Cass. com., 12 mai 2015, n° 13-28.419
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Aurel BGC (SAS)
Défendeur :
HPC, OTCEX
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Riffault-Silk
Avocat général :
Mme Arnoux
Avocats :
SCP Célice, Blancpain - Soltner - Texidor, Me Foussard
Sur les premier, deuxième et troisième moyens, réunis : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 octobre 2013), que la société Aurel BGC (la société Aurel), invoquant des actes de concurrence déloyale qu'elle imputait aux sociétés HPC et OTCEX, a obtenu du président d'un tribunal de commerce, statuant sur requête, la désignation d'un huissier de justice aux fins de constatations et investigations ; que, par ordonnance de référé, cette décision a été partiellement rétractée ; - Attendu que la société Aurel fait grief à l'arrêt de maintenir la rétractation, décidée par les premiers juges, des paragraphes numérotés 4, 5, 6 et 7 de l'ordonnance du 14 mars 2013 , de rétracter le surplus de cette ordonnance d'annuler les opérations de l'huissier réalisées en exécution de celle-ci , et d'ordonner à l'huissier de justice de restituer la totalité des pièces conservées et séquestrées en exécution de cette ordonnance alors, selon le moyen : 1°/ que le motif légitime que requiert la prescription de mesures en application de l'article 145 du Code de procédure civile constitue non pas une condition de recevabilité de la demande, mais une condition de son bien-fondé ; que par suite, comme toute condition de fond, l'existence du motif légitime doit être appréciée au vu des éléments produits devant le juge à la date à laquelle il statue ; qu'ainsi, en cas d'appel, les juges du second degré doivent examiner l'ensemble des éléments produits à la date à laquelle ils statuent, sans pouvoir se contenter d'examiner les éléments produits lorsque le juge des requêtes, auquel la demande originaire a été soumise, a été saisi ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué énonce : " en conséquence (...) au vu des seules pièces fournies au juge des requêtes, le motif légitime invoqué par la société Aurel, pour solliciter la mesure à caractère non contradictoire envisagée n'est pas démontré " ; qu'en acceptant de ne prendre en compte que les éléments produits devant le juge des requêtes, lors de sa saisine quand ils se devaient de statuer au vu de l'ensemble des éléments produits à la date à laquelle la clôture de la procédure d'appel est intervenue, les juges du fond ont violé l'article 145 du Code de procédure civile ; 2°/ qu'en tout cas, dès lors que la mesure in futurum est prévue pour permettre à une partie qui n'a pas les moyens d'établir un fait de se ménager une preuve avant d'exercer une action, il est logique que le juge, saisi de la demande, soit tenu de procéder, non seulement à un examen un à un des indices et présomptions invoqués, mais également à un examen complet à l'effet de déterminer si, à supposer que chaque élément examiné séparément ne soit pas probant, un examen groupé ne permet pas à tout le moins d'établir le motif légitime requis ; qu'en se bornant à un examen séparé d'indices sans procéder à un examen groupé, les juges du fond ont à tout le moins violé l'article 145 du Code de procédure civile ; 3°/ que s'agissant de l'un des salariés, M. Ait Mahrez, la société Aurel BGC avait fait valoir de manière précise et détaillée que les sociétés HPC et OTCEX avaient usé d'un stratagème en faisant recruter l'intéressé par une filiale allemande pour masquer leurs activités déloyales ; qu'en se bornant à s'expliquer sur l'embauche des salariés par les deux sociétés HPC et OTCEX, sans s'expliquer sur ce stratagème, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 145 du Code de procédure civile ; 4°/que constitue une manœuvre déloyale le fait, pour une société concurrente, de proposer une rémunération très supérieure à celle dont bénéficiait le salarié chez son précédent employeur ; qu'à ce titre, la société Aurel faisait valoir que la société HPC avait proposé une augmentation de salaire substantielle à M. Yldiz (salaire multiplié par trois), à M. Petit (augmentation de 33 %), à M. Mahrez (augmentation de 25 %) et à M. Mignard (augmentation de 44 %), outre une augmentation de leur rémunération variable et des bonus ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce stratagème, les juges du fond ont privé leur décision de base légale en violation de l'article 145 du Code de procédure civile ; 5°/ que MM. Yldiz, Mahrez, Petit et Mignard formaient une équipe de courtiers très compétente, qui a permis une augmentation substantielle du chiffre d'affaire de la société Aurel ; que leur débauchage a fortement désorganisé la société Aurel ; qu'en s'abstenant de répondre sur ce point, caractérisant pourtant une manœuvre déloyale, les juges du fond ont à nouveau privé leur décision de base légale au regard de l'article 145 du Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant, après examen des pièces accompagnant la requête déposée en mars 2013, relevé le départ de quatre salariés au cours d'une période située entre janvier et juin 2012, et l'absence d'élément de nature à laisser présumer leur embauche par les sociétés visées par la requête, comme les contacts avec les anciens clients de la société Aurel allégués dans le délai prévu aux clauses de non-débauchage et de non-sollicitation de clients et de non-concurrence contenues dans leur contrat de travail, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la cour d'appel, appréciant les conditions de recevabilité de la requête, a retenu qu'en l'absence de preuve du motif légitime justifiant le recours à une mesure d'instruction avant tout procès au jour où le juge y avait fait droit, l'ordonnance devait être intégralement rétractée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi