CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 7 mai 2015, n° 13-19037
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Derbent
Défendeur :
Groupe Sobotram (SAS), Sobotram Transports et Logistique (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
MM. Douvreleur, Birolleau
Avocats :
Mes Ohana, Chiron, de la Taille, Meunier
Faits et procédure
La société Groupe Sobotram exerce depuis 1954 l'activité de transport routier de marchandises. Elle a créé en 2003 une filiale, la société Sobotram Transports et Logistique (ci-après la société Sobotram), à laquelle elle a transféré son activité de messagerie.
Mme Sylvie Dutheil, épouse Derbent, exerçait depuis 1978 en son nom personnel l'activité de transport routier de marchandises et de location de véhicules avec chauffeur, sous l'enseigne " Transports Derbent ". Son mari y était chauffeur routier et a pris le statut de conjoint collaborateur à partir du 1er juin 2007.
La société Groupe Sobotram avait confié depuis plusieurs années, - depuis 1986 selon l'appelante et depuis 1989 selon l'intimée -, des prestations de transport à Mme Derbent. Ces relations se sont d'abord déroulées sans contrat écrit, puis les parties ont conclu un premier contrat de " sous-traitance de transports routiers de marchandises " entré en vigueur le 1er janvier 1994, puis un second contrat identique, entré en vigueur le 1er janvier 1995, d'une durée de douze mois et tacitement renouvelable.
Le 1er janvier 2010, la société Sobotram et Mme Derbent ont conclu un nouveau contrat intitulé " contrat de location de véhicules industriels avec conducteur pour le transport routier de marchandises ", d'une durée de douze mois et tacitement renouvelable.
Par courrier du 24 décembre 2010, la société Sobotram a fait savoir à Mme Derbent que leur relation commerciale prendrait fin le 2 juillet 2011.
Suite aux protestations de Mme Derbent, la société Sobotram lui a fait savoir, par courrier du 3 février 2011, qu'elle repoussait au 31 décembre 2011 le terme de leur relation, mais qu'elle diminuerait de 14 à 10 le nombre de tournées qu'elle lui confierait à compter du 1er juillet 2011.
Par acte du 3 juillet 2012, Mme Derbent a assigné devant le Tribunal de commerce de Nancy la société Sobotram Transports et Logistique et la société Groupe Sobotram en demandant leur condamnation, sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, à lui payer la somme de 1 140 619,80 euro à titre de dommages et intérêts pour rupture sans préavis suffisant de leur relation commerciale établie et la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
Par jugement rendu le 13 septembre 2013, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Nancy a :
- dit que la société Groupe Sobotram devait être mise hors de cause et déclaré Mme Derbent mal fondée de l'ensemble de ses demandes formées à son encontre ; l'en a déboutée,
- dit que la société Sobotram Transports et Logistique avait commis une faute en appliquant un préavis insuffisant à la rupture de ses relations commerciales avec Mme Derbent ;
- condamné la société Sobotram transports et Logistique à payer à Mme Derbent la somme de 147 271, 93 euro avec intérêt au taux légal à compter du présent jugement ;
- déclaré la société groupe Sobotram et la société Sobotram Transports et Logistique mal fondées en leur demande à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; les en a déboutées ;
- condamné la société Sobotram Transports et Logistique à payer à Mme Derbent la somme de 4 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté par Mme Derbent le 2 octobre 2013 contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées par Mme Derbent le 28 janvier 2015 par lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nancy en date du 13 septembre 2013 en ce qu'il a dit que la société Sobotram Transports et Logistique avait commis une faute en appliquant un préavis insuffisant à la rupture de ses relations commerciales avec Mme Derbent ;
- le réformer en ce qu'il a limité le préavis à 12 mois et le préjudice à la somme de 147 271,93 euro avec intérêts au taux légal du fait de cette faute ;
- le réformer en ce qu'il a mis hors de cause la société Groupe Sobotram ;
Ce faisant,
- condamner la société Groupe Sobotram et la société Sobotram Transports et Logistique solidairement à payer à Mme Derbent à titre de dommages et intérêts la somme de 1 355 486,42 euro à titre de dommages intérêts pour rupture brutale sans préavis raisonnable comprenant le gain manqué et le coût des licenciements ;
- condamner la société Groupe Sobotram et la société Sobotram Transports Logistique solidairement à payer à Mme Derbent à titre de dommages et intérêts la somme de 50 000 euro pour préjudice moral ;
- condamner la société Groupe Sobotram et la société Sobotram Transports Logistique à payer à Mme Derbent la somme de 25 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Mme Derbent expose qu'elle a travaillé avec la société Sobotram depuis 1986 et que les relations se sont amplifiées jusqu'à leur cessation en 2011, ce qui l'a amenée à recruter des chauffeurs et à acquérir des camions. Elle indique que jusqu'en 1994, ces relations se sont poursuivies sans contrat écrit et que deux contrats successifs, d'une durée de douze mois et tacitement renouvelables, ont été conclus en 1994 et 1995. Un troisième contrat, qualifié de " contrat de location de véhicules industriels avec conducteur pour le transport routier de marchandises " a été conclu en 2010, d'une durée de douze mois et tacitement renouvelable. Mme Derbent précise qu'aucune information particulière ne lui a été donnée lors de la création par Sobotram de sa filiale Sobotram Transports et Logistique, avec laquelle les relations se sont poursuivies sans changement.
Elle soutient que la rupture qui lui a été notifiée par courrier du 24 décembre 2010, avec effet au 2 juillet 2011, a été imprévisible, soudaine et violente. Elle rappelle que le chiffre d'affaires était en augmentation, puisqu'il était passé de 1 032 830 euro en 2009 à 1 102 759 euro en 2010, soit une augmentation de 6,77 %, et qu'en 2008 et 2009 elle avait embauché trois chauffeurs et acheté de nouveaux camions. Elle fait valoir que si Sobotram a, dans un deuxième temps, repoussé le terme définitif de leurs relations au 31 décembre 2011 et supprimé certaines tournées à compter du 1er juillet 2011, il n'en reste pas moins qu'elle a procédé à une rupture partielle, puis totale sans préavis d'une durée suffisante.
Mme Derbent conteste avoir elle-même demandé à Sobotram de réduire le nombre de tournées et elle soutient que Sobotram ne saurait se soustraire à ses responsabilités en invoquant la perte du marché qu'elle avait avec la société Geodis, dont la réalité n'est pas établie.
Compte tenu de l'importance et de l'ancienneté de la relation commerciale établie avec Sobotram, qui selon elle a duré plus de 25 ans, des investissements qu'elle a réalisés et de son état de dépendance économique, Mme Derbent considère qu'elle aurait dû bénéficier d'un préavis de deux années. Elle réclame, au titre de la marge brute perdue, la somme de 1 220 597,37 euro et, au titre du coût des licenciements auxquels elle a dû procéder, la somme de 134 889,05 euro, ainsi qu'au titre de son préjudice moral, la somme de 50 000 euro.
Enfin, Mme Derbent demande à la cour de condamner solidairement la société Groupe Sobotram avec la société Sobotram Transports et Logistique, ces deux sociétés ayant entretenu une confusion entre elles.
Vu les dernières conclusions signifiées par les sociétés Groupe Sobotram et Sobotram Transports et Logistique le 20 janvier 2015, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- déclarer mal fondé l'appel principal interjeté par Mme Derbent ;
- recevoir au contraire l'appel incident formé par la société Sobotram Transports et Logistique et le déclarer bien fondé ;
En conséquence, réformant le jugement entrepris,
- débouter, pour les causes sus-énoncées qui font expressément corps avec le présent dispositif, Mme Derbent de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner Mme Derbent à payer solidairement aux sociétés Groupe Sobotram et Sobotram Transports et Logistique la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamner enfin Mme Derbent à payer aux sociétés Groupe Sobotram et Sobotram Transports et Logistique la somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Au préalable, les intimés exposent que la relation commerciale établie avec Mme Derbent s'est poursuivie à partir de 2003 avec la société Sobotram Transports et Logistique et que c'est à bon droit que le tribunal a, en conséquence, mis hors de cause la société Groupe Sobotram.
Sur le fond, les sociétés intimées soutiennent que la société Sobotram Transports et Logistique a été contrainte de rompre la relation commerciale avec Mme Derbent à la suite de la perte de son propre marché avec son client Geodis. Elles font valoir que le délai de préavis accordé à Mme Derbent était d'une durée suffisante et qu'il était d'ailleurs supérieur au délai prévu par le contrat-type de sous-traitance de transport routier de marchandises, comme à celui prévu par le contrat-type de location de véhicules industriels avec chauffeur.
Elles affirment, par ailleurs, que l'état de dépendance économique qu'allègue Mme Derbent n'est dû qu'au choix qu'elle a fait de développer son activité avec un client unique, alors qu'elle avait la possibilité de diversifier sa clientèle.
Subsidiairement, les intimées soutiennent que Mme Derbent ne démontre pas la réalité du préjudice qu'elle invoque et contestent le mode de calcul qu'elle applique.
Enfin, les intimées considèrent que l'action engagée contre elles par Mme Derbent est abusive et elles réclament en réparation la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts.
LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la mise hors de cause de la société Groupe Sobotram
Considérant que la demande de Mme Derbent a pour objet l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui aurait causé l'insuffisance du délai de préavis qui lui a été accordé au titre de la rupture de la relation commerciale établie avec la société Sobotram Transports et Logistique ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce sur lequel Mme Derbent fonde cette demande, " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait (...) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie (...) " ; qu'en l'espèce, la rupture brutale alléguée par Mme Derbent a pour auteur la société Sobotram Transports et Logistique, avec laquelle elle était en relation depuis 2003 ; que dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a jugé qu'il convenait de mettre hors de cause la société Groupe Sobotram ; que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;
Sur la rupture de la relation commerciale établie
Considérant qu'il ressort du dossier qu'après avoir annoncé à Mme Derbent, par courrier du 24 décembre 2010, que leur relation commerciale prendrait fin le 2 juillet 2011, la société Sobotram Transports et Logistique lui a finalement fait savoir, par courrier du 3 février 2011, qu'elle reportait au 31 décembre 2011 la fin de leur relation et qu'elle diminuerait, à partir de 1er juillet, de 14 à 10 le nombre de tournées qu'elle lui confierait ; que le tribunal a en l'espèce jugé, d'une part, qu'un préavis d'une durée de douze mois devait être accordé à Mme Derbent et, d'autre part, que la diminution du nombre de tournées s'analysait en une rupture partielle de la relation commerciale établie ; qu'il a, en conséquence, accordé à Mme Derbent une indemnité de 147 271,93 euro, correspondant au montant moyen, sur six mois, de la marge brute liée à quatre tournées ;
Considérant que le contrat de location de véhicules industriels qui était en application au moment de la rupture, avait été conclu par les parties pour une durée de douze mois et qu'il était tacitement reconductible pour des périodes de même durée, sauf dénonciation deux mois avant sa date d'échéance ; que nonobstant l'existence de ce délai contractuel de préavis, il convient d'examiner si le délai qui a été accordé à Mme Derbent est, compte tenu de l'ancienneté de la relation commerciale établie et, le cas échéant, d'autres circonstances, d'une durée suffisante au regard des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
Considérant, en premier lieu, qu'il n'est pas contesté que la relation nouée avec la société Groupe Sobotram, à partir de 1986 ou 1989, s'est poursuivie à partir de 2003 avec sa filiale, la société Sobotram Transports et Logistique, à laquelle elle avait fait apport de sa branche d'activités de messagerie ; que cette poursuite de la relation commerciale s'est faite aux mêmes conditions et selon les mêmes modalités, et sans d'ailleurs que ce changement de personnalité juridique du cocontractant de Mme Derbent lui ait été signalé ; qu'il y a donc lieu de considérer que la relation commerciale en cause était, au moment de la rupture, établie depuis 22 ou 25 ans ;
Considérant, en second lieu, que Mme Derbent se trouvait dans une très forte dépendance économique à l'égard de la société Sobotram Transports et Logistique, puisque celle-ci était son unique client et représentait la totalité de son chiffre d'affaires ; que la société Sobotram Transports et Logistique impute cette situation au choix de Mme Derbent et soutient que celle-ci ne saurait par conséquent s'en prévaloir ; qu'elle affirme qu'en effet, Mme Derbent a délibérément choisi de ne pas diversifier sa clientèle, afin d'éviter d'avoir à procéder à des investissements ;
Considérant qu'il ressort du dossier qu'à l'origine de sa relation avec la société Groupe Sobotram, Mme Derbent ne disposait que d'un camion, conduit par son époux ; qu'elle n'a accru son activité et son chiffre d'affaires qu'à la suite des propositions de cette société de lui confier de nouvelles prestations, sous forme de tournées couvrant chacune une zone géographique déterminée ; que ces prestations nouvelles ont été fournies par Mme Derbent au moyen de camions qui lui ont été vendus par la société Groupe Sobotram ; qu'en juin 2011, lors de la rupture de la relation commerciale, Mme Derbent utilisait ainsi 16 camions et employait 20 chauffeurs ;
Considérant, par ailleurs, que les parties étaient convenues que les prestations confiées à Mme Derbent s'effectueraient dans des conditions qui ont renforcé la dépendance économique dans laquelle elle se trouvait ; que les contrats de 1994, 1995 et 2010 prévoyaient en effet, dans les mêmes termes, que les véhicules et le personnel nécessaires à l'exécution des prestations de transport seraient " mis à la disposition exclusive " de la société Sobotram et qu'en conséquence, ces véhicules ne pourraient être utilisés que pour les " trafics " de celle-ci, à l'exclusion de toute utilisation pour d'autres clients (art. 1er et 2.5 des contrats - pièces intimée n° 1, 2 et 4) ; que cette exclusivité était renforcée par le fait que les véhicules étaient aux couleurs de la société Sobotram ; que, de même, les salariés de Mme Derbent affectés à ces prestations portaient des tenues de travail de la société Sobotram, fournies et facturées par elle ; qu'enfin, Mme Derbent ne disposait d'aucune infrastructure propre pour le stationnement de ses véhicules, pas plus que pour le stockage ou le chargement des marchandises ; que ces véhicules étaient stationnés dans les locaux de la société Sobotram ; qu'il en résulte que la recherche, par Mme Derbent, de nouveaux clients supposait qu'elle constitue une flotte nouvelle de véhicules, qu'elle dit avoir été dans l'incapacité de financer ;
Considérant que, s'agissant de déterminer le délai de préavis suffisant au regard des dispositions de L. 442-6 I 5° du Code de commerce, les circonstances ci-dessus relevées doivent être appréciées compte tenu de la perte qu'allègue la société Sobotram Transports et Logistique, de son client Geodis dont elle était le sous-traitant ;
Considérant qu'il est établi par les pièces du dossier que la société Geodis, qui était liée à la société Sobotram Transports et Logistique par un " contrat de partenariat " du 26 juillet 2002 (pièce intimée n° 14), lui a fait savoir, par courrier du 20 octobre 2010, qu'elle mettrait fin à leur relation commerciale à compter du 1er juillet 2011 (pièce intimée n° 13) ; que, cependant, Mme Derbent émet des doutes sur les conditions et les raisons de cette rupture, qu'elle considère résulter d'une connivence entre les sociétés Geodis et Sobotram Transports et Logistique, et dans lequel elle voit un " accord négocié présenté ensuite pour les besoins de la cause comme une rupture subie par Sobotram " ;
Mais considérant que cette allégation n'est étayée sur aucun élément qui en démontrerait la réalité ; qu'elle est contredite par les termes mêmes de la lettre de résiliation du ci-dessus mentionné, laquelle était ainsi rédigée : " Nous faisons suite à notre entrevue du lundi 4 octobre 2010, concernant le sujet de l'arrêt des remises de la Messagerie de Geodis Calberson sur le département 71. Nous avons convenu que l'arrêt des remises s'effectuera le 1er juillet 2011 (...) " (pièce intimée n° 13) ; que s'il en ressort que les parties ont convenu de fixer au 1er juillet 2011 la date d'arrêt de leur collaboration, on ne saurait en déduire que la société Sobotram Transports et Logistique aurait elle-même décidé de mettre fin à cette collaboration, alors que comme elle le souligne, la société Geodis était pour elle un client historique représentant 30 % du chiffre d'affaires de son activité transport ; que les conséquences résultant de la perte de ce client pour la société Sobotram Transports et Logistique ont été exposées par celle-ci au cours de plusieurs réunions de son comité d'entreprise (pièces intimée n° 16 à 19) ; que si le chiffre d'affaires global de la société Sobotram Transports et Logistique n'a pas été affecté par cette perte, il n'en va pas de même de son chiffre d'affaires correspondant à l'activité réalisée pour elle par Mme Derbent, lequel a diminué de 543 934 euro entre 2011 et 2010 (Rapport des commissaires aux comptes de la société Sobotram Transports et Logistique - pièce intimée n° 20) ;
Considérant, dans ces conditions, que c'est à juste titre que le tribunal a fixé à douze mois la durée du préavis devant être accordé à Mme Derbent préalablement à la rupture de sa relation commerciale établie avec la société Sobotram Transports Logistique ; que s'agissant du point de départ de ce délai, il y a lieu de le fixer au 24 décembre 2010, date à laquelle la société Sobotram Transports Logistique a fait connaître à Mme Derbent, sans équivoque et dans les formes requises par l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, sa décision de mettre fin à la relation commerciale établie avec elle ; que si cette société a ensuite, par courrier du 3 février 2011, modifié le terme initialement prévu, en le repoussant de six mois et en procédant, au 1er juillet 2011, à une réduction des prestations qu'elle lui confiait, il n'en résulte pas qu'il convient de fixer à cette date le point de départ du délai, la décision de rupture ayant déjà été clairement notifiée ;
Considérant, dès lors, que la société Sobotram Transports Logistique ayant accordé un préavis d'une année pour dix tournées et de six mois pour quatre tournées à Mme Derbent, il y a lieu, comme l'a jugé le tribunal, d'indemniser Mme Derbent du préjudice résultant de la perte de la marge brute qui aurait été réalisée si le préavis de douze mois avait été appliqué à ces quatre tournées ; que compte tenu, d'une part, du chiffre d'affaires représenté par ces tournées et, d'autre part, du taux de marge brute de 86,67 % applicable, le montant de cette indemnité s'établit à la somme de 147 271,93 euro ;
Considérant qu'à cet égard, la société Sobotram critique le taux de 86,67 % de marge brute retenu par le tribunal ; qu'elle estime ce taux excessif et qu'elle demande à la cour d'y substituer le résultat net, lequel s'établirait à une moyenne sur les exercices 2009 et 2010 de 11,56 % ;
Mais considérant que le taux de marge brute retenu par le tribunal est attesté par l'expert-comptable de Mme Derbent dans les documents comptables que celle-ci a versés aux débats (pièce appelant n° 38) ; que le jugement sera donc confirmé ;
Considérant que Mme Derbent demande, par ailleurs, à être indemnisée du coût des licenciements auxquels elle a procédé et qu'elle réclame à ce titre la somme de 134 889,05 euro ;
Mais considérant que s'il ne peut être discuté que ces licenciements ont pour cause la cessation des relations commerciales de Mme Derbent avec la société Sobotram Transports et Logistique, il n'en résulte pas qu'ils représentent pas un préjudice réparable sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; qu'il n'en irait autrement que s'il était démontré que ces licenciements ont pour cause non la cessation des relations, mais la brutalité de cette cessation faute d'avoir été précédée d'un préavis d'une durée suffisante ; que cette démonstration n'est pas rapportée en l'espèce, Mme Derbent n'établissant pas que l'insuffisance de six mois de la durée du préavis précédant la rupture partielle, consistant dans la perte de quatre tournées à partir du 1er juillet 2011, l'a amenée à procéder à des licenciements ;
Considérant, enfin, que Mme Derbent réclame en réparation de son préjudice moral la somme de 50 000 euro ; qu'elle invoque à l'appui de cette demande, la sécheresse des termes de la lettre de résiliation, le peu de considération et l'intransigeance manifestées par la société Sobotram Transports et Logistique et le caractère fallacieux du motif invoqué par celle-ci pour justifier la rupture de la relation commerciale établie ;
Mais considérant qu'il ne ressort pas du dossier que la société Sobotram Transports et Logistique ait, dans ses rapports avec Mme Derbent, eu un comportement fautif et manqué à son devoir de loyauté contractuelle et à la bonne foi normalement attendue du partenaire à une relation commerciale ; qu'en particulier, la société Sobotram Transports et Logistique, après avoir notifié sa décision de mettre en terme à cette relation commerciale, est entrée en discussion avec Mme Derbent et a substantiellement modifié cette décision en en repoussant les effets de six mois ; que, par ailleurs, la cour a relevé plus haut la réalité et la pertinence du motif invoqué par la société Sobotram Transports et Logistique pour justifier la rupture et consistant dans la perte de son client Geodis ;
Considérant que Mme Derbent sera dès lors déboutée des demandes indemnitaires qu'elle a formées au titre des licenciements auxquels elle a procédé et de son préjudice moral et que le jugement sera confirmé ;
Sur la demande de condamnation pour procédure abusive
Considérant qu'il ne résulte pas du dossier que Mme Derbent aurait agi avec mauvaise foi ou légèreté, ses demandes, à l'inverse, ayant été partiellement accueillies en première instance et en appel ; qu'en conséquence, la demande de condamnation pour procédure abusive formée contre elle sera rejetée et que le jugement sera confirmé ;
Sur les frais irrépétibles
Considérant qu'il n'apparaît pas justifié, au regard des éléments du dossier, de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Rejette les demandes de condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes les demandes autres, plus amples ou contraires des parties ; Condamne la société Sobotram Transports et Logistique au paiement des dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.