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Décisions

CA Metz, ch. com., 15 janvier 2015, n° 12-02975

METZ

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Equip Pharma (SARL)

Défendeur :

Synergies (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Burkic

Conseillers :

Mmes Knaff, Cunin-Weber

Avocats :

Mes Rozenek, Henaff

TGI Metz, ch. com., du 8 fév. 2010

8 février 2010

EXPOSE DU LITIGE

Par exploit d'huissier en date du 21 décembre 2010 la SARL Equip Pharma a fait assigner devant la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz la SAS Synergies afin de voir condamner la défenderesse à lui payer les sommes suivantes :

- 53 820 euro TTC au titre de la facture du 25 janvier 2009, correspondant à la commission de 6 % sur le montant de la vente de robots conclue le 13 mars 2008 avec la pharmacie Serrier de Montigny-Les-Metz, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de la facture ;

- 5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui comprendront les frais engagés pour l'établissement du constat d'huissier de Maître Mougey du 11 février 2010.

La SAS Synergies a demandé au tribunal de :

- déclarer la demande irrecevable en raison du défaut de droit à agir de la SARL Equip Pharma ;

- subsidiairement, débouter la demanderesse de l'ensemble de ses prétentions;

- condamner la SARL Equip Pharma au paiement de la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens y compris le coût du constat de Maître Mougey en date du 11 février 2010.

Par jugement du 13 mars 2012, la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit à agir soulevée par la défenderesse ;

- débouté la SARL Equip Pharma de l'ensemble de sa demande ;

- condamné la SARL Equip Pharma à payer à la SAS Synergies la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamné la SARL Equip Pharma aux dépens.

Les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir au motif que le contrat d'agent commercial du 21 novembre 2005 était réputé avoir été souscrit par la SARL Equip Pharma dès l'origine.

Sur le fond, ils ont retenu que :

- la première commande du 13 mars 2008 n'ayant pas été exécutée en raison de son annulation par le client et n'ayant au surplus donné lieu à aucun encaissement de la part de l'agent principal ou du mandant d'origine, le droit à commission de la SARL Equip Pharma s'était éteint ;

- les allégations de la SARL Equip Pharma sur la prétendue annulation de complaisance de la commande du 13 mars 2008 pour éviter le versement d'une commission n'étaient confortées par aucun élément objectif tangible.

Par déclaration du 4 mai 2012 enregistrée sous le n° 12-01296, la SARL Equip Pharma a interjeté appel de cette décision.

Un appel a également été formé par la SAS Synergies le 9 octobre 2012 enregistré sous le n° 12-2975.

Par décision du 24 janvier 2013, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de ces deux procédures sous le n° 12-2975.

Aux termes de ses dernières conclusions du 12 juin 2013, la SARL Equip Pharma demande à cette cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

- rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Synergies ;

- condamner la SAS Synergies au paiement des sommes de :

53 820 euro au titre de la facture du 25 janvier 2009, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date de la facture,

5 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision,

7 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la SAS Synergies aux dépens, y compris les frais engagés pour l'établissement du constat d'huissier.

Par décision du 18 septembre 2014, le président de cette chambre a rejeté la requête en rabat de l'ordonnance de clôture du 4 septembre 2014 présentée par la SAS Synergies et a écarté de façon subséquente les conclusions transmises le 4 septembre 2014 par la SAS Synergies ainsi que les deux pièces y annexées portant les numéros 18 et 19.

Selon ses dernières conclusions déposées régulièrement le 10 octobre 2013, la SAS Synergies demande à cette juridiction d'infirmer la décision déférée et de :

- déclarer irrecevable la demande de la SARL Equip Pharma en raison de la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir à son encontre ;

- subsidiairement, débouter la SARL Equip Pharma de ses prétentions ;

- condamner en tout état de cause la SARL Equip Pharma aux dépens, incluant le coût du procès-verbal de constat de Maître Mougey du 11 février 2010, ainsi qu'au paiement de la somme de 7.000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Synergies

La SAS Synergies se prévaut de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de la SARL Equip Pharma, aux motifs que le contrat d'agent commercial a été conclu avec Christine Royer et qu'il n'a pas été repris par la société une fois immatriculée.

Le contrat d'agent commercial du 21 novembre 2005 mentionne en page 1 qu'il est conclu entre la société Synergies, dénommée agent principal, et " Christine Royer, gérante, [...] (immatriculation en cours) " et en page 7 que l'agent commercial est " représentée par Christine Royer gérante ".

L'article R. 210-5 du Code de commerce, relatif à la constitution des sociétés à responsabilité limitée, dispose en son dernier alinéa que " les associés peuvent, dans les statuts ou par acte séparé, donner mandat à l'un ou plusieurs d'entre eux ou au gérant non associé qui a été désigné, de prendre des engagements pour le compte de la société. Sous réserve qu'ils soient déterminés et que les modalités en soient précisées par le mandat, l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés emporte reprise de ces engagements par la société ".

Un tel mandat peut être donné postérieurement à l'acte conclu au nom de la société.

La Cour de cassation a par ailleurs admis que la seule signature des statuts comportant la clause de détermination des pouvoirs du gérant valait mandat donné à celui-ci d'engager la société en formation, cette formalité emportant ensuite reprise automatique des engagements.

En l'espèce, la décision collective prise par les associés de la SARL Equip Pharma le 5 décembre 2005 ayant nommé Christine Royer gérante de la SARL Equip Pharma stipule que " dans ses rapports avec les tiers de bonne foi, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société ".

Les pièces produites par la SARL Equip Pharma démontrent en outre que la SA Synergies a réglé par chèques émis à l'ordre de la SARL Equip Pharma plusieurs factures de commissions établies par cette dernière, ce qui prouve que la SA Synergies a bien identifié la SARL Equip Pharma comme étant son cocontractant et ce, nonobstant l'absence de précision du nom de la société en cours d'immatriculation dans le contrat du 21 novembre 2005.

Il en résulte que le contrat d'agent commercial du 21 novembre 2005, conclu par Christine Royer pour le compte de la SARL Equip Pharma alors en cours d'immatriculation, a bien été repris par cette dernière.

Le tribunal a donc rejeté à juste titre la fin de non-recevoir soulevée par la SA Synergies.

Sur le fond

L'article 5 (commissions) du contrat d'agent commercial du 21 novembre 2005 stipule que : "l'agent principal paiera à l'agent commercial sur les affaires conclues par lui sur les officines attribuées une commission égale à 6% du chiffre d'affaires hors taxes encaissé effectivement par le mandant d'origine [la société de droit italien Tecnilab SPA]. Le droit à la commission est acquis à l'agent commercial dès l'acceptation par l'agent principal de la commande qui lui est transmise et dès encaissement par le mandant d'origine. Toutefois le droit à la commission s'éteint dans les trois cas suivants :

a) la commission n'est plus due sur les commandes acceptées par l'agent principal mais non exécutées si l'inexécution ne provient pas de circonstances imputables à l'agent principal ;

b) la commission n'est plus due sur les commandes exécutées par l'agent principal mais non payées par le client; en ce cas l'agent commercial s'oblige à entreprendre toutes démarches utiles auprès du client défaillant ;

c) il n'est dû aucune commission sur les commandes acceptées par l'agent principal que la force majeure l'aurait empêchée d'exécuter.

Les commissions sont payables dans les conditions suivantes: le mois suivant l'encaissement par le mandant d'origine de l'acompte obligatoire de 40 % du montant de la commande TTC. Le paiement de la commission a lieu par chèque ou virement bancaire dès réception du paiement par l'agent principal et sur présentation d'une facture régulière de l'agent ".

Le 13 mars 2008, la pharmacie Serrier, située à Montigny-Les-Metz, a fait l'acquisition auprès de la société Tecnilab SPA, mandant d'origine, représentée par Christine Royer, du matériel suivant dans le cadre de la mise en place d'un système d'automatisation de stocks en officine :

- 1 Dreamtec 1060 hauteur 230

- 2 Dreamtec 1060 hauteur 270

- 1 Movetec hauteur 230

- 2 Airtec

- 1 système d'acheminement indépendant pour les produits hors automate

- 3 chargeurs automatiques Explorer

Et ce, sous les conditions suspensives suivantes :

- obtention d'un contrat de location avec la société Pharmalease,

- acceptation du dossier par Tecnilab SA représentée par M. Gervasi.

La pharmacie Serrier a émis le jour du contrat précité un chèque d'acompte de 358 800 euro au profit de Tecnilab.

Par courrier du 15 juin 2009, la pharmacie Serrier a demandé à la société Tecnilab de bien vouloir annuler sa commande du 13 mars 2008 en indiquant que son projet initial avait significativement évolué.

La société Tecnilab a restitué à la pharmacie Serrier le chèque d'acompte par courrier du 26 août 2009.

Parallèlement, la pharmacie Serrier a accepté le 16 juin 2009 la proposition commerciale de la société Tecnilab portant sur l'acquisition du matériel suivant :

- 1 Dreamtec 1060 hauteur 230

- 2 Dreamtec 1060 hauteur 270

- 6 gares d'arrivée

- 2 semaines de formation

- 1 software et unité informatique de gestion,

Moyennant la somme de 750 000 euro identique à la première commande et un acompte de 358 800 euro financé par la société Pharmalease.

La seconde commande reprend les trois robots Dreamtec, dont la présence dans la pharmacie Serrier a été constatée par Maître Mougey, Huissier de Justice, le 11 février 2010, constituant l'essentiel de la commande du 13 mars 2008.

Par ailleurs, si la liste du matériel objet du contrat de vente du 13 mars 2008 ne mentionne pas de gares d'arrivée, cette configuration avait bien été envisagée dans le cadre de la première commande comme le démontre la dernière version de juin 2007 des plans exécutés par Christine Royer et annexés au constat d'huissier.

Au regard de ces éléments, l'attestation délivrée le 8 septembre 2009 par Giancarlo Gervasi, président de la société Technilab SPA, selon laquelle après examen des conditions de faisabilité de la commande du 13 mars 2008 concernant la pharmacie Serrier, celle-ci leur a paru " trop risquée pour pouvoir apporter à ce client une solution techniquement satisfaisante ", ne peut être retenue comme probante.

Il convient de plus de relever que d'après le courrier du 18 mars 2009 adressé par le conseil de la SAS Synergies à Christine Royer, indiquant que le dossier de la pharmacie Serrier " a été transmis au bureau d'étude de Technilab SPA ", cette dernière ne s'était alors toujours pas prononcée sur la faisabilité de l'opération formalisée un an auparavant alors même que le contrat de vente mentionnait une livraison à février 2009.

Il sera également observé que la commande du 16 juin 2009 stipule une livraison en juin 2009, c'est-à-dire quasiment immédiate, alors que le contrat du 13 mars 2008 fixait un délai de livraison de l'ordre de 11 mois.

Il ressort nécessairement de cette constatation que les robots Dreamtec livrés en juin 2009 sont ceux commandés le 13 mars 2008.

Si l'accord de financement de Pharmalease du 16 juillet 2009 ne précise pas la date de la commande à laquelle il se rapporte, il a néanmoins été sollicité dans le cadre de la première commande tel que cela résulte de la première condition suspensive stipulée dans l'acte de vente et le projet d'avenant au contrat de location daté du 13 mars 2008 mentionnant notamment que :

- le locataire a commandé un robot à la société Technilab pour un montant de 750 000 euro et a choisi le loueur pour financer cet équipement dans le cadre d'un contrat de location ;

- le fournisseur a accepté la commande du locataire sous réserve de la réception d'un acompte prévu à la prise de commande et que le locataire a demandé au loueur de régler pour elle.

De surcroît, comme le relève l'appelante, au mois de mars 2009, la validité du chèque d'acompte émis le 13 mars 2008 par la pharmacie Serrier avait expiré et il n'est pas allégué de la remise d'un nouveau chèque d'acompte lors de la conclusion de la commande du 16 juin 2009, mentionnant " A ce jour, l'acheteur verse au vendeur la somme de 358 800 euro. L'acompte de 40 % devra parvenir sur le compte de Technilab au plus tard le - Financement par la Sté Pharmalease ", alors même que la livraison est prévue au mois de juin 2009.

Il y a lieu également de remarquer que la lettre d'annulation de la pharmacie Serrier adressée à la société Technilab en Italie le 15 juin 2009 mentionne comme lieu de rédaction la ville de Bron qui s'avère être le siège social de la société Synergies, comme le démontre l'extrait Kbis versé aux débats par la société Equip Pharma, et que le second contrat a été signé par la pharmacie Serrier le lendemain, soit avant même la réception par Technilab du courrier d'annulation qui n'apparaît pas avoir fait l'objet d'un envoi par télécopie.

Il ressort des motifs précités qu'il n'y a eu véritablement ni annulation ni inexécution de la commande du 13 mars 2008 et que la société Technilab a encaissé, à tout le moins in fine, au titre dudit contrat l'acompte de 358 800 euro.

Dans ces conditions, la commission de 6 % sur le montant de la commande est due à la SARL Equip Pharma.

Il convient donc d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant rejeté la fin de non-recevoir et, statuant à nouveau dans cette limite, de condamner la SA Synergies à payer à la SARL Equip Pharma la somme de 53 820 euro, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 janvier 2009.

La SARL Equip Pharma sera en revanche déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, faute de rapporter la preuve d'un préjudice distinct de celui résultant de la nécessité de plaider est indemnisé dans le cadre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SAS Synergies, qui succombe, supportera les dépens des deux instances, en ce compris les frais du constat d'huissier de Maître Mougey du 11 février 2010 exécuté sur le fondement de l'ordonnance sur requête du président de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz en date du 8 février 2010.

La SAS Synergies ne peut prétendre de façon subséquente à l'octroi d'une indemnité au titre de ses frais non répétibles.

Enfin, l'issue du litige commande de ne pas laisser à la charge de la SARL Equip Pharma les frais par elle exposés au cours des deux procédures et non compris dans les dépens.

La SAS Synergies sera donc condamnée à lui verser la somme de 4 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit à agir de la SARL Equip Pharma, Statuant à nouveau dans cette limite, Condamne la SAS Synergies à payer à la SARL Equip Pharma la somme de 53 820 euro, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 janvier 2009, Déboute la SARL Equip Pharma de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, Condamne la SAS Synergies aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais du constat d'huissier de Maître Mougey du 11 février 2010 exécuté sur le fondement de l'ordonnance sur requête du président de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz en date du 8 février 2010, Condamne la SAS Synergies à verser à la SARL Equip Pharma la somme de 4 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.