CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 5 juin 2015, n° 14-10898
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
L'Onglerie (SASU)
Défendeur :
JCDA (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Mmes Nerot, Renard
Avocats :
Mes Hiltgen-Lebouvier, Teytaud, Marcus-Mandel
La société l'Onglerie a créé en France des instituts et un réseau de 118 franchises dédiées exclusivement au soin des ongles autour d'une technique de modelage d'ongles en résine sur la base des ongles naturels, importée des Etats-Unis et du Canada. Elle exerce son activité sous le nom commercial et l'enseigne L'Onglerie.
La société L'Onglerie est notamment titulaire de la marque L'Onglerie déposée le 21 mai 1999, enregistrée sous le n° 99 793 942 et renouvelée le 5 mai 2009 pour designer en classes 3, 41 et notamment les " Produits cosmétiques pour le soins des mains, des ongles et des pieds et, plus généralement, cosmétiques, produits de parfumerie, huiles essentielles. Services rendus par un franchiseur, à savoir formation de base des franchisés et du personnel dans les domaines d'activités des centres de manucure et de pédicure et des instituts de beauté; formation de base des franchisés dans le domaine de l'exploitation et de la direction d'une entreprise commerciale et, plus particulièrement, de centres de manucure et de pédicure et d'instituts de beauté. Services de poses d'ongles acryliques permanents et, plus généralement, services relatifs au soin et à la beauté des mains, des ongles et des pieds ; salons et instituts de beauté ".
La société JCDA exploite un réseau de franchises à l'enseigne Body Minute, qui propose divers soins pour les femmes sous la marque éponyme et au travers plus de 350 instituts répartis en France et dans le monde.
Elle exploite depuis la fin de l'année 2012 un institut spécialement et exclusivement dédié au soin des ongles dénommé Nail Minute et compte aujourd'hui 4 instituts exploités sous cette enseigne.
Dans le cadre de cette activité, elle a fait paraître une publicité dans le magazine L'Officiel de la Franchise n° 129 du mois de mars 2013.
La société L'Onglerie, qui indiquait avoir découvert dans ce magazine diffusé lors du Salon de la Franchise se tenant à Paris, du 24 au 27 mars 2013, l'usage par la société JCDA, à deux reprises, du signe " L'Onglerie ", et considérant que cet usage portait atteinte à la marque dont elle est titulaire, a, après l'envoi d'une mise en demeure restée infructueuse et selon acte du 19 mars 2013, fait assigner la société JCDA devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris.
Par ordonnance en date du 22 mars 2013, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris a ordonné à la société JCDA de masquer sur l'ensemble des exemplaires du magazine l'Officiel de la Franchise n° 129 distribué lors du salon Franchise Expo les signes " L'Onglerie " et " D'Onglerie " figurant dans sa publicité page 33, celle-ci pouvant néanmoins laisser subsister le mot " ongle " dans les deux signes, et a condamné la société JCDA à payer à la société L'Onglerie la somme de 10 000 euro à titre de provision.
Après l'établissement d'un procès-verbal d'huissier le 27 mars 2013, la société L'Onglerie a, selon acte du 19 avril 2013, fait assigner la société JCDA devant le Tribunal de grande instance de Paris afin de voir constater l'atteinte portée à ses droits, la faire cesser et obtenir réparation de ses préjudices.
Par jugement contradictoire en date du 3 avril 2014, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté la demande de nullité de la marque semi-figurative française L'Onglerie n° 99 793 942 dont la société L'Onglerie est titulaire pour défaut de distinctivité,
- rejeté la demande de déchéance de la marque semi-figurative française L'Onglerie n° 99 793 942 pour dégénérescence,
- dit que la marque semi-figurative française L'Onglerie n° 99 793 942 est valable,
- dit que la société JCDA n'a pas commis d'actes de contrefaçon par imitation de la marque semi-figurative française L'Onglerie n° 99 793 942,
- dit que la marque semi-figurative française L'Onglerie n° 99 793 942 n'est pas une marque de renommée,
En conséquence,
- débouté la société L'Onglerie de sa demande de ce chef,
- débouté la société L'Onglerie de ses demandes de dommages et intérêts pour actes de concurrence déloyale et pour pratiques déloyales formées à l'encontre de la société JCDA et de toutes ses demandes subséquentes,
- condamné la société L'Onglerie à payer à la société JCDA la somme de 12 500 euro représentant les sommes payées en exécution de l'ordonnance de référé du 22 mars 2013,
- condamné la société L'Onglerie à payer à la société JCDA la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société L'Onglerie aux dépens dont distraction au profit de son conseil conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
La société L'Onglerie a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 21 mai 2014.
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 8 décembre 2014, auxquelles il est expressément renvoyé, la société L'Onglerie demande à la cour, au visa des articles L. 713-3, L. 716-1 et L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle, 1382 du Code civil et L. 120-1 et suivants du Code de la consommation, de :
- la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes,
- infirmer le jugement rendu le 3 avril 2014 par le Tribunal de grande instance de Paris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a reconnu la validité de la marque semi-figurative L'Onglerie n° 99 793 942,
- rejeter l'ensemble des demandes de la société JCDA,
- la débouter de ses demandes en nullité pour descriptivité et en déchéance pour dégénérescence qu'elle forme à l'encontre de la marque semi-figurative L'Onglerie n° 99 793 942,
Et statuant à nouveau,
- dire que la marque L'Onglerie déposée le 21 mai 1999 et enregistrée sous le n° 99 793 942 est distinctive au jour de son dépôt au regard des produits et services qu'elle désigne, mais, par substitution de motifs dire que ce caractère distinctif est attaché à la partie nominale de la marque, à savoir la locution " L'Onglerie ", à tout le moins en raison de l'usage constant et intensif qui en a été fait à titre de marque,
- dire qu'aucune déchéance pour dégénérescence de ses droits sur la marque L'Onglerie déposée le 21 mai 1999 et enregistrée sous le n° 99 793 942 n'est encourue sur le fondement de l'article L. 714-6 du Code de la propriété intellectuelle en raison de sa stratégie de défense du terme " onglerie ",
- dire et juger que la reproduction et l'usage de la dénomination " L'Onglerie " et/ou " onglerie " par la société JCDA pour désigner des produits et services relatifs aux soins et à la beauté des ongles, sans son autorisation, constituent des actes de contrefaçon de la marque n° 99 793 942 dont elle est titulaire, au sens des articles L. 716-1 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que la reproduction et l'usage de la dénomination " L'Onglerie " et/ou " onglerie " par la société JCDA pour désigner des produits et services relatifs aux soins et à la beauté des ongles porte atteinte à la marque renommée L'Onglerie dont elle est titulaire et engage en conséquence sa responsabilité civile sur le fondement de l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle,
- dire et juger que l'usage des dénominations " onglerie/ L'Onglerie " au sein des supports de communication de la société JCDA constitue un acte de concurrence déloyale par usurpation de la dénomination sociale, du nom commercial et de l'enseigne L'Onglerie, au regard des dispositions de l'article 1382 du Code civil,
- dire et juger que les allégations selon lesquelles l'institut Nail Minute serait " le 1er institut exclusivement féminin dédié " aux soins des ongles ou encore le "1er concept d'onglerie sans rendez-vous avec abonnement" constituent des pratiques commerciales trompeuses et déloyales à son égard, en application des articles L. 120-1 et suivants du Code de la consommation et de l'article 1382 du Code civil,
En conséquence,
- faire interdiction définitive à la société JCDA de reproduire, d'utiliser et/ou d'apposer la dénomination " L'Onglerie " et/ou " onglerie ", de quelque manière, à quelque titre, sous quelque forme, et sur quelque support que ce soit (notamment sur son site Internet http://bodyminute.com/fr/ (comme sur le futur site Internet de Nail Minute), pour désigner des produits et services relatifs aux soins et à la beauté des ongles, et ce sous astreinte de 1 000 euro par infraction commise, à compter de la signification du jugement (sic) à intervenir,
- faire interdiction à la société JCDA de poursuivre l'exploitation des allégations :
" Nail'Minute : 1er institut exclusivement féminin dédié à L'Onglerie "
" Nail'Minute : 1er institut exclusivement féminin dédié au soin des ongles "
" Nail'Minute : 1er institut exclusivement féminin réservé à L'Onglerie "
" 1er Concept d'onglerie sans rendez-vous avec abonnement ",
Et plus généralement toute allégation ou présentation de Nail'Minute comme le 1er institut ou salon dédié/réservé aux soins des ongles,
- ordonner à la société JCDA la suppression des dénominations " L'Onglerie / onglerie " sur son site Internet http://bodyminute.com/fr/, sous astreinte de 500 euro par jour de retard à compter de la signification du jugement (sic) à intervenir,
- ordonner sous contrôle d'huissier la destruction de tous éléments détenus directement ou indirectement par la société JCDA comportant les dénominations " L'Onglerie /onglerie " pour désigner des produits et services relatifs aux soins et à la beauté des ongles, et notamment les documents commerciaux, sous astreinte de 500 euro par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir (sic),
- ordonner sous contrôle d'huissier la destruction de tous éléments détenus directement ou indirectement par la société JCDA comportant les allégations ci-dessus citées, notamment les documents commerciaux, sous astreinte de 500 euro par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir (sic),
- se réserver la liquidation des astreintes,
- condamner la société JCDA à lui payer :
- la somme de 100 000 euro, " sauf à parfaire ", à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à sa marque n° 99 793 942,
- la somme de 20 000 euro, " sauf à parfaire ", à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des atteintes portées à sa dénomination sociale, à son nom commercial et à son enseigne,
- la somme de 20 000 euro au titre du préjudice qu'elle subit du fait des pratiques commerciales trompeuses et déloyales commises à son encontre,
- ordonner la publication dans trois journaux ou revues de son choix et aux frais avancés de la société JCDA, dans la limite globale de 35 000 euro HT, de l'arrêt à intervenir, en totalité ou par extrait,
- ordonner la publication du jugement à intervenir par extrait sur la page d'accueil du site Internet http://bodyminute.com/fr/ et sur celle du site Internet à venir de l'institut Nail'Minute, de façon visible et lisible sous le titre " publication judiciaire ", dans un encart à fond blanc situé en haut de ladite page et ce, pendant 30 jours consécutifs à compter de la signification du jugement et ce, sous astreinte de 500 euro par jour de retard à compter de la signification du jugement (sic) à intervenir,
- condamner la société JCDA à lui payer la somme de 25 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société JCDA aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de son conseil dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par dernières écritures notifiées par voie électronique le 11 mars 2015, auxquelles il est expressément renvoyé, la société JCDA demande à la cour de :
- la recevoir en ses écritures, la dire bien fondée,
- confirmer le jugement rendu le 3 avril 2014 par le Tribunal de grande instance de Paris sauf à ce qu'il l'a déboutée de sa demande de nullité de la marque L'Onglerie déposée le 21 mai 1999 et enregistrée à l'INPI sous le n° 99 7939 42,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- prononcer la nullité de la marque L'Onglerie déposée le 21 mai 1999 et enregistrée à l'INPI sous le n° 99 793 942 pour les " Produits cosmétiques pour le soin des mains, des ongles et des pieds. Services de poses d'ongles acryliques permanents et, plus généralement, services relatifs au soin et à la beauté des mains, des ongles et des pieds ; salons et instituts de beauté " et ce, pour défaut de caractère distinctif en vertu de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle ;
A titre subsidiaire :
- prononcer la déchéance pour dégénérescence de la marque L'Onglerie déposée le 21 mai 1999 et enregistrée à l'INPI sous le n° 99 793 942 pour les " Produits cosmétiques pour le soin des mains, des ongles et des pieds. Services de poses d'ongles acryliques permanents et, plus généralement, services relatifs au soin et à la beauté des mains, des ongles et des pieds ; salons et instituts de beauté " et ce, en vertu de l'article L. 714-6 a) du Code de la propriété intellectuelle,
En tout état de cause :
- constater que la marque L'Onglerie déposée le 21 mai 1999 et enregistrée sous le n° 99 793 942 ne jouit d'aucune renommée au sens de l'article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle,
- constater qu'elle ne fait pas un usage à titre de marque de l'expression " onglerie " dans le cadre de la publicité dite litigieuse,
- dire qu'elle ne s'est pas rendue coupable d'actes de contrefaçon de marque à l'encontre de la société L'Onglerie,
- dire qu'elle n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale ou de pratiques commerciales trompeuses,
- débouter la société L'Onglerie de l'intégralité de ses demandes,
- condamner la société L'Onglerie à lui verser une somme de 25 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société L'Onglerie aux entiers dépens, dont distraction au profit de son conseil conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 mars 2015.
SUR CE,
Sur la demande en nullité de la marque L'Onglerie n° 99 793 942 pour défaut de caractère distinctif
Considérant que la société L'Onglerie est titulaire, ainsi qu'il a été dit, de la marque française n° 99 793 942 déposé le 21 mai 1999 et renouvelée le 5 mai 2009 ci-dessous reproduite :
Que pour solliciter la nullité de cette marque en ce qu'elle désigne les " Produits cosmétiques pour le soin des mains, des ongles et des pieds. Services de poses d'ongles acryliques permanents et, plus généralement, services relatifs au soin et à la beauté des mains, des ongles et des pieds ; salons et instituts de beauté ", la société JCDA fait valoir que l'expression " onglerie " désigne soit le lieu dans lequel s'exerce l'activité d'onglerie (de soins pour les ongles) soit le service dédié au soin des ongles, que le terme " onglerie " est un mot du vocabulaire français, construit à partir du substantif "ongle" et que l'adjonction du suffixe " erie " est classique en langue française pour indiquer un lieu de fabrication ou de commerce, et plus généralement le lieu où s'exerce une activité en rapport direct avec le substantif ou le verbe utilisé, enfin que le mot "onglerie" est très largement employé dans la langue française comme étant soit un lieu de commerce soit une activité de soins pour les ongles, que ce soit dans la littérature, les journaux et magazines, les documents et/ou ouvrages professionnels, ou encore les décisions de justice ou les dépôts de marques ;
Que la société L'Onglerie, tout en indiquant que la validité d'une marque s'apprécie au jour de son dépôt, se prévaut néanmoins d'un dépôt antérieur de 1989 pour soutenir que l'appréciation du caractère distinctif "de la marque L'Onglerie" doit se faire au regard des dispositions de la loi du 31 décembre 1964 ; qu'elle fait valoir en substance que "la marque L'Onglerie" est bien arbitraire au regard des produits et services qu'elle désigne, que le mot "onglerie" n'est pas un mot du vocabulaire français mais un néologisme créé en 1983 par les fondateurs de la société, enfin que si ce néologisme peut-être tout au plus évocateur de la destination des produits et services concernés, il n'est nullement composé exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle desdits produits ou services ;
Considérant que la marque semi-figurative en cause n° 99 793 942 a été déposée le 21 mai 1999 pour notamment les " Produits cosmétiques pour le soin des mains, des ongles et des pieds. Services de poses d'ongles acryliques permanents et, plus généralement, services relatifs au soin et à la beauté des mains, des ongles et des pieds ; salons et instituts de beauté " ;
Que la distinctivité de cette marque doit donc être appréciée en mai 2009, date de son dépôt, et non par rapport à une marque antérieure, et eu égard à la perception que pouvaient en avoir tant les professionnels spécialisés dans le domaine considéré que le consommateur ou l'utilisateur final auquel sont destinés les produits ou les services visés à l'enregistrement ;
Considérant dès lors que les dispositions de l'article L. 711-1, alinéa 1er du Code de la propriété intellectuelle, selon lesquelles " la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale " et de l'article L. 711-2 du même code, selon lesquelles " Le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés ".
Sont dépourvus de caractère distinctif :
a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;
b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service (...) sont applicables à l'espèce ;
Or considérant qu'il résulte des pièces produites par l'intimée et notamment des extraits de l'ouvrage " Le bon usage " de janvier 1997, que " le suffixe -erie est une forme élargie de -ie et l'a supplanté dans la langue courante. Il donne, en s'ajoutant à des adjectifs, à des noms et à des verbes, un grand nombre de noms indiquant une qualité, une action, le résultat de cette action, le lieu où elle s'exerce, une collection, une industrie : fourberie, causerie, brasserie, argenterie, biscuiterie " ;
Que le terme " onglerie " n'est donc pas un néologisme mais est un dérivé du mot ongle auquel a été ajouté le suffixe - erie ou -rie pour former un nom de lieu où s'exerce une activité professionnelle destinée aux soins et à la beauté des mains, des ongles et des pieds et où sont utilisés notamment des produits cosmétiques pour le soin des mains, des ongles et des pieds et prodigués des services de poses d'ongles ; qu'il est établi en outre que ce terme est utilisé dans différents ouvrages au moins depuis 1989 et constituait le nom d'une rue de Corbeil dès 1864 ;
Considérant, dès lors, que le terme L'Onglerie n'est pas en lui-même apte à remplir sa fonction d'identification d'origine des produits et services désignés et objets de la contestation de la société JCDA ;
Que cependant, en l'espèce, la marque est une marque semi-figurative déposée en couleur rouge, bien qu'aucune revendication ne figure à ce titre au dépôt, et est constituée du terme " L'Onglerie " dont l'article défini élidé " L " est écrit en majuscule et le mot Onglerie en minuscules à l'exception de la première lettre O figurant en majuscule ;
Que ces éléments distinguent le mot onglerie par rapport à sa formulation classique et lui confèrent ainsi, et seulement ainsi, une part arbitraire qui lui confère un caractère distinctif ;
Que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de nullité de la marque considérée pour défaut de distinctivité et le jugement mérite donc confirmation de ce chef ;
Considérant que la demande relative à l'acquisition du caractère distinctif de la marque par son usage est sans objet étant précisé que la demande subsidiaire ne peut concerner que la marque dans son ensemble et non pas seulement la partie verbale de celle-ci ;
Sur la déchéance de la marque pour dégénérescence
Considérant qu'à titre subsidiaire et sur le fondement de l'article L. 714-6 du Code de la propriété intellectuelle, la société JCDA considère que la marque qui lui opposée est devenue la désignation usuelle dans le commerce du service de soin pour les ongles et qu'elle a ainsi dégénéré ;
Que toutefois, outre le fait que l'intimée reconnaît elle-même dans ses écritures que " la société L'Onglerie s'efforce de défendre sa marque, il y a lieu de constater que tous les usages invoqués concernent le mot " onglerie " et non pas la marque semi-figurative telle que déposée ;
Que le jugement doit en conséquence être également confirmé en ce qu'il a débouté la société JCDA de sa demande de déchéance de la marque n° 99 793 942 pour dégénérescence ;
Sur la contrefaçon
Considérant que sur le fondement de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, la société L'Onglerie reproche à la société JCDA la reproduction et l'usage de la dénomination " L'Onglerie " et/ou " onglerie " dans une publicité pour désigner des produits et services relatifs aux soins et à la beauté des ongles, et ce sans son autorisation ;
Que ladite publicité, parue dans le magazine L'Officiel de la Franchise n° 129 du mois de mars 2013, lequel a été diffusé du lors du Salon de la Franchise se tenant à Paris, du 24 au 27 mars 2013, se lit ainsi :
" Body'Minute fort de son succès en esthétique avec 350 instituts de beauté dans 7 pays à travers le monde, innove et lance Nail'Minute 1er institut exclusivement féminin dédié à L'Onglerie !
Ne vous trompez pas !!!
1er Concept d'onglerie sans rendez-vous avec abonnement "
Et est suivie de photographies d'instituts et de flacons de vernis à ongles ainsi que d'une marque semi-figurative composée d'un cercle à l'intérieur duquel se trouve l'expression Nail'Minute ;
Qu'il y a lieu de constater que les signes en présence sont différents et que c'est donc au regard de l'article 713-3 b) du Code de la Propriété Intellectuelle qui dispose que " sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ", qu'il convient d'apprécier la demande en contrefaçon, ce malgré les termes du dispositif des dernières conclusions de l'appelante ;
Qu'en outre pour qu'un signe soit susceptible de porter atteinte à une marque enregistrée, encore faut-il qu'il désigne des produits ou des services et les rattachent ainsi à une origine commerciale déterminée c'est-à-dire qu'il soit exploité à titre de marque ;
Or en l'espèce, les deux expressions incriminées " L'Onglerie " et " d'onglerie " sont utilisées dans la publicité litigieuse, destinée à des professionnels dès lors qu'elle est parue dans le magazine " l'Officiel de la franchise ", dans leur acception courante pour désigner un service de soins pour les ongles ; qu'elles ne sont d'ailleurs pas mises en évidence mais au contraire figurent dans le corps du texte avec les mêmes typographies, taille et couleur que les autres termes, et sont associées à la marque Nail'Minute dont est titulaire l'intimée et qui apparaît quant à elle en gras dans le texte ;
Considérant dès lors que le tribunal a à juste titre considéré que, dans ces conditions, l'utilisation des mots "L'Onglerie" et "d'onglerie" ne constitue pas un usage à titre de marque susceptible de porter atteinte à la marque semi-figurative n° 99 793 942 opposée par l'appelante dans le cadre du présent litige, le public concerné par les produits et services en cause n'étant pas amené à confondre, ni à associer, les signes en présence quelque soit la notoriété alléguée de cette marque ;
Que le jugement qui a débouté la société L'Onglerie de ses demandes formées au titre de la contrefaçon doit en conséquence être confirmé ;
Sur l'atteinte à la marque de renommée
Considérant qu'à titre subsidiaire, l'appelante invoque une atteinte portée à la marque de renommée L'Onglerie ; qu'elle invoque à cet effet la part de marché détenue par la marque, l'intensité, l'étendue géographique et la durée de l'usage de cette marque, l'importance des investissements réalisés pour la promouvoir, et la proportion des milieux intéressés qui identifient les produits et les services comme provenant d'une entreprise déterminée grâce à la marque ; qu'elle ajoute que cette renommée a été reconnue par une décision du Tribunal de grande instance de Quimper en date du 22 février 2011 et que tous ces éléments sont confortés par les résultats d'une enquête de notoriété menée par l'IFOP en juillet 2013 ;
Que toutefois ni l'étendue des investissements publicitaires et de communication ni les résultats financiers de la société titulaire de la marque ne sont de nature à établir la notoriété de celle-ci, dont il convient de rappeler au demeurant qu'elle est en l'espèce semi-figurative et qu'elle ne peut dès lors se confondre avec l'enseigne de l'appelante ou une autre marque, et cette renommée n'est pas plus démontrée par l'existence d'une décision de justice étrangère au présent débat ; que s'agissant enfin de l'enquête l'IFOP menée en juillet 2013 auprès d'un échantillon de 1 000 femmes, il y a lieu de constater que 17 % seulement d'entre elles ont cité spontanément la marque L'Onglerie, sans plus de précision, ce dont il résulte que la renommée de la marque opposée dans le cadre du présent litige n'est pas établie ;
Que le jugement mérite donc confirmation en ce qu'il a débouté la société L'Onglerie de ses demandes fondées sur l'atteinte à la renommée de la marque semi-figurative française L'Onglerie n° 99 793 942 ;
Sur la concurrence déloyale
Considérant que la société L'Onglerie reproche à la société JCDA, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, d'avoir usurpé, du fait de leur utilisation au sein des supports litigieux relatifs aux instituts Nail'Minute, sa dénomination sociale, son nom commercial et son enseigne ;
Considérant toutefois que l'utilisation des mots " L'Onglerie " et " d'onglerie " dans leur sens courant dans la publicité incriminée, sur laquelle apparaît distinctement la marque Nail'Minute, n'amènera pas le public concerné à confondre la société L'Onglerie qui exploite le réseau éponyme avec la société JCDA qui exploite les réseaux Body Minute et Nail'Minute ;
Qu'en l'absence de faute imputable à l'intimée, les actes de concurrence déloyale qui lui sont reprochés ne sont donc pas établis ;
Sur les pratiques commerciales trompeuses
Considérant que la société L'Onglerie reproche enfin aux premiers juges d'avoir rejeté ses demandes fondées sur l'article L. 121-1 du Code de la consommation, alors que selon elle, la société JCDA a présenté faussement et de façon trompeuse, dans ses supports de communication, son institut Nail'Minute comme " le 1er institut exclusivement féminin dédié à L'Onglerie " et le " 1er concept d'onglerie sans rendez-vous avec abonnement ", lui permettant ainsi de s'arroger, auprès de la même clientèle que la sienne, une qualité qu'elle n'a pas ; qu'elle ajoute que ce positionnement des instituts Nail'Minute est ainsi au cœur de la communication de ces derniers ;
Qu'elle reproche par ailleurs à la société JCDA, ce pour la première fois devant la cour, de s'identifier comme une enseigne proposée par des femmes pour des femmes, adoptant ainsi " un positionnement très proche " d'une de ses publicités " datant de la fin des années 80 " ;
Mais considérant sur le premier grief que le tribunal n'a pas fait une lecture erronée de la communication de la société JCDA lorsqu'il indique que cette dernière ne prétend pas, à travers celle-ci, être le premier institut entièrement dédié à L'Onglerie en France mais seulement, après le succès en esthétique de ses instituts Body'Minute à travers le monde, innover et lancer le 1er institut d'onglerie accessible sans rendez-vous et avec abonnement, ce qui est le concept mis en œuvre par les instituts Body Minute ; que dès lors ni les professionnels du secteur concerné ni même la consommatrice des services proposés ne pourront ainsi croire qu'en 2013, la société JCDA exploitant l'enseigne Nail'Minute est historiquement le 1er institut dédié aux ongles ; qu'enfin la société L'Onglerie ne prétend pas être à l'origine du concept de soins des ongles sans rendez-vous et avec abonnement ;
Considérant enfin que l'appelante ne saurait reprocher à l'intimée de s'identifier comme une enseigne proposée par des femmes pour les femmes à l'instar de sa propre communication, alors que, outre le fait qu'il n'est pas contesté que celle-ci date de 1988, les termes utilisés sont différents et la communication incriminée apparaît bien comme le relève l'intimée, comme étant une idée marketing classique dans le cadre d'instituts composés justement de femmes et s'adressant aux femmes ; qu'en tout état de cause, cette communication n'est ni contraire au exigences de la diligence professionnelle ni susceptible d'altérer le comportement des consommatrices ;
Que dans ces conditions les demandes de la société L'Onglerie fondées sur la publicité trompeuse doivent être également rejetées ;
Sur les autres demandes
Considérant qu'il y a lieu de condamner la société L'Onglerie, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Qu'en outre, elle doit être condamnée à verser à la société JCDA, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme globale de 20 000 euro ;
Par ces motifs, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par les parties par le Tribunal de grande instance de paris le 3 avril 2014, Y ajoutant, Condamne la société L'Onglerie à payer à la société JCDA la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société L'Onglerie aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.