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Décisions

CA Aix-en-Provence, 14e ch., 4 mars 2015, n° 13-16482

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Caisse Autonome de Retraite des Chirurgiens-Dentistes et des Sages-Femmes

Défendeur :

Counas

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Foret-Dodelin

Conseillers :

Mme Delord, M. Cabaussel

Avocats :

Mes Vespirini, Front, Rochas, Faiola

TASS Bouches-du-Rhône, du 8 mars 2013

8 mars 2013

La Caisse Autonome de Retraite des Chirurgiens-Dentistes et des Sages-Femmes (CARCDSF) a fait appel d'un jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône du 8 mars 2013 qui, statuant sur un recours du docteur Alain Counas, chirurgien-dentiste, à l'encontre d'une contrainte datée du 8 avril 2011 et notifiée le 12 avril 2011 pour la somme de 24 078 euro au titre des cotisations et majorations de retard de l'année 2010, a reçu le recours de Monsieur Counas mais l'a rejeté et a validé partiellement la contrainte pour la seule somme de 8 738,16 euro, augmentée des majorations de retard, rejetant les autres demandes des parties.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 4 février 2015, la CARCDSF a demandé à la cour d'infirmer le jugement, de rejeter toutes les demandes de Monsieur Counas et de le condamner à lui payer, après régularisation de l'allocation vieillesse 2010, la somme de 23 185,29 euro au titre des cotisations et majorations de retard de l'année 2010, ainsi que la somme de 800 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Elle a demandé à la cour de condamner l'intimé à l'amende prévue par l'article R. 144-10 du Code de la sécurité sociale.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience, Monsieur Alain Counas a demandé à la cour d'infirmer le jugement, de surseoir à statuer et de saisir le tribunal administratif sur divers points de sa contestation, de dire que son statut de salarié ne permettait pas à la CARCDSF de le soumettre à cotisations sociales, et, subsidiairement, d'annuler la contrainte en ce qu'elle aurait été calculée sur une assiette de revenus erronée et, au surplus, en retenant des sommes injustifiées.

Subsidiairement, il a demandé à la cour de limiter à 8 738,16 euro le montant des cotisations dues pour l'année 2010

En tout état de cause, il a demandé à la cour de condamner la CARCD à payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article R. 144-10 du Code de la sécurité sociale, et de lui payer, en outre, la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La MNC régulièrement avisée n'a pas comparu.

MOTIFS DE LA DECISION

La recevabilité de recours de Monsieur Counas n'a pas été contestée et l'appel ne porte pas sur ce point.

I - Sur la " capacité à statuer " du tribunal des affaires de sécurité sociale

Monsieur Counas soutient qu'aucun tribunal de l'ordre judiciaire n'est plus établi en France depuis 1991 motifs pris que la partie Législative du Code de l'organisation judiciaire a été abrogée par une loi du 17 décembre 1991 et que l'ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006 portant refonte du Code de l'organisation judiciaire et comportant en annexe le Code de l'organisation judiciaire n'a pas été ratifiée et n'a donc pas force de loi. Il considère que, si les articles L. 142-1 et L. 142-2 du Code de la sécurité sociale énumèrent les compétences des tribunaux des affaires de sécurité sociale, ils ne les établissent pas. En conséquence, les tribunaux des affaires de sécurité sociale, notamment celui des Bouches-du-Rhône, n'ayant pas été établis par la loi, comme l'exige l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, n'ont aucune capacité à statuer.

Il demande à la cour de saisir le tribunal administratif de cette question préjudicielle avant de se prononcer sur la validité des contraintes qui lui ont été délivrées.

La Caisse conteste ce moyen en faisant valoir que les articles L. 142-1 et L. 142-2 du Code de la sécurité sociale énumèrent les compétences du tribunal des affaires de sécurité sociale.

Les dispositions relatives à l'institution, à la compétence, à l'organisation et au fonctionnement du tribunal des affaires de sécurité sociale ne sont pas énoncées dans le Code de l'Organisation Judiciaire, mais dans le Code de la sécurité sociale dont les articles L. 142-1 et L. 142-2 qui ont valeur législative, sont ainsi rédigés, dans leur version en vigueur depuis le 21 décembre 1985 : " Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale (...) " et " Le tribunal des affaires de sécurité sociale connaît en première instance des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale (...) ".

Le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône a bien été établi par la loi.

L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme est parfaitement respecté.

Dès lors, le moyen soutenu par Monsieur Counas, à le supposer fondé, est sans incidence sur la " capacité du tribunal des affaires de sécurité sociale " à siéger et à trancher le litige l'opposant à la CARCD.

La cour rejette sa demande de sursis à statuer.

Monsieur Counas a également fait valoir, à travers un raisonnement mêlant plusieurs références au droit interne et aux textes européens, qu'il avait la qualité de salarié telle qu'elle ressort de ses déclarations fiscales et il a contesté devoir cotiser obligatoirement à la CARCDSF (§ II infra).

Il a rappelé, en outre, que la Cour de justice de l'Union européenne avait mis fin au monopole de la sécurité sociale par un arrêt du 3 octobre 2013 et qu'en conséquence, les caisses sociales qui sont des entreprises soumises à concurrence avaient, non pas des assujettis mais des clients, et que ces clients étaient libres de cotiser à l'assurance maladie de leur choix (§III infra).

II - Sur le statut personnel de Monsieur Counas

La CARCDSF a contesté le moyen soutenu par Monsieur Counas en rappelant qu'il n'avait jamais transmis aucun contrat de travail le liant à la Selarl Cabinet Dentaire Victor Hugo, pas plus que les déclarations 2058C au titre des revenus 2008, 2009 et 2010, alors qu'elle lui en avait fait la demande.

Toute personne travaillant et résidant en France est obligatoirement rattachée à un régime de protection sociale (couvrant la maladie-maternité, la vieillesse et l'invalidité-décès) et elle est assujettie aux cotisations de Sécurité sociale correspondantes, à la CSG et à la CRDS, proportionnellement à ses revenus au nom de la solidarité nationale dont le principe est inscrit dans le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et à l'article 153-(c) actuel (anc. 137) du Traité de fonctionnement de l'Union européenne qui confirme que la protection sociale obligatoire relève de la seule et entière maîtrise des Etats membres.

Ces principes sont rappelés aux articles L. 111-1 et L. 111-2-2 du Code de la sécurité sociale.

L'assujettissement obligatoire à un régime de sécurité sociale au titre d'une activité professionnelle exercée en France n'est écarté que lorsqu'une convention internationale de coordination en matière de sécurité sociale le prévoit. Le Régime Social des Indépendants (RSI) est le régime légal de Sécurité sociale auquel doivent être rattachés les travailleurs indépendants (qui ne relèvent ni du régime général des salariés ou assimilés, ni du régime agricole, etc..), et, dans le cas particulier des professions libérales, uniquement pour l'assurance maladie-maternité.

Les observations générales de Monsieur Counas fondées sur les textes et sur la jurisprudence européenne sont donc, sur ce point, dépourvues de fondement juridique et la cour les écarte, de même que la référence faite à l'assurance-maladie dont il vient d'être démontré qu'elle relève du RSI et non pas de la CARCDSF.

Monsieur Counas, chirurgien-dentiste, n'a contesté ni qu'il était associé de la Selarl Cabinet Dentaire Victor Hugo, domiciliée <adresse>, ni qu'il détenait 7498 parts sur les 7500 parts de cette société (le ou les détenteurs des deux autres parts ne figurent pas dans les pièces communiquées).

Il n'a produit aucun contrat de travail et il n'a justifié d'aucun lien de subordination avec un employeur.

La loi du 31 décembre 1990 a créé les sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) régies par la loi du 24 juillet 1966.

Par application de l'article L. 311-3 du Code de la sécurité sociale, les gérants majoritaires des SARL et des Selarl sont obligatoirement affiliés au régime général de la sécurité sociale s'ils ne détiennent pas plus de la moitié du capital social (seuls ou avec leur conjoint, ou leur partenaire pacsé, ou leurs enfants mineurs, etc...).

L'associé majoritaire relève, lui aussi, du régime général de la sécurité sociale s'il démontre qu'il n'en est pas le gérant, qu'il ne prend pas part à la gestion de la société, qu'il est sous l'autorité d'un gérant ou d'un dirigeant, et qu'il n'est pas en position de supériorité hiérarchique légale ou morale par rapport aux autres employés.

Par un raisonnement a contrario, l'associé majoritaire sans contrat de travail, détenant plus de la moitié du capital social, ne démontrant pas être sous l'autorité d'un gérant ou d'un dirigeant, ou ne pas être en position de supériorité hiérarchique, légale ou morale, par rapport aux autres employés, n'est pas soumis au régime général mais au régime des travailleurs non salariés.

Ainsi, un chirurgien-dentiste exerçant à titre libéral dans un cabinet de ville, détenant la presque totalité du capital social de la société (7498 sur 7500 parts sociales), ainsi que le savoir-faire technique nécessaire à l'activité et au fonctionnement du cabinet, est soumis au régime social des professions libérales; et, pour ce qui concerne en particulier le régime de l'assurance " vieillesse-invalidité-décès ", son affiliation à la CARCDSF est obligatoire.

Le moyen soutenu par Monsieur Counas est rejeté.

III - Sur le monopole de la CARCD

Monsieur Counas a fait valoir d'une part que l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne en date du 3 octobre 2013 avait officialisé la fin du monopole de la sécurité sociale et d'autre part que la CARCD faisait partie des organismes qui gèrent des régimes complémentaires pouvant exerçer une activité économique comparable à celle d'autres entités comme les compagnies d'assurances : à ce titre, et selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, elle doit être considérée comme une " entreprise " au sens du droit de la concurrence : la CARCD aurait eu une pratique anti-concurrentielle illicite au regard de l'article L. 420-1 du Code du commerce et la mise en demeure qu'elle lui a fait délivrer doit être invalidée.

La Caisse a contesté ces arguments.

Dans son arrêt du 3 octobre 2013, la Cour de justice de l'Union européenne qui était interrogée sur le point de savoir si la directive 2005-29 concernant les pratiques commerciales déloyales des professionnels pour tromper les consommateurs était applicable aux caisses d'assurance maladie (en l'espèce, une caisse d'assurance maladie du régime légal allemand se voyait reprocher d'avoir annoncé mensongèrement des sanctions financières à ses affiliés s'ils changeaient de caisse), a répondu par l'affirmative en considérant qu'elle s'appliquait, après avoir considéré que les caisses d'assurance maladie étaient des professionnels au sens de la directive le fait que la caisse concernée ait un statut de droit public et assure une mission d'intérêt général n'ayant pas pour effet de la soustraire du champ d'application de la directive.

Mais, la cour a précisé que son interprétation ne concernait que la directive 2005-29 compte tenu de son objectif et de son contexte et que " la qualification, le statut juridique ainsi que les caractéristiques spécifiques de l'organisme en question au titre du droit national sont dépourvus de pertinence pour les besoins de l'interprétation de ladite directive" (point 26).

Cet arrêt n'a donc aucune incidence sur la légalité du monopole de la sécurité sociale en France. La cour rappelle qu'en France, le régime légal obligatoire de sécurité sociale fonctionne sur le principe de la répartition et non sur le principe de la capitalisation, et qu'à ce titre, tant le régime de base que les régimes complémentaires reposent sur le principe de solidarité nationale rappelée au Préambule de la Constitution de 1958 et l'article 153 du Traité de l'Union (cf. supra) : le traité est la norme suprême qui prime sur tout autre texte de droit communautaire (et donc sur une directive), et il s'impose au juge qui doit en sanctionner la méconnaissance.

En vertu du traité, seul le droit français pourrait mettre fin au monopole, ce qui ne ressort pas de l'état actuel du droit positif.

De jurisprudence européenne constante, les organismes de Sécurité sociale ne constituent pas des entreprises au sens des articles 101 et 102 actuels du Traité de l'Union, dans la mesure où ils n'exercent pas des activités économiques au sens des règles européennes de la concurrence, et le droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence des États membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale. Les règles de la concurrence ne visent pas les caisses de Sécurité sociale dès lors qu'elles remplissent une fonction à caractère exclusivement social, fondée sur le principe de la solidarité et dépourvue de tout but lucratif.

La notion d'entreprise ne s'applique donc pas à un organisme qui concourt à la gestion d'un service public de sécurité sociale qui remplit une fonction à caractère exclusivement social, fondée sur le principe de la solidarité nationale.

La jurisprudence invoquée par Monsieur Counas n'est donc pas applicable au cas d'espèce.

Le moyen soutenu par Monsieur Counas est rejeté.

IV - Sur le statut de la CARCD

Monsieur Counas a fait valoir que la CARCD n'a pas la capacité à agir car elle n'a pas la personnalité juridique puisque, bien qu'ayant une activité de mutuelle, elle n'a jamais été immatriculée au registre national des mutuelles, en violation des articles L. 111-1 et L. 411-1 du Code de la mutualité.

La Caisse a contesté avoir le statut de mutuelle.

Les membres des professions libérales bénéficient, depuis 1948, d'un régime autonome d'assurance vieillesse organisé autour d'une Caisse Nationale qui gère le régime de base, et dix " sections professionnelles ", constituées entre 1948 et 2009, chacune étant dotée de la personnalité juridique, et qui gérent actuellement 26 régimes complémentaires différents.

L'adhésion à ces régimes de retraite et de prévoyance est obligatoire pour les membres des professions concernées, qui sont tenus d'y cotiser, sur le fondement des articles L. 642-1, L. 644-1 et L. 644-2 du Code de la sécurité sociale inclus dans le Titre IV du Livre sixième de ce Code consacré au Régime des travailleurs non-salariés.

La CARCDSF est l'une de ces " sections professionnelles ", gérant le régime des chirugiens-dentistes et celui des sages-femmes (et présentant la particularité de gérer également le régime complémentaire " invalidité-décès " et le régime supplémentaire avantage-social-vieillesse).

La CARCDSF ne relève donc que du Code de la sécurité sociale et en aucun cas du Code des mutuelles ou du Code des assurances.

Le moyen soutenu par Monsieur Counas est rejeté.

V - Sur la passation des marchés publics

Monsieur Counas a fait valoir que la CARCDSF était un établissement privé chargé de la gestion d'un service public, soumis à la directive 95-50 CEE du 18 juin 1992 instaurant des procédures d'appel d'offres. Par ailleurs, la CNAVPL est un établissement public administratif qui entre dans le champ d'application de la directive du 31 mars 2004 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, et qu'à ce titre elle aurait dû recourir à la procédure de passation des marchés publics pour immatriculer les chirurgiens-dentistes, les contrôler et recouvrer les cotisations, ce que ni la CNAVPL ni la CARCDSF n'avaient fait.

La sanction étant l'illégalité de la convention passée entre la CNAVPL et la CARCDSF et de la procédure de recouvrement dirigée à son encontre, il a demandé à la cour de saisir le tribunal administratif sur la validité du recouvrement effectué sans appel d'offre préalable.

La Caisse a contesté ce moyen en faisant valoir que ni la CNAVPL ni elle-même, qui sont des personnes morales de droit privé, ne sont soumises au Code des marchés publics ni aux directives communautaires prévoyant la procédure de passation des marchés publics, pour leur activité de recouvrement des cotisations sociales.

Il convient d'admettre que la CNAVPL, personne morale distincte de la CARCDSF, est implicitement représentée par celle-ci lorsqu'elle conteste le moyen de Monsieur Counas comme il vient d'être rappelé, la règle selon laquelle " nul ne plaide par procureur " étant ainsi respectée.

L'article 1er du Code des marchés publics prévoit que :

" Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. (...)Les marchés publics de services sont les marchés conclus avec des prestataires de services qui ont pour objet la réalisation de prestations de services. " et l'article 2 précise que " Les pouvoirs adjudicateurs soumis au présent Code sont :

1° L'Etat et ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial ;

2° Les collectivités territoriales et les établissements publics locaux (...) ".

L'activité d'immatriculation des chirurgiens-dentistes et de recouvrement de leurs cotisations sociales ne peut pas être considérée comme une " prestation de service " au sens de l'article 1er.

La CNAVPL et la CARCDSF, qui ne sont pas soumises au droit de la concurrence (cf. supra), ne sont pas davantage soumises au Code des marchés publics pour l'activité de recouvrement des cotisations sociales.

En conséquence, la CNAVPL n'avait pas à engager la procédure de passation des marchés publics avec appel d'offre prévues par les directives communautaires.

L'intervention de la CARCDSF à l'encontre de Monsieur Counas était donc parfaitement licite.

Le moyen soutenu par Monsieur Counas ainsi que sa demande de sursis à statuer sont rejetés.

VI - Sur l'assiette des revenus pris en compte pour le calcul des cotisations pour l'année 2010

Monsieur Counas reproche à la Caisse d'avoir maintenu l'assiette servant de base au calcul de ses cotisations pour 2010 sans tenir compte de ses revenus effectifs communiqués au cours de la procédure et il a présenté un calcul reprenant les sommes de 43 200 euro pour 2009 et de 44 467 euro pour l'année 2010, aboutissant aux sommes respectives de 8 587,07 euro (au lieu de 24 078 euro) pour l'appel provisionnel 2010 sur l'année N - 2 et de 8 738,16 euro pour la régularisation sur 2010.

La Caisse, qui a justifié avoir régularisé les comptes en déduisant la somme de 2.058 euro du montant initial de la contrainte pour limiter sa demande à la somme de 22.020 euro (outre les majorations de retard soit 1 165,29 euro), a, de son coté, reproché à l'appelant et au tribunal d'avoir retenu le montant de 8 738,16 euro recalculé à partir des revenus de l'année 2010 (44.467 euro) au lieu de l'avant dernière année.

Selon la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, l'assiette des revenus professionnels doit intégrer les dividendes distribués à compter du 1er janvier 2009.

La part des revenus distribués ou payés supérieure au seuil de 10 % du capital social et des primes d'émission et des sommes versées en compte courant est réintégrée dans l'assiette des cotisations et contributions sociales sur les revenus d'activité, et les revenus perçus en N doivent être déclarés en N+1 avec les autres rémunérations de l'année N.

Les cotisations vieillesse et invalidité-décès des praticiens relevant, notamment, de la CARCDSF doivent être déclarées sur un imprimé spécifique en application de l'article D 642-3 alinéa 4 du Code de la sécurité sociale. La part des revenus distribués supérieure au seuil de 10 % du capital social et des primes d'émission et des sommes versées en compte courant doit être déclarée sur la ligne " Dividendes " du Tableau d'Affectation du Résultat (n° 2058C, obligatoire au sens de l'article 53 A du CGI).

Monsieur Counas n'a pas communiqué les imprimés 2058C que la Caisse lui avait réclamés avant décembre 2012, ni avant la délivrance de la contrainte ni en cours de procédure.

Cette abstention ne permet pas à la cour de statuer sur sa contestation et la cour considère qu'il n'est pas fondé à contester la base de 173 100 euro retenue par la Caisse.

La cour valide l'assiette de calcul retenue par la Caisse et déboute Monsieur Counas de sa contestation sur ce point.

VII - Sur le montant des cotisations au titre de l'exercice 2010

Pour plus de clarté, la cour reprend le décompte tel que la Caisse l'a présenté dans ses conclusions.

A) Concernant le décret 2007-458 du 25 mars 2007

A titre principal, Monsieur Counas a reproché à la Caisse de lui avoir décompté une cotisation forfaitaire de 1.301 euro et une cotisation proportionnelle de 0,375 % de 173 100 euro soit 649 euro, alors que les textes avaient été abrogés.

La Caisse a maintenu cette partie de son décompte au visa du décret 2007-458 du 25 mars 2007.

La cour constate que la cotisation forfaitaire était prévue à l'article D. 645-2 du Code de la sécurité sociale ainsi rédigé jusqu'au 28 mars 2007 :

" Le montant de la cotisation annuelle des bénéficiaires des régimes de prestations complémentaires de vieillesse institués par la présente section est fixé ainsi qu'il suit :

1°) pour les médecins, au titre de l'exercice 2006, à soixante fois la valeur au 1er janvier de l'année en cause du tarif de la consultation du médecin omnipraticien fixé dans les conditions prévues aux articles L. 162-5 et L. 162-5-2 ;

2°) pour les chirurgiens-dentistes, à cinquante fois la valeur, au 1er janvier de l'année en cause, du tarif conventionnel de la lettre-clé C fixé dans les conditions prévues par l'article L. 162-9. (...)".

L'article 1er du décret 2007-458 du 25 mars 2007 a prévu que :

" Le montant de la cotisation annuelle forfaitaire mentionnée à l'article L. 645-2 du Code de la sécurité sociale est fixé pour les chirurgiens-dentistes à :

a) 3 150 euro pour l'exercice 2007 ;

b) 3 600 euro pour l'exercice 2008 ;

c) 3 900 euro pour l'exercice 2009.

A compter de l'exercice 2010, le montant de cette cotisation est revalorisé conformément à l'évolution annuelle moyenne des prix à la consommation hors tabac de l'année précédente. Le nombre de points attribués en contrepartie de cette cotisation forfaitaire est fixé à 10. ".

L'article 4 a décidé que " Le 2° de l'article D. 645-2 du Code de la sécurité sociale est abrogé ".

Monsieur Counas présente donc un argument exact, mais sa démonstration est incomplète puisqu'elle omet l'existence de l'article 1er du décret.

Les sommes fixées pour 2007, 2008 et 2009 montrent une progression de 14 % puis de 8,5 %.

La somme de 1 301 euro est inférieure à ce que donnerait une revalorisation sur une base de départ de 3 600 ou même de 3 900 euro (la Caisse ne s'en est pas expliquée). Elle lui est plus favorable.

Monsieur Counas n'est donc pas fondé à la contester, ni dans son principe ni dans son montant.

Par ailleurs, ce décret prévoyait, en son article 2, que :

" A compter du 1er janvier 2008, la cotisation annuelle d'ajustement mentionnée à l'article L. 645-3 du Code de la sécurité sociale est fixée pour les chirurgiens-dentistes à 0,75 % du revenu professionnel défini au second alinéa de l'article L. 642-2 du même Code dans la limite de cinq fois le plafond annuel prévu à l'article L. 241-3 du Code de la sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de l'année au titre de laquelle la cotisation est appelée. Le versement de la cotisation annuelle d'ajustement correspondant au plafond de revenu fixé à l'alinéa précédent ouvre droit à l'attribution de 1 point de retraite. Le nombre de points acquis est calculé au prorata de la cotisation acquittée, arrondi au centième de point supérieur. ".

Ce texte est toujours en vigueur.

Le taux de 0,375 % ne ressort pas de ce texte mais il est nettement plus favorable à l'intéressé que le taux de 0,75 %.

Le plafond de 173 100 euro a été contesté vainement par Monsieur Counas (cf. supra).

Monsieur Counas n'est donc pas fondé à contester la somme de 649 euro, ni dans son principe ni son montant.

Ces deux sommes (1 301 euro et 649 euro) étaient donc fondées et devaient entrer dans le décompte des sommes dues au titre de l'exercice 2010.

B) Concernant l'article D. 642-3 du Code de la sécurité sociale, l'article 1er du décret 2010-1569 du 15 décembre 2010 et l'article 1er du décret 2010-1253 du 21 octobre 2010

Nonobstant le montant du plafond de 173 100 euro, Monsieur Counas avait critiqué ces lignes du décompte en faisant valoir sa qualité de salarié alors que ces textes ne s'appliqueraient qu'aux professionnels libéraux.

Il a été démontré et décidé ci-dessus (§ II) qu'il devait cotiser obligatoirement à la CARCDSF.

Pour les motifs qui ont été développés au § II, son argument est donc rejeté.

VIII - Sur l'article R. 144-10 du Code de la sécurité sociale

La cour constate que Monsieur Counas avait déjà soumis au tribunal des affaires de sécurité sociale puis à la cour les mêmes moyens de procédure que ceux qu'il a soutenus dans la présente instance mais au sujet de ses revenus de 2006 et de 2007, qu'il avait été débouté de ses contestations par le tribunal en octobre 2008, puis par cette cour par un arrêt confirmatif n°2011-15 du 5 janvier 2011.

La cour avait écarté les demandes de la Caisse sur l'application de l'article R. 144-10 alinéa 4 du Code de la sécurité sociale en considérant que son recours n'était pas abusif, ainsi que de l'article 700 du Code de procédure civile.

En dépit de cette décision contre laquelle il ne semble pas avoir formé de pourvoi en cassation, et dès le 27 avril 2011 soit trois mois plus tard, il a engagé devant le tribunal un recours contre cette seconde contrainte du 8 avril 2011 afférente aux cotisations de l'exercice 2010, et en formulant les mêmes moyens de procédure.

Ce nouveau recours lui a ainsi permis de retarder de quatre ans le moment de faire face à ses obligations au paiement de ses cotisations sociales puisque, persistant, devant la cour, à contester devoir quelque somme que ce soit à la Caisse, il n'a pas justifié avoir honoré, ne serait-ce qu'en partie, les causes du jugement dont il a soutenu à titre principal l'infirmation sur le montant validé de 8 738,16 euro, reconnaissant toutefois en être redevable à titre subsidiaire.

Au surplus, devant la cour, et alors qu'il connaissait les arguments de la Caisse, il n'a pas fourni les preuves sur lesquelles il appuyait sa contestation des montants dont elle demandait le paiement.

L'article R. 144-10 alinéa 5 prévoit que :

" Toutefois, à l'occasion des litiges qui portent sur le recouvrement de cotisations ou de majorations de retard et lorsque la procédure est jugée dilatoire ou abusive, l'amende est fixée à 6 % des sommes dues en vertu du jugement rendu, avec un minimum de 150 euro par instance ".

Dans ce contexte, ce second recours engagé en avril 2011 doit être considéré comme une procédure dilatoire.

La cour, infirmant le jugement déféré, décide de faire application de l'alinéa 5 de l'article R. 144-10 en fixant l'amende prévue de 6% des sommes dues.

Par motifs substitués, la cour confirme le jugement déféré mais uniquement en ce que le tribunal a reçu en la forme le recours de Monsieur Alain Counas et l'a débouté " de l'ensemble de ses demandes relatives à la procédure ".

La cour valide la contrainte du 8 avril 2011 pour la somme fixée en cours de procédure et après régularisation par la Caisse à 23 185,29 euro, somme se décomposant en 22 020 euro au titre des cotisations et 1 165,29 euro au titre des majorations de retard qui seront augmentées des sommes dues jusqu'à complet paiement.

La demande de la Caisse relative aux frais de procédure n'est pas chiffrée et sera rejetée.

En outre, la cour fait droit à la demande de la CARCDSF formulée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR statuant publiquement et contradictoirement en matière de sécurité sociale, Par motifs substitués, confirme le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône du 8 mars 2013 en ce qu'il a débouté Monsieur Alain Counas " de l'ensemble de ses demandes relatives à la procédure ", l'Infirme pour le surplus, Et statuant à nouveau, Valide la contrainte du 8 avril 2011 pour la somme fixée en cours de procédure et après régularisation par la Caisse, soit 23 185,29 euro se décomposant en 22 020 euro au titre des cotisations et 1 165,29 euro au titre des majorations de retard, Condamne Monsieur Alain Counas à payer à CARCDSF la somme principale de 22 020 euro au titre des cotisations, augmentée des majorations de retard depuis la date limite d'exigibilité jusqu'à complet paiement du montant principal, Condamne Monsieur Alain Counas à payer à CARCDSF la somme de 800 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Monsieur Alain Counas au paiement de l'amende fixée par l'article R144-10 alinéa 5 du Code de la sécurité sociale et qui sera recouvrée selon les modalités prévues par l'alinéa 7 de ce même article, Déboute les parties de leurs autres demandes.