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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 26 février 2015, n° 13-07636

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BTL Diffusion (SARL)

Défendeur :

ENJ Distrib (SARL), Lilikim (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tournier

Conseillers :

Mme Homs, M. Bardoux

Avocats :

Selarl Cabinet Ratheaux, Selarl BRS Rödl Partner, Me Laronze

T. com. Lyon, du 17 mai 2013

17 mai 2013

EXPOSE DU LITIGE

La société BLT Diffusion est une société spécialisée dans la distribution de produits dans l'univers de la puériculture, du loisir créatif et du jouet. Elle exerce son activité sous le nom de Babytolove. Le 28 novembre 2007, elle a signé avec la société ENJ Distrib, représentée par Johan Monnier, un contrat d'agent commercial d'une durée indéterminée pour développer ses ventes sur certains départements du territoire. Ce contrat prévoyait une clause de non-concurrence pendant la durée de l'exécution du contrat et se poursuivant à la fin du contrat pendant 6 mois.

La société Lilikim a été créée le 24 avril 2010 et compte parmi ses associés Johan Monnier et la société ENJ Distrib.

Le 6 mai 2011 la société BLT Diffusion a résilié le contrat d'agent commercial qui la liait à la société ENJ Distrib pour faute grave du fait notamment de la création de la société Lilikim.

La société BLT Diffusion a ensuite assigné les sociétés ENJ Distrib et Lilikim devant le Tribunal de commerce pour faire constater la violation de la clause de non-concurrence ainsi que les agissements déloyaux et le parasitisme de ces deux sociétés.

Par jugement du 17 mai 2013, le Tribunal de Commerce de Lyon a :

- Constaté la violation de la clause de non-concurrence par la société ENJ Distrib par le biais de la société Lilikim,

- Constaté les agissements déloyaux et parasitisme de la société ENJ Distrib par le biais de la société Lilikim,

- Débouté la société BTL Diffusion de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice résultant de la violation de la clause de non-concurrence,

- Débouté la société BTL Diffusion de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale,

- Débouté la société BTL Diffusion de sa demande d'ordonner la nomination d'un expert,

- Débouté la société ENJ Distrib de sa demande d'indemnité de préavis et de rupture,

- Débouté la société BTL Diffusion de sa demande de dommages et intérêts pour demande abusive,

- Condamné solidairement les sociétés ENJ Distrib et Lilikim à verser à la société BTL Diffusion la somme de 2 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamné les sociétés ENJ Distrib et Lilikim aux entiers dépens de l'instance,

- Rejeté comme inutiles et non fondés tous autres moyens, fins et conclusions des parties.

Appel de cette décision a été formé 1er octobre 2013 par la société BTL Diffusion qui a limité cet appel aux dispositions par lesquelles le Tribunal a :

" Débouté la société BTL Diffusion de sa demande d'indemnisation du titre du préjudice résultant de la violation de la clause de non-concurrence.

Débouté la société BTL Diffusion de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale.

Débouté la société BTL Diffusion de sa demande d'ordonner la nomination d'un expert ".

Dans ses dernières conclusions du 22 octobre 2014, la société BTL Diffusion demande de :

-Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

>débouté la société ENJ Distrib de sa demande de préavis et dommages et intérêt au titre de la rupture du contrat d'agent commercial,

>déclaré valable la clause de non-concurrence et jugé qu'elle était opposable tant à la société ENJ Distrib qu'à la société Lilikim,

- Infirmer le Jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société BTL Diffusion de sa demande de réparation du préjudice subi tant du fait de la violation de la clause de non-concurrence par les sociétés ENJ Distrib et Lilikim que du fait de la commission d'actes de concurrence déloyale et statuant a nouveau,

- Condamner solidairement les sociétés Lilikim et ENJ Distribution à régler la somme de 50 000 euro au titre du préjudice résultant de la violation répétée de la clause de non-concurrence,

- Condamner solidairement les sociétés Lilikim et ENJ Distribution à régler la somme de 100 000 euro au titre du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale,

- Ordonner à titre subsidiaire la nomination d'un expert avec pour mission de :

Se rendre sur place, au siège des sociétés Lilikim et ENJ Distrib, sis [...] et [...] ;

Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ;

Convoquer les parties et entendre tous sachants ;

Se rendre en tous lieux utiles à l'accomplissement de sa mission ;

Fournir tous éléments techniques et de fait, de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer le chiffre d'affaires réalisé par la commercialisation des produits concurrents aux clients de la société BTL Diffusion et d'évaluer le préjudice subi;

Donner son avis sur les comptes présentés par les parties ;

Dire que l'expert sera mis en œuvre et accomplira sa mission conformément aux dispositions de l'article 263 et suivants du Code de procédure civile et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au secrétariat greffe de la Cour dans les trois mois de sa saisine.

Dire qu'il en sera référé en cas de difficultés ;

Dire qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance sur simple requête de la partie la plus diligente ;

Fixer la provision à consigner au Greffe, a titre d'avance sur les honoraires de l'expert, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'ordonnance sous astreinte de 150 euro par jour de retard passé ce délai de 15 jours et la mettre à la charge de la société Lilikim compte-tenu des faits de l'espèce.

- Condamner solidairement les sociétés ENJ Distrib et Lilikim à verser à la société BTL Diffusion la somme de 5 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

- Condamner les sociétés ENJ Distrib et Lilikim aux entiers dépens d'appel.

Elle fait notamment valoir que :

La clause de non-concurrence de la société ENJ Distrib est opposable à la société Lilikim car Johan Monnier, associé et gérant de la société Lilikim, est lui-même associé unique de la société ENJ Distrib dont il est aussi le gérant.

La clause de non-concurrence est valable car elle est limitée à 6 mois, concerne le secteur d'activité géographique de l'ancien agent commercial, et est circonscrite aux produits distribués antérieurement et à la clientèle prospectée par l'agent commercial.

La constitution de la société Lilikim durant l'exécution du contrat d'agent commercial constitue une violation contractuelle grave des engagements pris par la société ENJ Distrib.

La société ENJ Distrib, par l'intermédiaire de la société Lilikim, commercialise des produits directement concurrents à ceux qu'elle commercialisait pour son compte, a proposé et vendu des produits directement concurrents lors de salons professionnels auxquels elle était présente et a démarché ses clients.

La société ENJ Distrib et Johan Monnier ne l'ont jamais informée de leur participation à hauteur de 50 % dans une société concurrente en méconnaissance de l'obligation de loyauté et d'information prévues dans le contrat d'agent commercial.

Le tribunal devait nécessairement lui accorder des dommages et intérêts au titre du préjudice subi, le seul fait de contrevenir à une clause de non-concurrence entraînant droit à réparation.

Son préjudice est multiple et considérable car il est constitué tant par une perte de chiffre d'affaires que par une atteinte à son image commerciale auprès de ses clients et par la déstabilisation qu'elle a subi de ce fait.

La société Lilikim s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale en cherchant par tous les moyens à désorganiser la distribution de ses produits et en commettant des actes de parasitisme à son encontre.

L'indemnité de rupture n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.

Dans leurs ultimes écritures du 18 juillet 2014, les sociétés ENJ Distrib et Lilikim sollicitent de la cour de :

- Infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a jugé démontrés et caractérisés la violation de la clause de non-concurrence ainsi que les agissements déloyaux et parasitaires de la société ENJ Distrib par le biais de la société Lilikim, et en ce qu'il a débouté la société ENJ Distrib de ses demandes d'indemnités de préavis et de clientèle, et le confirmer pour le reste,

Et, statuant par nouvelle décision,

- Constater et prononcer la nullité de la clause de non-concurrence,

- Dire et juger inopposable cette clause à la société Lilikim,

- Constater l'absence d'agissements déloyaux et parasitaires des sociétés ENJ Distrib et Lilikim,

- Débouter la société BTL Diffusion de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Condamner la société BTL Diffusion à payer à la société ENJ Distrib la somme de 3669 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre la somme de 30 000 euros (24 mois) à titre d'indemnité de rupture, ensuite de la rupture du contrat d'agent commercial.

A titre subsidiaire,

- Constater que la société BTL Diffusion ne justifie pas de la réalité et du quantum de son préjudice, que ses demandes ne peuvent se cumuler entre elles et, en tout état de cause, fixer son préjudice éventuel à de plus justes proportions au regard de l'absence de perte économique éprouvée et de l'absence d'investissements démontrés.

- Rejeter la demande d'expertise judiciaire comme étant infondée.

En tout état de cause,

- Condamner la société BTL Diffusion à payer à chacune des concluantes la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Laronze, Avocat sur son affirmation de droit.

Elles exposent notamment que :

La clause de non-concurrence n'est pas valable car elle n'est pas restreinte au secteur géographique et à la clientèle confiés à l'agent et porte donc une atteinte excessive au principe de la liberté du commerce et aux intérêts de l'agent.

La clause de non-concurrence est inopposable à la société Lilikim, tiers au contrat d'agent commercial, car le champ de l'obligation de non-concurrence n'a pas été étendu à l'hypothèse d'une intervention indirecte de l'agent par le biais d'une société tierce qu'il contrôlerait.

Les produits que la société Lilikim commercialise sont différents par leur qualité intrinsèque et leur apparence singulière et donc non concurrents de ceux vendus par la société BTL Diffusion.

La société BLT Diffusion n'établit aucun agissement parasitaire ou déloyal précis à leur encontre.

La société BLT Diffusion ne rapporte pas la preuve de son préjudice, aucun élément comptable nouveau susceptible d'étayer ses demandes de dommages et intérêts n'étant versés en appel.

La demande d'expertise de la société BLT Diffusion ne vise qu'à suppléer sa carence dans la charge de la preuve de son préjudice.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures devant la cour ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé pour répondre aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision:

Sur la validité de la clause de non-concurrence:

Attendu que le contrat d'agent commercial signé le 28 novembre 2007 par les sociétés BTL Diffusion et ENJ Distrib contient une clause de non-concurrence aux termes de laquelle: " pendant toute la durée de l'exécution du (...) mandat, et pendant un délai de 6 mois après qu'il ait été résolu, et pour quelque cause que ce soit, l'agent commercial s'interdit de représenter dans le secteur qui lui est ou était concédé, ou auprès de la clientèle dont il avait directement ou indirectement la charge, tous produits concurrents a ceux produits au contrat et éventuellement a ceux rajoutés au cours de I'exécution du contrat ";

Attendu que l'intimée prétend que cette clause serait nulle;

Mais attendu que les dispositions de l'article L. 134-14 alinéa 2 du code de commerce listent les conditions de validité d'une clause de non-concurrence qui:

-doit être écrite,

-doit concerner le secteur géographique, et le cas échéant le groupe de personnes confiés à l'agent commercial ainsi que le type de biens ou de services pour lesquels il exerce la représentation aux termes du contrat,

-doit être limitée à deux ans,

Qu'en outre une telle clause doit respecter une exigence jurisprudentielle de proportionnalité;

Attendu qu'en l'espèce la clause de non-concurrence, qui est écrite, est limitée au secteur de la société ENJ Distrib, agent commercial, tel que défini à l'article 3 du contrat (départements: 01, 03, 07, 15, 26, 38, 43, 58, 63, 69, 71, 73, 74, 89, 90 et la Suisse);

Qu'elle est limitée à la clientèle que prospectait la société ENJ Distrib et aux produits qu'elle proposait qui sont listés à l'article 1 du contrat (" concernant les marques sous licence ou sous contrat dans la limite de l'étendue de leur collection respective, produits distribués par BTL Diffusion et appartenant exclusivement à l'univers de la puériculture, de la maternité, du loisir créatif et du jouet ");

Que la durée de 6 mois de la clause, après résolution du contrat, est très limitée dans le temps, puisque bien inférieure à la durée maximum de 2 ans;

Qu'enfin une telle clause, limitée dans le temps et l'espace, n'est pas de nature à empêcher les anciens agents commerciaux d'exercer toute activité professionnelle mais a pour seule finalité de préserver, pendant quelques temps, les intérêts du mandant; Qu'elle répond donc à l'exigence de proportionnalité;

Que la clause de non concurrence est donc valide et la société ENJ Distrib était tenue de la respecter;

Sur l'opposabilité de la clause de non concurrence à la société Lilikim:

Attendu que l'appelante considère que la clause de non-concurrence de la société ENJ Distrib est opposable à la société Lilikim car Johan Monnier, associé et gérant de la société Lilikim, est lui-même associé unique de la société ENJ Distrib, dont il est aussi le gérant, et que la seule constitution de la société Lilikim durant I'exécution du contrat d'agent commercial constitue déjà une violation contractuelle grave des engagements pris par la société ENJ Distribution et que la société Lilikim a, à minima, délibérément violé pendant 6 mois ses obligations post-contractuelles en vendant des produits concurrents aux clients de Ia société BTL Diffusion;

Mais attendu que, d'une part, la clause de non-concurrence figurant au contrat d'agent commercial, par sa rédaction (" l'agent commercial s'interdit de représenter dans le secteur qui lui était concédé ou auprès de la clientèle... "), ne vise qu'une activité directe de la société ENJ Distrib ;

Que, si la société BTL Diffusion voulait se prémunir d'une interposition de société, il lui appartenait de prévoir un champ plus large de la clause contractuelle de non-concurrence, prévoyant notamment les actions directes ou indirectes de l'agent commercial; Qu'elle ne l'a pas n'a pas fait;

Que d'autre part, la société Lilikim comporte quatre associés: Johan Monnier, Philippe Delarroqua, la société ENJ Distrib et la société PLUME; Que la société ENJ Distrib ne détient que 30 parts sur 300 du capital de la société Lilikim, de sorte qu'avec 10 % du capital, elle n'est pas en capacité de contrôler celle-ci;

Attendu qu'il s'en déduit que la clause contractuelle de non concurrence, qui ne vise pas une activité indirecte, n'est pas opposable à la société Lilikim, tiers au contrat;

Attendu que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a " constaté la violation de la clause de non-concurrence par la société ENJ Distrib par le biais de la société Lilikim ";

Que, statuant à nouveau,la cour dit que la clause de non-concurrence est inopposable à la société Lilikim et déboute l'appelante de ses demandes fondées sur une violation de la clause contractuelle de non-concurrence;

Sur les éventuels actes de concurrence déloyale de la société Lilikim:

Attendu que l'action en concurrence déloyale, qui a pour fondement la faute engageant la responsabilité civile délictuelle de son auteur au sens des articles 1382 et 1383 du code civil, ne saurait se déduire de simples présomptions; Qu'elle suppose l'accomplissement d'actes positifs dont la preuve, aux termes de l'article 1315 du code civil, doit être rapportée par celui qui s'en prétend victime;

Attendu que l'appelante prétend que les intimées auraient procédé à un démarchage de ses clients, et aurait commis des actes de parasitisme;

>Sur le démarchage allégué:

Attendu que, selon l'appelante, la société Lilikim, en participant aux salons professionnels de PARIS et Bordeaux en septembre 2011, et en réservant un stand voisin de celui de BTL Diffusion, aurait démarché activement ses clients;

Mais attendu que, d'une part, le principe constitutionnel de liberté du commerce autorise la société Lilikim à y participer, d'autant que ces salons sont incontournables (ce qu'admet d'ailleurs l'appelante elle-même) puisqu'ils permettent aux fournisseurs de présenter leur nouvelle collection et d'être référencés auprès des principales enseignes de la petite enfance et auprès des centrales d'achat pour l'année à venir;

Que, d'autre part, l'examen des plans des stands versés aux débats, démontrent, à supposer que la société Lilikim ait eu le choix de ses emplacements, ce qui n'est pas démontré, qu'elle ne se trouvait pas à proximité immédiate de l'appelante:

-pour le salon BABY COOL, la société Lilikim disposait d'un stand AO7 de petite surface, en retrait des allées principales et du stand de la société BTL Diffusion, et d'un stand H05 partagé avec la société Mercatour, situé à l'opposé du stand de la société BTL Diffusion,

-pour le salon de BORDEAUX, les stands des sociétés BTL Diffusion et Lilikim étaient situés de façon totalement opposée par rapport aux 'ux de circulation des visiteurs puisque l'un est à droite de l'entrée alors que l'autre est à l'extrême gauche de cette entrée;

Qu'enfin, c'est vainement que la cour a recherché, parmi les pièces versées aux débats, la preuve du démarchage de clientèle allégué;

>Sur le parasitisme:

Attendu que l'appelante reproche la promotion par la société Lilikim de ses produits sur son site internet, prétend qu'un examen comparé des catalogues démontrerait que la société Lilikim présenterait des produits identiques aux siens (notamment les matelas à Ianger et housses SOFALANGE, les chancelières universelles, les sacs à langer, les kits d'empreintes Kidzzcast, les jouets et accessoires Playgro, les doudous LABEL LABEL) et fait grand cas du courriel d'un de ses agents commerciaux, du 4 novembre 2011, mentionnant la présence d'un kit d'empreintes concurrent Kidzzcast chez le client BEBE 9 sans indication d'origine, et d'une facture, du 5 novembre 2011, du magasin " le grenierà doudous " relatif à la vente d'un kit d'empreintes Kidzzcast sans indication d'origine;

Mais attendu que, d'une part, la liberté du commerce, autorise la société Lilikim à commercialiser, sur son site internet ou sur ses catalogues, tous produits, même concurrents, dès lors que cette concurrence n'est pas déloyale;

Que, d'autre part, si les deux sociétés interviennent dans le domaine de la puériculture, et des jouets premier âge, le simple examen des catalogues démontre que les gammes, styles et cibles des deux sociétés sont différents, la société Lilikim recherchant une certaine originalité, soit dans le design (chancelières ou sacs à motifs " tête de mort ", chancelières à motif " camouflage "...), soit dans l'innovation technologique;

Qu'en outre, dans son premier catalogue, la société Lilikim n'a proposé que des chancelières, des sacs à langer et des réveils éducatifs qui n'étaient pas commercialisés par la société BTL Diffusion; Que les catalogues 2011, 2012 et 2013 de la société Lilikim, en s'étoffant, demeurent fidèles à un esprit décalé dans le choix des couleurs (noir ou argent) et des motifs (têtes de mort, camouflage);

Que, concernant le matelas à langer et la housse SOFALANGE, il s'agit d'un produit unique, qui se distingue de tous les autres matelas commercialisés, dont ceux vendus par la société BTL Diffusion, puisqu'il repose sur une innovation technologique brevetée, dont la société Lilikim détient la licence exclusive; Qu'en outre les matelas proposés à la vente par les deux sociétés sont également différents en termes d'aspect extérieur et de prix;

Que, concernant les chancelières et sacs à langer, la société Lilikim les propose en début de catalogue sur quatre pages pleines, alors que la société BTL Diffusion, ne leur consacre que deux demi-pages en page 7 et 10; Que les chancelières de Lilikim ont des couleurs inhabituelles (rose flashy, noir) ou des motifs originaux (tête de mort, camouflage), celles de BTL Diffusion étant plus traditionnelles (bleu marine) et de forme plus classique;

Que, concernant les jouets et accessoires Playgro, que la société Lilikim ne commercialise que depuis son catalogue 2012, il n'y a rien d'étonnant à ce que les deux sociétés diffusent la même marque, dès lors qu'elles en sont toutes deux distributrices ; Qu'au demeurant seule une " spirale d'activité " est commune aux deux catalogues, l'un proposant une arche poussette ou un mobile musical, tandis que l'autre propose un livre tissu et un hochet;

Que, concernant les doudous LABEL LABEL, les deux sociétés sont distributrices de produits de cette marque; Que pour autant, ceux figurant sur le catalogue Lilikim ont la forme de mouchoirs munis d'étiquette, tandis que ceux de BTL Diffusion ont une forme animale;

Attendu que les seuls produits communs aux deux catalogues sont les kits d'empreintes, pour lesquels la société BTL Diffusion ne peut prétendre à la moindre exclusivité; Qu'en effet, il est démontré que, depuis les années 2000, d'autres sociétés diffusent ces kits (Baby Walz, Babyprints); Que si la société BTL Diffusion a, dans un premier temps, essayé d'interdire leur diffusion par la société Lilikim elle y a renoncé, après que celle-ci lui ait rappelé que, pour qu'une œuvre soit protégée par le droit d'auteur il faut qu'elle présente une originalité, le reflet d'une personnalité ou une activité créatrice propre;

Attendu qu'il ne suffit pas d'alléguer que Johan Monnier aurait utilisé ses connaissances sur les prix, les marges et les méthodes commerciales de la société BTL Diffusion pour en déduire qu'il aurait pratiqué des promotions agressives sur ces kits d'empreinte dans le but de déstabiliser son ancien mandant;

Qu'en premier lieu, si Johan Monnier pouvait connaître les prix et marges pratiqués sur les kits d'empreinte rien ne prouve qu'il ait connu la part de cette commercialisation dans le chiffre d'affaires de sa mandante;

Qu'en deuxième lieu, si Johan Monnier avait eu, comme l'allègue l'appelante, l'intention de lui nuire en faisant des promotions sur ces kits, on ne voit pas pourquoi il aurait attendu 2012 pour les faire apparaître sur le catalogue de la société Lilikim;

Qu'en troisième lieu, la société BTL Diffusion ne justifie ni des investissements qu'elle aurait réalisés pour développer et commercialiser ces kits, ni même de la part réalisée par les dits kits dans son chiffre d'affaires annuel;

Qu'en quatrième lieu, les extraits du catalogue " Autour de bébé ", versés aux débats, démontrent qu'en 2012 les kits d'empreinte BABY ART de la société BTL Diffusion sont les seuls référencés par cette enseigne et qu'ainsi l'appelante avait conservé une place prépondérante dans la distribution de ce produit;

Qu'enfin une attestation du cabinet d'expertise-comptable ROSTAN GONZALES établit que les kits vendus par la société Lilikim représentent:

-pour 2011, sur toute la France, la somme de 7 781 euro,

-pour 2012, sur toute la France, une somme de 62 414 euro;

Que l'appelante verse aux débats sa pièce 21, constituée d'un tableau de chiffre d'affaires non daté et dont on ne connait pas l'auteur; Qu'à supposer que ce tableau ait une valeur probante, les chiffres qui y figurent font apparaître que :

-pour 2011, les kits BABY ART lui auraient rapporté 640 964,86 euro,

-pour 2012, ils lui auraient rapporté 656 733,74 euro;

Que la simple comparaison de ces chiffres ne suffit pas à établir des actes de parasitisme ou de concurrence déloyale; Que, de même, le fait que le chiffre d'affaires de la société BTL Diffusion, pour ces kits, ait moins bien progressé en 2012 qu'au cours des années précédente (la progression importante des années précédentes pouvant s'expliquer par l'arrivée sur le marché français d'un produit nouveau) , s'il met en évidence une certaine érosion des ventes, ne prouve pas que cette érosion soit en lien direct avec l'arrivée sur le marché de la société Lilikim;

Attendu qu'au terme de ces motivations ne sont démontrés ni le parasitisme, ni la déstabilisation de la société BTL Diffusion ;

Attendu que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a constaté les agissements déloyaux et le parasitisme de la société ENJ Distrib par le biais de la société Lilikim;

Sur les demandes indemnitaires:

Attendu que la société BTL Diffusion demande de :

-condamner solidairement les sociétés Lilikim et ENJ Distrib à régler la somme de 50000euro " au titre du préjudice résultant de la violation répétée de la clause de non-concurrence ",

-condamner solidairement les sociétés Lilikim et ENJ Distrib à régler la somme de 100 000 euro " au titre du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale ";

Mais que, comme il l'a été dit au chapitre 2 du présent arrêt, la clause de non-concurrence n'est pas opposable à la société Lilikim, tiers au contrat d'agent commercial, de sorte qu'on ne peut reprocher à la société ENJ Distrib d'avoir utilisé la société Lilikim pour contourner cette clause; Que la preuve d'une violation de la clause de non-concurrence n'étant pas rapportée, aucune demande indemnitaire ne peut prospérer de ce chef;

Que, comme il l'a été dit au chapitre précédent, la preuve d'un acte de concurrence déloyale, de démarchage ou de parasitisme n'est pas rapportée; Qu'une demande indemnitaire ne peut, au délictuel, qu'être fondée sur une faute, un préjudice et un lien de causalité entre eux; Que la preuve d'une faute n'est pas rapportée; Qu'ainsi, sans même qu'il y ait lieu de savoir si l'appelante apporte la preuve de son préjudice, sa demande indemnitaire ne peut prospérer;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société BTL Diffusion de ses demandes d'indemnisation au titre du préjudice résultant de la violation de la clause de non-concurrence et au titre du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale;

Sur la demande d'expertise:

Attendu que l'appelante demande, à titre subsidiaire, la désignation d'un expert pour " fournir tous éléments techniques et de fait, de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer le chiffre d'affaires réalisé par la commercialisation des produits concurrents aux clients de la société BTL Diffusion et d'évaluer le préjudice subi ";

Qu'indépendamment du fait que le juge n'a pas à se substituer aux parties dans la recherche de la preuve, une telle demande, tendant à évaluer un préjudice, est sans intérêt dès lors que n'est démontrée ni une violation de la clause contractuelle de non concurrence, ni des actes de concurrence déloyale délictuelle pouvant ouvrir droit à indemnisation;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société BTL Diffusion de sa demande d'expertise;

Sur la demande reconventionnelle:

Attendu que les intimées demandent, en suite de la rupture du contrat d'agent commercial, la condamnation de l'appelante à payer à la société ENJ Distrib la somme de 3 669 euro au titre de l'indemnité de préavis et celle de 30 000 euro à titre d'indemnité de rupture;

Attendu que, liminairement, il est surprenant que la société ENJ Distrib ait attendu plus de neuf mois après la rupture du contrat d'agent commercial avant d'assigner la société BTL Diffusion le 22 mars 2012 et de contester la rupture de son contrat d'agent commercial;

Attendu qu'ensuite le courrier recommandé de rupture du 6 mai 2011 listait un certain nombre de griefs; Que, si la preuve de certains d'entre eux n'est pas aujourd'hui rapportée (Dénigrement, utilisation d'agents commerciaux pour promouvoir des produits concurrents...), le premier grief est parfaitement fondé;

Qu'en effet il n'est pas contestable que , en cours d'exécution du contrat d'agent commercial , ENJ Distrib et son gérant Johan Monnier ont participé à la création de la société Lilikim concurrente à celle du mandant; Que la participation à la création, à l'animation et à la gestion de cette société concurrente, indépendamment de tout acte de concurrence déloyale ou de tout caractère exclusif ou non du mandat, constitue une violation grave des obligations d'information et de loyauté auxquelles les agents commerciaux sont tenus vis à vis de leur mandant et porte atteinte au mandat d'intérêt commun, rendant impossible la mise en œuvre d'un préavis;

Que l'article L134-13 du code de commerce prévoit que l'indemnité de rupture n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial; Que tel est le cas en l'espèce, de sorte que la demande d'indemnité de rupture et de préavis présentées par la société ENJ Distrib ne peuvent prospérer;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société ENJ Distrib de sa demande d'indemnité de préavis et de rupture;

Sur l'article 700 et les dépens:

Attendu que l'équité commande en l'espèce que chaque partie conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a engagés;

Que les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetée;

Attendu que chacune des parties succombe en ses demandes, de sorte que chacune d'entre elles conservera ses dépens.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire, Dit valide la clause de non-concurrence, La dit inopposable à la société Lilikim, Confirme le jugement entrepris SAUF en ce qu'il a : -Constaté la violation de la clause de non-concurrence par la société ENJ Distrib par le biais de la société Lilikim, -Constaté les agissements déloyaux et parasitisme de la société ENJ Distrib par le biais de la société Lilikim, -Condamné solidairement les sociétés ENJ Distrib et Lilikim à verser à la société BTL Diffusion la somme de 2 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile, -Condamné les sociétés ENJ Distrib et Lilikim aux entiers dépens de l'instance, Et, statuant à nouveau sur ces seuls points d'infirmation, Dit que la preuve d'une violation de la clause de non-concurrence n'est pas rapportée, Dit que la preuve d'agissements déloyaux et parasitaires des sociétés ENJ Distrib et Lilikim n'est pas rapportée, Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, Condamne chacune des parties à conserver la charge de ses dépens.