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ADLC, 24 décembre 2014, n° 14-DCC-196

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle conjoint d'un magasin de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Blanc Mesnil Distribution aux côtés de l'Association des Centres Distributeurs E. Leclerc

ADLC n° 14-DCC-196

24 décembre 2014

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 24 novembre 2014, relatif à la prise de contrôle conjoint d'un magasin de commerce de détail à dominante alimentaire situé au Blanc Mesnil (93) par la société Blanc Mesnil Distribution aux côtés de l'Association des Centres Distributeurs E.Leclerc, formalisée par un contrat de cession de fonds de commerce en date du 5 novembre 2014 ;

Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

A. LES ENTREPRISES CONCERNEES

1. LES ACQUÉREURS ET LA CIBLE

1. Blanc Mesnil Distribution est une société par action simplifiée, détenue à [...] % par Monsieur Philippe Rondeau et son épouse Madame Keltoum Rondeau (1). Cette société exploite un hypermarché sous l'enseigne E.Leclerc, d'une surface de 9 000 m², et situé 192 avenue Charles Floquet au Blanc Mesnil (93). Elle contrôle par ailleurs les sociétés Kelteca et Blanc Mesnil Evasion qui exploitent respectivement une parfumerie sous enseigne Une heure pour soi, et une agence de voyage, toutes deux situées au dans la galerie marchande attenante à l'hypermarché.

2. L'Association des Centres Distributeurs E. Leclerc (ci-après l'" ACDLec ") est l'organe stratégique du mouvement Leclerc (2), dont sont adhérentes toutes les personnes physiques qui dirigent les sociétés d'exploitation de magasins E.Leclerc. L'ACDLec détermine notamment les conditions d'agrément au mouvement E.Leclerc et signe les contrats d'enseigne dont doivent être titulaires les exploitants de magasins de commerce de détail E.Leclerc.

3. Le magasin cible est l'hypermarché, sous enseigne Les Halles d'Auchan, d'une surface 2 800 m² et situé 69 rue Descartes au Blanc Mesnil (93). Ce magasin de commerce de détail à dominante alimentaire est actuellement détenu par la société Safipar, filiale du groupe Auchan.

2. LE CONTRÔLE DES ENTITÉS CONCERNÉES

4. Il est soutenu dans la notification de l'opération que l'ACDLec n'exerce aucun contrôle sur Blanc Mesnil Distribution et n'exercera aucun contrôle sur le magasin cible après l'opération. Ce dernier serait donc exclusivement contrôlé par les époux Rondeau et l'opération notifiée consisterait en la prise de contrôle exclusif du magasin cible par Blanc Mesnil Distribution.

5. Néanmoins, à l'issue de l'opération, le fonds de commerce du magasin cible, sera détenu par Blanc Mesnil Distribution, elle-même conjointement contrôlée par l'ACDLec et les époux Rondeau. En effet, comme l'Autorité de la concurrence l'a relevé dans de précédentes décisions (3), les obligations que l'ACDLec fait peser sur les sociétés d'exploitation de magasins E.Leclerc, telles que la société Blanc Mesnil Distribution, lui permettent d'exercer une influence déterminante sur celles-ci. Cette analyse de l'influence déterminante exercée par l'ACDLec est transposable à la présente opération au vu des différents documents contractuels liant Blanc Mesnil Distribution à l'ACDLec.

6. En premier lieu, l'ACDLec constitue une entreprise au sens des dispositions de l'article L. 430-1 du Code de commerce dans la mesure où elle exerce une activité économique consistant notamment, d'après les dispositions de ses statuts (4), à (i) définir la politique d'enseigne, (ii) protéger et promouvoir le panonceau " Centre Distributeur E.Leclerc ", (iii) contrôler soit pour elle-même, soit pour le compte de toute société commerciale groupant les centres distributeurs E.Leclerc, les conditions de la gestion de ces dernières ou des centres E.Leclerc qui en sont associés et (iv) contribuer à la création de tout organisme de nature à favoriser l'activité, la solidarité et la sécurité de ses adhérents.

7. En second lieu, la détention par l'ACDLec d'un contrôle conjoint sur la société Blanc Mesnil Distribution avant et à l'issue de l'opération, ressort d'un faisceau d'indices reposant notamment sur la possibilité pour l'ACDLec d'intervenir dans la nomination et la révocation du président de cette société et des membres de son comité directeur, dans la politique commerciale du magasin détenu par la société d'exploitation et sur les cessions d'actions de cette dernière.

La possibilité d'intervenir dans la nomination et la révocation du président de la société Blanc Mesnil Distribution

8. L'ACDLec dispose d'un droit de veto sur la nomination et l'exercice des fonctions du président de la société Blanc Mesnil Distribution. Les statuts (5) de cette société prévoient qu'un " comité directeur " nomme et révoque, à la majorité simple, le président de la société, alors que ce dernier assume " la direction générale de la société ". Le comité directeur, qui " assiste le président de la société dans la gestion de la société " (6), dispose d'un pouvoir de décision concernant plusieurs questions stratégiques (décisions relatives aux emprunts, décision de prendre ou de céder toutes participations directes ou indirectes dans toutes sociétés, décision concernant toutes opérations concernant l'immobilier), rédige un rapport de gestion annuel et fixe les propositions d'affectation et de répartition des résultats à présenter aux associés (7).

9. Il ressort de ces stipulations que l'ACDLec est en mesure d'exercer, à travers le comité directeur de la société Blanc Mesnil Distribution, un contrôle sur cette dernière. Les membres du comité directeur sont, outre les époux Rondeau et la centrale d'approvisionnement régionale Scapnor, tous des personnes morales dont le représentant est dirigeant de centre E. Leclerc (8) et donc liés à l'ACDLec par des contrats de panonceau ou d'enseigne. Les membres du comité directeur et leur président, apportent également leur cautionnement aux époux Rondeau dans le cadre d'un contrat de parrainage (9), qui indique " qu'en raison de l'aide fondamentale fournie sous diverses formes par le mouvement E.LECLERC et par les parrains de l'adhérent, il a été prévu (...) des fonctions de direction, d'administration ou de surveillance au profit des parrains, au sein de ladite société " (10). En outre, il ressort du contrat de parrainage que les époux Rondeau n'auront pas d'influence sur l'évolution de la composition du comité directeur de Blanc Mesnil Distribution dans la mesure où " les parrainés s'interdisent de proposer la révocation des parrains membres du comité directeur de leurs sociétés " et " s'interdisent, de manière générale, toute attitude ayant pour but, sinon pour fin, d'évincer les parrains ou les représentants du mouvement E. Leclerc " (11).

10. Plus généralement, seuls les membres de l'ACDLec (ou les sociétés d'exploitation qu'ils dirigent) peuvent exploiter un magasin sous enseigne E.Leclerc, adhérer au Galec ou à une société coopérative d'approvisionnement générale du mouvement E.Leclerc, ce statut supposant d'être titulaire d'un contrat de panonceau (ou d'enseigne) signé avec l'ACDLec (12), octroyant le droit d'usage de l'enseigne E.Leclerc. Dans la mesure où l'ACDLec n'est pas tenue d'accorder ce droit d'usage de l'enseigne E.Leclerc, ni de justifier ses éventuels refus (13) et où elle peut retirer ce droit d'usage de l'enseigne E.Leclerc en application de stipulations du contrat d'enseigne ou de panonceau qui lui laissent une très large marge d'appréciation (14), l'ACDLec peut contrôler la désignation du président, mais aussi celle des membres du comité directeur de la société Blanc Mesnil Distribution.

L'intervention dans la politique commerciale des sociétés d'exploitation

11. L'ACDLec (15) impose, dans les contrats de panonceau, dans la charte des adhérents du mouvement E.Leclerc (16) et dans des directives, diffusées par ses délégués régionaux qui s'assurent de leur bonne application (17), deux séries d'obligations. Ces obligations limitent fortement l'autonomie des adhérents dans la conduite de leur politique commerciale. En l'espèce, ces obligations s'imposent à M. Rondeau en tant que président de Blanc Mesnil Distribution (18) et signataire, avec l'ACDLec, d'un contrat de panonceau (19).

12. En premier lieu, l'association reçoit communication de tous documents nécessaires à l'appréciation de l'exploitation commerciale des magasins par leurs dirigeants. Les adhérents doivent ainsi adresser chaque année leur bilan et compte d'exploitation ainsi que, mensuellement, le chiffre d'affaires du mois précédent (20).

13. En deuxième lieu, l'ACDLec impose également, dans les contrats d'enseigne, des obligations lui conférant un rôle déterminant pour la stratégie commerciale des magasins. Ces contrats prévoient en effet notamment que les adhérents ne peuvent appliquer des marges supérieures à celles pratiquées pour les ventes en gros et que, dans tous les cas, les adhérents s'engagent " à ne jamais appliquer une marge supérieure à celles recommandées par l'ACDLec " (21). Or, la fixation du taux de marge est l'élément essentiel qui conditionne la rentabilité commerciale d'une enseigne de la grande distribution. La charte des adhérents de l'ACDLec prévoit expressément que chaque adhérent est tenu de respecter la politique de prix du mouvement E.Leclerc qui constitue " un des éléments essentiels de l'appartenance à l'ACDLec. (...) L'objectif d'indice moyen à atteindre pour assurer la compétitivité générale de l'enseigne est de 96,5. Tout adhérent doit tendre à l'objectif fixé et en tout état de cause avoir un indice exhaustif à l'OPUS inférieur à 97,5. Le non-respect de cette règle de prix entraîne la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire, un avertissement de l'ACDLec sanctionne tout dépassement, trois avertissements consécutifs pouvant entraîner la radiation de l'association " (22). Il s'ensuit qu'en pratique, l'ACDLec est effectivement en mesure de corriger la politique commerciale des sociétés d'exploitation de magasins E.Leclerc.

14. De plus, les contrats d'enseigne imposent aux adhérents des obligations encadrant précisément leur approvisionnement et leurs investissements notamment (23). Les adhérents sont également tenus de ne pas exploiter ou diriger toute autre entreprise commerciale (24), alors même qu'elle aurait une activité analogue. Outre ces obligations imposées par l'ACDLec dans les contrats d'enseigne, les membres de l'ACDLec sont tenus de respecter les obligations prévues par la charte des adhérents du mouvement E.Leclerc (25) et par des directives déclinant la politique d'enseigne élaborée par le comité stratégique de l'ACDLec (26), et diffusées par ses délégués régionaux (27). Tout manquement à ces obligations est susceptible de justifier le retrait du droit d'usage de l'enseigne E.Leclerc (28).

La possibilité d'intervenir sur les cessions d'actions des sociétés d'exploitation

15. Les différentes dispositions statutaires ou stipulations contractuelles applicables rendent difficiles la cession d'actions de Blanc Mesnil Distribution à une personne étrangère au mouvement E.Leclerc.

16. S'agissant des cessions d'actions par l'actionnaire majoritaire, plusieurs obligations prévues dans les statuts de Blanc Mesnil Distribution y font obstacle :

- toute cession totale ou partielle d'action dont un associé est titulaire doit faire l'objet d'une " offre préalable de cession " aux autres associés (29) ; et

- si les autres associés n'ont pas manifesté leur volonté d'acquérir les actions dans un délai de deux ans après la présentation de l'offre préalable de cession, le cédant peut contracter avec un tiers, sous réserve de notifier la cession à chacun des associés, qui disposent alors d'un délai de 30 jours pour indiquer s'ils entendent exercer leur droit de préemption. A défaut de réponse dans ce délai, ils sont réputés avoir renoncé à acquérir les actions cédées (30).

17. Au total, il ressort de l'ensemble des éléments relevés plus haut, et notamment de la possibilité pour l'ACDLec d'intervenir dans l'administration et la politique commerciale ainsi que sur les cessions d'actions de Blanc Mesnil Distribution, que l'ACDLec dispose de la possibilité d'exercer une influence déterminante sur celle-ci et qu'elle continuera à en disposer à l'issue de l'opération.

B. L'OPÉRATION

18. L'opération, formalisée par un contrat de cession de fonds de commerce signé le 5 novembre 2014, consiste en l'acquisition par les époux Rondeau, via la société Blanc Mesnil Distribution, du fonds de commerce du magasin cible, l'hypermarché situé 69, rue Descartes, Le Blanc Mesnil (93).

19. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle conjoint du magasin cible par la société Blanc Mesnil Distribution aux côtés de l'ACDLec, l'opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

20. Les entreprises concernées exploitent des magasins de commerce de détail et réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxe total sur le plan mondial de plus de 75 millions d'euro (mouvement E.Leclerc : [...] d'euro pour l'exercice clos le 31 décembre 201331 ; Epoux Rondeau : [...] d'euro pour l'exercice clos au 30 septembre 201332 ; le magasin cible : [...] d'euro pour le même exercice). Deux au moins de ces entreprises réalisent en France un chiffre d'affaires supérieur à 15 millions d'euro dans le secteur du commerce de détail (mouvement E.Leclerc : [...] d'euro pour l'exercice clos le 31 décembre 2013 ; Epoux Rondeau : [...] d'euro pour l'exercice clos au 30 septembre 2013 ; le magasin cible : [...] d'euro pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au II de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatives aux concentrations économiques.

II. Délimitation des marchés pertinents

21. Les marchés concernés par l'opération relèvent du secteur de la distribution à dominante alimentaire.

22. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de concurrence, deux catégories de marchés peuvent être délimitées dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit des marchés " aval " qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et des marchés " amont " de l'approvisionnement sur lesquels les entreprises en tant qu'acheteurs sont en contact avec les fabricants des produits.

A. LES MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT

23. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne33 a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales (34).

24. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.

B. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

1. LES MARCHÉS DE SERVICE

25. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaires que nationales, ont distingué six catégories de commerces en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.

26. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente égale ou supérieure à 2 500 m², les supermarchés comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente inférieure à 2 500 m2 et supérieure à 400 m2 et les supérettes comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente (35) inférieure à 400 m² et supérieure à 120 m². Il convient cependant de rappeler que ces seuils doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d'espèce, compte tenu du fait que des magasins dont la surface est située à proximité d'un seuil, soit en-dessous, soit au-dessus, peuvent se trouver en concurrence directe dans les faits (36).

27. En l'espèce, le magasin cible exploité par Auchan avant l'opération sous enseigne Les Halles d'Auchan est un hypermarché d'une surface de vente de 2 800 m².

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

28. Il ressort de la pratique décisionnelle (37) que les conditions de la concurrence s'apprécient sur deux zones différentes selon la taille des magasins :

- un marché où se rencontrent la demande des consommateurs et l'offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs ;

- un second marché où se rencontrent la demande des consommateurs d'une zone et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux.

29. Cependant l'attractivité de magasins de même format peut varier selon la densité et la qualité de l'équipement commercial d'une zone. Les caractéristiques socio-économiques de la zone concernée (densité de la population, activité économique, géographie, état du réseau routier) peuvent également conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.

30. L'Autorité a ainsi relevé dans sa décision relative à l'opération Casino/Monoprix que certaines caractéristiques des grandes villes de province (38) et des villes de proche banlieue parisienne (densité de population, conditions de circulation) pouvaient justifier de retenir des zones de chalandise plus réduites s'agissant des hypermarchés et des supermarchés. Elle a ainsi analysé les effets de l'opération à la fois dans des zones correspondant à la pratique décisionnelle applicable au reste du territoire national et dans des zones plus restreintes, correspondant à un temps de trajet de 10 minutes en voiture autour de supermarchés cibles (39) et dans des zones correspondant à un temps de trajet de 20 minutes lorsqu'il s'agissait d'hypermarchés.

31. La question de la délimitation exacte des marchés pertinents dans les grandes villes de province et les villes de proche banlieue parisienne peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la segmentation envisagée, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

32. En l'espèce, le point de vente cible entrant dans la catégorie des hypermarchés et étant situé au Blanc Mesnil (93), l'analyse concurrentielle sera menée sur les marchés suivants :

- le marché incluant l'ensemble des hypermarchés, supermarchés et formes de commerce équivalentes localisés dans une zone de chalandise de 15 minutes et de 10 minutes autour du point de vente cible ;

- le marché incluant l'ensemble des hypermarchés localisés dans une zone de 30 minutes et de 20 minutes autour du point de vente cible.

III. Analyse concurrentielle

A. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

33. Sur le marché comprenant les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans une zone de 15 ou de 10 minutes en voiture autour de l'hypermarché du Blanc Mesnil, le magasin cible représente moins de 4 % des surfaces de vente et les autres points de vente à l'enseigne Leclerc représentent environ 10 % des surfaces de vente, soit une part de marché cumulée comprise entre 9 et 10,6 %. Les parties feront face à la concurrence de plusieurs enseignes concurrentes, dont Carrefour (qui représente entre 35 et 55 % des surfaces dans les zones correspondant respectivement à 15 et 10 minutes de trajet) et Auchan (entre 15,7 et 14,4 %).

34. Sur le marché comprenant les hypermarchés situés dans une zone correspondant à un temps de trajet de 30 ou de 20 minutes autour de l'hypermarché du Blanc Mesnil, le magasin cible représente moins de 1 % des surfaces de vente et les autres points de vente à l'enseigne Leclerc représentent environ 20 % des surfaces de vente, soit une part de marché cumulée d'environ 21 %. Les parties feront face à la concurrence de six enseignes concurrentes, dont Carrefour (qui représente entre 44,4 et 46,6 % des surfaces dans les zones correspondant respectivement à 30 et 20 minutes de trajet) et Auchan (entre 22,9 et 24,9 %).

35. Il résulte de ce qui précède que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés aval.

B. LES MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT

36. En ce qui concerne les marchés amont de l'approvisionnement, l'opération ne concerne qu'un seul magasin dont le montant des achats totaux s'élève à [...] d'euro, ce qui représente moins de 0,01 % du marché l'approvisionnement. La puissance d'achat du mouvement E. Leclerc n'est donc pas susceptible d'être renforcée, tous produits confondus comme par catégories de produits.

37. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence tant sur le marché aval de la distribution, que sur le marché amont de l'approvisionnement.

DECIDE, Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 14-210 est autorisée.

Notes :

1Les époux Rondeau détiennent directement 94,7 % du capital de Blanc Mesnil Distribution et contrôlent la société EDIS Exploitation qui détient 5 % du capital de Blanc Mesnil Distribution. Monsieur Benjamin Voisin, et les sociétés Sodiam Exploitation, Soclidis, Aubins Saint Prix, Sodios Exploitation, Société Ouennaise de Distribution, Sodico Expansion, Sodidier Exploitation, Sodivald Exploitation, Marne Distribution, Sodica Carrières et la société Coopérative d'approvisionnement Paris-Nord détiennent le restant du capital.

2 http://www.mouvement-leclerc.com/page/l-independance-au-coeur-du-mouvement

3 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-125 du 27 août 2012 relative à la prise de contrôle conjoint de 28 magasins de commerce de détail à dominante alimentaire par l'Union des Coopérateurs d'Alsace et l'Association des Centres Distributeurs E.Leclerc, n° 13-DCC-12 du 28 janvier 2013 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Nobladis et Sodirev par le groupe Cornac et l'Association des Centres Distributeurs E. Leclerc, n° 13-DCC-112 du 19 août 2013 relative à la prise de contrôle exclusive de la société Hypercoop par l'Association des Centres Distributeurs E.Leclerc et n°14-DCC-16 du 12 février 2014 relative à la prise de contrôle conjoint d'un hypermarché sous enseigne Leclerc par les sociétés Licehold, Lihold et l'Association des Centres Distributeurs E. Leclerc, et n°14-DCC-144, relative à la prise de contrôle conjoint de la société Phalsdis par la société Holding Sarredis aux côtés de l'Association des Centres Distributeurs E. Leclerc.

4 Voir les dispositions de l'article 1er des statuts de l'ACDLec.

5 Qui demeureront inchangés à l'issue de l'opération. Ces statuts correspondent aux " statuts-types " des sociétés par actions simplifiées approuvées par l'ACDLec. En application de la charte des adhérents Leclerc, depuis 2002, tout nouvel adhérent au mouvement Leclerc doit faire adopter à la société d'exploitation du magasin qu'il dirige des statuts de SAS dont le modèle a été validé par l'ACDLec (charte des adhérents du mouvement Leclerc, p20).

6 Article 16 des statuts de Blanc Mesnil Distribution.

7 Article 17 des statuts de Blanc Mesnil Distribution.

8 Conformément aux dispositions de la charte des adhérents du mouvement Leclerc (p.14), qui prévoit que le comité de parrainage (dénommé comité directeur dans le cas de a société Blanc Mesnil Distribution) est composé d'au moins trois parrains, adhérents de l'association, dont un parrain principal, les membres du comité directeur de Blanc Mesnil Distribution sont, outre les époux Rondeau, la société Sodiam Exploitation, représentée par M. Benjamin Voisin, la société Soclidis, représentée par M. Hubert Delahaye, et la société Sodico Expansion, représentée par M. Dominique Vegnaduzzo. Les sociétés Sodiam Exploitation Soclidis et Sodico Expansion sont des sociétés dotées de statuts correspondent aux " statuts-types " des sociétés par actions simplifiées approuvées par l'ACDLec. La partie notifiante a indiqué que la composition du comité directeur de Blanc Mesnil Distribution demeurerait inchangée à l'issue de l'opération.

9 La partie notifiante a communiqué le contrat de parrainage signé par les époux Rondeau en vue d'exploiter un centre commercial E. Leclerc situé ZAC Gustave Eiffel - Avenue Charles Floquet, au Blanc Mesnil (93) et incluant un hypermarché exploité par la société Blanc Mesnil Distribution. La partie notifiante a indiqué qu'un avenant à ce contrat de parrainage serait signé entre les époux Rondeau et leurs parrains, qu'à l'issue de l'opération, les parrains de Blanc Mesnil Distribution demeureraient les mêmes qu'avant l'opération, et que l'avenant ne concernerait que l'application des garanties données par les parrains aux engagements pris auprès des banques pour l'acquisition du fonds de commerce cible .

10 Voir p. 8 du contrat de parrainage signé par les époux Rondeau.

11 Id.

12 L'article 6 des statuts de l'ACDLec prévoit notamment que " l'adhésion à l'association comporte obligatoirement signature du contrat dont les termes ont été arrêtés par le conseil d'administration et qui définit les conditions de l'attribution du panonceau Centre distributeur Leclerc à l'adhérent ".

13 Les statuts de l'ACDLec ne mentionnent, à cet égard, que des conditions préalables à l'adhésion, sans que l'ACDLec soit pour autant tenue d'accorder le droit d'usage de l'enseigne Leclerc si ces conditions sont réunies. Il en est de même de la charte des adhérents du mouvement Leclerc qui ne mentionne également que des conditions préalables à l'adhésion.

14 Les contrats de panonceau comportent à cet égard des dispositions très larges, conférant un pouvoir étendu de retrait du droit d'usage de l'enseigne à l'ACDLec, puisqu'ils prévoient que leur résiliation est possible en cas d'" infraction aux présentes [dispositions du contrat de panonceau] ou aux Statuts ou Règlements Intérieurs de l'Association des Centres Distributeurs Leclerc ou de la société SC Galec, comme encore au cas où [le dirigeant de la société bénéficiant du contrat d'enseigne] commettrait une faute professionnelle ou commerciale de nature à causer un préjudice, même simplement moral, aux Centres Distributeurs Leclerc " (paragraphe VIII).

15 Voir notamment les statuts de l'ACDLec.

16 La charte des adhérents du mouvement Leclerc prévoit notamment les obligations suivantes incombant aux adhérents du mouvement Leclerc : l'obligation de parrainage et de l'obligation d'adopter des statuts de SAS dont le modèle à été validé par l'ACDLec, l'obligation de respecter la politique sociale du mouvement Leclerc, la limitation du nombre de points de vente pouvant être exploités par un adhérent et l'obligation de respecter la politique de prix du mouvement Leclerc.

17 Voir les dispositions de l'article 3 du règlement intérieur de l'ACDLec.

18 M. Rondeau est titulaire d'un contrat de panonceau. Les parties ont indiqué que M. Rondeau signerait un nouveau contrat de panonceau à l'issue de l'opération dont les dispositions seront identiques à celui qu'il a déjà signé avec l'ACDLec.

19 Les parties ont confirmé que les termes du nouveau contrat de panonceau signé par M. Rondeau avec l'ACDLec à l'issue de l'opération seront identiques à ceux usuellement conclus par l'ACDLec.

20 Voir notamment les dispositions de l'article 6 des statuts de l'ACDLec ainsi que les dispositions de l'article 3 du contrat de panonceau de M. Rondeau.

21 Voir les dispositions du paragraphe III du contrat de panonceau signé par M. Rondeau.

22 Voir p. 17 de la charte des adhérents de l'ACDLec.

23 Voir les dispositions du paragraphe III du contrat de panonceau signé par M. Rondeau.

24 Voir les dispositions des paragraphes IV et X du contrat de panonceau.

25 Il s'agit notamment des obligations suivantes : obligation de parrainage et obligation d'adopter des statuts de SAS dont le modèle à été validé par l'ACDLec, obligation de respecter la politique sociale du mouvement Leclerc, limitation du nombre de points de vente pouvant être exploités par un adhérent et obligation de respecter la politique de prix du mouvement Leclerc.

26 Voir l'article 4 - " Elaboration de la politique d'enseigne " du règlement intérieur de l'ACDLec.

27 Voir les dispositions de l'article 3 du règlement intérieur de l'ACDLec.

28 Voir en particulier les dispositions du paragraphe VIII du contrat de panonceau de M. Rondeau, ainsi que les dispositions de la page 17 de la charte des adhérents du mouvement Leclerc.

29 Voir les dispositions de l'article 14.III.D.I des statuts de Blanc Mesnil Distribution.

30 Voir les dispositions de l'article 14.III.D.II des statuts de Blanc Mesnil Distribution.

31 L'ACDLec exerçant un contrôle conjoint sur certains magasins à l'enseigne E.Leclerc, seul 50 % du chiffre d'affaires des magasins a été affecté à l'ACDLec aux fins du calcul du chiffre d'affaires, conformément aux dispositions des paragraphes 186 et 187 de la communication consolidée de la Commission.

32 L'ACDLec exerçant un contrôle conjoint sur Blanc Mesnil Distribution, seul 50 % de son chiffre d'affaires a été affecté aux époux Rondeau aux fins du calcul du chiffre d'affaires, conformément aux dispositions des paragraphes 186 et 187 de la communication consolidée de la Commission.

33 Voir par exemple les décisions de la Commission européenne M.1684, Carrefour / Promodès du 25 janvier 2000 ; et M.2115, Carrefour / GB, du 28 septembre 2000.

34 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C2006-15 Carrefour/ Groupe Hamon du 14 avril 2006, C2007-172 relatif à la création de l'entreprise commune Plamidis du 13 février 2008 et C2008-32 Carrefour/SAGC du 9 juillet 2008, ainsi que les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-45, n° 13-DCC-112 du 19 août 2013 relative à la prise de contrôle exclusive de la société Hypercoop par l'Association des Centres Distributeurs E.Leclerc ou n° 13-DCC-12 du 28 janvier 2013 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Nobladis et Sodirev par le groupe Cornac et l'Association des Centres Distributeurs E.Leclerc.

35 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-112 du 3 août 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société SNC Schlecker par la société Système U Centrale Régionale Sud.

36 Voir notamment l'avis n°00-A-06 du Conseil du 3 mai 2000 relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodès.

37 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-04 du 28 janvier 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Mafical par la société ITM Alimentaire Région parisienne ; la décision n°11-DCC-05 du 17 janvier 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Distri Sud-Ouest par la société Retail Leader Price Investissement, la décision n° 11-DCC-45 du 18 mars 2011 relative à la prise de contrôle exclusif du fonds de commerce de l'hypermarché Cora Desmarais par la société Sodex Desmarais, n° 12-DCC-63 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA ou les décisions 13-DCC-12 du 28 janvier 2013 et n° 13-DCC-112 du 19 août 2013 précitées.

38 Bordeaux, Nantes, Rennes, Lille, Strasbourg, Marseille, Toulouse, Nice, Montpellier et Lyon.

39 L'Autorité a également analysé les effets de l'opération dans ces villes dans des zones correspondant un temps de trajet de 20 minutes en voiture autour des magasins cible lorsqu'il s'agissait d'hypermarché. Il n'existe aucun hypermarché cible au cas d'espèce.