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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. A, 14 avril 2015, n° 14-09624

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

JJL Imbert (SARL)

Défendeur :

Association Maison Méditerranéenne des Métiers de la Mode

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Torregrosa

Conseillers :

Mme Dampfhoffer, M. Brue

Avocats :

Mes Hugon de Villers, Delfau de Belfort, Latil, Rotrou

TGI Marseille, du 20 mars 2014

20 mars 2014

L'association Maison Méditerranéenne des Métiers de la Mode (MMM) est une association à but non lucratif ayant pour vocation la promotion et le développement du secteur de la mode, et de ses industries et services connexes.

Madame Imbert, représentant la société JJL Imbert, a été contactée pour collaborer sur un pôle d'activité de l'association, d'abord sur la période du 1er janvier au 31 mai 2010, avec possibilité de tacite reconduction, mais ensuite en vertu d'un contrat à effet rétroactif prévu pour une durée d'un an, du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011.

Le contrat a continué d'être exécuté au début de l'année 2012, dans des conditions litigieuses et la société JJL Imbert estime avoir été victime d'une rupture abusive de contrat, qui aurait dû se poursuivre sous les mêmes conditions de rémunération en 2012.

Elle a assigné en ce sens par acte en date du 27 juillet 2012 et par jugement contradictoire en date du 20 mars 2014, le Tribunal de grande instance de Marseille a prononcé un débouté.

La société à responsabilité limitée JJL Imbert a relevé appel de façon régulière et non contestée le 13 mai 2014. Il sera fait application de l'article 455 du Code de procédure civile.

L'appelant a conclu le 13 septembre 2014 et demande la cour de réformer et de condamner l'association MMM au paiement d'une somme de 49 335 euro, en exécution du contrat renouvelé de prestations litigieux.

À titre subsidiaire, la même somme est réclamée à titre de dommages-intérêts réparant la brusque rupture des relations contractuelles, et une somme de 2 500 euro est réclamée au titre des frais inéquitablement exposés.

L'association Maison Méditerranéenne des Métiers de la Mode, intimée, a conclu le 10 octobre 2014 à la confirmation.

À titre subsidiaire, au visa de l'article 564 du Code procure civile et des articles L. 442-6 et D. 442-4 du Code de commerce, la cour jugera que la demande subsidiaire est nouvelle en cause d'appel, et donc irrecevable, outre qu'elle est présentée devant une juridiction qui n'est pas compétente pour en connaître, la compétence étant celle de la Cour d'appel de Paris.

Une somme de 6 000 euro est réclamée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est en date du 24 février 2015.

SUR CE :

Attendu que le contrat fait la loi des parties ;

Attendu qu'en l'espèce ce contrat est constitué par un document qui n'est pas contesté dans sa matérialité, qui porte la signature des deux parties et qui est en date du 1er janvier 2011;

Attendu que ce contrat " de prestations de services " est opposable à la société à responsabilité limitée JJL Imbert, et à la Maison Méditerranéenne des Métiers de la Mode définie comme une association régie par la loi de 1901;

Attendu qu'au chapitre de la durée, ce contrat a été conclu pour une durée déterminée commençant à courir rétroactivement à compter du 1er janvier 2011, pour expirer le 31 décembre 2011, avec la précision selon laquelle :

" Ce contrat prendra fin à son terme, sans formalité ni indemnité de quelque nature que ce soit. Il pourra être renouvelé à l'issue de sa date anniversaire après signature d'un nouveau contrat " ;

Attendu que les parties ont donc prévu un terme contractuel précis, et une possibilité certes de renouvellement, mais uniquement après signature d'un nouveau contrat ;

Attendu que le simple libellé du contrat interdit par conséquent de retenir une possibilité de reconduction tacite, ou même un renouvellement de nature verbale, puisque était prévue la " signature d'un nouveau contrat " nécessairement donc par écrit ;

Attendu qu'à supposer franchi ce premier obstacle tenant à la volonté insusceptible d'interprétation des deux parties, il était convenu qu'en toute hypothèse c'était un " nouveau contrat " qui prenait la suite, à compter du 1er janvier 2012, avec logiquement la possibilité de convenir de nouvelles conditions notamment financières, ce qui constitue un deuxième obstacle juridique à l'argumentation de l'appelante selon laquelle le contrat a été reconduit sans nouvel écrit, et au surplus à des conditions financières similaires et pour un an ;

Attendu qu'à cet égard, le mail du président de l'association daté du 3 février 2012 évoque bien l'initiation d'une phase deux dans les termes suivants :

" Je tiens à vous confirmer que vous serez tous les deux associés jusqu'en 2013. Je souhaite que toutes les conditions soient requises pour initier cette phase 2 inscrite dans le programme de la maison de la création, sans toutefois compromettre celles que nous allons poursuivre avec la maison de la formation et la maison des événements économiques et culturels.

Dans cette perspective, nous sommes en accord avec l'audit du cabinet Sicier concernant nos capacités administratives et financières et je suis convaincu que vous allez trouver avec Maryline une solution de transition entre la phase un et deux.

À cette occasion, je vous précise que si le contrat de prestations conclu avec votre société avait une durée limitée, dont le terme a expiré le 31 décembre 2011, il me paraît normal que dans un souci de bonne coopération réciproque, un délai de prévenance de deux mois soit accordé jusqu'à la fin du mois de février 2012, afin de faciliter la mise en place de cette transition avec la future phase 2 " ;

Attendu que même en présence d'une formulation quelque peu ampoulée, il se déduit de ce message que si une phase deux était prévue permettant de poursuivre l'association, il n'en demeure pas moins que cette poursuite était subordonnée à une solution de transition, en termes de capacité administrative et surtout financière, rappel étant fait dans l'attente de l'expiration du contrat au 31 décembre 2011, mais du souci de bonne coopération réciproque avec mise en place d'un délai de prévenance de deux mois, prenant en compte à l'évidence le mois de janvier déjà écoulé, et le mois de février à venir " afin de faciliter la mise en place de cette transition avec la future phase deux " ;

Attendu que force est de constater que cette période de transition n'a pas débouché sur un nouvel accord, l'association n'ayant pas à répondre des raisons exactes pour lesquelles la continuation du projet d'association n'a pas abouti, ou à démontrer que ces raisons sont en relation avec la baisse des subventions, ce que l'appelante conteste certes mais de façon inutile en droit ;

Attendu qu'en effet, et sur le strict plan civil, la mise en perspective de ce mail et des courriers échangés jusqu'au 20 février 2012 (que le premier juge a parfaitement analysés selon des motifs que la cour adopte), ne permet nullement de revenir sur :

- le terme du contrat initial ;

- l'absence de tacite reconduction prévue par le contrat ;

- l'absence de nouveau contrat écrit;

- l'absence de démonstration d'une rencontre de volonté dénuée d'équivoque permettant d'opposer à l'association le principe, les modalités financières ou la durée d'un nouveau contrat;

Attendu qu'aucune réclamation n'est faite au titre des créances nées pendant le délai de prévenance accordé, ce qui, à ce premier stade de l'examen du litige ne permet pas de donner suite à la demande de sommes dues au titre de l'exécution d'un contrat renouvelé, selon le dispositif de l'appelante qui saisit la cour (article 954 du Code de procédure civile) ;

Attendu que s'agissant de la demande subsidiaire de condamnation à payer la même somme pour brusque rupture des relations contractuelles au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce, elle tend aux mêmes fins même si le fondement juridique est bien entendu différent, et n'est donc pas nouvelle par application de l'article 565 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'en conséquence, et si en cette matière stricto sensu, le recours à l'encontre des décisions de premier ressort des juridictions commerciales normalement compétentes est porté devant la Cour d'appel de Paris, aucune exception d incompétence ne saurait être opposée à la Cour d'appel d'Aix statuant sur sa compétence, à l'occasion d'un recours à l'encontre d'une décision de premier ressort du tribunal de grande instance qui au demeurant n'a pas été saisi sur le fondement de l'article 442-6 précité, même si la demande subsidiaire formée en appel sur ce fondement n'est pas nouvelle et se trouve donc recevable ;

Attendu qu'au fond et néanmoins, si la cour d'Aix est compétente pour statuer sur le recours en appel, la demande subsidiaire formée devant elle consiste à juger d'un litige qui relevait du tribunal de commerce territorialement compétent, lequel aurait jugé de l'application à une association non commerçante de l'article L. 442-6 du Code de commerce, l'appelante devant dans ce cas s'attacher à démontrer la qualité de producteur, d'industriel ou d'artisan de l'association, sachant que ce texte sanctionne la rupture brutale d'une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Attendu qu'en appel, c'est la Cour de Paris qui est compétente, par application de l'article D. 442-3 du Code de commerce;

Attendu que c'est donc un débouté qui s'impose en droit par confirmation du premier jugement, la cour n'estimant pas que les conditions d'application de l'article 700 du Code de procédure civile soient réunies en cause d'appel, au-delà d'un montant de 1 200 euro ;

Par ces motifs, LA COUR statuant contradictoirement : Déclare l'appel infondé ; Confirme le jugement de premier ressort dans son intégralité ; S'agissant de la demande subsidiaire pour rupture brutale, désigne la cour de Paris comme juridiction d'appel. Condamne l'appelante aux entiers dépens, qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile, outre le paiement à l'intimée d'une somme de 1 200 euro au titre des frais inéquitablement exposés en cause d'appel.