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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 26 mars 2015, n° 12-24153

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bossuet

Défendeur :

Promoflora (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aubry-Camoin

Conseillers :

MM. Fohlen, Prieur

Avocats :

Mes Boulan, Imbert, SCP Ermeneux-Levaique-Arnaud & Associés

T. com. Draguignan, du 18 déc. 2012

18 décembre 2012

Par arrêt du 30 octobre 2014 auquel il est référé, la présente cour a statué ainsi :

"Sursoit à statuer sur les demandes présentées,

Invite les parties à s'expliquer sur la fin de non-recevoir soulevée par la cour".

M. Bossuet soutient que :

- son appel est recevable au besoin après disjonction,

- lorsque l'action initiale n'était pas fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce, ni invoqué par l'une des parties devant le premier juge, l'on ne peut faire grief à une Cour d'appel d'avoir statué sur les prétentions, fussent-elles subsidiaires, fondées sur d'autres dispositions, ce qui signifie donc que lorsque le jugement n'a pas statué sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies, l'appel ne peut nullement être déclaré irrecevable,

- il n'est pas discuté que les parties, de part et d'autre, se fondent sur les dispositions spéciales des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce,

- l'appel sera par voie de conséquence déclaré recevable dès lors que sa recevabilité ne peut dépendre de circonstances postérieures à celui-ci, telles que notamment la requalification des demandes de Promoflora.

Sur le fond, M. Bossuet reprend le bénéfice de ses précédentes écritures.

La société Promoflora soutient la compétence de la présente cour en faisant valoir que les relations ayant existé entre les parties relèvent de l'article L. 134-11 du Code de commerce, texte qui s'applique au mandant comme au mandataire.

Elle ajoute qu'en vertu des principes régissant le droit positif français, la loi spéciale déroge à la loi générale.

Il en résulte qu'en présence de lois spéciales, ce sont ces dernières qui priment sur le droit commun. En l'espèce, ce sont donc bien les dispositions précitées des articles L. 134-1 et suivantes du Code de commerce spéciales aux relations entre mandant et agent commercial qui ont vocation à s'appliquer à l'exclusion de la règle de droit commun issue de l'article L. 442-6 dudit Code.

Par conséquent, l'existence du délai de préavis fixé à l'article L. 134-11 du Code de commerce est exclusive de l'application de l'article L. 442-6-I-5° dudit Code sur la rupture brutale des relations commerciales établies.

A titre subsidiaire, elle sollicite la disjonction des procédures.

Sur le fond, elle maintient ses précédentes demandes.

Motifs de la décision

Par application de l'article L. 134-11 du Code de commerce, il convient de déclarer l'appel recevable.

Il n'est pas contesté que par lettre du 15 février 2011, M. Bossuet a mis fin au contrat, alors qu'il n'avait auparavant adressé aucun courrier antérieur à la société Promoflora pour lui faire part d'une quelconque difficulté qu'il aurait rencontrée dans l'exécution de son mandat.

Les allégations de l'appelant sur les difficultés qu'il aurait rencontrées dans l'exécution de son mandant ne sont nullement établies.

Il n'est pas inutile de relever que M. Bossuet qui verse aux débats un document ayant trait à la société Les Mimosas au sujet de la qualité des étiquettes reçues, n'a signalé cette difficulté que le 28 février 2011, soit postérieurement à la rupture du contrat et que ce grief n'apparaît que comme un ajustement de cause comme d'ailleurs les autres réclamations formulées par l'appelant après la fin de son contrat.

De même les attestations que M. Bossuet verse aux débats s'avèrent sans portée puisque Monsieur Audin, ancien VRP de la société Promoflora travaille avec Monsieur Bossuet au sein de la société Ediflor, que M. Getten en litige avec la société intimée a vu son action rejetée devant le Conseil de prud'hommes de Bayonne, que le Conseil de prud'hommes d'Hazebrouck saisi par Madame Douard, a jugé justifié son licenciement pour faute grave, que Madame Bago travaille avec Mme Douard, et que les allégations de M. Stutz, VRP de Promoflora, et qui a rompu son contrat avec cette société, ne sont nullement pertinentes comme le démontre l'intimée.

En effet, concernant les dires de M. Stutz il est démontré que 4 jours après que M. Stase ait demandé à la société Promoflora une rupture amiable ou conventionnelle de son contrat, a été créée la société Prinberat, domiciliée chez une cliente de Promoflora en Allemagne et ayant une activité similaire, au sein de laquelle M. Stutz est associé avec la société Floril'Yne, dont l'associé majoritaire est M. Bossuet.

Il est constant que M. Bossuet n'a nullement respecté un délai de préavis.

La société intimée produit de nombreux documents justifiant qu'elle a parfaitement respecté ses obligations, que ce soit au regard de la fourniture des moyens (documentations et supports, instructions, informations, formations...) ou de l'exécution des contrats signés avec les clients.

Cette société a donc respecté l'obligation de loyauté fixée à l'article L. 134-4, alinéa 2, du Code de commerce.

Il doit être relevé que suite à la résiliation du contrat, le 19 février 2011, soit quatre jours après la rupture, M. Bossuet a été agréé en qualité d'associé égalitaire au sein d'une société Floril'Yne dont, le 21 février 2011 il a acquis 50 sur les 100 parts de cette société.

En outre, les 20 et 21 février 2011, soit cinq jours après la rupture, la présence de M. Bossuet a été constatée au salon Hexagone à Rennes sur le stand de la société Ediflor, société concurrente de la société Promoflora, dont la société Floril'Yne détient la quasi-totalité du capital social, pour laquelle il était également présent sur un autre salon en novembre 2011 en tant que Directeur commercial.

Il est donc démontré que la rupture du contrat d'agent commercial conclu entre la société Promoflora et M. Bossuet n'avait pour objet que de permettre à celui-ci de rejoindre une autre société dans laquel il détenait la moitié du capital social. Son départ avait été anticipé, organisé et calculé.

La rupture du contrat résulte donc de la seule initiative de M. Bossuet, dont l'attitude pourrait aussi être qualifiée de faute grave, alors que le mandant a respecté ses obligations.

M. Bossuet ne peut donc revendiquer une indemnité sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce puisque la rupture du contrat ne résulte pas de circonstances imputables au mandant.

La société Promoflora ayant respecté les obligations lui incombant en tant que mandant, l'absence de respect du délai de préavis par M. Bossuet a causé à cette société un préjudice, puisqu'elle a été privée du jour au lendemain d'un agent qui avait réalisé en 2010 un chiffre d'affaire hors taxe de 264 278 euros.

L'article L. 134-11, s'il fixe le délai de préavis en fonction de la durée des relations contractuelles, ne précise nullement les modalités de calcul de l'indemnité à laquelle a droit le co-contractant victime de l'absence de respect de ce délai.

En ce qui concerne le mandant, son préjudice doit être calculé sur la perte de marge brute imputable à l'agent pendant la période considérée et non pas, comme le sollicite l'intimée en fonction du chiffre d'affaire réalisé par le mandataire.

Il n'est pas contestable que le manque de loyauté de M. Bossuet vis-à-vis de la société Promoflora a causé un préjudice à cette société, qui ne peut toutefois imputer totalement la perte de chiffre d'affaire à la participation de son ancien agent à une société concurrente.

La société Promoflora ne peut solliciter un quelconque dédommagement en raison des agissements qu'elle reproche à M. Stutz.

Compte tenu notamment des pièces comptables versées aux débats, les préjudices de la société Promoflora du fait de l'attitude de M. Bossuet doivent être indemnisés par la somme de 60 000 euros, somme qui produira intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Monsieur Bossuet réclame au titre du solde de commissions une somme de 2 752,89 euro au motif que la société Promoflora n'aurait pas pris en compte un solde de chiffre d'affaires à hauteur de 5 115 euro.

L'article III - "Rémuneration" du contrat prévoit que :

" Le règlement des commissions peut être subordonné à l'encaissement du montant des factures. En cas d'impayé la commission est perdue par Monsieur Bossuet Mickael. Monsieur Bossuet percevra chaque début de mois une commission de 45 % du CA HT facturé à ses clients... ".

Monsieur Bossuet produit (pièce 22) le détail de commission de janvier 2011. Toutefois l'intimée justifie que certaines commandes ont été bloquées et commissionnées alors qu'elles n'ont pas été menées à terme au motif que les dossiers étaient incomplets et indique être créancière d'une somme de 1 779,13 euros dont elle demande le paiement dans les motifs de ses écritures et nullement dans le dispositif.

Les réclamations respectives des parties au titre des commissions sont rejetées.

Il est équitable de condamner M. Bossuet, dont les réclamations sont rejetées, à verser à la société Promoflora une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Déclare l'appel recevable, Infirme le jugement attaqué, Statuant à nouveau, Condamne M. Bossuet à verser à la société Promoflora la somme de 60 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son agent, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, Déboute M. Bossuet de ses demandes, Condamne M. Bossuet à verser à la société Promoflora une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples, Condamne M. Bossuet aux dépens de première instance et d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.