Cass. com., 10 février 2015, n° 13-19.442
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Ferrero France (SA), Ferrero Spa (Sté)
Défendeur :
Wiha (SARL), Wiha GmbH (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Darbois
Avocats :
SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Bénabent, Jéhannin
LA COUR : - Donne acte aux sociétés Ferrero Spa et Ferrero France du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Wiha GmbH ; - Sur le moyen unique, pris en ses quatre dernières branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 février 2013), que la société Ferrero Spa, distributeur de produits de chocolaterie, confiserie et biscuiterie sous la marque Kinder, est titulaire de la marque internationale tridimensionnelle définie comme un produit de pâtisserie constitué par une plaque supportant quatre portions semi-cylindriques régulières sur lesquelles s'étendent des cordons transversaux, enregistrée sous le numéro 665 564 le 26 novembre 1996, renouvelée le 26 novembre 2006 et revendiquant la France, pour désigner la confiserie ; que cette société et la société Ferrero France, qui commercialise ces produits en France, ont assigné la société Wiha SARL (la société Wiha) en contrefaçon de marque ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire ;
Attendu que les sociétés Ferrero Spa et Ferrero France font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen : 1°) que si la cour d'appel relève, qu'en tout état de cause, la marque internationale n° 665 564 est composée de quatre portions semi-cylindriques régulières, tandis que " la barre chocolatée commercialisée par la société Wiha SARL " n'est " pas nettement pré-découpée en portions, seuls deux cordons transversaux apposés sur cette barre formant sillons diagonaux qui seront perçus comme un décor ", une telle motivation ne permet pas de déterminer si elle se réfère ainsi à la barre chocolatée incriminée ou à la représentation de celle-ci sur les emballages sous lesquels elle est commercialisée ; qu'en statuant par une telle motivation ambiguë, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 2°) que la fonction essentielle de la marque est de garantir non seulement à l'acheteur mais également à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service marqué, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance ; que le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de l'ensemble des circonstances pertinentes du cas d'espèce, et notamment des conditions dans lesquelles le produit incriminé se présente pour le consommateur final ; qu'un risque de confusion dans l'esprit de ce dernier suffit à caractériser une atteinte au droit de marque ; qu'en appréciant le risque de confusion au regard des " conditions d'achat ou de présentation au public " des barres chocolatées incriminées et en se fondant, pour écarter un tel risque, sur le fait qu'au moment de l'achat, les barres chocolatées des sociétés Wiha sont conditionnées dans des emballages opaques, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, postérieurement à l'acte d'achat, la seule forme du produit incriminé de la société Wiha n'était pas susceptible de conduire le consommateur du produit, qui n'est pas nécessairement l'acheteur de celui-ci, à confondre cette barre avec celle objet de la marque internationale n° 665 564 et de créer ainsi un risque de confusion sur l'origine des produits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'apprécier à la lumière de l'article 5, paragraphe 1, sous b) de la directive 2008-95-CE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ; 3°) que l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci ; qu'en se bornant à relever que la marque internationale n° 665 564 est composée de quatre portions semi-cylindriques régulières et que la " barre chocolatée commercialisée par la société Wiha France " n'est pas " nettement prédécoupée en portions, seuls deux cordons transversaux apposés sur cette barre formant sillons diagonaux qui seront perçus comme un décor ", sans prendre en considération le fait que la marque n° 665 564 ne comprenait pas uniquement des portions semi-cylindriques mais également, elle aussi, des cordons transversaux et qu'elle était, en outre, composée d'une plaque de base, avec les extrémités des cordons superposées au bord de ladite plaque, et sans comparer l'impression d'ensemble ainsi produite par cette marque avec celle produite par la " barre chocolatée commercialisée par la société Wiha France ", la cour d'appel a violé l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'apprécier à la lumière de l'article 5, paragraphe 1, sous b) de la directive 2008-95-CE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ; 4°) que l'exploitant d'une marque est fondé à obtenir la réparation de son préjudice propre, peu important que les éléments sur lesquels il fonde sa demande en concurrence déloyale soient matériellement les mêmes que ceux pour lesquels le titulaire de la marque a obtenu une condamnation pour actes de contrefaçon ; que dans ses conclusions d'appel, la société Ferrero France faisait valoir qu'en tant qu'exploitante en France des marques invoquées par la société Ferrero Spa, elle était fondée à agir en concurrence déloyale et parasitaire pour demander la réparation du préjudice propre qu'elle avait subi du fait des actes de contrefaçon ; qu'ainsi, la cassation à intervenir du chef ayant rejeté les demandes de la société Ferrero Spa pour contrefaçon entraînera, par voie de conséquence, celle de l'arrêt en ce qu'il a débouté la société Ferrero France de ses demandes pour concurrence déloyale et parasitaire, et ce en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant comparé la marque invoquée, d'un côté, avec la représentation de la barre chocolatée sur l'emballage du produit incriminé et, de l'autre, avec la barre chocolatée commercialisée par la société Wiha, la cour d'appel a statué par des motifs dépourvus d'ambiguïté ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'après avoir relevé que les produits litigieux sont commercialisés dans un emballage coloré sur lequel figurent, outre leur dénomination " Milk Jumbo & Hazelnut ", " Milk Jumbo & Noisette ", " Milk Jumbo & Cacao " ou " Milk Jumbo & Noix de Coco ", un morceau de barre chocolatée, en position cavalière, sortant d'une flaque de lait et " croqué ", l'arrêt retient que cette représentation de la barre chocolatée ne constitue pas l'élément dominant de l'emballage ; qu'il en déduit qu'il n'existe aucun risque de confusion entre le produit tel qu'offert à la vente dans son emballage et la marque invoquée ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a procédé à la comparaison d'ensemble des signes en présence, en fonction de leurs éléments distinctifs et dominants, et en se plaçant, à bon droit, au moment où s'opère le choix entre les différents produits mis sur le marché et vis-à-vis du consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, a, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, légalement justifié sa décision ;
Et attendu, enfin, que le rejet du moyen, pris en ses trois premières branches, rend le grief de la dernière branche sans objet ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le grief de la première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.