CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 19 février 2015, n° 13-19551
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Camouflage (SARL)
Défendeur :
Diesel France (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
MM. Birolleau, Douvreleur
Avocats :
Mes Peytavi, Rein, Buret, Veisse
Faits et procédure
Par contrat d'agent commercial en date du 26 novembre 2002, la société Diesel France a confié à la société Camouflage le mandat de la représenter sur le territoire du nord, ouest et région parisienne, en vue de commercialiser les collections de produits textiles et de chaussures pour enfants sous la marque Diesel.
Par courrier du 31 mars 2009, Diesel a notifié à Camouflage la résiliation du contrat d'agent commercial pour faute grave. Par acte du 4 janvier 2010, Camouflage a fait assigner Diesel devant le Tribunal de commerce de Paris.
Selon jugement rendu le 29 juin 2011, le Tribunal de commerce de Paris a débouté Camouflage de ses demandes et l'a condamnée à payer à Diesel la somme de 600 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Camouflage a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions signifiées le 19 octobre 2011, elle demande :
- d'infirmer le jugement entrepris,
- de dire que la rupture du contrat d'agent commercial ne repose sur aucun fondement,
- de condamner Diesel au paiement de la somme de 600 000 euro pour rupture du contrat, soit deux années de commissions en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce,
- de condamner Diesel à communiquer les factures adressées aux clients de Camouflage sur les années 2004 à 2009, sous astreinte de 100 euro par jour de retard,
- de condamner Diesel au paiement de la somme de 40 000 euro, soit 10 000 euro par an, depuis 2006, correspondant au calcul erroné des commissions versées à Camouflage ;
- de condamner Diesel au paiement de la somme de 200 000 euro, soit 40 000 euro par an, depuis 2005, au titre des clients apportés par Camouflage non intégrés dans le calcul des commissions ;
- de condamner Diesel au paiement de la somme de 6 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir que d'une part elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat propre à justifier la rupture du contrat d'agent commercial, d'autre part que Diesel était pleinement informée qu'elle intervenait également pour le compte de la société Pépé Jeans.
La société Diesel, par conclusions signifiées le 19 décembre 2011, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, à titre subsidiaire, dire que Camouflage est dans l'incapacité de justifier de sa demande de commissions complémentaires à hauteur de 40 000 euro et de 200 000 euro ainsi qu'au titre de l'indemnité de fin de contrat et condamner Camouflage au paiement de la somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle indique que Camouflage a manqué d'une part à son obligation contractuelle de non-concurrence en représentant des marques directement concurrentes de Diesel, d'autre part à son obligation de loyauté que tout agent commercial doit à son mandant. Elle précise qu'elle a elle-même parfaitement respecté ses obligations contractuelles, notamment celle relative au paiement des commissions de son agent, et que Camouflage n'a jamais émis le moindre reproche concernant les prétendues modifications unilatérales qui lui auraient été imposées. Elle estime que sa décision de résiliation unilatérale sans indemnité de rupture est justifiée au regard de l'application de la clause résolutoire qui permet une rupture sans indemnité en cas de manquement à la règle de non concurrence. Elle considère enfin comme non fondée la demande de Camouflage relative aux arriérés de commissions en l'absence de justification, par Camouflage, du montant réclamé.
MOTIFS
Sur la résiliation du contrat d'agent commercial
Considérant que l'article L. 134-4 du Code de commerce impose à l'agent commercial une obligation de loyauté, prescription dont relève l'obligation de non-concurrence ; que l'article L. 134-12 du même Code prévoit qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, et que l'indemnité n'est pas due à l'agent commercial lorsque la cessation est provoquée par une faute grave de sa part ;
Que le contrat d'agent commercial stipule, en son article 6.3, que " l'agent, ainsi que ses éventuels sous-agents, ne pourront en aucun cas, sauf accord préalable et écrit du mandant, représenter directement ou indirectement des produits concurrents de ceux objets des présentes. L'agent s'interdit, sauf accord préalable et écrit du mandant, toute activité se rapportant à la fabrication ou à la commercialisation de tout produit susceptible de concurrencer ceux de la représentation qui lui est confiée. " ;
Considérant qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, Camouflage a représenté les produits de la marque Pépé Jeans, directement concurrents de ceux de la marque Diesel ; que Camouflage ne saurait se prévaloir :
- ni de la lettre de Diesel en date du 22 novembre 2002 autorisant Camouflage à diffuser dans son magasin de détail sis 16 rue du Cygne Paris 1er, d'autres marques que Diesel, cette autorisation étant limitée au seul magasin de Camouflage et ne visant pas l'activité d'agent commercial de cette dernière ;
- ni de l'attestation établie par Madame Bourguignon, salariée au sein du service des ventes de Diesel Kids, selon laquelle Diesel était informée que Camouflage avait un contrat d'agent commercial avec Pépé Jeans, une telle information, en admettant qu'elle soit établie, ne pouvant venir en lieu et place de l'accord préalable et écrit du mandat prescrit par le contrat d'agent commercial ;
Que la violation, par Camouflage, de la clause de non-concurrence et le manquement à son obligation de loyauté constituent une faute grave justifiant la rupture du contrat à ses torts et la privation de l'agent commercial de son droit à indemnité de rupture ; que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;
Sur la demande de paiement de commissions
Considérant que Camouflage sollicite le paiement d'une somme de 40 000 euro, soit 10 000 euro par an, depuis 2006, au titre du calcul erroné des commissions versées par Diesel ;
Considérant que l'appelante conteste le mode de calcul des commissions ; que, si l'article 5 " Commissions " du contrat stipule que les commissions sont fixées jusqu'à 150 000 euro HT à hauteur de 10 % de commissions HT, de 150 001 à 250 000 euro HT à hauteur de 9 % de commissions HT, au-delà de 250 001 euro HT à hauteur de 7 % de commissions HT,
Camouflage ne rapporte la preuve ni que les factures qu'elle a elle-même émises sur Diesel (pièces n° 26 à 32 communiquées par Camouflage) n'auraient pas été réglées, ni que le mode de calcul mis en œuvre serait contraire à l'article 5 précité ; qu'elle n'est pas davantage fondée à invoquer l'exclusion, de l'assiette des commissions, de la société Petit Boy / JDI Fashion, cliente de Camouflage, ce point n'ayant à aucun moment fait l'objet de la moindre contestation de la part de l'agent commercial ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté camouflage de sa demande de ce chef ;
Considérant que l'équité commande de condamner Camouflage à payer à Diesel la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris, Condamne la SARL Camouflage à payer à la SAS Diesel France la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Camouflage aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.