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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 25 février 2015, n° 13-00501

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Encore Médical LP (Sté)

Défendeur :

Enjalbert (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cousteaux

Conseillers :

Mmes Salmeron, Pellarin

Avocats :

Mes Jeusset, Amengual Saarinen, Malet, Tricaud

T. com. Montauban, du 31 oct. 2012

31 octobre 2012

La société Encore Médical LP, société américaine, anciennement dénommée Encore Orthopedics Inc., fabrique du matériel médico-chirurgical, et notamment des prothèses orthopédiques portant la marque " foundation ".

La société Encore Médical LP et la SAS Akthea ont signé les 11 et 19 août 1999 un contrat de distribution exclusive au terme duquel cette dernière était instituée distributeur exclusif sur le territoire français des produits de marque Foundation fabriqués par la société Encore Médical LP. Le 16 mars 2000, les parties ont signé un contrat de prêt de matériel intitulé " master lease agrément ".

Comme la société Encore Médical LP n'avait pas son siège social sur le territoire d'un état membre de l'Union européenne, elle a dû procéder à la désignation d'un responsable de la mise sur le marché de ses produits, en l'espèce la société allemande Plus Endoprothetik GMBH.

Le 31 décembre 1999, la société Encore Médical LP a signé un avenant au contrat de distribution exclusive signé le 12 août 1992 avec la société suisse PLUS Endoprothetik AG supprimant son droit de distribution en France.

Le 16 mars 2000, la société Encore Orthopedics Inc. et la SAS Akthea ont conclu un contrat de location des instruments nécessaires à la pose des prothèses et implants.

Par lettre du 7 février 2001, la société Encore Orthopedics Inc. a résilié les contrats de distribution et de location pour défaut de règlement de diverses sommes.

La S.A.S. Akthea a été déclarée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Montauban en date du 25 juillet 2002 puis en liquidation judiciaire par jugement du 29 janvier 2003, Maître Enjalbert, es-qualités, étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Le 26 janvier 2006, Maître Enjalbert, es-qualités, a fait assigner devant la juridiction consulaire montalbanaise la société Encore Médical LP en responsabilité pour agissements fautifs, notamment pour soutien abusif aux dépens de la S.A.S. Akthea.

Par arrêt du 1er juillet 2009, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi sur l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 8 janvier 2008 qui avait rejeté le contredit formé contre la décision du tribunal de commerce en date du 20 juin 2007 ayant retenu sa compétence.

L'examen de la procédure a fait l'objet de plusieurs renvois en raison d'un processus de négociation sérieusement engagé.

Par jugement du 31 octobre 2012, le tribunal de commerce de Montauban a :

- rejeté les pièces n°57 à 65,

- dit que les actes d'intervention forcée, concernant les sociétés DJO Global INC, Blackstone Capital Partners V LP et Blackstone Group LP, sont nuls pour vice de forme,

- condamné La société Encore Médical LP à payer à Maître Enjalbert, es-qualités, les sommes suivantes :

+ 1.844 634,52 euros au titre des dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal jusqu'au parfait règlement à compter de la présente décision,

+ 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Encore Médical LP a interjeté appel le 31 janvier 2013.

Par ordonnance du 28 février 2013, le magistrat chargé de la mise en état a donné acte aux sociétés DJO GLOBAL INC, Blackstone Capital Partners V LP et Blackstone Group LP de leur désistement de l'instance engagée devant la cour d'appel vis-à-vis de Maître Enjalbert, es-qualités.

La société Encore Médical LP a transmis ses dernières écritures par RPVA le 19 juin 2014.

Maître Enjalbert, es-qualités, a transmis ses dernières écritures par RPVA le 27 mai 2014.

Par arrêt du 24 septembre 2014, la cour d'appel a rouvert les débats afin que soit produite une traduction certifiée conforme du contrat intitulé 'international distributorship agreement signé les 11 et 19 août 1999 entre Encore Orthopedics et la SAS Akthea.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 novembre 2014.

Moyens et Prétentions des Parties

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la société Encore Médical LP demande à la cour de :

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Montauban en date du 31 octobre 2012 en ce qu'il a :

.rejeté les pièces n° 57 à 65 d'Encore,

.condamné Encore à payer entre les mains de Maître Enjalbert la somme de 1 844 634,52 euros à titre de dommages et intérêts outre les intérêts au taux légal jusqu'au parfait règlement à compter du jugement,

.condamné Encore à payer entre les mains de Maître Enjalbert la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

.condamné Encore aux entiers frais et dépens de l'instance,

- Statuant à nouveau sur ces chefs :

.A titre principal :

- juger irrecevable la demande formée par Maître Enjalbert au motif de prétendues défaillances techniques commises par Encore en raison de la prescription acquise et, par voie de conséquence, la rejeter ;

- juger qu'Encore ne s'est rendue coupable d'aucune faute à l'égard d'Akthea, que ce soit au titre notamment d'un prétendu manquement à l'obligation de loyauté et de bonne foi A l'égard d'Akthea ou d'un prétendu soutien abusif ;

- rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de Maître Enjalbert ;

.A titre subsidiaire :

- juger que Maître Enjalbert ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité ;

- rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de Maître Enjalbert ;

.A titre infiniment subsidiaire :

- juger que le passif auquel Encore pourrait être condamnée s'il était démontré qu'elle a commis une faute et qu'il existe un lien de causalité direct entre cette faute et l'insuffisance d'actif d'Akthea, se limite à la somme de 297 954,06 euros, laquelle correspond au passif vérifié,

- confirmer pour le surplus le jugement du tribunal de commerce de Montauban en date du 31 octobre 2012 ;

- En tout état de cause :

.Rejeter comme mal-fondée la demande de paiement d'une somme de 210 000 euros au titre de frais et débours liés à la situation de liquidation judiciaire ;

.Rejeter comme mal-fondée la demande d'application d'intérêts de retard ;

.Rejeter les demandes de dépens et de condamnation à l'article 700 du Code de procédure civile formée par Maître Enjalbert ;

.Condamner Maître Enjalbert, és qualités de liquidateur, au paiement de la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

.Condamner Maître Enjalbert, és qualité de liquidateur, aux entiers dépens d'instance.

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa du Code de Commerce et notamment le décret n°2005-1677 du 28 decembre 2005, du Code de Procedure Civile, du Code civil et notamment les articles 1134 et suivants, 1147, 1626 et suivants, 1382 et 1383, de la Convention des Nations Unies pour Ies Contrats de Ventes lnternationales de Marchandises et notamment son article 77, Maître Enjalbert, es-qualités, demande à la cour d'appel de :

Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Montauban en ce qu'il a dit que :

- la société Encore Médical LP a manqué de bonne foi et de loyauté dans la négociation, l'exécution, la résiliation du contrat avec Akthea,

- Akthea était sous la dependance économique d'Encore,

- la société Encore Médical LP a commis un soutien abusif d'Akthea,

- la société Encore Médical LP a volontairement agi pour aggraver le passif d'Akthea,

- les agissements fautifs d'Encore sont à l'origine du redressement judiciaire d'Akthea,

- il existe une causalité certaine entre les agissements fautifs, la diminution de l'actif et l'aggravation du passif, et le préjudice subi par les créanciers,

- les dommages subis par l'ensemble des créanciers sont de 1 844 634,52 euro correspondant au total du passif,

- la totalité des dommages subis par les créanciers d'Akthea sera supportée par Encore,

- il est équitable que des intérêts soient alloués sur ces sommes, car les premiers actes fautifs d'Encore remontent à août 1999 et le dernier, la déclaration de créances fautive, à décembre 2002, voire juillet 2003 pour le refus de faire valoir la clause de réserve de propriété,

- les intérêts composés, calculés trimestriellement sur les dommages subis par les créanciers doivent être identiques à ceux accordés a Encore par le Tribunal arbitral soit 6% l'an,

- les frais liés à la liquidation d'Akthea et aux frais d'avocat engagés par Maître Enjalbert pour la défense de l'intérêt des créanciers seront supportés par Encore,

En conséquence, confirmer :

- la condamnation de la société Encore Médical LP (anciennement Encore Orthopedics Inc.) et ses ayants droits au paiement entre les mains de Maître Enjalbert du passif de la liquidation judiciaire de la société Akthea à savoir la somme de 1 844 634,52 euro,

Et aussi à titre principal :

- de condamner la société Encore Médical LP (anciennement Encore Orthopedics Inc.) et ses ayants droits au paiement de la somme de 210 000 euros au titre des frais de liquidation et de défense de l'intérêt des créanciers d'Akthea, montant qui devra être recalculé à la date du jugement définitif,

- de condamner la société Encore Médical LP (anciennement Encore Orthopedics inc.) et ses ayants droits au paiement d'intérêts à compter du 11 août 1999, calculés trimestriellement sur les montants précédents, correspondent aux dommages subis par les créanciers ainsi qu'aux frais engagés pour leur défense et aux frais de liquidation,

- de dire que le taux des intérêts composés sera de 6% par an.

A titre subsidiaire :

- de condamner la société Encore Médical LP (anciennement Encore Orthopedics Inc.) et ses ayants droits au paiement d'intérêts à compter du 29 janvier 2003, calculés sur les montants précédents, correspondant aux dommages subis par les créanciers ainsi qu'aux frais engagés pour leur défense et aux frais de liquidation.

- de dire que le taux des intérêts composés sera au taux légal.

A titre infiniment subsidiaire :

- de condamner la société Encore Médical LP (anciennement Encore Orthopedics Inc.) et ses ayants droits au paiement d'intérêts à compter du 31 octobre 2012, calculés sur les montants précédents, correspondant aux dommages subis par les créanciers ainsi qu'aux frais engagés pour leur défense et aux frais de liquidation.

Dans tous les cas

- Condamner Encore Orthopedics à 90 000 euro au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner Encore aux frais et dépens d'instance, dont distraction au profit de la SCP Malet, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Motifs de la décision

Par contrat signé le 11 août 1999 par la SAS Akthea et le 19 août 1999 par la société Encore Orthopedics Inc., cette dernière a désigné la première nommée comme distributeur exclusif pour importer commercialiser, vendre et distribuer sur le territoire de la France et les " possessions " françaises (DOM-TOM) tous les produits d'implants articulaires et de traumatologie fabriqués et vendus par la société Encore Orthopedics Inc. Le contrat a commencé le 11 août 1999 pour une durée de trois ans, avec renouvellement automatique pour des périodes successives de 2 ans, chaque partie ayant le droit soit de le résilier à la fin de la période initiale ou de la période de renouvellement par préavis d'au moins 120 jours.

Par lettre du 4 novembre 1999, la SAS Akthea a informé la société Encore Orthopedics Inc. de la commercialisation en France par la société Endo Plus France de prothèses de genou " Foundation " fabriquées par elle. La société Endo Plus était la filiale française de la société suisse Plus Endoprothetik qui avait la qualité de distributeur dans une vingtaine de pays européens dont la France, des produits fabriqués par la société Encore Médical LP depuis 1992.

Le 31 décembre 1999, la société Encore Médical LP a signé un avenant au contrat de distribution exclusive signé le 12 août 1992 avec la société suisse Plus Endoprothetik AG supprimant son droit de distribution en France.

Le 16 mars 2000, la société Encore Orthopedics Inc. et la SAS Akthea ont conclu un contrat de location des instruments nécessaires à la pose des prothèses et implants.

Par lettre du 7 février 2001, la société Encore Orthopedics Inc. a résilié les contrats de distribution et de location pour défaut de règlement de diverses sommes.

Maître Enjalbert, ès qualités, fonde ses demandes sur une action en responsabilité pour plusieurs manquements à l'obligation de bonne foi et de loyauté due à la SAS Akthea, et notamment pour soutien abusif.

Sur l'exclusivité contractuelle

Le concédant a l'obligation de faire respecter l'exclusivité consentie.

La société Encore Médical LP soutient qu'à peine quatre mois après l'entrée en vigueur du contrat de distribution entre la société Encore Orthopedics Inc. et la SAS Akthea, il a été mis un terme à la distribution en France de produits fabriqués par la société Encore Médical LP par la société Endoprothetik AG, la double distribution en France étant le fruit de l'oubli par la société Encore Orthopedics Inc. compte tenu de la faiblesse confinant à l'inexistence des ventes par la société Endoprothetik AG, que pendant la période de double distribution, la SAS Akthea n'avait pas commencé son activité et qu'après la cessation de la double distribution, aucune preuve de la violation de l'exclusivité n'a été rapportée jusqu'à la résiliation du contrat de distribution.

La violation matérielle de la clause d'exclusivité jusqu'au 31 décembre 1999 n'est pas contestée par la société Encore Médical LP qui en minimise la portée et qui invoque l'absence d'élément intentionnel de sa part en prétendant avoir oublié l'étendue du contrat de distribution signé en 1992.

Cependant comme l'écrit la société Encore Médical LP en page 37 de ses dernières conclusions, lorsque la première facilité de paiement a été accordée en novembre 1999 à la SAS Akthea, le contrat de distribution entrait dans son quatrième mois, et cette dernière avait déjà passé des commandes pour un montant de plus de 130 000 dollars dûment payées, étant relevé que les factures étaient éditées une fois les expéditions faites.

D'autre part, l'oubli allégué ne peut pas être retenu. En effet la même personne a signé le contrat de distribution avec la SAS Akthea et les contrats avec la société suisse Plus Endotroprothetik AG. D'ailleurs, dans une correspondance du 11 juin 2001, le représentant qualifié de la société Endo Plus France fait part de son étonnement à la SAS Akthea de la signature de l'accord de distribution du 11 août 1999 alors qu'elle pensait être le seul distributeur autorisé par la société Encore Orthopedics Inc. en France. De même, des produits fabriqués en novembre 1999 ont été livrés par la société Encore Orthopedics Inc. à la SAS Akthea avec mention des logos de la société Encore Orthopedics Inc. et de la société Endo Plus, les notices d'instruction mentionnant comme distributeur Plus.

En revanche, selon le premier point de l'avenant signé entre la société Encore Orthopedics Inc. et la société suisse Plus AG, cette dernière n'avait plus le droit de vendre ou de livrer quelque produit Encore plus que ce soit en France à compter du 1er janvier 2000 et, le 22 décembre 1999, la société Encore Orthopedics Inc. a indiqué à la SAS Akthea que les implants et instruments détenus par Plus en France seraient renvoyés aux Etats-Unis.

Le fait que par télécopie du 15 mai 2000, le représentant qualifié de la société Endo Plus France sollicite de la SAS Akthea un entretien pour envisager la possibilité d'obtenir en prêt sur demande des implants de révision établit que cette dernière ne détenait plus d'implants de la société Encore Orthopedics Inc.

Par ailleurs, si le constat d'huissier dressé le 3 novembre 2000 à la clinique de la Défense à Nanterre établit qu'une livraison contient des implants insert ultra congruant tibial fabriqués par la société Encore Orthopedics Inc. et du matériel fabriquée par la société Endo Plus, il doit être relevé que l'huissier instrumentaire n'indique pas l'origine de la livraison, constatant seulement la livraison de cartons contenant des implants et du matériel.

Le fait que dans un courrier du 11 juin 2001, la société Endo Plus France reconnaît avoir procédé à l'écoulement en France du stock restant de produits de la société Encore Orthopedics Inc., postérieurement à l'avenant du 31 décembre 1999 est la conséquence du non-respect de la clause d'exclusivité par la société Encore Orthopedics Inc. jusqu'à cette date, aucune livraison de matériel à destination de la socité Endo Plus France postérieurement au 1er janvier 2000 n'étant démontrée.

Pour tenter de caractériser le manquement à son obligation de bonne foi et de loyauté, Maître Enjalbert, ès qualités, soutient que la société Encore Orthopedics Inc. n'avait pas mis en place de moyen de contrôle de la licence accordée à la société allemande Endo Plus GmbH, société filiale de la société suisse, et qu'elle n'avait rien fait contre la contrefaçon du produit Foundation par la solution TC-Plus, allant jusqu'à écrire en pages 27 et 28 que la société Encore Orthopedics Inc. fabriquait sa propre contrefaçon et cela depuis au moins 2000.

Tout d'abord, la licence de fabrication et de vente concédée à la société allemande concerne trois pays, l'Allemagne, la République Tchèque et l'Arabie Saoudite, et non la France.

Ensuite, le fait qu'une procédure en contrefaçon pour le produit TC Plus Solution et en concurrence déloyale ait été diligentée aux Etats-Unis par la société Encore Médical LP à l'encontre de la société Endo Plus neuf jours après la résiliation du contrat de distribution avec la SAS Akthea ne démontre pas la connaissance bien antérieure de la contrefaçon alléguée alors même que la société Encore Orthopedics Inc. a introduit le même jour une action en référé pour voir interdire une présentation du produit qualifié de contrefaisant. Si le procès-verbal de constat dressé le 3 novembre 2000 mentionne la présence de produits qualifiés de contrefaisants, ce document n'a été porté à la connaissance de la société Encore Orthopedics Inc. qu'à la mi-janvier 2001. Par ailleurs, le seul message électronique adressé par la SAS Akthea au représentant qualifié de la société Encore Orthopedics Inc. le 26 mai 2000 n'établit pas la connaissance par cette dernière de la contrefaçon alléguée.

Enfin, la complicité alléguée de la société Encore Orthopedics Inc. dans des actes de fidélisation illicites de la société Plus vers un compte offshore sur la base d'un contrat ayant pris fin le 31 décembre 2000 n'est pas démontrée.

Le manquement de la société Encore Médical LP à l'obligation de faire respecter l'exclusivité consentie n'est établi que pour la période allant du 19 août 1999 au 31 décembre 1999. Il ne peut pas être reproché à la société Encore Médical LP d'avoir failli à son obligation de bonne foi et de loyauté envers la SAS Akthea postérieurement au 31 décembre 1999.

Sur la méthode de détermination des prix

Pour tenter de démontrer que la société Encore Orthopedics Inc. n'a pas respecté la méthode de détermination des prix, Maître Enjalbert, ès qualités, invoque une différence entre le même document produit par les parties, l'un portant des mentions manuscrites et l'autre pas. Mais, cette discussion est inopérante dans la mesure où ce document date du 5 août 1999 et où les parties ont eu un échange le lendemain sur le montant des remises qui a été pris en compte par la société Encore Orthopedics Inc. De même, un message du 28 août 1999 établit que les prix arrondis pour certains matériels sont calculés en dollars. D'ailleurs, en janvier 2000, la SAS Akthea a demandé à la société Encore Orthopedics Inc. une modification du calcul des prix en raison de l'évolution du taux entre le franc français et le dollar US, ce qui a été refusé en référence aux termes du contrat de distribution prévoyant un engagement minimum d'achat annuel fixé, en annexe du contrat, jusqu'à la fin de l'année 2000 à une somme de 1,7 millions de dollars et à l'absence de clause contractuelle garantie contre l'évolution du taux de change.

Il résulte de l'examen de factures établies par la société Encore Orthopedics Inc. que les taux de remise pris en compte correspondent à ceux arrêtés le 6 août 1999.

Ainsi, il est établi que la société Encore Orthopedics Inc. s'est conformée aux prix convenus.

Sur la reprise des stocks

Sauf clause expresse de reprise prévue par le contrat, le fournisseur n'est pas tenu de racheter les stocks de marchandises détenus par le distributeur à l'issue des relations contractuelles.

Or, le contrat de distribution ayant lié la société Encore Orthopedics Inc. et la SAS Akthea ne contient aucune clause explicite relative à la reprise des stocks. A la rupture des relations entre les parties, le stock détenu par la SAS Akthea correspondait à environ 300 000 euros d'achats.

La clause de réserve de propriété figurant au dos d'une facture ne signifie pas la reprise des marchandises n'ayant pas fait l'objet d'un règlement intégral. Maître Enjalbert,ès qualités, ne démontre pas qu'il a été demandé à la société Encore Médical LP de l'appliquer . En effet, en page 57 de ses écritures, Maître Enjalbert, ès qualités, indique que la SAS Akthea a toujours demandé que la société Encore Orthopedics Inc. l'applique, par exemple lors des négociations en juin 2001 ou lors des audiences arbitrales du second semestre 2002. Mais, il convient de constater que ces affirmations ne sont étayées par la production d'aucune pièce alors que Maître Enjalbert, ès qualités, a produit pas moins de 257 pièces, la déclaration de Harry Zimmerman, en pièce 226, ne manifestant pas un refus d'appliquer ladite clause mais expliquant que la tentative de sauver les relations contractuelles a conduit la société Encore Orthopedics Inc. à ne pas respecter le délai de réclamation exigé pour la mise en œuvre de l'assurance souscrite pour les créances clients à l'export .

Par ailleurs, le fait qu'une partie des stocks en possession de la SAS Akthea n'ait pas été reprise par la société Sanortho ne caractérise pas une faute de la part de la société Encore Médical LP, la société Sanartho n'ayant pas souhaité interférer dans la tentative de règlement des différends entre la société Encore Orthopedics Inc. et la SAS Akthea au cours de laquelle les stocks étaient en discussion. Contrairement à ce que tente de soutenir Maître Enjalbert, ès qualités, en page 55 de ses écritures, la société Encore Médical LP ne s'est pas contredite au détriment d'autrui par rapport à l'explication donnée en première instance. En effet, la société Encore Médical LP avait indiqué avoir refusé le rachat du stock et s'être opposée à son rachat par la société Sanortho en raison de la note qualifiée de diffamatoire adressée le 24 juillet 2001 par l'actionnaire fondateur de la SAS Akthea à ses actionnaires ainsi qu'aux membres de la Securities & Exhange Commission, tout en indiquant que le contrat de distribution ne comportait ni clause de reprise de stock ni clause de revente à sa charge.

Mais, l'article 18 du contrat de distribution prévoit que sa validité, son interprétation et sa mise en œuvre seront régies par la convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises. Or, l'article 77 de la convention de Vienne du 11 avril 1980 relative aux ventes internationales de marchandises dispose que la partie qui invoque la contravention au contrat doit prendre les mesures raisonnables, eu égard aux circonstances, pour limiter la perte, y compris le gain manqué, résultant de la contravention ; si elle néglige de le faire, la partie en défaut peut demander une réduction des dommages-intérêts égale au montant de la perte qui aurait dû être évitée .

Or, pour limiter la dette, compte tenu de la durée de validité des matériels, il appartenait à la société Encore Orthopedics Inc. de reprendre le stock d'une valeur d'environ 300 000 euros dans la mesure où dans sa lettre du 22 décembre 1999, la société Encore Orthopedics Inc. avait indiqué à la SAS Akthea que les stocks de la société Endo Plus France seraient retournés aux Etats Unis.

Le grief invoqué par Maître Enjalbert, ès qualités, doit dès lors être retenu.

Sur les défaillances et incapacités techniques des produits offerts par la société Encore Orthopedics Inc.

Les prétendues défaillances auraient été commises entre juillet et octobre 2000. Or, sans qu'ils soit nécessaire de se prononcer sur leur réalité, il convient de constater que Maître Enjalbert, ès qualités, n'a formulé ce grief que dans des écritures en date du 7 février 2012, soit au-delà du délai de prescription de 10 ans applicable aux actions en responsabilité délictuelle selon les dispositions de l'ancien article 2270-1 du Code civil. La date du 23 décembre 2002 correspondant à la déclaration de créance par la société Encore Médical LP à la procédure collective de la SAS Akthea ne constituant pas le point de départ du délai de prescription. Dès lors, comme l'ont jugé les juges consulaires, ce moyen est prescrit.

Sur l'état de dépendance économique

Aux termes de l'article L. 420-2 du Code de commerce, l'abus d'un état de dépendance économique est prohibé et il appartient à celui qui l'invoque d'en rapporter la preuve. Or, Maître Enjalbert, ès qualités, échoue dans l'administration de la preuve qui lui incombe.

L'absence de solution équivalente constitue non pas la condition unique mais une condition essentielle pour la qualification de l'abus de dépendance économique, étant relevé que Maître Enjalbert, ès qualités, n'invoque que ce seul motif, et non les trois autres qui sont la notoriété de la marque du fournisseur, l'importance de la part de marché du fournisseur et l'importance du fournisseur dans le chiffre d'affaires du revendeur.

Maître Enjalbert, ès qualités, invoque l'impossibilité de reconstituer les stocks en visant les pièces 63 et 64 produites. Mais ces pièces constituées par des messages électroniques envoyés par la société Encore Orthopedics Inc. sont datées des 12 et 25 janvier 2001, soit pendant la durée de préavis précédant la résiliation du contrat intervenue le 7 février 2001. Ces deux seuls refus d'approvisionnement imputables aux retards de paiement de la SAS Akthea ne permettent pas de caractériser l'absence de solution équivalente requise pour établir un abus de dépendance économique.

Sur le soutien abusif

Le maintien de relations contractuelles avec un débiteur qui ne paye pas ses factures ne saurait, lorsque par la suite celui-ci fait l'objet d'une procédure collective, être qualifié de soutien abusif que s'il est établi par le mandataire qui agit que ledit contractant avait connaissance d'une situation irrémédiablement compromise ou aurait dû en avoir connaissance, cette situation ne se confondant pas avec la cessation de paiements.

Le contrat de distribution du mois d'août 1999 a accordé un encours de 150.000 dollars et des délais de paiement allant en diminuant : 120 jours jusqu'au 30 juin 2000, 90 jours jusqu'au 31 décembre 2001 puis 60 jours.

Maître Enjalbert, ès qualités, fait valoir que la situation de la SAS Akthea était irrémédiablement compromise dès la signature du contrat de distribution.

Cependant, la mise en place d'un échelonnement des délais de paiement avec leur réduction progressive ne traduit pas un financement excessif de la SAS Akthea mais une volonté de favoriser le démarrage de son activité en lui permettant de récupérer le produit de ses ventes avant de devoir régler ses achats à la société Encore Orthopedics Inc.

Maître Enjalbert,ès qualités, soutient que si le 18 mars 2000 le reliquat de la facture du 19 novembre 1999 s'élevait à 108 394 USD, l'encours était de 326 463 USD au 21 mars 2000, en visant les pièces 90 et 91. Mais, si la première somme apparaît sur la pièce 90 dans la rubrique Amount Open, la seconde est mentionnée en pièce 91 dans la rubrique restant dû alors qu'au 18 mars 2000, sur ce même document, le montant était de 314 348 USD. Dès lors, le rapprochement opéré par Maître Enjalbert, ès qualités, n'est pas pertinent, l'encours à comparer étant au 4 avril 2000 de 114 186 USD, soit inférieur au 150 000 USD prévus au contrat.

Quoiqu'il en soit, le fait de dépasser l'encours accordé d'environ 20 000 USD à partir de juillet 2000 ne permet pas de caractériser une situation irrémédiablement compromise.

De plus, dès octobre 2000, la société Encore Orthopedics Inc. a indiqué à la SAS Akthea qu'aucune autre facilité ne lui serait plus accordée. Puis, en décembre 2000, la société Encore Orthopedics Inc. a mis en demeure la SAS Akthea de respecter ses obligations avant de résilier le contrat de distribution le 7 février 2001, soit plusieurs mois avant la réduction des délais de paiement à 60 jours devant intervenir à compter de janvier 2002 et encore plus de mois avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire en juillet 2002 . Il doit par ailleurs être relevé que l'article 10 B du contrat de distribution prévoit un préavis de 60 jours pour sa résiliation et que ce délai est réduit à 15 jours si le non-respect du distributeur est dû à un défaut financier, délai de préavis que la société Encore Orthopedics Inc. n'a pas utilisé.

La société Encore Orthopedics Inc. n'a pas plus créé une apparence de solvabilité dans la mesure où elle n'avait pas d'obligation de déclarer des incidents de paiement et alors même que le contrat de distribution prévoyait des intérêts de retard. De plus, la société Encore Orthopedics Inc. a informé son assureur Euler ACI, à sa demande, le 2 octobre 2000 des impayés et la SAS Akthea a obtenu en décembre 2000 un prêt du CIC au moment où la société Encore Orthopedics Inc. l'avait informée de la cessation des facilités de paiement.

Enfin, Maître Enjalbert, ès qualités, ne rapporte pas la preuve de démarches n'ayant pas abouti pour obtenir des prêts.

Ainsi, il n'est pas démontré que la société Encore Orthopedics Inc. ait consenti un soutien abusif à la SAS Akthea, à quelque moment que ce soit.

Sur le lien de causalité et le préjudice

Maître Enjalbert, ès qualités, soutient que la totalité du passif de la SAS Akthea doit être mise à la charge de la société Encore Médical LP en énumérant chronologiqument les différents actes fautifs reprochés à la société Encore Médical LP depuis la signature de l'acte de distribution jusqu'au refus de reprise du stock par la société Sanortho, au refus de faire valoir la clause de réserve de propriété et même à la déclaration de créance intervenue le 23 décembre 2002 à hauteur de 847 324,12 euros.

Mais, les deux seules fautes retenues à l'encontre de la société Encore Médical LP sont le non-respect de la clause d'exclusivité pendant quatre mois et demi du 19 août au 31 décembre 1999 et le défaut de reprise des stocks.

Comme 17 mois se sont écoulés entre la résiliation des contrats de distribution et de location intervenue le 7 février 2001 et l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SAS Akthea en date du 25 juillet 2002, le préjudice devant être indemnisé ne porte que sur l'incidence de la violation de la clause d'exclusivité sur les ventes de marchandises et donc la marge brute, incidence qui a cependant eu des effets postérieurement au 31 décembre 1999 en raison de l'écoulement du stock de la société Endo Plus France, ainsi que sur la valeur du stock non repris.

L'étude économique réalisée par la société MEMOCONSULT relative à la position de la SARL Endo Plus France sur le marché des prothèses orthopédiques des années 2000 permet seulement d'approcher les conséquences du manquement constaté dans la mesure où la société Endo Plus ne vendait pas que des prothèses de genoux fabriquées par la société Encore Orthopedics Inc. Par ailleurs, la société Encore Médical LP oppose une note, communiquée en pièce 101, dont Maître Enjalbert, ès qualités, ne conteste pas la véracité, faisant ressortir que les ventes de produits par la société Encore Orthopedics Inc. à la société mère suisse qui les distribuait dans une vingtaine de pays dont la France ont atteint environ 1,5 million de dollars pour les années 1999 et 2000, ce qui limite nécessairement l'impact économique du non-respect de la clause d'exclusivité.

Compte tenu des éléments comptables produits par Maître Enjalbert, ès qualités, sur l'activité de la SAS Akthea en 1999 et 2000, et du montant des achats devant être réalisés par la SAS Akthea jusqu'à la fin de l'année 2000 s'élevant à 1 700 000 USD, il sera alloué à Maître Enjalbert, ès qualités, à titre de dommages et intérêts une somme de 300 000 euros en réparation de la première faute et une somme identique correspondant à la valeur des stocks non repris, soit un total de 600 000 euros.

S'agissant d'une créance indemnitaire, elle portera intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les frais et débours liés à la situation de liquidation judiciaire

En l'absence de lien de causalité entre les fautes retenues à l'encontre de la société Encore Médical LP et la liquidation judiciaire de la SAS Akthea, la demande en paiement de la somme de 210 000 euros au titre des frais de liquidation et de défense de l'intérêt des créanciers d'Akthea, sur laquelle le tribunal de commerce a omis de statuer, doit être rejetée.

Le jugement du tribunal de commerce sera donc infirmé, la société Encore Médical LP étant condamnée à payer à la SAS Akthea la somme de 600 000 euros qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et Maître Enjalbert, ès qualités, étant débouté de sa demande en paiement de la somme de 210 000 euros,

Enfin, la société Encore Médical LP qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs : Infirme le jugement du tribunal de commerce de Montauban, Et statuant à nouveau, Condamne la société Encore Médical LP à payer à la SAS Akthea la somme de 600 000 euros, à titre de dommages et intérêts, somme qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, Déboute Maître Enjalbert, ès qualités, de sa demande en paiement de la somme de 210 000 euros, Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la société Encore Médical LP de sa demande de ce chef, Condamne la société Encore Médical LP à payer à Maître Enjalbert, ès qualités la somme de 15 000 euros sur ce fondement, Condamne la société Encore Médical LP aux dépens de première instance et d'appel dont distraction par application de l'article 700 du Code de procédure civile.