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ADLC, 12 décembre 2014, n° 14-DCC-182

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe Humanis d'un portefeuille de contrats d'assurance

ADLC n° 14-DCC-182

12 décembre 2014

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 7 novembre 2014, relatif à la prise de contrôle exclusif par le groupe Humanis d'un portefeuille de contrats d'assurance auprès du Groupement National de Prévoyance (ci-après " GNP ") formalisée par une convention de transfert de portefeuille signée le 4 juin 2014 et approuvée par les conseils d'administration d'Humanis Prévoyance et du GNP en date du 4 juin 2014, ainsi que par leurs assemblées générales en date du 25 juin 2014 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Le groupe Humanis (ci-après " Humanis ") est un groupe paritaire de protection sociale (1). Il est doté d'une association sommitale ainsi que de quatre institutions de retraite complémentaire Arrco et quatre institutions de retraite complémentaire Agirc. Humanis comprend également une institution de prévoyance interprofessionnelle (Humanis Prévoyance) et deux institutions de prévoyance professionnelles ou d'entreprise (IPBP et Ipsec) ainsi que plusieurs mutuelles organisées en unions de mutuelles. Six groupements de moyens structurent les moyens humains et matériels d'Humanis. Les activités concurrentielles du groupe concernent principalement la protection sociale complémentaire, collective et individuelle, la retraite complémentaire, la prévoyance, la santé et l'épargne.

2. Le portefeuille de contrats objet de l'opération notifiée (ci-après " le portefeuille de contrats transféré "), au nombre de 44 361 en 2013, comporte des contrats collectifs d'assurance de personnes (prévoyance couvrant les risques décès et invalidité-incapacité) souscrits par les entreprises de 19 branches professionnelles (2). Ces contrats ont été souscrits par le GNP, désigné dans le cadre de conventions collectives pour cinq ans maximum. Depuis 2013, ces contrats sont en gestion extinctive.

3. Aux termes de la convention de transfert de portefeuille en date du 4 juin 2014, approuvée par les conseils d'administration d'Humanis Prévoyance et du GNP de la même date, ainsi que par leurs assemblées générales du 25 juin 2014, l'opération consiste au transfert par GNP de l'intégralité de son portefeuille de contrats collectifs d'assurance prévoyance à l'institution de prévoyance du groupe Humanis, Humanis Prévoyance. Le transfert sera effectué avec effet rétroactif comptable et fiscal au 1er janvier 2014. A l'issue de l'opération, le risque assurantiel sera porté non plus par GNP mais par Humanis Prévoyance.

4. En ce qu'elle se traduit par l'acquisition par Humanis du portefeuille de contrats collectifs d'assurance prévoyance du GNP, actifs constituant une activité économique, l'opération constitue donc une concentration au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce.

5. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d'affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Humanis : 2,7 milliards d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2013 ; le portefeuille de contrats transféré : 73,7 millions d'euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (Humanis : 2,7 milliards d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2013 ; le portefeuille de contrats transféré : 73,7 millions d'euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

6. Les parties à l'opération sont toutes deux actives dans le secteur de l'assurance.

A. DÉLIMITATION DES MARCHÉS DE PRODUITS OU DE SERVICES

7. La pratique décisionnelle distingue de manière constante les activités de réassurance des activités d'assurance (3).

8. Les autorités de concurrence considèrent que la réassurance constitue un marché distinct en raison de la spécificité de l'objet (la répartition des risques entre assureurs) et des contraintes réglementaires moins fortes pesant sur cette activité.

9. S'agissant des activités d'assurance, une distinction a été opérée entre les assurances de personnes et les assurances de dommages (biens et responsabilités), chacune pouvant être segmentée en autant de marchés qu'il existe d'assurances couvrant les différents types de risques (4). Enfin, des segmentations supplémentaires ont été envisagées au sein des assurances de personnes entre les contrats d'assurance collective et les contrats d'assurance individuelle et au sein des assurances de dommages entre les assurances à destination des particuliers et les assurances à destination des professionnels.

10. Au cas d'espèce, l'opération entraîne un chevauchement d'activité en matière d'assurance de personnes, sur le marché de la prévoyance collective qui regroupe les produits d'assurance destinés à couvrir les bénéficiaires contre une perte de revenus imprévisible (en cas de décès, d'invalidité ou d'incapacité) au moyen d'un versement sous la forme d'un capital ou d'une rente (5).

11. Il n'y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations pour analyser les effets de la présente opération.

B. DÉLIMITATION DES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

12. Il ressort de la pratique décisionnelle (6) que les marchés de l'assurance, à l'exception de certaines assurances couvrant des risques de grande ampleur, sont de dimension nationale compte tenu des préférences des consommateurs, de l'existence de législations et de contraintes fiscales nationales, de la structure actuelle de ces marchés ou encore des systèmes de régulation.

13. Il n'y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations pour analyser les effets de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

14. A l'issue de l'opération, la part de marché combinée des parties sera de 4,8 % sur le marché de la prévoyance collective, le transfert de portefeuille entraînant un incrément de 0,2 %. Humanis continuera à faire face à la concurrence de nombreux acteurs et notamment Médéric-Malakoff (7 %), Axa (6,4 %) ou encore Pro BTP (5,3 %).

15. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la prévoyance collective.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 14-049 est autorisée.

Notes :

1 Les groupes paritaires de protection sociale (" GPS ") sont des ensembles structurés de personnes morales ayant entre elles des liens étroits et durables, créés, pilotés et contrôlés par les organisations patronales et les syndicats (les " partenaires sociaux "). Le GPS comporte au moins une institution de retraite Agirc, une institution de retraire Arrco et une institution de prévoyance, dans l'intérêt des entreprises et des salariés (formule du " guichet unique "). Il est constitué d'une association sommitale " loi 1901 " qui est gérée paritairement et conduit la stratégie d'ensemble du GPS. Un Directeur général et une association de moyens complètent le dispositif.

2 En l'espèce, il s'agit des branches professionnelles de l'animation, des bureaux d'études techniques (annexe enquêteurs), du commerce de détail horlogerie bijouterie, des détaillants de chaussure, de l'esthétique, de l'enseignement privé hors contrat, habitat -personnel PACT et RIM, de l'Import-export, de la librairie, des mareyeurs expéditeurs, des missions locales et PAIO, des organismes de formation, de la papeterie, des fournitures de bureau, de la bureautique et informatique, des prestataires de service dans le domaine tertiaire, des régies de quartier, des remontées mécaniques et domaines skiables et du sport.

3 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne COMP/M.3556 - Fortis / BCP du 19 janvier 2005, COMP/M.2676 - SAMPO / VARMA SAMPO / IF HOLDING / JV du 18 décembre 2001, IV/M.862 - AXA / UAP du 20 décembre 1996 ainsi que les décisions n° 09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à a fusion entre les groupes Caisse d'Épargne et Banque Populaire et n°10-DCC-52 du 2 juin 2010 relative à la création d'une SGAM par la MACIF, la MAIF et la MATMUT.

4 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne COMP/M.5083 - GROUPAMA / OTP GARANCIA du 15 avril 2008, COMP/M.3556 - FORTIS / BCP du 19 janvier 2005, IV/M.862 -AXA / UAP du 20 décembre , la décision n° 09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d'Epargne et Banque Populaire et les lettres du ministre de l'économie du 1er octobre 2007, au conseil de la société Suisse de Participations d'Assurance et du 10 septembre 2008, au conseil de la société Esca.

5 Lettre du ministre de l'économie du 28 octobre 2008 aux conseils de la société Mutuelle Harmonie Mutualité.

6 Voir les décisions précitées.