CA Fort-de-France, ch. civ., 24 février 2015, n° 10-00130
FORT-DE-FRANCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Lelan
Défendeur :
Assouline
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lallement
Conseillers :
Mmes Deryckere, Triol
Avocats :
Mes Manville, Le Calvez, Mouriesse, Bouhenic
ARRÊT :
Contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'alinéa 2 de l'article 450 du Code de procédure civile.
Exposé du litige - Rappel de la Procédure - Prétentions des parties
M. Elie Assouline exerçait une activité de courtier en prêts immobiliers à titre individuel sous l'enseigne " Cafpi ". Il confiait à des agents commerciaux la représentation de ses services, au travers ou non d' agences installées sur l'ensemble du territoire français, en vue de la négociation et de la conclusion de contrats de prêts immobiliers, au nom et pour son compte.
La société Gestion et conseil constructifs (société à responsabilité limitée ayant pour nom commercial G2C) créée le 13 février 2004, ayant pour gérant M. Christophe Lelan et exerçant une activité de conseil en gestion des affaires plus particulièrement tournées vers la construction immobilière et M. Elie Assouline ont conclu le 27 janvier 2005 un protocole aux termes duquel ce dernier a autorisé la société G2C à le représenter dans le cadre de son activité de courtier en prêts immobiliers dans le département de la Martinique, à compter du 27 janvier 2005.
Par la suite, M. Christophe Lelan est devenu à titre personnel agent commercial de l'entreprise Cafpi en signant un contrat d'agent commercial prenant effet à compter du 03 juillet 2006 à charge pour lui de représenter M. Elie Assouline dans le cadre de son activité de courtier en crédits immobiliers avec versement de commissions en contrepartie.
M. Christophe Lelan a mis fin à ce contrat d'agent commercial par courrier en date du 17 janvier 2007 avec effet au 31 janvier 2007.
Soutenant notamment que des commissions ne lui avaient pas été versées, M. Christophe Lelan, selon exploit d'Huissier du 17 juillet 2008, a assigné M. Elie Assouline devant le Tribunal mixte de commerce de Fort-de-France, afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 13 783 euro au titre des commissions non perçues et la somme de 230 000 euro à titre de dommages-et-intérêts.
Par jugement contradictoire du 12 janvier 2010, le tribunal mixte de commerce a débouté M. Christophe Lelan de toutes ses demandes et l'a condamné à payer à son adversaire la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. Christophe Lelan a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée au greffe de la cour par son avocat le 25 février 2010.
Par acte sous seing privé en date du 5 juin 2009, M. Elie Assouline a fait apport de son entreprise de courtage en prêts immobiliers à la société Cafpi, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés d'Evry sous le numéro 510 302 953.
La société Cafpi ayant repris l'actif et le passif de l'entreprise unipersonnelle de courtage est intervenue volontairement à l'instance d'appel comme venant aux droits de M. Elie Assouline.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 juin 2014 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 26 septembre 2014.
Par ses dernières écritures déposées et notifiées le 7 janvier 2014, M. Christophe Lelan demande à la cour:
- d'infirmer le jugement rendu le 12 janvier 2010 par le Tribunal de commerce de Fort-de-France;
- de condamner M. Elie Assouline/Cafpi à lui payer la somme de 15 512,93 euro au titre des commissions restant dues;
- de condamner M. Elie Assouline/Cafpi à lui payer la somme de 230 000 euro au titre des dommages et intérêts;
- de condamner M. Elie Assouline/Cafpi à lui payer la somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par écritures remises et notifiées par voie électronique le 9 avril 2014, M. Elie Assouline et la société Cafpi venant aux droits de M. Elie Assouline demandent à la cour:
- À titre principal, vu les dispositions de l'article 753 alinéa 1 du Code de procédure civile:
- de constater que M. Christophe Lelan n'invoque pas dans ses conclusions les moyens en droit, à l'appui de ses demandes en paiement et de le déclarer irrecevable en ses demandes;
- À titre subsidiaire, pour le cas où la cour n'aurait pas retenu le moyen d'irrecevabilité fondé sur l'article 753 alinéa 1 du Code de procédure civile:
- Sur la demande de paiement de dommages et intérêts dirigée à l'encontre de M. Elie Assouline et de la société Cafpi, vu les dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile, de constater que M. Christophe Lelan réclame pour la première fois en appel l'allocation de dommages et intérêts fondés sur la prétendue imputabilité de la rupture de son contrat d'agent commercial à son mandant et de le déclarer irrecevable en ses demandes;
- vu les dispositions de l'article 122 du Code de procédure civile et les dispositions de l'article 134-12 alinéa 1 et 2 du Code de commerce, de constater que M. Christophe Lelan n'a pas notifié son droit à réparation dans le délai d'un an à compter de la date de cessation de son contrat d'agent commercial et qu'il est donc déchu de son droit à réparation et de le déclarer irrecevable en ses demandes;
- Sur la demande de paiement des commissions dirigée à l'encontre de M. Elie Assouline et de la société Cafpi, vu les dispositions des articles 1134 et 1315 du Code civil et les pièces versées, de constater que M. Christophe Lelan a signé, le 3 juillet 2006, le contrat d'agent commercial et le barème, le liant à la Cafpi et que les dispositions de ce contrat d'agent et de ce barème signés le 3 juillet 2006 ont pris effet entre les parties, à compter du 3 juillet 2006 et qu'en conséquence M. Christophe Lelan ne peut revendiquer l'application des dispositions de ce contrat d'agent et de ce barème, sur des diligences réalisées antérieurement à la date du 3 juillet 2006 (par la société G2C);
- de constater que M. Christophe Lelan peut donc encore moins se prévaloir d'un quelconque droit à des commissions et compléments de commissions (primes mensuelle, trimestrielle, semestrielle), tels que prévus dans le barème contractuel signé le 3 juillet 2006, sur les dossiers traités pendant toute la période d'octobre 2005 à juin 2006, d'autant qu'ils ont été traités par la société G2C et non par l'intéressé;
- de constater que M. Christophe Lelan a été réglé par M. Assouline, au titre de ses commissions, dans le cadre de son contrat d'agent:
- En conséquence, de débouter M. Christophe Lelan de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, à l'encontre de M. Assouline et de la société Cafpi;
- À titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour n'aurait pas retenu les moyens d'irrecevabilité fondés sur les article 564 et 122 du Code de procédure civile, s'agissant de la demande de paiement de dommages et intérêts dirigée à l'encontre de M. Elie Assouline et de la société Cafpi, vu les dispositions des articles 1134 et 1315 du Code civil et les pièces versées, de constater que M. Christophe Lelan n'apporte pas la preuve des frais qu'il prétend avoir engagés, pour l'agence Cafpi de Martinique mais que M. Elie Assouline démontre, pour sa part, la prise en charge des frais de création, de gestion et de fonctionnement de l'agence Cafpi de Martinique et qu'il n'a pas agi de manière déloyale envers M. Christophe Lelan;
- En conséquence, de débouter M. Christophe Lelan de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, à l'encontre de M. Assouline;
- En toutes hypothèses, vu les dispositions des articles 1134 et 1315 du Code civil et 559 du Code de procédure civile:
- de recevoir la société Cafpi venant aux droits de M. Elie Assouline, en son intervention dans la présente procédure;
- de déclarer M. Christophe Lelan mal fondé en son appel et de le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, à l'encontre de M. Elie Assouline et de la société Cafpi;
- d'écarter des débats toutes pièces de M. Lelan qui n'auraient pas été visées dans son bordereau du 7 mars 2013 et communiquées aux concluants;
- de confirmer le jugement rendu le 12 janvier 2010 en toutes ses dispositions;
- de condamner M. Christophe Lelan à payer à M. Elie Assouline et à la société Cafpi venant aux droits de M. Elie Assouline, la somme de 3 000 euro de dommages et intérêts au titre de cette procédure abusive;
- de condamner M. Christophe Lelan à payer à M. Elie Assouline et à la société Cafpi
venant aux droits de M. Elie Assouline, la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
- de condamner M. Christophe Lelan aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Motifs de la décision
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs écritures ci-dessus rappelées ainsi qu'à la décision déférée.
Le tribunal a débouté M. Christophe Lelan de ses demandes en retenant qu'il n'apportait pas la preuve lui incombant des commissions dont il demande le paiement pas plus que la preuve d'investissements personnellement réalisés dans l'agence martiniquaise Cafpi.
Sur la recevabilité des demandes de M. Christophe Lelan
M. Elie Assouline prétend que les demandes de M. Christophe Lelan sont irrecevables au motif qu'il n'a pas développé ses moyens de droit à l'appui de celle-ci. Dès lors, selon lui, l'article 753 alinéa un du Code de procédure civile qui prévoit que les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée n'étant pas respecté, les demandes de son adversaire sont frappées d'irrecevabilité.
Sur ce point la cour constate que l'appelant a régulièrement déposé et notifié des conclusions dont le dispositif énumère ses prétentions. Dès lors, ses prétentions sont recevables sans qu'un défaut de moyens de droit articulés au soutien de celle-ci, à le supposer réel, puisse rendre irrecevables lesdites prétentions. En conséquence, la cour rejette ce moyen d'irrecevabilité des demandes présenté par l'intimé.
M. Elie Assouline prétend en outre, au visa de l'article 564 du Code de procédure civile, que la demande d'octroi de dommages et intérêts de M. Christophe Lelan est irrecevable car présentée pour la première fois en cause d'appel. Il considère en effet que l'allocation de dommages et intérêts fondée sur une rupture du contrat d'agent commercial imputée au mandant est nouvelle car cette demande n'avait pas été présentée sous cette forme en première instance.
La cour rappelle à cet égard que ne sont pas nouvelles, selon l'article 565 du Code de procédure civile, les prétentions tendant aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. Or, la cour constate que M. Christophe Lelan avait formé en première instance une demande de dommages et intérêts. En renouvelant cette demande devant la cour et en lui donnant éventuellement un fondement juridique différent, il ne saurait donc être considéré qu'il présente cette demande pour la première fois en cause d'appel. Le moyen d'irrecevabilité de cette demande de dommages-intérêts ainsi soulevé par l'intimé sera donc rejeté.
M. Elie Assouline invoque également l'irrecevabilité de cette demande de dommages-intérêts en se fondant pour ce faire sur l'article L. 134-12 alinéas 1 et 2 du Code de commerce selon lequel, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, ce droit à réparation étant perdu si l'agent n'a pas notifié à son mandant dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat son intention de faire valoir ses droits. M. Christophe Lelan ayant mis fin à son contrat d'agent par un courrier en date du 17 janvier 2007 avec une date de prise d'effet au 31 janvier 2007, il lui appartenait donc, selon l'intimé, au cas où il entendait faire valoir ses droits au titre de la rupture de son contrat d'agent commercial de notifier son droit à réparation dans le délai d'un an à compter de la date de cessation du contrat soit jusqu'au 17 janvier 2008. Ne l'ayant pas fait il serait, selon M. Elie Assouline, irrecevable en cette demande.
M. Christophe Lelan s'oppose à cette manière de voir les choses en soutenant qu'il ne demande pas d'allocation d'une indemnité de rupture seule concernée par ce délai prévu par le Code de commerce mais l'allocation de dommages et intérêts à raison du comportement déloyal dont a fait preuve M. Elie Assouline à son égard.
En toute hypothèse, la cour constate que sont jointes deux lettres présentées comme ayant été expédiées à M. Elie Assouline en recommandé avec demande d'avis de réception qui sont en date des 23 octobre 2007 et 21 décembre 2007 et émanent de l'avocat de M. Christophe Lelan pour réclamer le paiement de commission et un dédommagement " pour les investissements réalisés dans le cadre de l'ouverture d'une agence Cafpi ainsi que pour le préjudice subi suite aux manquements contractuels ". Si, ni les avis d'expédition ni les avis de réception de ces courriers ne sont produits, ils ne sont pour autant pas contestés en sorte qu'ils doivent être considérés comme valant notification faite dans les formes et délai de l'article L. 134-12 alinéas 1 et 2 du Code de commerce. À supposer donc que l'indemnisation réclamée par M. Christophe Lelan soit fondée sur le droit à réparation institué par ces dispositions du Code de commerce, cette demande d'allocation de dommages et intérêts ne saurait être déclarée irrecevable au motif du défaut de notification de ce droit dans le délai prescrit par lesdites dispositions. Là encore, ce moyen d'irrecevabilité soulevé par M. Elie Assouline doit donc être rejeté.
Sur le paiement des commissions
Il est constant que la SARL G2C ayant pour gérant M. Christophe Lelan a été immatriculée le 21 juillet 2004 au registre du commerce et des sociétés de Fort-de-France pour exercer une activité de " conseil pour la gestion et les affaires " et que, selon protocole signé le 27 janvier 2005 avec M. Elie Assouline, courtier en prêts immobiliers exerçant sous l'enseigne Cafpi, cette SARL représentée par son gérant a été autorisée à représenter ce dernier dans le cadre de prêts immobiliers " sur l'île de la Martinique ", la société s'engageant à exercer son activité dans le domaine des prêts immobiliers pour le compte exclusif de Cafpi en contrepartie de la perception d'une commission.
Il est également constant qu'un contrat d'agent commercial a été signé entre M. Elie Assouline et M. Christophe Lelan agissant à titre personnel le 3 juillet 2006 pour prendre effet à cette date et que M. Christophe Lelan a été inscrit sur le registre spécial des agents commerciaux avec un début d'activité au 3 juillet 2006.
M. Christophe Lelan prétend que des commissions lui restent dues car les calculs opérés par M. Elie Assouline pour lui verser sont inexacts et ont conduit ce dernier à retenir une partie des sommes devant lui revenir.
Il expose à cet égard que la commission est fixée en déterminant d'abord la base de calcul selon le procédé suivant: les honoraires que donne la banque prêteuse lesquels sont un pourcentage du montant emprunté auxquels on ajoute les honoraires que donne le client emprunteur lesquels sont aussi un pourcentage du montant emprunté et on en déduit les honoraires de l'apporteur d'affaires s'il y en a, le tout pour obtenir une somme à laquelle on applique un coefficient variable suivant les honoraires clients entre 77 % et 84 %. À la somme ainsi obtenue qui constitue la base de calcul, il faut ensuite appliquer le pourcentage de 40 % pour déterminer la commission devant lui revenir.
Selon lui, les retenues opérées par M. Elie Assouline l'ont conduit à omettre de lui verser entre 2005 et 2007 la somme totale de 15 512,93 euro.
L'intimé réplique en rappelant les dispositions de l'article 1315 du Code civil selon lesquelles celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Il fait valoir à cet égard que M. Christophe Lelan n'apporte pas la preuve qui lui incombe des commissions dont il demande le paiement.
L'intimé fait par ailleurs valoir que les commissions se calculent selon une équation qui aboutit à obtenir une base de commissionnement de la manière suivante: commission bancaire + honoraires versés par le client - rétrocession des honoraires versés à l'apporteur incluant " une participation au budget cagnotte " x coefficient multiplicateur qui est déterminé en fonction du montant des honoraires versés par le client.
M. Elie Assouline soutient qu'une partie des sommes réclamées par son adversaire sont relatives à la " participation au budget cagnotte " qui a été déduite de la base de commissionnement en conformité avec la grille tarifaire annexée au contrat d'agent commercial.
L'intimé soutient par ailleurs que M. Christophe Lelan n'est pas fondé à réclamer, comme il le fait, le règlement de commissions sur les dossiers traités, non par lui-même, mais par la SARL G2C dont il était le gérant, n'étant devenu agent commercial indépendant de l'entreprise Cafpi qu'à compter du 3 juillet 2006 de même que, sur certains dossiers, il ne peut réclamer la part de commission qui a été légitimement attribuée aux autres agents commerciaux ayant travaillé conjointement avec lui.
Sur ce, la cour relève que l'article 4 du contrat d'agent commercial signé le 3 juillet 2006 stipule qu'en rémunération de ses services, l'agent recevra une commission fixée suivant tableau joint sur toutes les opérations conclues par l'agent commercial avec la clientèle située sur le territoire défini à l'article trois.
La cour retient que selon le tableau visé à cet article 4 du contrat d'agent commercial, lequel est intitulé " grille applicable sur les dossiers mandatés à compter de janvier 2005 " et qui est annexé au contrat d'agent commercial signé par M. Christophe Lelan le 3 juillet 2006, la base de calcul des commissions est égale aux honoraires clients plus la commission banque moins la ristourne PV (Points Vacances d'une valeur de 60 euro par point attribuable par challenge) x le coefficient de 84 %, ou 80 % ou 77 % selon le montant des honoraires versés par les clients. Selon ce même document, les commissions sont ensuite fixées selon un taux variable déterminé par le cumul semestriel des bases de calcul. Ce taux varie de 30 % à 40 %, le taux de 40 % étant applicable à un montant de base de calcul supérieur ou égal à 54 600 euro, des compléments de commission pouvant aussi être versés.
La cour en déduit que le mode de calcul retenu par M. Christophe Lelan est conforme aux engagements contractuels réciproques des parties alors que celui dont se prévaut M. Elie Assouline, notamment en faisant état d'une retenue pour " cagnotte ", ne résulte pas exactement de la convention signée par les parties.
Pour autant, il est certain que M. Christophe Lelan n'est pas fondé à réclamer des commissions sur les dossiers traités, non par lui-même, mais par la société G2C antérieurement au 3 juillet 2006. Ces commissions, d'un montant total de 2 092,69 euro ne lui sont donc pas dues.
De même, M. Christophe Lelan réclamant au titre de commissions qui ne lui auraient pas été versées la somme de 300 euro pour le dernier trimestre de l'année 2006, la somme de 1 000 euro pour le semestre allant de juillet à décembre 2006 et la somme de 1 500 euro au titre de toute l'année 2006 sans faire la preuve que ces sommes lui seraient contractuellement dues, celles-ci doivent être déduites du montant de sa réclamation.
Il en va de même de la somme de 4 500 euro que M. Christophe Lelan a également ajouté à ses réclamations en l'incluant dans son tableau récapitulatif des commissions dues sous une rubrique intitulé " aide M. Assouline non réglée Mars 06, Avril 06 et Mai 06 " sans faire la preuve que cette somme lui serait due au titre d'un engagement contractuel de son adversaire.
À l'inverse, M. Elie Assouline ne justifie pas avoir agi en conformité avec les stipulations contractuelles en versant à M. Christophe Lelan, ainsi qu'il l'admet, des commissions réduites sur deux dossiers traités conjointement par plusieurs agents commerciaux au motif que tous devaient se partager le commissionnement.
Tenant compte de l'ensemble de ces considérations, la cour estime qu'il est établi qu'en application de ses obligations contractuelles du 3 juillet 2006, M. Elie Assouline reste redevable envers M. Christophe Lelan de commissionnements d'un montant total de 6 120,24 euro (15 512,93 - 2 092,69 - 2 800 - 4 500) lui restant dus au titre des commissions fixées selon les stipulations conventionnelles. La cour, par infirmation du jugement déféré, condamnera en conséquence la société Cafpi venant aux droits de M. Elie Assouline au paiement de cette somme à M. Christophe Lelan.
Sur la demande de dommages-intérêts
M. Christophe Lelan prétend qu'il a été contraint de mettre un terme à son contrat d'agent commercial conclu avec M. Elie Assouline compte tenu du comportement déloyal de ce dernier qui retenait systématiquement des sommes sur les commissions dont il était redevable envers lui. Il soutient donc être en droit d'obtenir réparation du préjudice qui lui a été causé par cette rupture à laquelle il a été contraint. Au titre de son préjudice, il cite les frais de création de l'agence ouverte le 15 mai 2006 et toutes les dépenses engagées avant cette ouverture puisqu'il aurait été, selon lui, amené à faire travailler le personnel recruté, à son domicile, dont il a été le seul à payer les loyers entre juin 2005 et juin 2006 de même qu'il a été contraint au paiement des factures d'eau, de téléphone, d'électricité ou encore d'abonnement internet de ses locaux entre janvier 2005 et juin 2006 pour les besoins exclusifs de l'agence Cafpi ou encore au paiement d'équipements tel le télécopieur qui lui a été livré en juillet 2005.
Entre également selon lui dans le calcul du préjudice dont il demande réparation la perte de la clientèle qui a été captée par Cafpi puisqu'il a dû dissoudre sa société G2C. Il verse à cet égard la déclaration déposée au centre de formalités des entreprises le 22 juin 2007 pour être publiée au registre de commerce et des sociétés aux fins d'enregistrement de la dissolution de la SARL G2C avec cessation totale d'activité au 30 juin 2006 et mention de la parution d'une annonce légale de dissolution en date du 5 mai 2007 indiquant qu'il a été désigné comme liquidateur à compter du 7 mai 2007.
Sur ce, la cour rappelle que si l'agent commercial a droit à l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce en cas de rupture de contrat pour compenser le préjudice résultant de la cessation de ses relations avec son mandant, il peut aussi lui être alloué des dommages et intérêts en cas de faute commise par le mandant dans l'exécution du contrat d'agence et en réparation des dommages causés par cette faute distinctement de ceux réparés par l'indemnité compensatrice.
En l'espèce M. Christophe Lelan mentionne que sa demande ne concerne pas l'indemnité compensatrice prévue par le Code de commerce mais qu'elle est fondée sur une faute contractuelle commise par l'exécution déloyale du contrat d'agent commercial par M. Elie Assouline.
Si l'article 1134 du Code civil dispose que les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi ce qui implique un devoir de loyauté réciproque des parties, M. Christophe Lelan ne rapporte pas la preuve que M. Elie Assouline, en calculant les commissions selon des règles de calcul interprétées d'une manière à laquelle lui-même n'avait jamais rien trouvé à redire avant qu'il prenne personnellement l'initiative de la rupture du contrat, a manqué de manière fautive à ce devoir de loyauté.
En toute hypothèse, quand bien même la déloyauté de M. Elie Assouline dans l'exécution du contrat d'agent commercial signé avec M. Christophe Lelan le 3 juillet 2006 serait démontrée, elle ne saurait être en lien avec le préjudice dont ce dernier réclame réparation au titre des investissements effectuées, non par lui-même, mais par la société G2C dont il était le gérant et au titre du contrat d'agence conclu par cette SARL avec l'entreprise Cafpi.
Dans ces conditions, le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a débouté M. Christophe Lelan de sa demande mal fondée de dommages et intérêts.
Sur les demandes accessoires
Le jugement est en définitive infirmé en toutes ses dispositions à l'exception de celle concernant le rejet de la demande de dommages et intérêts formée par M. Christophe Lelan qui est confirmée.
M. Elie Assouline et la société Cafpi venant aux droits de M. Elie Assouline seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, l'allocation par la cour à M. Christophe Lelan d'une somme au titre de commissions demeurées impayées suffisant à démontrer que la procédure qu'il a soumise au tribunal mixte de commerce puis à la cour d'appel est dénuée d'abus.
Le jugement déféré est également infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance.
La cour, considérant que M. Christophe Lelan et M. Elie Assouline sont toutes deux parties perdantes en première instance comme en cause d'appel, les condamnera l'un et l'autre au paiement des dépens par moitié.
Par ces motifs, LA COUR, Déclare recevable l'intervention volontaire de la société Cafpi venant aux droits de M. Elie Assouline ; Rejette tous les moyens d'irrecevabilité des prétentions de M. Christophe Lelan soulevés par la société Cafpi venant aux droits de M. Elie Assouline ; Confirme le jugement déféré en sa disposition par laquelle M. Christophe Lelan a été débouté de sa demande d'allocation de dommages et intérêts ; Infirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ; Condamne la société Cafpi venant aux droits de M. Elie Assouline à payer à M. Christophe Lelan au titre de commissions demeurées impayées la somme totale de 6 120,24 euro ; Condamne M. Christophe Lelan et la société Cafpi venant aux droits de M. Elie Assouline à supporter chacun par moitié les dépens de première instance et d'appel ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ; Rejette les demandes formées de ce chef ; Rejette toutes les autres demandes.