veulent pour preuve d'une part, la détention par elles de 22 " avoirs " émis le 18 décembre 2006 par la société Eurofim, d'autre part l'absence de factures par cette dernière pour les mois de novembre et décembre 2006 et enfin l'impossibilité pour elles de rapporter la preuve d'un fait négatif ;
Que la société Eurofim objecte avoir exécuté conformément aux conventions signées en 1988 ses prestations au profit des 22 sociétés hôtelières jusqu'au 31 décembre 2006, date à laquelle M. Jean-Marc Lugagne (informaticien analyste programmeur) qui était son seul salarié a démissionné; que si elle admet le paiement par ces dernières de la somme susmentionnée, en revanche elle conteste expressément avoir établi lesdits avoirs ;
Que par des motifs pertinents que la cour adopte les premiers juges ont considéré que ces " avoirs " n'avaient aucune valeur probante ; qu'en outre compte tenu du fait que la société Eurofim a été privée d'accès à son siège social et a été dépouillée de ses archives comptables (ainsi qu'il ressort des constatations de l'huissier de justice, Maître Gaubil, dans son procès-verbal de constat du 13 février 2007 - qui font foi jusqu'à preuve contraire - selon lesquelles " ne pouvant récupérer les documents comptables de la société Eurofim, nous nous retirons ", constatations corroborées par le plan des lieux versé aux débats, qui montre que le siège de la société Eurofim se trouve au sein des propriétés de la famille Farines, dont l'accès est fermé) et que ces avoirs ne sont pas signés, il n'est pas possible de déterminer s'ils émanent ou non du représentant légal de la société Eurofim ou d'une autre personne qui aurait eu pouvoir de les établir selon la thèse des sociétés intimées; que par ailleurs le fait de n'avoir pas pour l'appelante établi de factures pour les mois de novembre et décembre 2006 ne saurait rapporter la preuve que les prestations correspondantes n'ont pas été accomplies dès lors que le litige entre les parties était déjà né ; qu'enfin il eût été simple, contrairement aux affirmations des sociétés intimées, de démontrer que les prestations informatiques n'avaient pas été accomplies, en faisant attester les représentants des sociétés hôtelières qui auraient pu évoquer l'embarras dans lequel ils se trouvaient faute d'accomplissement desdites prestations ou encore de faire constater par un huissier de justice ou un expert les manquements de la société Eurofim; que de surcroît, les intimées ne précisent même pas quelles prestations n'auraient pas été accomplies pendant le dernier trimestre 2006 qui les auraient empêchées de clôturer leurs comptes, de délivrer les payes ou auraient pu entraver leur gestion;
Qu'enfin la circonstance que M. Lugagne, qui travaillait aux côtés de M. Marques au sein de la société Eurofim, a été rémunéré jusqu'en décembre 2006 tend à justifier de l'exécution d'un travail informatique réalisé effectivement jusqu'à cette date pour le compte des 22 sociétés hôtelières ;
Qu'il s'ensuit que les 22 sociétés hôtelières, sur lesquelles pèse la charge de la preuve (et non l'inverse comme celles-ci le suggèrent) n'établissent pas l'absence de prestations informatiques de la société Eurofim pendant le dernier trimestre de l'année 2006 ; qu'elles doivent en conséquence être déboutées de ce chef de demande ; que la décision mérite confirmation de ce chef ;
Considérant, en deuxième lieu, que la société Eurofim se plaint de la rupture brutale et abusive des relations commerciales la liant aux 22 sociétés hôtelières, sans aucun préavis, à l'origine de la cessation de son activité et leur réclame à ce titre une somme de 197 109,36 euro ; qu'elle soutient que celles-ci ont résilié de fait les 22 conventions de maintenance informatique, d'une part, en l'empêchant d'accéder aux locaux de son siège social dans lequel l'ensemble des documents sociaux étaient entreposés, d'autre part en débauchant parallèlement son seul salarié au profit de la Société Générale de participation; qu'elle fait valoir en outre qu'elle n'avait, en ce qui la concerne, aucun intérêt à se priver des importants revenus qu'elle tirait des 22 conventions de prestations informatiques ;
Que les 22 sociétés hôtelières répliquent qu'elles n'ont pas résilié les contrats de prestations informatiques, mais que seule la société Eurofim a décidé de cesser toute fourniture de prestation, à compter du troisième trimestre 2006, et, qu'elle a abandonné les locaux sans les informer de sa nouvelle adresse ;
Qu'en vertu de l'article L. 442-6 I 5e du Code de commerce " Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au registre des métiers (...)
5) de rompre brutalement, même partiellement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels " ;
Que les 22 sociétés hôtelières ne sont pas fondées à exciper de l'inexécution par la société Eurofim de ses obligations de prestations informatiques au vu de ce qui précède ;
Qu'au contraire, il est démontré que l'initiative de la rupture des relations entre les parties incombe aux sociétés intimées ainsi qu'il ressort des constatations de l'huissier de justice du 13 février 2007, énoncées ci-dessus, selon lesquelles " ne pouvant récupérer les documents comptables de la société Eurofim, nous nous retirons " ; qu'il n'est pas contesté que M. Marques avait vainement envoyé dès le 5 février 2007 une mise en demeure en vue de récupérer les documents comptables de la société Eurofim à la société Fiduciaire Européenne d'Audit et à la société Eurojurist, dont il est admis que la première, dirigée par son épouse Mme Jeanne Farines avait en charge le suivi juridique de la société Eurofim et la seconde la charge de la comptabilité de la société Eurofim - l'ensemble de ces sociétés ayant leur siège social 7 rue Alfred Sauvy à Rivesaltes, dans l'immeuble appartenant à la SCI du Péage, dont Marie Farines est la gérante - ; qu'en privant début 2007 la société Eurofim de l'ensemble ses documents sociaux, comptables et archives, en l'empêchant ainsi d'exercer son activité, de sorte que son seul salarié M. Lugagne a dû démissionner fin 2006, puis en engageant à son encontre dès le 15 mars 2007 une action en paiement devant le Président du Tribunal de commerce en référé pour manquements à ses obligations contractuelles, les 22 sociétés Hôtelières ont entendu rompre de fait une relation commerciale établie depuis 1988 avec la société Eurofim, soit depuis 18 ans, et ce sans aucun prévis;
Que dans le cadre desdites entreprises familiales, la société Eurofim n'avait pour seuls clients que les 22 sociétés hôtelières du groupe dont elle partageait des locaux et certains moyens ; qu'ainsi elle bénéficiait de l'appui comptable, juridique et fiscal de cette organisation familiale, ce qui l'autorisait, dans ce cadre, à anticiper pour l'avenir une certaine continuité de ce flux d'affaires, de sorte qu'un délai de préavis était nécessaire pour rompre les relations commerciales ; qu'à compter de janvier 2007 la société Eurofim n'a plus eu d'activité et en conséquence plus aucun chiffre d'affaires après cette rupture ;
Que compte tenu de l'ancienneté des relations (18 ans), de l'importance financière des relations commerciales pour la société Eurofim des 22 sociétés hôtelières, du temps nécessaire à la société Eurofim pour réorienter ses activités ou rechercher de nouveaux clients, de son état de dépendance économique le délai de préavis d'un an qu'elle sollicite apparaît très raisonnable ;
Qu'en revanche elle n'est pas fondée à réclamer au titre de son préjudice la somme de 197 109,36 euro correspondant aux redevances dont elle a été privée pendant une année, dans la mesure où elle aurait dû s'acquitter sur cette somme de ses charges sociales, fiscales etc ;
Que M. Coudert expert amiable de la société Eurofim a constaté dans son rapport un chiffre d'affaires de la société Eurofim de 164 807 euro en 2006, qui sera retenu par la cour dès lors qu'il n'est contredit par aucun élément de ses adversaires ; qu'il convient également d'observer que le résultat d'exploitation est passé de 70 865 euro en 2005 à 28 452 euro en 2006 ;
Que les prestations exécutées par la société Eurofim étant pour l'essentiel des prestations intellectuelles il sera affecté à ce chiffre d'affaires moyen une marge brute de 70 % habituellement constatée ;
Qu'en conséquence, les sociétés hôtelières seront condamnées in solidum à verser à la société Eurofim la somme de 115 364,90 euro, ce qui correspond à sa perte de marge brute pendant une année ;
Considérant en troisième lieu, que la société Eurofim sollicite la contrepartie financière de l'utilisation indue du logiciel " Omega " qu'elle a créé et qui est sa propriété par les 22 sociétés hôtelières ; qu'elle sollicite en conséquence le paiement par les sociétés Motel Perpignan Sud et Hôtel Privilège Paris Porte de Montreuil de la somme mensuelle de 195,55 euro TTC et par les 22 autres sociétés celle de 391,09 euro TTC d'octobre 2006 à la date du présent arrêt ;
Qu'elle soutient par un travail de conception avoir mis au point le logiciel Omega qui permet d'intégrer les données des autres logiciels et ainsi de consolider les résultats à l'échelle locale et nationale au niveau de la holding appartenant à M. Francis Farines ; qu'il s'agit selon elle d'une " chaîne intégrée " de programmes informatiques, étroitement imbriqués, échangeant en permanence leurs données et ne pouvant fonctionner les uns sans les autres ; qu'elle explique que plusieurs logiciels acquis par Mistral Informatique pour le compte des 22 sociétés hôtelières ont fait l'objet par ses soins d'une refonte intégrale et d'une adaptation pour fonctionner simultanément à la chaîne logicielle Omega ; qu'elle fait valoir que si certaines fonctions (hôtelières pures) ont été abandonnées au profit de nouveaux logiciels imposés par les franchiseurs, les fonctions les plus indispensables (traitement des payes, paiement des fournisseurs, récupération des données et consolidation au niveau du groupe) ont toujours été gérées par le logiciel Omega ; qu'elle prétend que même lorsque les sociétés hôtelières ont substitué un autre logiciel hôtelier, les fonctions de pré-comptables et statistiques permises par l'exploitation d'Omega ont été maintenues dans les enregistrements suivants :
- enregistrement des factures fournisseurs et émission des paiements fournisseurs ainsi que la tenue des journaux statistiques,
- consolidation de la saisie du chiffre d'affaires, des résultats et des statistiques quotidiens effectués dans chaque hôtel avec remontée de l'ensemble des informations au siège de la société,
- tenues des payes et journaux des charges de personnel,
- compte d'exploitation mensuel et cumulé,
- statistiques mensuelles et cumulées ;
Qu'elle fait valoir que grâce au système WinDev acquis par la société Générale de Participation, les sociétés hôtelières ont obtenu la transformation de ses anciens programmes en une nouvelle version de programme qui bien que transcrits automatiquement dans un nouveau langage rendent strictement les mêmes services ;
Que les sociétés intimées rétorquent d'une part, que la société Eurofim ne justifie pas de la propriété du logiciel Omega, d'autre part qu'elle n'établit pas davantage avoir conclu un contrat de location de matériel ou de logiciel informatique, de sorte qu'elles n'ont pas eu recours aux services de la société Eurofim pour la conception ou l'utilisation du logiciel hôtelier, enfin que l'utilisation du logiciel Omega s'est réduite au fur et à mesure du développement des sociétés et n'a plus été utilisée à compter de l'année 2005 ;
Considérant que s'il résulte de l'extrait K bis de la société Eurofim que celle-ci a pour activité de concevoir, modifier, assurer la maintenance technique des programmes informatiques, elle doit néanmoins démontrer avoir réalisé dans le cas particulier un travail de conception du logiciel hôtelier ;
Qu'il apparaît des factures produites en date du 2 septembre 1987 jusqu'à décembre 1988 et 18 avril 1989 (pièces 7.21 à 7.26 de l'appelante) que la société Eurofim a été rémunérée pour l'accomplissement d'un travail de conception (mise en place de progiciels, développements d'une chaîne de bilans mensuels, de compte d'exploitation mensuels, de bilans consolidés, d'amortissements, développement d'une chaîne de statistiques, développement de l'IRD par nature de produits, par exploitation, par mois et par cumul, développement de la chaîne du transfert des données sociales) pour des montants très importants (à titre d'exemple: facture 7.23 pour un montant de 640 440 francs, facture 7.24 d'un montant de 813 340 euro) ; que l'attestation de M. Lescal, selon laquelle il a été engagé en juillet 1987 par la société Eurofim " pour écrire des logiciels pour un groupe hôtelier client principal de la société " travail d'une durée de 15 mois corrobore les allégations de la société Eurofim ;
Considérant toutefois que le logiciel Omega n'a pas fait l'objet d'un dépôt de licence de propriété intellectuelle, de sorte que la société Eurofim n'est pas fondée à revendiquer la propriété de ce logiciel; que par ailleurs, il ressort des factures susmentionnées qu'elle a été rémunérée en son temps pour le travail de conception essentiellement accompli au début des relations commerciales ; que le seul contrat versé aux débats avec la société Hôtel Perpignan Nord Rivesaltes a pour objet aujourd'hui la maintenance, l'entretien et la réparation techniques des installations informatiques du client ;
Que chacune des parties produit aux débats un rapport amiable d'un expert, dont la teneur est contradictoire ; qu'au vu de ces différents éléments, de l'obsolescence rapide des logiciels, la société Eurofim ne fait pas la preuve, qui lui incombe, que les sociétés intimés utilisent encore aujourd'hui le logiciel Omega dont elle n'a pas démontré qu'elle en était propriétaire ;
Que dans ces conditions ce chef de demande ne saurait être accueilli, que la décision des premiers juges sera confirmée ;
Considérant qu'une action non fondée partiellement ne suffit pas à caractériser l'abus du droit d'ester en justice, de sorte qu'il ne pourra être fait droit à la demande en dommages et intérêts formée par la société Eurofim ;
Considérant en revanche que l'équité commande d'allouer à la société Eurofim une indemnité de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, Statuant contradictoirement, Dit recevables les demandes formées par la société Eurofim, Confirme le jugement rendu le 31 janvier 2011 par le Tribunal de commerce de Paris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société Eurofim sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5e du Code de commerce et en ce qu'il a partagé les dépens par moitié entre les parties, Statuant à nouveau de ces chefs, Condamne in solidum les 22 sociétés hôtelières à verser à la société Eurofim, sur le fondement de l'article L. 442-6 1 5ème du Code de commerce, la somme de 115 364,90 euro en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies, Condamne in solidum les 22 sociétés hôtelières à payer à la société Eurofim une indemnité de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne in solidum les 22 sociétés hôtelières aux dépens avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.