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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 26 mai 2015, n° 13-04126

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Nerstrand Limited (Sté), Neolia Limited (Sté)

Défendeur :

Esterel Technologies (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

Mme Guillou, M. Leplat

Avocats :

Mes Abella, Truttmann, Moreau, Bontoux

T. com. Versailles, 4e ch., du 26 avr. 2…

26 avril 2013

EXPOSÉ DU LITIGE

La société par actions simplifiée Esterel Technologies est le leader mondial spécialisé dans l'édition et la fourniture de solutions pour le développement de systèmes critiques avancés dans des secteurs stratégiques tels que la défense, les transports et le nucléaire.

Les sociétés Nerstrand Limited, société de droit chypriote, et Neolia Limited, société de droit anglais, estiment avoir été liées à la société Esterel Technologies, par un contrat d'agent commercial du 23 juillet 2009 et un contrat d'apporteur d'affaires du 1er février 2010.

Estimant que la société Esterel Technologies a rompu ces contrats de façon fautive, les sociétés Nerstrand Limited et Neolia Limited l'ont fait assigner, par acte en date du 6 juillet 2011, devant le Tribunal de commerce de Versailles en indemnisation de cette rupture, qu'elles estimaient abusive.

Par jugement entrepris du 26 avril 2013 le Tribunal de commerce de Versailles a :

Constaté la résiliation amiable du contrat d'agent commercial du 23 juillet 2009 conclu entre la SA Esterel Technologies et la société de droit chypriote Nerstrand Limited ;

Débouté la société de droit chypriote Nerstrand Limited de sa demande d'indemnité de droit au titre du contrat d'agent commercial du 23 juillet 2009 ;

Constaté la résiliation du contrat d'apporteur d'affaires en dates des 1er et 19 février 2010, conclu entre la SA Esterel Technologies et la société de droit chypriote Nerstrand Limited conformément aux dispositions contractuelles ;

Débouté la société de droit chypriote Nerstrand Limited de sa demande d'indemnité au titre du contrat d'apporteur d'affaires de février 2010 ;

Débouté la société de droit chypriote Nerstrand Limited du surplus de ses demandes ;

Débouté la société de droit anglais Neolia Limited de l'ensemble de ses demandes ;

Dit nulle et de nul effet la convention de confidentialité signée entre la SA Esterel Technologies et la société de droit anglais Neolia Ltd.

Débouté la SA Esterel Technologies de sa demande au titre de l'accord de confidentialité;

Condamné la société de droit chypriote Nerstrand Limited à payer à la SA Esterel Technologies la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné la société de droit anglais Neolia Limited à payer à la SA Esterel Technologies la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné la société de droit chypriote Nerstrand Limited et la société de droit anglais Neolia Limited aux dépens par moitié.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 27 mai 2013 par la société de droit chypriote Nerstrand Limited et la société de droit anglais Neolia Limited ;

Vu les dernières écritures en date du 26 août 2013 par lesquelles la société de droit chypriote Nerstrand Limited et la société de droit anglais Neolia Limited demandent à la cour de :

Vu l'article 1134, du Code civil,

Vu l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce,

Vu l'article 455 du Code de procédure civile,

Recevoir les sociétés Nerstrand Ltd et Neolia Ltd en leurs conclusions, moyens et fins ;

Les Dire bien fondées.

En conséquence :

Infirmer le jugement n° 2011F02633 du Tribunal de commerce de Versailles en date du 26 avril 2013.

Statuant à nouveau :

S'agissant des prétentions de la société Nerstrand Limited,

Dire et Juger fautive et abusive la résiliation par la société Esterel Technologies du contrat à durée déterminée d'apporteur d'affaires en date du 1er février 2010 ;

Dire et Juger brutale la rupture des relations commerciales établies avec la société Nerstrand Limited de la part de la société Esterel Technologies ;

Condamner la société Esterel Technologies à payer à la société Nerstrand Limited la somme de 100 000 euro au titre de la résiliation fautive et abusive du contrat à durée déterminée d'apporteur d'affaires en date du 1er février 2010 ;

Condamner la société Esterel Technologies à payer à la société Nerstrand Limited la somme de 102 766,42 euro au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies entre elles depuis le 29 juillet 2009 ;

Condamner la société Esterel Technologies à payer à la société Nerstrand Limited la somme de 50 000 euro en réparation de son préjudice moral ;

S'agissant des prétentions de la société Neolia Limited,

Constater que du fait de la rupture brutale des relations entre la société Nerstrand Limited et la société Esterel, la société Esterel a corrélativement rompu toute relation avec Neolia Limited relativement au projet d'offre complète logicielle et matériel (hardware) commune à la société Esterel et ses partenaires ;

Constater que cette rupture des relations entre la société Nerstrand Limited et la société Esterel a également causé un préjudice d'image irrémédiable à la société Neolia Limited vis-à-vis des partenaires associés au projet d'offre complète logicielle et matériel (hardware) ;

Dire et Juger la société Esterel fautive à l'égard de la société Neolia Limited ;

Condamner la société Esterel Technologies à payer à la société Neolia Limited la somme de 100 000 euro en réparation de son préjudice, tous chefs confondus.

En tout état de cause :

Condamner la société Esterel Technologies à verser aux sociétés Nerstrand Ltd et Neolia Ltd, chacune, la somme de 10 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La Condamner aux entiers dépens.

Vu les dernières écritures en date du 22 janvier 2015 au terme desquelles la société Esterel Technologies demande à la cour de :

Vu l'article 1134 du Code civil, et l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce,

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Versailles du du 26 avril 2013 , sauf en ce qu'il a jugé que la société de droit chypriote Nerstrand (anciennement dénommée Néolia Limited) n'a pas commis de fautes graves dans l'exécution du contrat d'apporteur d'affaires des 1er et 19 février 2010,

Dire et juger que le contrat d'apporteur d'affaires des 1er et 19 février 2010 conclu entre la société Esterel Technologies et la société de droit chypriote Nerstrand Limited (anciennement dénommée Néolia Limited) a été résilié par Esterel Technologies pour fautes graves, moyennant un préavis de 3 mois,

Dire et juger que la société Esterel et la société de droit anglais Néolia Limited ne sont liées par aucun accord commercial, seul un accord de confidentialité ayant été conclu le 15 mars 2010.

Si par extraordinaire la Cour devait considérer que la durée du préavis contractuel devait être examinée au regard de la durée des relations commerciales ayant eu cours entre les parties entre le 1er janvier 2009 et le 22 juillet 2010 :

Dire et juger que le préavis de 3 mois à compter de la lettre du 22 juillet 2010, accordé par la société Esterel à la société de droit chypriote Nerstrand Limited (anciennement dénommée Néolia Limited) était d'une durée suffisante,

EN CONSEQUENCE,

Débouter la société de droit chypriote Nerstrand Limited et la société de droit anglais Néolia Limited de l'ensemble de leurs demandes,

Condamner la société de droit chypriote Nerstrand Limited et la société de droit anglais Néolia Limited à payer chacune à la société Esterel Technologies la somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce :

La société de droit chypriote Nerstrand Limited et la société de droit anglais Neolia Limited poursuivent la société par actions simplifiée Esterel Technologies en rupture brutale et abusive d'une relation contractuelle, au visa de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce.

A l'audience de plaidoiries du 19 mars 2015, le conseiller rapporteur a soulevé d'office la question de la compétence de la Cour d'appel de Versailles au regard des articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce et a invité les parties, au regard des dispositions des articles 16 et 444 du Code de procédure civile, à lui adresser, avant le 20 avril 2015, une note en délibéré sur ce point.

Aucune note en délibéré n'a été transmise par les parties dans le délai imparti.

La cour constate donc que, si le dispositif des dernières conclusions de la société de droit chypriote Nerstrand Limited et de la société de droit anglais Neolia Limited vise tant l'article 1134 du Code civil, que l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce, les dispositions de ce dernier article sont des règles spéciales dont l'application, en matière de rupture qualifiée de brutale des relations commerciales, doit primer sur celle des dispositions générales de l'article 1134 du Code civil quant à l'exécution de bonne foi des contrats, qui ne sauraient tenir lieu de fondement juridique alternatif ou subsidiaire.

Or, il résulte de la combinaison des articles L. 442-6, III, 5° et D. 442-3 du Code de commerce que la Cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du même Code et que l'inobservation de ces textes est sanctionnée par une fin de non-recevoir.

En conséquence, la cour se déclare incompétente pour connaître de l'appel qui lui est soumis au profit de la Cour d'appel de Paris.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, Déclare la cour d'appel de Versailles incompétente, Ordonne son dessaisissement au profit de la Cour d'appel de Paris, Dit que le dossier sera transmis par le greffe en application de l'article 97 du Code de procédure civile au greffe de la cour d'appel de Paris, Condamne la société de droit chypriote Nerstrand Limited et la société de droit anglais Neolia Limited aux dépens d'appel, Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.