CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 26 février 2015, n° 12-18905
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Porte, Apodiss (SAS)
Défendeur :
Groupe Cardinal (SARL), Financière Cardinal (SAS), Cardinal Investissement (SAS), Cardinal Entreprises (SAS), Pierre Nallet Immobilier (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Mme Perrin
Conseillers :
MM. Birolleau, Douvreleur
Avocats :
Mes Cottin, Lelievre, Fisselier
Faits et procédure
La société Groupe Cardinal a été créée en 1998 par M. Jean-Christophe Larose et elle exerce une activité d'études immobilières et de promotion immobilière au moyen de sociétés filiales dédiées.
M. Jean-Michel Porte, professionnel de l'immobilier et du bâtiment, a été employé pendant 15 ans par la société Sogelym Steiner, au sein de laquelle il a exercé en dernier lieu les fonctions de directeur régional pour la moitié sud de la France. A la suite de poursuites pénales dont il a été l'objet, il a été licencié en 2002 et s'est alors rapproché de M. Larose et de la société Groupe Cardinal. Une collaboration entre eux a été mise en place à travers la constitution en 2003 d'une nouvelle société, la société Cardinal Contracting. Créée par M. Porte, la société Apodissimo, devenue la société Apodiss, a pris une participation de 33 % au capital de la société Cardinal Contracting, les parties ayant convenu que cette participation serait portée par la société Groupe Cardinal jusqu'à l'aboutissement des poursuites pénales visant M. Porte.
Le 27 octobre 2005 une convention d'assistance et de prestation de services a été conclue entre les sociétés Groupe Cardinal et Apodiss, aux termes de laquelle celle-ci recevrait, en contrepartie des prestations qu'elle fournirait, une rémunération forfaitaire mensuelle de 20 000 euros HT et une rémunération proportionnelle, égale à 0,8 % du chiffre d'affaires réalisé dans le cadre des opérations immobilières auxquelles elle aurait apporté son concours.
Au mois de juin 2007, M. Porte comparaissant devant le Tribunal correctionnel de Lyon, la société Groupe Cardinal a décidé de mettre fin à leur collaboration et un protocole d'accord a été conclu le 2 août 2007 pour résilier la convention de 2005 et régler les conséquences financières de cette résiliation.
A partir du mois de juin 2008, les intéressés sont entrés à nouveau en relation d'affaires et la société Groupe Cardinal a confié plusieurs missions à la société Apodiss. Les relations entre ces sociétés et leur dirigeant se sont cependant dégradées et, par lettre du 30 juin 2010, la société Groupe Cardinal a notifié à la société Apodiss sa décision de mettre fin à leurs relations.
La société Apodiss a considéré que toutes les rémunérations auxquelles elle avait droit ne lui avaient pas été versées et que les relations commerciales établies avec la société Groupe Cardinal avaient été brutalement rompues, sans le préavis suffisant requis par l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce. Le 27 janvier 2011, la société Apodiss et son dirigeant, M. Porte, ont assigné devant le Tribunal de commerce de Lyon la société Groupe Cardinal et d'autres sociétés de son groupe, les sociétés Financière Cardinal, Cardinal Investissement, Cardinal Entreprise et Pierre Nallet immobilier.
Par jugement rendu le 26 juillet 2012, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Lyon a :
- condamné la société Groupe Cardinal à payer à la société Apodiss la somme de 46 000 au titre de la rupture brutale des relations commerciales ;
- débouté la société Apodiss de l'ensemble de ses autres demandes ;
- débouté M. Porte de l'ensemble de ses demandes et l'a invité à mieux se pourvoir auprès de la juridiction compétente ;
- débouté la société Groupe Cardinal de sa demande de dommages et intérêts ;
- condamne la société Groupe Cardinal à payer à la société Apodiss la somme de 1 000 au titre de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté par la société Apodiss et M. Porte le 22 octobre 2012 contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Apodiss et M. Porte le 3 juin 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société groupe Cardinal à payer à la société Apodiss diverses sommes au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies ;
- le réformer pour le montant alloué et le surplus ;
1/ Sur l'exécution de la convention,
- constater que la convention s'est poursuivie en raison du retour de M. Porte dans la société Groupe Cardinal ;
- constater que la société Groupe Cardinal reste devoir à la société Apodiss la somme de 180 000 HT au titre de sa rémunération fixe, de 445 625,63 HT au titre de sa rémunération variable et de 716 232 HT au titre de sa rémunération variable exigible à ce jour ;
En conséquence,
- condamner la société Groupe Cardinal à payer à la société Apodiss la somme de 180 000 HT au titre de sa rémunération fixe pour la période du 1er juin 2008 au 30 juin 2010 ;
- condamner la société Groupe Cardinal à payer à la société Apodiss la somme de 558 233,63 HT au titre de sa rémunération variable pour la période du 1er juin 2008 au 30 juin 2010 ;
- condamner la société Groupe Cardinal à payer à la société Apodiss la somme de 716 232 HT au titre de sa rémunération variable exigible à ce jour pour la période du 1er juin 2008 au 30 juin 2010 ;
- condamner la société Groupe Cardinal à payer à la société Apodiss la somme de 633 136 HT au titre de sa rémunération variable exigible à ce jour pour l'année 2012 ;
2/ Sur la communication d'informations par la société Groupe Cardinal et ses filiales
- constater que les projets suivants sur lesquels la société Apodiss a précédemment travaillé ne sont pas encore achevés à ce jour : Alliade Bron, Mama Shelter Lyon, ZAC de la marine RT, ZAC de la marine logements, Atlis Gerland BX, Atlis Gerland RHVS, Atlis Gerland Hôtel, Capitainerie, Bâtiment Z, Mama Shelter Strasbourg, La Plagne RT, Columbus Confluence, Spie Dardilly, Franc Rosier Clermont, Route de Vienne, Villefranche Multiplex, Ephad Mutualité, Loomis Bollier ;
- constater que la société Apodiss est bien fondée à percevoir une rémunération variable sur ces opérations dès leur achèvement ;
En conséquence,
- condamner la société Groupe Cardinal ou la filiale qui le devra à communiquer à la société Apodiss les actes signés ou les autorisations obtenues assurant la société Cardinal de la réalisation de l'opération, et précisant les avenants ou les ajustements sur les prix définitifs eu égard aux moins et plus-values et/ou travaux supplémentaires, et ce dans le délai de 8 jours à compter de leur obtention, et ce sous astreinte comminatoire d'un montant de 1 000 par jour de retard ;
- débouter les parties adverses de leurs moyens, fins et prétentions ;
3/ Sur le non-respect du délai de préavis contractuel
- constater que la convention du 27 octobre 2005 prévoyait un délai de préavis de 3 mois en cas de dénonciation de l'une des parties ;
- constater que la société Groupe Cardinal a indiqué à la société Apodiss vouloir résilier cette convention de manière immédiate ;
En conséquence,
- condamner la société Groupe Cardinal et/ou ses filiales à payer à la société Apodiss la somme de 60 000 HT au titre des trois mois de préavis qui auraient dû être laissés à la société Apodiss ;
4/ Sur la rupture brutale de relations commerciales établies
- constater que la société Apodiss était dans une situation de dépendance économique accrue par rapport à la société Groupe Cardinal ;
- constater que la société Groupe Cardinal a souhaité rompre toutes ses relations commerciales établies depuis près de 7 ans avec la société Apodiss sans aucun préavis ;
En conséquence,
- condamner la société Groupe Cardinal et/ou ses filiales à payer à la société Apodiss la somme de 616 086 HT au titre de la perte de marge brute bénéficiaire subie par la société Apodiss suite à cette rupture brutale ;
5/ Sur la rupture brutale des pourparlers et l'indemnisation du préjudice subi
- constater que la société Groupe Cardinal et la société Apodiss entretenaient des pourparlers à un stade avancé sur le transfert d'actions de la société Financière Cardinal au profit de la société Apodiss ;
- constater que ce projet de cession d'actions a été abandonné suite à la rupture par la société Groupe Cardinal de ses relations avec la société Apodiss ;
En conséquence,
- condamner la société Groupe Cardinal à payer à la société Apodiss la somme de 900 000 au titre du préjudice subi suite à la rupture brutale de ces négociations, sauf à parfaire en fonction des chiffres d'affaires consolidés 2009 et 2010 ;
- condamner la société Groupe Cardinal à payer à M. Porte la somme de 100 000 au titre du préjudice subi suite à la rupture brutale de ces négociations ;
En tout état de cause,
- condamner la société Groupe Cardinal à payer à la société Apodiss la somme de 10 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
En premier lieu, les appelants font valoir que si la résiliation, en 2007, de la convention de 2005 avait mis fin aux relations que les parties entretenaient jusqu'alors, la reprise d'une collaboration dans le futur n'avait nullement était exclue. Ils soutiennent que les parties ont décidé d'en faire une nouvelle application à partir de 2007 et que leur partenariat a alors été conduit sur la base de cette convention. Ils réclament, en conséquence, le paiement des rémunérations fixe et variable calculées selon cette convention, déduction faite des sommes déjà reçues. S'agissant de la rémunération variable calculée sur la base des chiffres d'affaires réalisés, les appelants demandent la communication d'informations relatives à tous les chantiers en cours.
En deuxième lieu, les appelants rappellent que la convention de 2005 prévoyait qu'elle pouvait être résiliée sous condition d'un préavis de trois mois. La résiliation du 30 juin 2010 ayant été faite sans préavis, ils réclament une somme égale à trois mois de rémunération fixe.
En troisième lieu, les appelants font valoir que la société Groupe Cardinal, en résiliant la convention, a contrevenu aux dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce puisqu'elle a rompu, sans préavis écrit, les relations commerciales établies avec la société Apodiss. Ils considèrent qu'un délai de préavis d'une année aurait dû être accordé à la société Apodiss.
En quatrième lieu, les appelants prétendent que la société Groupe Cardinal a rompu brutalement et abusivement les pourparlers relatifs à une cession d'actions qui aurait permis à la société Apodiss d'entrer au capital de la société Financière Cardinal, qui avait jusqu'alors pour associé unique la société Groupe Cardinal.
Vu les dernières conclusions signifiées le 28 octobre 2014 par les sociétés Groupe Cardinal, Financière Cardinal, Cardinal Investissement, Cardinal Entreprises et Pierre Nallet Immobilier, par lesquelles il est demandé à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a prononcé la condamnation de la société groupe Cardinal à verser à la société Apodiss la somme de 46 000 à titre de dommages-intérêts et celle de 1 000 euros en application de l'article 700 Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens, et débouté les concluantes de leurs demandes reconventionnelles ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
- débouter la société Apodiss et M. Porte de l'intégralité de leurs fins, moyens et prétentions ;
- condamner in solidum M. Porte et la société Apodiss à supporter les entiers dépens tant de première instance que d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP AFG conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à verser à la société Groupe Cardinal la somme de 20 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les sociétés intimées exposent que les sociétés Groupe Cardinal et Apodiss ont progressivement repris une nouvelle collaboration à partir du mois de juin 2008. Elles précisent que si cette collaboration n'a pas été formalisée par une convention écrite, elle a donné lieu à l'émission par la société Apodiss de factures en contrepartie de ses prestations, lesquelles ont été intégralement payées ; c'est ainsi qu'elles précisent que la société Apodiss a facturé et reçu à ce titre, en 2009, la somme de 263 120 euros TTC et, en 2010, la somme de 119 600 euros TTC, sans qu'elle n'ait élevé aucune protestation.
Elles soutiennent que le protocole de 2007 avait définitivement mis fin à la convention de 2005, contre l'attribution à M. Porte de diverses indemnités, et qu'en conséquence c'est une nouvelle relation d'affaires qui s'était nouée à partir de juin 2008 entre les sociétés Groupe Cardinal et Apodiss. Elles font valoir qu'elles ont exécuté intégralement leurs obligations envers la société Apodiss, en lui payant les sommes qui leur étaient facturées, et que les demandes présentées sont sans aucun fondement.
En ce qui concerne la rupture brutale de relations commerciales établies qui leur est reprochée, les intimées soutiennent que la société Apodiss a manqué à ses obligations contractuelles de bonne foi et de loyauté, son dirigeant s'étant comporté de manière déloyale et ayant, dans les semaines qui ont précédé la rupture, tenu devant des tiers des propos dénigrants. Elles font valoir par ailleurs que la rupture n'a pas été brutale, puisque M. Porte s'est, après la résiliation, maintenu dans les locaux de la société Groupe Cardinal jusqu'au début du mois d'août 2010 et qu'un courant d'affaires a été maintenu avec la société Apodiss à laquelle trois dossiers ont été confiés. Subsidiairement, les intimées soutiennent que la société Apodiss n'a subi aucun préjudice indemnisable et qu'elle ne peut fonder sa demande sur une relation remontant à 2003, puisqu'il y avait été mis en fin en 2007 par la conclusion d'un protocole transactionnel, aux termes duquel la société Apodiss s'était déclarée remplie de ses droits. Elles estiment que les relations n'ayant commencé qu'en juin 2008 pour s'achever en juin 2010, un préavis de trois mois était suffisant et qu'il a été observé.
Plus subsidiairement, les intimées contestent le calcul fait par les appelants et soutiennent que s'agissant d'une activité de prestation de services, la notion de marge brute n'est pas appropriée.
S'agissant de la rupture abusive de pourparlers qui leur est reprochée, les intimées font valoir que l'entrée de la société Apodiss au capital de la société Financière Cardinal était envisagée par compensation avec le solde des sommes dues par la société Groupe Cardinal en vertu du protocole transactionnel du 2 août 2007 et que la société Apodiss ayant choisi de demander le paiement de ce solde, elle a ainsi mis fin aux discussions sur ce projet. Elles contestent, par ailleurs, les allégations des appelants selon lesquelles M. Porte devait devenir directeur général de la société Financière Cardinal et exerçait déjà cette fonction dans les faits.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur les sommes réclamées par les appelants sur le fondement de la convention du 27 octobre 2005
Considérant que par convention de prestation de services du 27 octobre 2005, la société Groupe Cardinal s'est engagée à rémunérer les prestations fournies par la société Apodissimo, devenue Apodiss, par une rémunération forfaitaire mensuelle de 20 000 euros HT et une rémunération proportionnelle de 0,8 % du CA HT réalisé lors des opérations pour lesquelles elle interviendrait ; que les parties ont résilié cette convention par protocole transactionnel du 2 août 2007 ;
Considérant que les relations entre les sociétés Groupe Cardinal et Apodiss ont repris à partir de juin 2008, M. Porte, son représentant, revenant alors travailler au sein de la société Groupe Cardinal ; que par courrier du 30 juin 2010, la société Groupe Cardinal a mis fin à ces relations ;
Considérant que la société Apodiss soutient que les parties ont entendu appliquer à nouveau à partir de juin 2008 la convention de 2005 et qu'en conséquence, la société Groupe Cardinal lui est redevable de la rémunération prévue par cette convention ; qu'elle réclame ainsi les sommes de 180 000 euros HT au titre de sa rémunération fixe, de 558 233,63 euros HT et 716 232 euros HT au titre de sa rémunération variable pour la période allant du 1er juin 2008 au 30 juin 2010 et de 633 136 euros HT au titre de sa rémunération variable pour l'année 2012 ;
Mais considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes clairs et non équivoques du protocole transactionnel de 2007 que les parties ont entendu, par cet acte, mettre fin à la convention de 2005 ; que cette commune intention est attestée par l'objet même de ce protocole (pièce n° 13 produite par les appelants), en préambule duquel les parties ont rappelé qu'il existait entre elles " des liens économiques résultant de différents accords de partenariat " consistant, d'une part, dans la convention de prestation de services du 27 octobre 2005 et, d'autre part, dans la société en participation Cardiss ; que les parties ont indiqué dans ce préambule que " corrélativement à la comparution de M. Jean-Michel Porte devant le Tribunal correctionnel de Lyon au mois de juin 2007 (...), les actionnaires du groupe Cardinal ont souhaité mettre un terme aux différents accords visés ci-avant, afin de séparer les activités des sociétés du groupe Cardinal de celles de la société Apodiss " et qu'en conséquence, elles " se sont alors rapprochées afin de régler d'une manière globale et définitive les conséquences de la rupture de leurs relations passées, en acceptant de procéder à des concessions réciproques ci-après exposées " ; que l'objet de ce protocole était ainsi définie : " Art. 1er Objet du contrat. La présente convention a pour objet de définir les modalités de résiliation des relations existantes entre les sociétés Apodiss et Groupe Cardinal. Les sociétés Apodiss et Groupe Cardinal souhaitent d'un commun accord : - dénoncer la convention de prestation de services régularisée le 25 octobre 2005 (...) " ;
Considérant que, par ailleurs, les parties ont, dans ce protocole, réglé les conséquences financières de la rupture de toutes les relations entre elles ; qu'elles ont ainsi convenu que la société Groupe Cardinal verserait à la société Apodiss, d'une part, une " indemnité de résiliation " calculée compte tenu du solde des opérations en cours, et s'élevant à la somme de 1 148 000 euros et, d'autre part, une " indemnité forfaitaire " de 400 000 euros ; qu'elles ont, dans les termes suivants, expressément souligné le " caractère transactionnel " de ce protocole : " Art. 7 Caractère transactionnel du protocole. Les parties s'obligent à exécuter de bonne foi les présentes qui sont revêtues de l'autorité de la chose jugée conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du Code civil, et s'interdisent de présenter de nouvelles réclamations trouvant leur origine dans leurs relations antérieures, au titre notamment de la résiliation des différents accords existants entre elles, et ce, que cela soit directement ou indirectement (...) " ;
Considérant, en second lieu, que les relations entre les parties ayant repris à partir de juin 2008, la société Apodiss a perçu, d'une part, une rémunération forfaitaire mensuelle de 15 000 puis de 20 000 euros HT ; qu'à ce titre, la société Groupe Cardinal lui a versé les sommes de 220 000 euros HT en 2009 et de 100 000 euros HT pour les mois de janvier à juin 2010 ; que, d'autre part, la société Apodiss a perçu des rémunérations particulières en contrepartie des prestations spécifiques qu'elle a fournies sur certains projets ; qu'à ce titre, elle a perçu les sommes de 86 155,27 euros (Opération Saône Valley), 11 790,17 euros (Saône Valley), 29 050,84 euros (Loomis Avignon), 40 730,98 euros (SPA Brugheas), 53 820 euros (Loomis Rillieux), 36 033,09 euros (Loomis Rillieux) 45 487,23 euros (Institut Sandar), 20 059,31 euros (Opération Eckbolsheim) et 181 154,53 euros (Mama Shelter Marseille) ; Considérant que ces sommes ont été réglées par la société Groupe Cardinal au vu des factures émises par la société Apodiss (pièces n° 25, 26, 84, 85 et 86 produites par les appelants et n° 35 produite par les intimées) ; qu'en établissant ces factures, la société Apodiss n'a fait aucune référence à la convention de 2005 ; qu'elles ont toutes été réglées par la société Groupe Cardinal sans que la société Apodiss ne revendique le paiement de rémunérations supplémentaires qui seraient dues au titre de la convention de 2005 ;
Considérant que les appelants ne produisent ni pièce, ni témoignage qui attesterait de la commune intention des sociétés Groupe Cardinal et Apodiss d'appliquer à nouveau, à partir de juin 2008, la convention de 2005 résiliée en 2007 et qui viendrait étayer leur argument selon lequel les parties auraient alors convenu d'une " résurgence " de cette convention ; que dans le cours des relations d'affaires qu'elles ont entretenues de juin 2008 à juin 2010, les parties ne se sont pas référées à la convention de 2005 et elles n'en ont pas appliqué les stipulations, notamment celles fixant la rémunération de la société Apodiss ; que ce n'est que plusieurs mois après le courrier de résiliation de juin 2010 que la société Apodiss a demandé à la société Groupe Cardinal le paiement de sommes qu'elle prétendait dues au titre de la convention de 2005, en émettant 11 factures le 2 novembre 2010 (pièces appelants n° 33 à 43), 7 factures le 14 janvier 2011 (pièces appelants n° 44 à 50) et 4 factures le 31 décembre 2012 (pièces intimées n° 40) ; que, dès lors, force est de constater que si la nouvelle relation d'affaires qui s'est nouée en 2008 n'a pas été encadrée par un contrat écrit, aucun élément ne permet de considérer que les parties ont entendu qu'elle soit régie par la convention de 2005 ;
Considérant, enfin, que les appelants font valoir que la lettre de résiliation de la société Groupe Cardinal du 30 juin 2010 était ainsi rédigée : " Par les présentes, nous vous informons que nous souhaitons, à compter de ce jour, mettre un terme à la convention de prestations d'assistance et de montage liant la société Groupe Cardinal à la société Apodiss " (pièce n° 29 produite par les appelants) ; qu'ils considèrent que cette formule visait nécessairement la convention de 2005, ce qui constituerait la preuve qu'elle avait été remise en vigueur en 2008 ;
Mais considérant que ce courrier, rédigé en termes imprécis, ne contient aucune référence explicite à la convention de 2005 ; qu'on ne peut considérer qu'en employant les termes de " convention de prestations d'assistance et de montage " la société Groupe Cardinal a entendu viser la " convention d'assistance et de prestations de services " du 27 octobre 2005, alors que, comme la Cour vient de le relever, aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que les parties aient entendu appliquer à nouveau cette convention qu'elles avaient précédemment résiliée ;
Considérant qu'il en résulte que les appelants ne font pas la démonstration que la convention de 2005 aurait été remise en vigueur en 2008 et qu'il aurait été convenu d'accorder à la société Apodiss les rémunérations qui y étaient prévues ; qu'ils seront déboutés de leur demande en paiement de sommes qu'ils réclament sur le fondement de cette convention ; qu'ils seront, par conséquent, également déboutés de leur demande de communication des informations relatives aux opérations non encore achevées et qu'ils jugent nécessaires au calcul de leur rémunération sur le fondement de cette même convention ; que le jugement déféré sera donc confirmé ;
Sur la violation alléguée du délai de préavis prévu par la convention du 27 octobre 2005
Considérant que les appelants font valoir que la société Groupe Cardinal a, le 30 juin 2010, résilié la convention de 2005 sans respecter le délai de préavis de trois mois qui était prévu par son article 3 ;
Mais considérant que la cour a jugé que la convention de 2005 avait été résiliée par les parties en 2007 et qu'elle ne s'était pas appliquée aux relations nouées entre elles à partir de 2008 ; que les appelants seront donc déboutés de leur demande fondée sur le non-respect du préavis prévu par cette convention ; que le jugement sera donc confirmé ;
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies
Considérant que les appelants font valoir que la société Groupe Cardinal a contrevenu aux dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce en procédant, en juin 2010, à une rupture sans préavis des relations commerciales établies ; qu'ils demandent en réparation la somme de 086 HT au titre de la perte de marge brute bénéficiaire subie par la société Apodiss suite à cette rupture brutale ;
Considérant que la société Groupe Cardinal s'oppose à cette demande et soutient que la société Apodiss s'étant rendue fautive de mauvaise foi et de déloyauté, elle a commis des manquements contractuels justifiant qu'il soit mis fin sans préavis aux relations commerciales établies avec elle ;
Mais considérant qu'à l'appui de cette allégation, les intimées produisent une attestation de M. Jourdan, associé de la société Foncière Cardinal, qui fait état d'une conversation au cours de laquelle M. Porte lui aurait dit que M. Larose se droguait, qu'il ne s'occupait plus des sociétés du groupe Cardinal, lequel était totalement désorganisé et risquait de déposer son bilan (pièce intimées n° 31) ; que s'il n'y a pas lieu d'écarter par principe cette attestation au motif que son auteur se trouve dans les liens d'intérêts avec le groupe Cardinal dont il était associé, elle ne saurait cependant, à elle seule, constituer la preuve de fautes contractuelles propres à justifier une rupture sans préavis des relations commerciales établies entre les intéressés ;
Considérant que, par ailleurs, les intimées soutiennent que la société Groupe Cardinal a, après la résiliation intervenue le 30 juin 2010, maintenu une relation d'affaires en lui confiant une mission de montage et de développement sur trois dossiers en cours et que la rupture, par conséquent, a été précédée d'un préavis ; Mais considérant que cette affirmation n'est étayée d'aucun élément qui permettrait d'en établir la réalité et de démontrer que les relations entre les parties n'ont été rompues qu'au terme d'un préavis conforme aux exigences de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
Considérant, en ce qui concerne le montant de l'indemnité réclamée par les appelants, que ceux-ci font valoir que compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales établies entre les sociétés Groupe Cardinal et Apodiss, qu'ils font remonter à 2003, la résiliation de juin 2010 aurait dû être assortie d'un préavis d'une année ;
Mais considérant que les relations commerciales établies en 2003 entre les parties ont pris fin en 2007 et que le protocole transactionnel de 2007 ci-dessus évoqué a réglé les conditions financières de cette rupture ; que les sociétés Apodiss et Groupe Cardinal ont noué, à partir de juin 2008, de nouvelles relations commerciales ; qu'à la date à laquelle elles ont été rompues, c'est-à-dire en juin 2010, ces relations avaient donc deux ans d'ancienneté ; que c'est dès lors au regard de cette ancienneté que doit s'apprécier la durée du préavis qui aurait dû être accordé à la société Apodiss ;
Considérant que la société Apodiss soutient qu'il convient, de surcroît, de tenir compte de l'état de dépendance économique dans lequel elle se trouvait à l'égard de la société Groupe Cardinal, qui constituait son seul partenaire ;
Mais considérant que s'il est avéré que la société Apodiss n'a entretenu, pendant la période considérée, de relations qu'avec un seul partenaire, les sociétés du groupe Cardinal, cette situation n'est imputable qu'à son dirigeant, M. Laporte, qui, comme les appelants l'indiquent dans leurs écritures, a choisi, dans ses relations avec ces sociétés, " de fonctionner comme de véritables associés partageant l'affectio societatis " ; que, dès lors, s'il en est résulté un état de dépendance économique, celui-ci ne saurait être pris en compte dans l'application des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
Considérant, dans ces conditions, que c'est à juste titre que le tribunal a jugé que, compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales établies entre les parties, un préavis d'une durée de trois mois aurait dû être accordé à la société Apodiss ;
Considérant, en revanche, que, s'agissant de l'indemnité due à la société Apodiss, le tribunal s'est à tort fondé, d'une part, non sur sa marge brute, mais sur son résultat et, d'autre part, sur les exercices 2007, 2008 et 2009, alors que la relation en cause n'a été établie qu'en 2008 ;
Considérant qu'il résulte des écritures des appelants que la société Apodiss a en 2008 et 2009 réalisé une marge brute de, respectivement, 253 789 euros et 274 911 euros, soit une moyenne annuelle de 264 350 euros ; que dès lors, l'indemnité due à la société Apodiss s'élève à ce montant rapporté à une durée de trois mois, soit à la somme de 66 087,50 euros ; que le jugement sera donc réformé sur ce point ;
Sur la rupture brutale des pourparlers
Considérant que les appelants soutiennent que les sociétés Apodiss et Groupe Cardinal étaient engagées dans des négociations ayant pour objet l'entrée de la société Apodiss au capital de la société Financière Cardinal et la nomination de M. Porte comme directeur général de cette société ; qu'ils versent au dossier un projet protocole d'accord qui aurait été établi en ce sens (pièce n° 27) ;
Mais considérant que s'il n'est pas contestable qu'en mettant fin, le 30 juin 2010, à toutes ses relations avec la société Apodiss, la société Groupe Cardinal a, ce faisant, mis un terme aux pourparlers, cette seule circonstance ne saurait, à elle seule, démontrer qu'elle a fautivement rompu les pourparlers ; que les appelants n'apportent aucun élément qui démontrerait que la société Groupe Cardinal aurait abusé ou usé de manière fautive du droit qui était le sien de mettre fin aux pourparlers qu'elle avait engagés avec la société Apodiss ; qu'elles seront donc déboutées de leur demande et que le jugement sera confirmé ;
Sur les frais irrépétibles
Considérant qu'il n'apparaît pas justifié, au vu des éléments du dossier, de prononcer de condamnation en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation prononcée contre la société Groupe Cardinal au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies ; Statuant à nouveau de ce chef, Condamne la société Groupe Cardinal à payer à la société Apodiss la somme de 66 087,50 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies ; Rejette les demandes de condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes les demandes autres, plus amples ou contraires des parties ; Condamne la société Groupe Cardinal au paiement des dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.