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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 28 janvier 2015, n° 12-20501

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Concession Automobile Roanne (SARL)

Défendeur :

Kia Motors France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Couturier, Le Gaillard, Etevenard, Gaydt

TGI Paris, 5e ch., du 5 juill. 2012

5 juillet 2012

La SAS Kia Motors France est une filiale de la société de droit coréen Kia Motors Corporation qui fabrique et commercialise dans le monde des véhicules de tourisme sous la marque Kia.

La société Kia Motors France assure en France l'importation et la distribution exclusive des véhicules Kia, laquelle est notamment organisée autour d'un réseau de concessionnaires revendeurs répartis sur l'ensemble du territoire.

La SARL Concession Automobile Roanne-Car (Car) a pour activité la concession automobile de véhicules neufs, l'importation, l'exportation, l'acquisition, la vente de tous véhicules d'occasion, la location de véhicules, le financement et l'assurance de véhicules, la réparation et le commerce de pièces détachées.

Le 20 novembre 2006, la société Kia Motors France a adressé à la société Car une lettre d'intention afin que cette société représente la marque Kia sur le secteur Loire Nord.

Le 23 janvier 2007, la société Kia Motors France a adressé à la société Car une nouvelle lettre d'intention. La société Car a signé cette lettre d'intention le 1er février 2007.

Le contrat de concession Kia a été signé par les parties le 23 mars 2007.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 22 avril 2009, se référant à la lettre d'intention du 20 novembre 2006, la société Car a demandé à la société Kia Motors France de tenir ses engagement en matière de publicité et de lui rembourser 2 fois 20 000 euro.

Par courrier du 2 juin 2009, la société Kia Motors France a répondu à la société Car qu'elle ne s'opposait pas au remboursement publicitaire sous réserve de la communication des justificatifs d'annonces avant le 30 juin 2009 et du respect d'un investissement minimum de 35 000 euro.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 16 juin 2009, la société Car réitérait sa demande en rappelant la lettre d'intention du 20 novembre 2006.

Par lettre de son conseil du 31 juillet 2009, la société Car a mis en demeure la société Kia Motors France de lui régler la somme de 51 594,06 euro dans un délai de 8 jours.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 24 décembre 2009, se référant à la lettre d'intention du 20 novembre 2006 et aux articles 26-4 (v) et 26-6 du contrat, la société Car a dénoncé le contrat de concession.

Par acte du 9 février 2010 la société Car a assigné la société Kia Motors France devant le Tribunal de grande instance de Paris pour obtenir le remboursement de la somme de 51 594,06 euro et l'indemnisation de son préjudice commercial à hauteur de la somme de 120 043,99 euro.

Par un jugement du 5 juillet 2012, le tribunal de grande instance a :

- condamné la société Kia Motors France à payer à la société Car la somme de 21 346,17 euro au titre du remboursement des dépenses publicitaires en application du contrat résultant de la lettre d'intention du 23 janvier 2007,

- débouté la société Car du surplus de ses demandes,

- dit que le contrat a été rompu de manière abusive par la société Car,

- débouté la société Kia Motors France de ses demandes reconventionnelles non justifiées,

- dit n'y avoir pas lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Kia Motors France aux dépens, autorisation étant donnée aux avocats qui en ont fait la demande de recouvrer les dépens conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Le 14 novembre 2012 la société Car a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 11 juin 2013, par lesquelles la société Car demande à la cour de :

- déclarer recevable et particulièrement bien fondé l'appel interjeté,

Y faisant droit,

Vu les dispositions des articles 1134, 1147 du Code civil,

- réformer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 5 juillet 2012,

- dire et juger que seule la lettre d'intention du 20 novembre 2006 doit recevoir application,

- dire et juger que la rupture des relations commerciales est imputable à la faute de la société Kia Motors France,

- condamner en conséquence la société Kia Motors France au paiement de la somme de 51 594,06 euro, outre intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2009,

- condamner la société Kia Motors France au paiement de la somme de 120 043,99 euro au titre du préjudice commercial subi par la société Car,

- condamner la société Kia Motors France au paiement de la somme de 15 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions, notifiées et déposées le 4 novembre 2013, par lesquelles la société Kia Motors France demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1156 et 1165 du Code civil,

- déclarer mal fondé l'appel interjeté par la société Car,

- débouter la société Car de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de paris en ce qu'il a pris acte de l'engagement de la société Kia Motors France de verser à la société Car la somme de 18 082,89 euro au titre des investissements en communication pour les années 2007-2008,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société Kia Motors France à payer la somme complémentaire de 3 263,28 euro,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Car de ses demandes pour le surplus,

Sur l'appel incident de la société Kia :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les contrats liant les parties ont été rompus de manière abusive par la société Car,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Kia Motors France de sa demande reconventionnelle au motif qu'elle n'est pas justifiée,

Statuant à nouveau, à l'examen des pièces nouvellement communiquées aux débats :

- condamner la société Car à payer à la société Kia Motors France la somme de 112 708 euro à titre de dommages et intérêts,

En cas de condamnation prononcée à l'encontre de la société Kia Motors France :

- ordonner la compensation entre les créances réciproques des société Car et Kia Motors France,

En tout état de cause,

- condamner la société Car à payer à la société Kia Motors France la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Car aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Frédérique Etevenard, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Cela étant exposé, LA COUR,

Sur les aides à la communication :

Considérant que la société Car expose qu'elle a engagé un certain nombre de dépenses publicitaires, pour un montant de 51 594,06 euro, dans le respect de la lettre d'intention régularisée le 20 novembre 2006 et des échanges qui s'en sont suivis afin de développer son activité ; que la lettre d'intention du 20 novembre 2006 ne prévoit pas que l'aide financière de communication soit subordonnée à la condition que la société Car engage un montant total de dépenses publicitaires de 35 000 euro ; que cependant la société Kia Motors France ne lui a remboursé aucun de ses frais publicitaires ;

Considérant que la société Car expose que la lettre d'intention du 23 janvier 2007 ne peut avoir le moindre effet juridique puisque celle-ci prévoyait une régularisation au plus tard le 28 février 2007 sous peine de caducité et que les régularisations étant intervenues le 23 mars 2007, la lettre d'intention était caduque ;

Considérant que la société Kia Motors France expose que le courrier du 20 novembre 2006 est dépourvu de force obligatoire car il n'a jamais été régularisé par la société Car ; que seule l'offre du 23 janvier 2007, signée par la société Car le 1er février 2007, qui prévoit une condition supplémentaire pour l'obtention des aides à la communication, soit l'investissement par la société Car d'une somme minimum de 35 000 euro de dépenses publicitaires, lie les parties ; qu'en tout état de cause, la société Car n'a pas satisfait aux conditions posées par l'article 5 de l'accord du 1er février 2007 et ne lui a pas communiqué le dossier complet permettant de lui rembourser ses investissements publicitaires ;

Considérant que la lettre d'intention du 20 novembre 2006 versée aux débats par la société Car est uniquement signée par la société Kia Motors France ; que la lettre postérieure signée le 1er février 2007 par les deux parties est seule applicable, à défaut de preuve que la volonté des parties était de ne pas appliquer les stipulations de cet accord au profit de celui du 20 novembre 2006 ; que ni le fait que la société Car ait bénéficié d'une dotation en pièces de rechange, également prévue à l'article 6- d de la lettre d'intention du 1er février 2007, ni l'erreur commise par l'intimée dans un courrier en réponse du 28 juillet 2009 qui a repris comme date de la lettre d'intention celle mentionnée par la société Car dans son courrier du 16 juin 2009, ne rapportent la preuve que la volonté des parties était d'appliquer la lettre d'intention du 20 novembre 2006 ;

Considérant que la signature par les parties le 23 mars 2007 du contrat de concession, auquel la lettre d'intention signée le 1er février 2007 s'incorpore, vaut renonciation implicite par les parties à la caducité stipulée dans la lettre d'intention en cas d'absence de régularisation du contrat le 28 février 2007 ;

Considérant que la lettre d'intention du 23 janvier 2007, signée par les parties le 1er février 2007, stipule en son article " 5- Aides au lancement "

" b - Aides à la communication

i. Kia Motors France s'engage à vous soutenir à hauteur de 20 000 euro au cours de la première année sur justificatif d'un montant total de dépenses de 35 000 euro. Dans le cas où KMF pourrait bénéficier d'importantes opportunités d'achat d'espace publicitaire sur la zone de chalandise dudit concessionnaire, il est convenu que KMF et Car se mettront d'accord au préalable sur la répartition des coûts relatifs à ces opportunités.

Cette aide est par ailleurs conditionnée au respect des points suivants :

- respect des standards contractuels de nomination et respect de la politique commerciale KMF,

- toute communication devra respecter la charte graphique Kia Motors France,

- elle aura fait l'objet au préalable d'une validation du zone manager dans le cadre de la présentation par le concessionnaire de son plan de communication,

- cette aide sera versée trimestriellement sur présentation d'une facture accompagnée des factures des prestataires et portera en libellé la mention " participation pub ".

ii. Dans le cadre de votre nouvelle implantation Kia et de son lancement, Kia Motors France s'engage à investir en communication :

- un montant de 20 000 euro au cours de votre première année d'activité avec la marque, et 20 000 euro au cours de votre seconde année d'activité avec la marque, en votre nom, selon les modalités suivantes :

Le service publicité KMF :

- élaborera un plan média dédié à votre zone de chalandise et en phase avec la communication nationale KMF,

- se rapprochera de votre service " communication publicité " afin de mettre le plan média en phase avec vos spécificités et vos actions,

- gérera l'ensemble du processus de la commande de ces campagnes jusqu'au complet règlement de ces dernières. "

Considérant qu'il résulte de l'article 5-b-ii que la société Kia Motors France s'est engagée à investir en communication la somme de 20 000 euro en 2007 et en 2008 ; que la société Car justifie par la production des courriels échangés en décembre 2007 et janvier 2008 entre le service publicité de la société Kia Motors France et la société Car et M. Florent Clavel, que la société Car a pris contact avec le service publicité de l'intimée pour l'élaboration d'un " plan de communication locale " d'un montant de 20 000 euro en 2007 et en 2008, ce que confirme M. Clavel dans son attestation ;

Considérant que, nonobstant les dispositions finales de l'article précité, il a été convenu avec la société Kia Motors France (courriel du 10 janvier 2008 de Mme Nora Ezzahraoui du service de publicité de l'intimée) que la facturation des publicités entrant dans le plan de communication locale devait être adressée à la société Car, qui refacturait la société Kia Motors France ;

Considérant qu'il résulte des courriers produits aux débats que la société Car a transmis ses justificatifs de factures à la société Kia Motors France qui a refusé de les régler en invoquant l'absence de justificatif d'un montant total de dépenses de 35 000 euro ou l'absence de documents suffisants, faisant ainsi application des stipulations de l'article 5-b i de la lettre d'intention non applicables durant les deux premières années d'activité de la société Car ;

Considérant que la société Car produit devant la cour les factures des publicités réalisées au cours des années 2007 et 2008, qui lui ont été adressées en sa qualité de concessionnaire Kia, pour un montant de 51 594, 06 euro ; que la société Kia Motors France doit être condamnée à lui rembourser la somme de 40 000 euro en application de l'article 5-b ii de la lettre d'intention du 1er février 2007 ;

Sur la résiliation du contrat de concession :

Considérant que dans son courrier du 22 avril 2009, la société Car a demandé le paiement d'une aide à la communication de 20 000 euro pour 2009, sans justifier d'un montant total de dépenses de 35 000 euro ; que dans ses courriers des 16 juin et 24 décembre 2009 l'appelante a demandé à tort l'application de la lettre d'intention du 20 novembre 2006 ;

Considérant que, si la société Car s'est méprise en pensant que, postérieurement aux deux premières années, l'aide à la communication s'élevait à 20 000 euro par an sans application d'un minimum de dépenses, la société Kia Motors France s'est elle-même méprise et n'a pas respecté ses obligations au titre de l'aide publicitaire due à la société Car durant les deux premières années d'installation ; qu'en conséquence, la rupture du contrat de concession est imputable aux deux sociétés ;

Considérant que la société Car, qui a pris l'initiative de la rupture et qui ne justifie pas de la date à laquelle elle a transmis à la société Kia Motors France les factures dont elle demandait le remboursement, l'intimée soutenant que ces factures ne lui ont été transmises qu'au mois de mai 2011, ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par la société Kia Motors France en lien avec le préjudice commercial dont elle demande réparation ; que la société Car doit être déboutée de sa demande en paiement d'une somme de 120 043, 99 euro à ce titre ;

Considérant que la société Kia Motors France qui s'est méprise sur ses obligations en matière de communication pour les années 2007 et 2008 au préjudice de la société Car et qui n'a pas su répondre de façon pertinente aux demandes de sa cocontractante, ne peut reprocher à la société Car d'avoir, après plusieurs mises en demeure, résilié le contrat de concession sur le fondement de l'article 26.4 du contrat ; que la demande de dommages-intérêts de la société Kia Motors France à hauteur de la somme de 112 708 euro doit être rejetée ;

Par ces motifs, Infirme le jugement sauf en ses dispositions relatives aux dépens, Et statuant à nouveau, Dit que seule la lettre d'intention signée le 1er février 2007 est applicable entre les parties, Condamne la SAS Kia Motors France à verser à la SARL Concession Automobile Roanne-Car la somme de 40 000 euro au titre des aides à la communication pour les années 2007 et 2008, Dit que la rupture du contrat de concession est imputable conjointement à la SAS Kia Motors France et à la SARL Concession Automobile Roanne-Car, Condamne la SAS Kia Motors France à verser à la SARL Concession Automobile Roanne-Car la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne la SAS Kia Motors France aux dépens d'appel.