CA Bordeaux, 2e ch. civ., 25 février 2015, n° 12-03583
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Groupe RH Partners (SA)
Défendeur :
Saint-Martin, International Executive Solution Limited (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme O'Yl
Conseillers :
Mme Wagenaar, M. Ramonatxo
Avocats :
SCP Taillard, SCP Boyreau, Mes Andrebe, Bitton
Exposé du litige :
Par convention en date du 2 février 2005, les sociétés Groupe RH Partners et HR International Development ont convenu de rechercher à l'international des partenaires pour la société Groupe RH Partners spécialisé en recrutement de cadres.
Afin de rechercher et sélectionner des partenaires dans le domaine des ressources humaines, dans les DOM/TOM et à l'international, la société Groupe RH Partners a mandaté la société HR International Development (HRID), société de droit anglais.
La société HR International Development était chargée de percevoir le " droit d'entrée " exigé des " partenaires " et d'en reverser 30 % (avec un minimum de 15 000 euro) à la société Groupe RH Partners.
Sur annonce Internet parue un octobre 2006, Monsieur Gérard Saint-Martin, cadre du secteur automobile en recherche d'une nouvelle opportunité professionnelle soumet sa candidature pour une ouverture de cabinet conseil en Grande Bretagne.
A cette occasion il rencontre en novembre 2006, Monsieur Jean-Louis Pages représentant de la société RH Partners.
Après plusieurs mois de réflexion et de rencontres, la société Groupe RH Partners signe le 25 juillet 2007 avec la société Management Services, en cours de constitution et sous le contrôle de Monsieur Gérard Saint-Martin, une convention de partenariat.
Cette société sera finalement enregistrée sous la dénomination sociale d'International Executive Solution Limited au Registre des sociétés de Londres le 13 août 2007.
Le 25 février 2008, la société International Executive Solution Limited (ci-après "société IESL") et Monsieur Saint-Martin assignaient, devant le Tribunal de commerce de Paris, la société Groupe RH Partners, d'une part, et Monsieur Jean-Louis Pages, d'autre part, en sollicitant du tribunal, à titre principal, qu'il prononce la nullité du contrat de partenariat pour dol et, à titre subsidiaire, la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société Groupe RH Partners, outre le paiement de diverses indemnités en vue de réparer les préjudices prétendument subis par la société IESL et par Monsieur Saint-Martin.
Le Tribunal de commerce de Paris, par jugement du 19 novembre 2009, retenant les exceptions d'incompétence soulevées par les défendeurs :
- s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Bordeaux pour ce qui concerne le litige opposant les demandeurs à la société Groupe RH Partners,
- et s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Paris pour ce qui concerne le litige opposant les demandeurs à Monsieur Pages.
Par jugement du 13 avril 2012, le Tribunal de commerce de Bordeaux :
- a reçu Monsieur Pages en son exception d'incompétence,
- s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes formées à l'encontre de Monsieur Pages,
- a condamné solidairement la société IESL et Monsieur Saint-Martin à lui verser 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC,
- a constaté que les parties avaient renoncé à défendre leurs autres exceptions d'incompétence,
- a mis hors de cause la société HRID comme étrangère au contrat de franchise,
- a dit n'y avoir lieu de lui attribuer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du CPC,
- a débouté la société IESL et Monsieur Saint-Martin de leurs demandes de résolution du contrat et d'indemnisation d'un préjudice résultant du dol comme du défaut d'information précontractuelle,
- a dit que la société Groupe RH Partners n'avait pas respecté ses obligations contractuelles telles que résultant du contrat intitulé " de partenariat " rétabli en nature de "contrat de franchise",
- a prononcé en conséquence la résolution du contrat aux torts du franchiseur,
- a condamné la société Groupe RH Partners à verser 75 000 euro à la société IESL avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
- a ordonné la capitalisation des intérêts,
- a débouté la société IESL et Monsieur Saint-Martin de leurs autres demandes indemnitaires, ainsi que de leur demande de publication du jugement,
- a condamné la société Groupe RH Partners à payer à la société IESL une indemnité de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux dépens,
- a ordonné l'exécution provisoire du jugement.
La société Groupe RH Partners a relevé appel de cette décision par acte du 20 juin 2012 à l'encontre de la société IESL et de Monsieur Saint-Martin.
Par conclusions signifiées et déposées au greffe le 21 janvier 2013, la société Groupe RH Partners demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a considérée fautive dans l'exécution de ses obligations contractuelles, et a dès lors prononcé la résolution du contrat aux torts exclusifs de la concluante ainsi que sa condamnation à verser à la société IESL la somme principale de 75 000 euro, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du CPC et les dépens de la procédure.
La société Groupe RH Partners entend encore obtenir l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes visant à entendre prononcer la résiliation du contrat aux torts de la société IESL et de Monsieur Saint-Martin et les entendre condamnés solidairement à régler à l'appelante une indemnité de 70 000 euro à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du CPC et les entiers dépens.
Elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris pour le reste.
Par conclusions signifiées et déposées au greffe le 20 novembre 2012, les intimés la société International Executive Solution Limited (IESL) et Monsieur Gérard Saint-Martin demandent à la cour de :
- à titre principal de prononcer la nullité pour dol du contrat de partenariat du 25 juillet 2007 de condamner solidairement GRHP et la société HR International Development LTD à verser à la société IESL la somme de 150 000 euro à titre de dommages et intérêts en remboursement des frais engagés, de condamner solidairement GRHP et la société HR International Development LTD à verser à la société IESL et à Monsieur Saint-Martin chacun la somme de 90 000 euro au titre de la perte de chance.
A titre subsidiaire de qualifier le contrat de partenariat de contrat de franchise de prononcer la résolution du contrat aux torts exclusifs de GRHP et la société HR International Development LTD et de les condamner au paiement des mêmes sommes, d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir (et non pas du jugement !).
A titre infiniment subsidiaire confirmer le jugement dans toutes ses dispositions avec la condamnation solidaire de GRHP et de la société HR International Development LTD au paiement de la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2014.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la réticence dolosive invoquée à l'appui de la demande de résolution du contrat de partenariat :
En application de l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
L'article 1116 du Code civil énonce :
" Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé ".
Le droit de demander la nullité d'un contrat par application des articles 1116 et 1117 du Code civil n'exclut pas l'exercice, par la victime de manœuvres dolosives, d'une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de leur auteur réparation du préjudice qu'elle subit.
La cour constatera que les premiers juges ont fait une juste analyse des faits de la cause, appliqué à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient et pertinemment répondu aux moyens des parties pour la plupart repris en appel.
À ces justes motifs que la cour adopte, il convient seulement d'ajouter :
- que Monsieur Saint-Martin a bénéficié pour réaliser son étude d'une présentation historique et suffisante du réseau RH Partners, de son évolution et de son organisation spécifique comme de son fonctionnement lors des pourparlers pour conclure le contrat de partenariat en connaissance de cause en 2007,
- qu'en outre, Monsieur Saint-Martin en connaisseur du marché londonien grâce à une expérience professionnelle passée qu'il n'hésitait pas à mettre en avant lors de son entrée en discussion avec la société appelante avait conscience du challenge qui l'attendait compte tenu de la faible notoriété de la marque RH Partners sur le territoire du Royaume Uni, mise en avant dans son analyse Swot tout en étant convaincu de pouvoir atteindre les objectifs de développement,
S'agissant du non-respect de l'obligation d'information de l'article L. 330-3 du Code de commerce :
La cour constatera également que les premiers juges ont fait une juste analyse des faits de la cause en tenant compte du contexte factuel, de l'expérience de Monsieur Saint-Martin en tant que candidat à l'affiliation au réseau RH Partners et de sa connaissance des affaires.
La cour ajoutera qu'en tout état de cause, l'absence de remise de certains des documents prévus ne saurait à elle seule caractériser un vice de consentement.
La société RH Partners n'a donc commis aucun dol, même par réticence, de nature à vicier le consentement de Monsieur Saint-Martin et de la société IESL.
Ne rapportant la preuve, ni de manœuvres effectuées par la société RH Partners ayant eu une influence sur leur consentement donné lors de la conclusion du contrat de partenariat, ni d'ailleurs de l'existence d'un préjudice subi par eux en raison de manœuvres qui seraient imputables au franchiseur, les intimés furent à juste titre déboutés de leurs réclamations.
Le jugement déféré doit être donc confirmé.
S'agissant de la résolution du contrat pour défaut d'exécution du contrat aux torts exclusifs de la société Groupe RH Partners
Les premiers juges ont retenu un déséquilibre manifeste dans le respect des obligations réciproques des parties au titre du contrat de partenariat, la société RH Partners n'ayant pas apporté à Monsieur Saint-Martin et à la société IESL toute l'assistance ciblée et adaptée après la formation dispensée pour justifier la résolution du contrat aux torts exclusifs du franchiseur
La cour fera observer comme les premiers juges que l'article 1134 du Code civil stipule que " Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. "
En l'espèce, il ne peut être éludé le fait que le contrat de partenariat emporte pour chaque partie des droits et des obligations et que la défaillance de l'une des parties lorsqu'elle n'est ni acceptée par l'autre partie ni autorisée par la loi est de nature à entraîner la résolution du contrat.
Si les premiers juges étaient légitimes à rechercher dans le comportement de la société RH Partners les éléments permettant de caractériser sa défaillance dans son rôle d'assistance ciblée et adaptée à son " partenaire ", ils ne pouvaient cependant écarter l'inexécution par Monsieur Saint-Martin et sa société IESL de leur obligation contractuelle tenant au paiement d'un droit d'entrée pour en conclure à un déséquilibre manifeste des obligations réciproques des parties au profit de la société RH Partners.
En effet, le défaut de paiement du droit d'entrée, ainsi que le refus par Monsieur Saint-Martin de respecter un plan d'étalement pourtant accepté par la société appelante sont des faits avérés, de nature à constituer juridiquement une exception d'inexécution opposable par la société RH Partners.
A l'inverse, aucun fait précis tenant à l'inexécution de ses engagements contractuels par la société RH Partners n'est établi ni démontré.
Comme l'ont eux-mêmes relevé dans leur décision, les premiers juges précisent que Monsieur Saint-Martin a réalisé des investissements inconsidérés avec " l'embauche d'un consultant senior et la location de locaux dispendieux avant même qu'ait été engrangée la moindre mission ", se privant ainsi de la capacité à pouvoir honorer son engagement contractuel, le versement du droit d'entrée de 45 000 euro.
Face à l'échec de l'opération, c'est encore Monsieur Saint-Martin qui va prendre la décision unilatérale de ne plus poursuivre l'implantation de la marque RH Partners à Londres et au Royaume Uni, n'ayant donc jamais établi aucun contact et par voie de conséquence signé aucun contrat avec les clients cibles indiqués par la société RH Partners.
La cour pourra donc relever que la défaillance des intimés dans le paiement du prix d'entrée ainsi que leur comportement sont directement à l'origine de l'inexécution du contrat pour en déduire une résolution à leurs torts exclusifs.
La décision déférée sera donc infirmée sur ce point.
Pour autant, la société RH Partners est dans l'incapacité d'apporter la preuve d'un quelconque préjudice subi du fait de cette résolution.
En effet, n'étant pas présente sur le marché cible lors du lancement de l'opération de partenariat, on conçoit difficilement que sa notoriété commerciale internationale, tout de même limitée ait pu souffrir d'un tel échec.
Par ailleurs, il n'est pas sans intérêt de rappeler que les investissements n'ont été au final supportés que par les intimés défaillants.
Elle sera donc sur ce point déboutée de sa demande de réparation financière comme de sa demande de restitution des documents commerciaux et outils fournis lors de la conclusion du contrat.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :
L'équité commande d'allouer à la SA RH Partners une indemnité de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'équité ne commande nullement d'allouer à la société IESL et à Monsieur Gérard Saint-Martin la moindre somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Succombant, les intimés supporteront les dépens.
Par ces motifs LA COUR, Statuant publiquement, Contradictoirement, Reforme partiellement le jugement déféré en ce que les premiers juges ont, Prononcé la résolution du contrat de partenariat aux torts exclusifs de la société franchiseur la SA RH Partners et l'ont condamné à verser la somme de 75 000 euro à la société International Executive Solutions avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement et capitalisation des intérêts, Condamné la société Groupe RH Partners à payer la somme de 2 000 euro à la société International Executive Solutions, Et statuant a nouveau, Prononce la résolution du contrat de partenariat aux torts exclusifs de la société International Executive Solutions et de Monsieur Gérard Saint-Martin, Déboute la société RH Partners de sa demande de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis, Déboute la société RH Partners de sa demande de restitution des documents et outils commerciaux, Condamne solidairement la société International Executive Solutions et Monsieur Gérard Saint-Martin à payer à la SA RH Partners la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la société International Executive Solutions et Monsieur Gérard Saint-Martin de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, le Confirme pour le surplus, Condamne la société International Executive Solutions et Monsieur Gérard Saint-Martin aux dépens d'appel et en ordonne la distraction en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.