Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 30 janvier 2015, n° 14-04167

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Rivat, Création Sport Chaussure (SARL)

Défendeur :

Double d'Import (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aimar

Conseillers :

Mme Nerot, Renard

Avocats :

Mes Texier, Moncenis-Delville, Olivier, Darchis

TGI Paris, du 12 déc. 2013

12 décembre 2013

Madame Guilène Rivat a consenti le 2 janvier 1995 à la société Création Sport Chaussure une licence d'exploitation sur la marque française verbale " Rivat " n° 1307596 et par acte séparé du 2 novembre 1998 une licence sur différents dessins et modèles français déposés le 29 octobre 1998 et enregistrés sous le n° 986352-002 s'agissant d'un modèle " Top " correspondant à un chaussure de boxe.

Madame Rivat et la société Création Sport Chaussure ont reproché à la société Double d'Import de commercialiser en août 2011 une paire de chaussures de boxe française référencée French Boxing Shoes ADISFB02 sous la marque Adidas qui reprenait selon elles les caractéristiques du modèle " Top " commercialisé sous la marque Rivat.

La société Double d'Import indique fabriquer et distribuer des produits à caractère sportif et de loisirs et être spécialisée dans l'équipement sportif des sports de combat et notamment la boxe.

Elle expose bénéficier d'une licence mondiale exclusive pour la fabrication et la distribution des équipements de sports de combat portant sur la marque " Adidas " et notamment pour les équipements utiles à la pratique de la boxe, et ce depuis 2010.

A la suite d'un courrier en date du 13 septembre 2011de cesser les actes argués de contrefaçon, demeuré infructueux, la société Création Sport Chaussure et Madame Rivat ont fait assigner, selon acte d'huissier en date du 4 avril 2012, la société Double d'Import devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de modèles déposés et de droits d'auteur ainsi qu'en concurrence déloyale.

Par jugement en date du 12 décembre 2013, le Tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré irrecevable la demande de nullité de l'assignation introductive d'instance en date du 4 avril 20l2,

- déclaré Madame Rivat et la société Création Sport Chaussure irrecevables en leurs demandes additionnelles concernant la chaussure Rivat F1 faute de lien suffisant avec la demande principale,

- prononcé la nullité du modèle n° 98 6352 déposé à l'INPI le 29 octobre 1998,

- dit que la décision, une fois devenue définitive, sera transmise à 1'INPI en vue de son inscription au registre national des marques, à la requête de la partie la plus diligente,

En conséquence,

- déclaré Madame Rivat irrecevable à agir en contrefaçon du dessin et modèle n° 98 6352 à l'encontre de la société Double d'Import,

- dit que les demandes de la société Création Sport Chaussure en réparation du préjudice subi sont sans objet,

- dit que Madame Rivat et la société Création Sport Chaussure sont irrecevables à agir en contrefaçon de droits d'auteur sur la chaussure de boxe Rivat Top,

- débouté la société Création Sport Chaussure de sa demande en dommages et intérêts au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'égard de la société Double d'Import,

- débouté la société Double d'Import de sa demande en dommages et intérêts pour actes de dénigrement,

- débouté Madame Rivat et la société Création Chaussure Sport pour le surplus de leurs demandes,

- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile.

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,

- condamné chacune des parties à supporter ses propres dépens.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 22 septembre 2014, auxquelles il est expressément renvoyé, Madame Guilène Rivat et la société Création Sport ChaussureS demandent à la cour, au visa des articles L. 111-1 et suivants, L. 112-1 et suivants, L. 122-1, L. 335-2, L. 335-3, L. 511-1 et suivants, L. 513-4 et L. 513-5 du Code de la Propriété intellectuelle, de la loi du 14 juillet 1909, des articles 65 et70 du Code de procédure civile, 41 de la loi du 29 juillet 1881 et l'article 24 du Code de procédure civile et 1382 du Code civil, de :

- les déclarer recevables et bien fondées en leur appel,

- infirmer le jugement rendu le 12 décembre 2013 par le Tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de nullité de l'assignation introductive d'instance en date du 4 avril 2012 et débouté la société Double d'Import de sa demande de dommages-intérêts pour actes de dénigrement,

Statuant à nouveau,

- supprimer les paragraphes suivants des écritures signifiées le 23 juillet 2014 par la société Double d'Import :

- page 16 : " Pour tenter de contrer cette analyse pourtant sans équivoque, les appelants usent en cause d'appel d'un moyen assimilable à de la tromperie ",

- page 18 : " cela prouve à quel point les appelants sont de mauvaise foi et ne craignent pas d'utiliser des manœuvres au fin (sic) de tromperie de la cour ",

- page 58 : " A court d'arguments, les appelants usent en cause d'appel d'un moyen assimilable à de la tromperie. En effet au lieu d'utiliser la photographie du dépôt, ils utilisent d'autres photographies en réalisant des montages photographiques qui travestissent la réalité sur les pages 47 et 48 de leurs écritures. Il est incontestable que les photographies insérées dans les conclusions ont été modifiées et retouchées par la partie adverse ".

- page 59 : " Les parties ont fait apparaître des détails qui n'existent pas sur le modèle: des découpes, des surpiqûres, des volumes et des vues ! ",

Les appelants vont même jusqu'à insérer un coup de crayon sur la photographie " Cette attitude est scandaleuse et doit être sanctionnée, car elle travestit la réalité ! C'est une véritable tromperie. Dans la mesure où les photographies insérées dans les conclusions sont trafiquées, elles doivent être retirées des débats, car cela s'assimile à une escroquerie au jugement ",

- déclarer les modèles de chaussure et de semelle n° 924425 et n° 986352 déposés à l'INPI les 15 juillet 1992 et 29 octobre 1998 valables,

- déclarer valable le dépôt n° 986352 auprès de l'INPI de la structure générale du modèle F1/533749 du 29 octobre 1998 ainsi que le dépôt de l'enveloppe Soleau 425194 du 06 septembre 2011 et le dépôt simplifié n° 12-20881 de la collection Rivat en date du 30 avril 2012,

En conséquence,

- les déclarer recevables et bien fondées en leur action en contrefaçon principale et additionnelle (sic),

- déclarer que le modèle French Boxing Shoes ADISFS02 est une copie servile du modèle Rivat Top ayant fait l'objet d'un dépôt à l'INPI sous le n° 986352,

- déclarer que le modèle French Boxing Shoes ADISFB03 est une copie servile du modèle Rivat F1 ayant fait l'objet d'un dépôt à l'INPI sous le n° 986352,

- condamner la société Double d'Import à cesser toute vente des modèles contrefaisants

(French Boxing Shoes ADISFS02 et French Boxing Shoes ADISFB03) et plus généralement les modèles reproduisant les caractéristiques protégées et ce, sous astreinte de 500 euro par jour,

- ordonner la destruction ou confiscation des produits contrefaisants (French Boxing Shoes

ADISFS02 et French Boxing Shoes ADISFB03) offerts à la vente, les semelles et les produits semi-finis, ainsi que les matériaux (outillages, tiges, moules, semelles) ayant principalement servis à leur fabrication,

- ordonner la publication de la décision à intervenir dans des journaux de larges diffusions et spécialisés dans les arts martiaux et le sport, aux frais de la société Double d'Import,

- condamner la société Double d'Import à payer à la société Création Sport Chaussure et à Madame Guilène Rivat la somme de 159 084 euro en réparation du préjudice commercial subi par les appelantes du fait de la contrefaçon du modèle Rivat Top,

- condamner la société Double d'Import à payer à la société Création Sport Chaussure et à Madame Guilène Rivat la somme de 163 452 euro en réparation du préjudice commercial subi par les appelantes du fait de la contrefaçon du modèle Rivat F1,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la société Double d'Import a commis des actes de concurrence déloyale et/ou de parasitisme envers la société Création Sport Chaussure,

- faire interdiction à la société Double d'Import d'utiliser, de commercialiser ou d'exploiter les modèles French Boxing Shoes ADISFS02 et French Boxing Shoes ADISFB03 copiés sur les modèles Rivat Top et Rivat F1 et ce, sous astreinte de 10 000 euro par infraction constatée,

- condamner la société Double d'Import au paiement de la somme de 150 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis par la société Création Sport Chaussure du fait des actes de concurrence déloyale et/ou parasitaires,

En tout état de cause,

- rejeter toutes les demandes de la société Double d'Import,

- condamner la société Double d'Import à leur payer la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner les mêmes au paiement des entiers dépens dont recouvrement direct, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 23 juillet 2014, auxquelles il est également expressément renvoyé, la société Double d'Import entend voir :

- dire recevables et bien fondées ses demandes,

- confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris en ses dispositions qui lui sont favorables,

Y ajoutant :

- dire que les photographies des pages 8 à 14, et 47 et 48 des conclusions adverses ont été " retouchées " par Madame Rivat et la société CSC et qu'elles sont donc supprimées et/ou écartées des débats pour éviter toute tromperie au jugement,

- rejeter toutes les demandes, de Madame Rivat et de la société CSC,

- condamner solidairement Madame Rivat et la société CSC au paiement de la somme de 20 000 euro au titre des dommages et intérêts subis du fait des agissements de concurrence déloyale,

- condamner Madame Rivat et la société CSC à payer à chacun une somme de 5 000 euro à la société Double d'Import au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Madame Rivat et la société CSC aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 octobre 2014.

SUR CE

Sur la suppression des paragraphes figurant en pages 16, 18, 58 et 59 des écritures de la société Double d'Import du 23 juillet 2014

Considérant que les appelantes demandent à la cour de supprimer des écritures de la société Double d'Import du 23 juillet 2014 les paragraphes figurant en pages 16, 18, 58 et 59 tels que reproduits dans leurs écritures et ci-dessus-rappelés aux motifs qu'il s'agirait de propos infamants et non acceptables ainsi que d'allégations non avérées, et que la société Double d'Import n'est pas exempte de tout reproche (sic) ; qu'elles indiquent qu'au contraire, elles ont eu à coeur de permettre une analyse pertinente " du modèle " et que pour faciliter la compréhension de la cour, elles ont procédé à l'agrandissement des photographies tirées du dépôt n° 986352-002 sans utilisation de logiciel de retouche ainsi qu'à un comparatif de 3/4 des photographies du catalogue de 1999 sur lequel est référencé le modèle Top n° 986352 ;

Mais considérant qu'étant précisé qu'il appartient à la cour d'apprécier la force probante des pièces versées aux débats, les propos incriminés n'apparaissent pas dépasser le cadre normal d'un débat judiciaire, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de suppression des paragraphes en cause des écritures de l'intimée ;

Sur la demande de rejet des débats des photographies figurant en pages 8 à 14, et 47 et 48 des conclusions des appelantes

Considérant que l'intimée sollicite quant à elle le rejet des débats des photographies figurant en pages 8 à 14, et 47 et 48 des conclusions des appelantes au motif que ces dernières ont été " retouchées " par Madame Rivat et la société CSC ;

Mais considérant qu'il a été dit qu'il appartient à la cour d'apprécier la force probante des pièces versées aux débats ; que dès lors il n'y a pas lieu de rejeter ou d'écarter des débats les pièces contestées par la société intimée ;

Sur la chaussure de boxe Top

Sur la protection au titre des dessins et modèles

Considérant au préalable qu'il y a lieu de rappeler que, conformément aux dispositions de l'article 954 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières écritures des parties ;

Or en l'espèce force est de constater que les appelantes, qui font grief aux premiers juges d'avoir annulé le modèle enregistré sous le n° 986352 déposé à l'INPI le 29 octobre 1998, n'incriminent, aux termes du dispositif de leurs dernières écritures devant la cour que la contrefaçon d'un modèle Top et d'un modèle F1 enregistrés tous deux sous le n° 986352, en réalité sous les n° 986352- 002 et 986352- 004, de sorte que la cour n'a à statuer que sur ces demandes ;

Que par ailleurs, seuls les modèles tels que déposés pouvant fonder l'action en contrefaçon sur le livre V du Code de la propriété intellectuelle, toute description d'un autre produit ou tout agrandissement, comparatif ou montage, ou encore allégation d'un modèle différent, telle en l'espèce celle de la semelle Rivat Cuvette Lutte Boxe qui a fait l'objet le 29 octobre 1998 d'un dépôt sous le n° 986352-007, sont étrangers à l'action en contrefaçon dont la cour est saisie ;

Considérant en l'espèce, qu'il résulte des dépôts versés aux débats, que seule l'intimée a bien voulu produire en original, que Madame Guilène Rivat a déposé auprès de l'INPI le 29 octobre 1998 différents modèles enregistrés sous le n° 986352 et publiés le 2 avril 1999 sous les n° 0533747 et 0533749, dont un modèle de chaussure de boxe Top objet de la représentation 2 ;

Que le modèle en cause ayant été déposé avant le 30 juillet 2001, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 25 juillet 2001, et publié après cette date, c'est à juste titre que la société intimée fait valoir que les dispositions de la loi ancienne sont applicables aux faits d'espèce, soit cependant celles de la loi du 1er juillet 1992, la loi nouvelle ne régissant quant à elle que les faits de contrefaçon commis après son entrée en vigueur ;

Considérant que les appelantes, qui se prévalent de la représentation 2 du modèle en cause, indiquent dans leurs écritures que " les 5 profils permettent d'établir que la semelle est une semelle cuvette avec un remontant 3/4 de forme et montrent bien le dessin de la semelle " et que " sur les photos, l'empeigne, la talonnette, les renforts latéraux, les appliques en décrochées et l'ensemble de la chaussure sont bien visibles " alors que le dépôt du 29 octobre 1998 ne montre, ainsi que l'a relevé le tribunal, qu'une seule représentation d'une chaussure de boxe bleue, noire et jaune, vue de 3/4, et dont la semelle est à peine visible ;

Qu'elles ne décrivent pas le modèle invoqué autrement qu'à travers un comparatif avec la chaussure Adidas incriminée, à partir duquel sont revendiqués :

- les lignes, les découpes et le placement des " morceaux ",

- la " claque Rivat " présentant une caractéristique oblongue, avec la talonnette haute qui vient se juxtaposer en ligne droite caractéristique d'une coque.

- 2 bracelets et sangles arrière de chaussage sur un quartier en forme de manchette, ces éléments permettent d'obtenir un visuel de " bracelet de renfort " qui vient souligner l'emplacement de la malléole en encerclant la cheville, ceci permettant de conférer un maintien de la cheville,

- un système constitué d'une encoche située dans l'applique de laçage après le 5 ème passant pour la flexibilité de la cheville,

Qu'elles poursuivent l'infirmation du jugement qui a déclaré Madame Rivat irrecevable à agir en contrefaçon de droits au titre du modèle n° 986352 faute pour elle d'établir le caractère propre de celui-ci ;

Que l'intimée fait valoir en effet que la chaussure Top correspond en réalité à un modèle de chaussure de boxe classique, dont la forme, la semelle et les renforts latéral (sic) sont des éléments fonctionnels et utiles pour la pratique de la boxe française, pour conclure, à la nullité dudit modèle ;

Considérant ceci exposé que selon l'ancien article L. 511-3 alinéa 1er du Code de la Propriété

Intellectuelle, " les dispositions du livre V sont applicables à tout dessin nouveau, à toute forme plastique nouvelle, à tout objet industriel qui se différencie de ses similaires, soit par une configuration distincte et reconnaissable lui conférant un caractère de nouveauté, soit par un ou plusieurs effets extérieurs lui donnant une physionomie propre et nouvelle " ;

Or en l'espèce, pour contester à la fois le caractère nouveau et le caractère propre de la représentation 2 du modèle n° 986352 la société Double d'Import verse aux débats des paires de chaussures en original ainsi que deux pièces numérotées 16 et 17, qui sont constituées de copies de Store-chek montrant pour l'un des chaussures Adidas et pour l'autre des chaussures de boxe française, qui sont datés d'août 2012 et de juin 2012 ;

Que ces documents, largement postérieurs au dépôt en cause ne sont donc pas de nature à détruire ni la nouveauté ni le caractère propre de la représentation 2 du modèle n° 986352 déposé le 29 octobre 1998, de sorte que celui-ci est réputé valable et doit donc être protégé au titre du livre V ancien du Code de la propriété intellectuelle ;

Sur la protection au titre du droit d'auteur

Considérant que les dispositions de l'article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle protègent par le droit d'auteur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales ;

Que selon l'article L. 112-2 14° du même Code, sont considérées notamment comme œuvres de l'esprit les créations des industries saisonnières de l'habillement et de la parure ;

Qu'au titre du droit d'auteur, les appelantes définissent ainsi la chaussure de boxe Top :

- une semelle cuvette avec un dessin mille points grain fin, une voûte plantaire prononcée, dessinée en lisse, qui souligne ainsi graphiquement le soutien de la voûte plantaire en opposition avec le dessin granuleux du reste de la semelle,

- la semelle est conçue avec un évidage intérieur en petits carrés de l'arrière de la chaussure à l'avant de la chaussure,

- un logo latéral sur la partie talon extérieur pour permettre une reconnaissance visuelle de la semelle spécifique BF Rivat et de la marque Rivat,

- une tige présentant des lignes compactes et massives, inspirées par celles d'un gant de boxe, une coque pour le bas du pied formée par la juxtaposition de la claque et de la talonnette, une zone de frappe avec une claque rappelant un poing, un quartier en forme de manchette, un système de deux bracelets positionnés sur le quartier pour sangler, un système constitué d'une encoche située dans l'applique de laçage après le 5ème passant pour la flexibilité de la cheville, une sangle de chaussage inséré dans le bracelet de maintien, et une languette avec une découpe spécifique aux encoches inversées à celle de la tige ;

Que l'intimée conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré Madame Rivat et la société Création Sport Chaussure irrecevables à agir en contrefaçon de droits d'auteur sur la chaussure de boxe Rivat Top au motif que l'objet des demandes n'est pas défini, que le dépôt ne prouve pas l'étendue du droit d'auteur, que l'originalité de la chaussure revendiquée n'est pas démontrée, qu'une chaussure de boxe est soumise à des exigences techniques et sécuritaires, enfin qu'il n'existe pas de points de comparaison entre la chaussure revendiquée et la chaussure incriminée ;

Que pour étayer ces affirmations, et notamment pour contester l'originalité de la chaussure revendiquée qui, à ce stade et eu égard aux développements qui précèdent est le seul argument pertinent, elle se fonde également sur ses pièces 16 et 17 ainsi que sur un règlement intérieur de l'association " Savate Boxe Française Frontignan Gigean " et des règlements techniques ;

Considérant ceci exposé, que c'est à juste titre que le Tribunal a relevé cependant que les caractéristiques de la chaussure de boxe sus-décrites ne correspondent qu'à des éléments nécessaires et techniques d'une chaussure de ce type à savoir une semelle voutée, une tige compacte et massive dont la comparaison avec un gant de boxe et/ou une coque reste à démontrer, une empeigne et une attache ;

Que pour le surplus, il n'est aucunement démontré en quoi le dessin granuleux de la semelle, le logo latéral sur la partie talon extérieur constituée de la marque Rivat, la sangle de maintien, et la languette adaptée à la forme de la chaussure, conféreraient à la chaussure de boxe revendiquée une physionomie propre et traduiraient un parti pris esthétique reflétant l'empreinte de la personnalité de son auteur ;

Qu'il suit que la chaussure de boxe Top ne peut bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur instaurée par le Livre I du Code de la propriété intellectuelle et le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef, sauf à ajouter que les appelantes seront déboutées de leur action, l'originalité requise constituant une condition de fond de la protection au titre des droits d'auteur et non pas une condition de recevabilité de l'action ;

Sur la chaussure de boxe F1

Sur la recevabilité de l'action

Considérant que l'intimée conclut à l'irrecevabilité des demandes concernant le modèle Rivat F1, et en conséquence à la confirmation du jugement du tribunal sur ce point, au motif que ces demandes n'ont pas de lien avec les demandes initiales, à l'exception des parties en cause ;

Mais considérant que les appelantes indiquent avoir été informées courant septembre 2012, soit en cours de procédure, de la commercialisation par la société Double d'Import, sur son catalogue 2012-2013, d'une chaussure de boxe française de marque Adidas qui reprendrait les caractéristiques d'un modèle de chaussure F1 objet de la représentation 4 du même dépôt du 29 octobre 1998, et qui serait une déclinaison du modèle Rivat Top objet de la demande initiale ;

Que dès lors il existe bien un lien suffisant entre la demande additionnelle et les prétentions originaires, et les demandes concernant la chaussure F1 doivent en conséquence être déclarées recevables et le jugement infirmé sur ce point ;

Considérant que les parties s'étant expliquées sur la demande additionnelle concernant le modèle Rivat F1, il y a lieu de l'examiner ;

Sur la protection au titre des dessins et modèles et du droit d'auteur

Considérant qu'il résulte du certificat d'enregistrement original produit par l'intimée, que Madame Guilène Rivat a déposé auprès de l'INPI le 29 octobre 1998, sous la représentation n° 4, un modèle de chaussure de boxe F1 publié sous le n° 0533749; que cette chaussure aurait également fait l'objet d'un dépôt simplifié du 6 septembre 2012 qui n'est pas versé aux débats, seule la copie partielle d'un dépôt du 30 avril 2012 figurant au dossier des appelantes, ainsi que d'une enveloppe Soleau du 1er septembre 2011 dont le contenu n'est pas révélé à la cour ;

Que les appelantes ne procèdent pas plus à une description du modèle revendiqué sauf à indiquer qu'il présente des lignes spécifiques et un cache lacet ;

Que l'intimée fait valoir que le modèle en cause n'a pas de portée (sic) et qu'il n'y a pas de point de comparaison avec la chaussure Adidas ADISFB03;

Que ce faisant, et même si le dépôt ne donne à voir qu'une chaussure noire, vue de 3/4, qualifiée de masse noire par la société Double d'Import, dont on ne perçoit aucun détail à l'exception d'un logo comportant la marque Rivat, l'intimée ne conteste ni le caractère nouveau ni le caractère propre de la représentation 4 du modèle n° 986352 dont Madame Rivat est titulaire, de sorte que celui-ci est réputé valable et doit donc être protégé au titre du livre V ancien du Code de la propriété intellectuelle ;

Considérant s'agissant de la protection du droit d'auteur, que les appelantes donnent ici une portée plus large à la chaussure revendiquée puisqu'elles invoquent des caractéristiques non visible sur le dépôt de modèle, et consistant en :

- une double protection alliant languette et cache,

- un cache lacet profilé, doté d'un système d'attache velcro adapté à la savate, un cache lacet préformé, souligné d'une sangle centrale ; ce cache est doublé d'un système velcro permettant l'adhérence du cache sur la tige ; ce système d'accroche velcro avec une découpe en décrochée et une couture permet de garder une souplesse à la tige avec une protection optimum,

- un cache lacet conférant une ligne épurée ;

Que cependant l'intimée fait à juste titre valoir que ces caractéristiques telles que revendiquées ne correspondent qu'à des éléments techniques d'une chaussure de ce type, et il n'est nullement démontré par les appelantes en quoi le cache lacet préformé attaché par un système velcro à la tige aurait une physionomie propre et traduirait un parti pris esthétique reflétant l'empreinte de la personnalité de son auteur ;

Qu'il suit que la chaussure de boxe F1 ne peut pas bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur instaurée par le Livre I du Code de la propriété intellectuelle ;

Sur la contrefaçon

Considérant que les chaussures de boxe Top et F1 ne bénéficiant pas de la protection du droit d'auteur, l'action en contrefaçon de ce chef ne peut prospérer ;

Considérant que selon l'article L. 513-5 du Code de la propriété intellectuelle, la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente ;

Qu'en l'espèce, la représentation 2 du dépôt n° 986352 donne à voir une chaussure de boxe noire, vue de 3/4, comportant trois empiétements bleus, un logo jaune placé en biais sur le talon dans lequel est insérée la marque Rivat, et un bout de languette également bleue, les caractéristiques de la semelle n'étant quant à elles pas révélées ;

Que la représentation 4 du dépôt n° 986352 donne à voir une chaussure de boxe noire sans aucun détail visible à l'exception d'un logo vert placé sur le côté de la chaussure et dans lequel est insérée la marque Rivat ;

Or la chaussure ADISFB02 incriminée est une chaussure de boxe noir uni, sans empiècement contrasté et comportant trois bandes blanches particulièrement caractéristiques compte tenu de la leur notoriété, et la chaussure ADISFB03 est une chaussure blanche aux coutures entrelacées, et comportant trois bandes de couleurs bleu, rouge et bleu ;

Qu'il en résulte, pour chacune des chaussures incriminées, et pour l'observateur averti, soit en l'espèce celui qui pratique la boxe, une impression visuelle d'ensemble différente, de sorte que la contrefaçon de modèles déposés n'est pas établie ;

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Considérant qu'à titre subsidiaire les appelantes se prévalent d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme consistant en la copie servile, s'agissant de la chaussure Rivat Top, de la semelle mille points et de son logo latéral et de la tige, et s'agissant de la chaussure Rivat F1, de la semelle, la forme de la chaussure, la tige, c'est à dire la structure et la base, le cache, la talonnette, l'empeignes et les surpiqûres ainsi qu'au profit indu tiré de la notoriété de ces mêmes chaussures et des investissements intellectuels et financiers de la société Création Sport Chaussure ;

Mais considérant qu'il a été dit que les chaussures incriminées ne constituent pas la copie servile des chaussures Rivat, les appelantes ne pouvant procéder par découpage des chaussures concernées ;

Qu'il convient au surplus de relever que la chaussure Rivat Top est une chaussure de boxe de forme classique, bleue et noire, comportant trois empiècements de matière et de couleur contrastées, deux surpiqûres également contrastées sur le devant et une de chaque côté, une semelle extérieure avec voûte adaptée à la chaussure, et la marque Rivat, alors que le modèle Adidas ADISFS02 est noir uni, sans contraste ni de matière ni de couleur, qu'il comporte trois bandes sur le côté et une tige très haute ;

Que la chaussure Rivat F1 est de couleur noir uni, comporte la marque Rivat, trois empiècements de matière différente, quatre surpiqûres noires et croisées sur le devant, une arge bande noire sur le cache lacet, et une semelle extérieure avec voûte, alors que le modèle Adidas ADISFS03 est en cuir blanc, sans contraste de matière, trois bandes de couleur sur le côté, deux surpiqûres sur le pourtour et deux autres sur le dessus ainsi qu'une fine bande rouge au centre du cache lacet ;

Qu'ainsi, et au-delà de la structure générale de la chaussure de boxe que les appelantes ne peuvent s'approprier, il n'existe pas de risque de confusion entre les produits et le jugement qui a rejeté les demandes formées au titre de la concurrence déloyale sera en conséquence confirmé de ce chef ;

Considérant sur le parasitisme, que la société Création Sport Chaussure s'approprie les motifs du tribunal qui a constaté qu'elle établissait avoir conçu et fait fabriquer des moules de semelles intérieures revêtant un caractère spécifique et adapté aux chaussures de boxe et que la société Double d'Import, en commercialisant des chaussures de boxe qui comportent le même semelle, a commis une faute à son encontre, en bénéficiant sans bourse délier des recherches techniques qu'elle a réalisées et de son savoir-faire ;

Que pour s'opposer à la demande la société Double d'Import fait valoir qu'aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que la société appelante a conçu et fait fabriquer des semelles intérieurs de chaussures de boxe avec un caractère spécifique, que de surcroît toutes les chaussures de sport sont des chaussures quadrillées (en réalité ont des semelles quadrillées), enfin qu' une faute n'est démontrée à son encontre ; qu'elle ajoute à titre subsidiaire que la société Création Sport Chaussure ne prouve pas le préjudice qu'elle invoque à ce titre ;

Mais considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats par la société Création Sport Chaussure que celle-ci a conçu et fait fabriquer en 1987 les semelles intérieures quadrillées de chaussures de boxe en cause ; que la société Solano dans son attestation du 7 mai 200l indique avoir en sa possession la série de moules (6 moules) Ref Lutte Boxe et que ces moules appartiennent à la société CSC Rivat et ne peuvent être utilisées que pour des articles destinés à cette société ; que la société Caty a fabriqué une série de moules boxe lutte pour le compte de la société Rivat pour un montant de 6 000 euro HT en 1998 et pour le même montant en 1999 ; qu'enfin la société Sport 7 indique dans une attestation du 1er décembre 2011 que la société Double d'Import lui a acheté une collection complète de chaussures Rivat dans divers pointures ;

Qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, et étant relevé que la société Double d'Import ne conteste pas équiper ses chaussures de boxe de la semelle litigieuse et n'a produit aucune pièce probante de nature à établir son affirmation selon laquelle toutes les chaussures de sport ont des semelles quadrillées, il y a lieu de dire et juger que celle-ci a commis des actes de parasitisme à l'encontre de la société Création Sport Chaussure ;

Considérant sur le préjudice, que l'appelante ne peut se prévaloir d'un devis de 2014 concernant la création de 149 paires de chaussures ni de factures de 2013 pour établir l'étendue de ses investissements réalisés en 1998 et en 1999 ; que la cour trouve néanmoins en la cause les éléments suffisants pour lui allouer la somme de 30 000 euro en réparation de son entier préjudice résultant des actes de parasitisme commis à son encontre, le surplus de la demande, notamment la demande visant à obtenir une mesure d'interdiction étant rejetée ;

Sur la demande incidente de la société Double d'Import

Considérant que par voie d'appel incident la société Double d'Import reproche au Tribunal de l'avoir déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour dénigrement formée contre Madame Rivat et la société Création Sport Chaussure ;

Que l'intimée produit à l'appui de sa demande différents courriels et courriers à en-tête Rivat adressés à des tiers et par lesquels la société Création Sport Chaussure et Madame Rivat alertent sur le fait que les chaussures de la société Double d'Import constituent des copies des chaussures Rivat Top et Rivat F1 objets de dépôts auprès de l'INPI et prétendument protégés par le droit d'auteur ;

Que le tribunal a cependant justement relevé que si ces courriers mettent en garde les tiers sur le risque encouru par des faits de contrefaçon, une action étant engagée à ce titre, ils sont rédigés en termes neutres qui ne dépassent pas l'exposé du litige et ne comportent aucun propos dénigrants à l'encontre de la société Double d'Import ;

Que la demande incidente en dommages-intérêts sera en conséquence rejetée ;

Sur les autres demandes

Considérant que la société Double d'Import qui succombe sera condamnée aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Qu'en outre, elle doit être condamnée à verser à la société Création Sport Chaussure, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 5 000 euro.

Par ces motifs, Infirme le jugement rendu entre les parties le 12 décembre 2013 par le Tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a débouté la société Double d'Import de sa demande de dommages-intérêts pour dénigrement, Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette la demande tendant à voir supprimer les paragraphes figurant en pages 16, 18, 58 et 59 des écritures signifiées le 23 juillet 2014 par la société Double d'Import et la demande de cette dernière tendant à voir écarter les photographies figurant en pages 8 à 14, et 47 et 48 des conclusions des appelantes, Déclare recevables les demandes additionnelles concernant le modèle de chaussures Rivat F1, Déboute la société Double d'Import de sa demande en nullité des modèles de chaussure n° 986352 du 29 octobre 1998 (représentations 2 et 4), Dit que les chaussures Rivat Top et Rivat F1 ne peuvent bénéficier de la protection instaurée par le livre I du Code de la propriété intellectuelle relatif au droit d'auteur, Déboute Madame Guilène Rivat et la société Création Sport Chaussure de leurs demandes en contrefaçon, Dit qu'en équipant les chaussures de boxe Adidas référencés ADISFS02 et ADISFS03 des semelles crées par la société Création Sport Chaussure, la société Double d'Import a commis des actes de parasitisme à l'encontre de cette dernière, Condamne la société Double d'Import à payer à la société Création Sport Chaussure la somme de 30 000 euro en réparation des actes de parasitisme commis à son encontre, Déboute la société Double d'Import de sa demande en dommages-intérêts pour dénigrement, Condamne la société Double d'Import à payer à la société Création Sport Chaussure la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette le surplus des demandes, Condamne la société Double d'Import aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.