CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 18 juin 2015, n° 15-04528
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
MTD (SARL)
Défendeur :
GFM Industria (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charlon
Conseillers :
Mmes Louys, de Gromard
Avocats :
Mes Taze Bernard, Plankensteiner, Fromantin, Gérard
ELEMENTS DU LITIGE :
Le 28 janvier 2005 la société GFM Industria a conclu avec la société MTD un contrat d'agence commerciale selon lequel cette dernière était chargée d'assurer la promotion des collections des marques de vêtement " Ter et Bantine " et " Hache ".
Ce contrat prévoyait notamment la mise à disposition à titre gratuit d'un showroom situé à Paris, 27, rue d'Argenteuil.
Le 7 janvier 2015, la société MTD a reçu un courrier par lequel la société GFM Industria indiquait résilier, avec effet immédiat, le contrat qui les liait et le 23 janvier 2015 elle a changé les serrures du showroom, empêchant ainsi la commercialisation des nouvelles collections " Ter et Bantine " et " Hache " par la société MTD.
Celle-ci a saisi le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris, notamment pour voir ordonner l'exécution des obligations incombant à la société GFM Industria au titre du contrat d'agence commerciale conclu avec la société MTD au cours de la période de préavis courant jusqu'au 30 avril 2015 et par voir enjoindre sous astreinte à la société GFM Industria de remettre à la société MTD les clés des locaux du showroom situé 27 rue d'Argenteuil à Paris, de rétablir l'accès et la pleine jouissance des locaux au bénéfice de la société MTD et de condamner la société GFM Industria à lui payer diverses sommes.
Par ordonnance du 16 février 2015, rendue au visa de l'article 873 du Code de procédure civile, le juge des référés a condamné la société GFM Industria à payer à la société MTD la somme de 440 euro à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement et une indemnité de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que aux entiers dépens, mais a dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes de la société MTD ;
La société MTD a interjeté appel de cette décision le 26 février 2015 et que par conclusions du 10 mars 2015 elle demande :
- d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a jugé qu'il n'y avait pas lieu à référé sur les mesures conservatoires et de remise en état sollicitées par la société MTD visant à faire cesser le trouble manifestement illicite et prévenir le dommage imminent dont elle était victime,
- de constater le refus par la société GFM Industria de donner exécution au préavis légal de trois mois dont devait bénéficier la société MTD conformément à l'article L. 134-11 du Code de commerce et notamment son refus de fournir à cette société les informations nécessaires à la commercialisation des collections automne-hiver 2015 des marques " Ter et Bantine " et " Hache ", son expulsion par voie de fait du showroom du 27 rue d'Argenteuil à Paris, dont elle avait la jouissance et qui constituait son établissement principal, matérialisée par le changement des serrures des locaux effectué le 23 janvier 2015, et l'interdiction qui lui a été faite d'y accéder à compter de cette date, constituent un trouble manifestement illicite dans les droits de la société MTD,
- de constater que sa mise à l'écart juste au moment du lancement de la commercialisation des nouvelles collections " Ter et Bantine " et " Hache " au début des semaines de la mode à Paris, exposaient la société MTD à un dommage grave et imminent qu'il s'imposait de prévenir,
- de constater que les conditions d'application de l'article 873, alinéa 1er, du Code de procédure civile étaient remplies en raison de l'existence d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent,
- de condamner la société GFM Industria à lui payer une provision de 75 177,96 euro sur l'indemnité de préavis,
- de confirmer l'ordonnance du 16 février 2015 en ses dispositions ayant condamné la société GFM Industria à payer à la somme de 440 euro à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement et une indemnité de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que aux entiers dépens,
- de condamner la société GFM Industria aux dépens et à payer la somme de 5 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions du 5 mai 2015, la société GFM Industria demande :
- statuer ce que de droit sur l'indemnité de 440 euro,
- de cantonner au montant de 37 500 euro la provision sollicitée,
- de débouter la société MTD de toutes demandes plus amples ou contraires,
- de la condamner aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Considérant que l'article 873, alinéa 1er, du Code de procédure civile donne pouvoir au juge des référés de prescrire les mesures de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite, sans que l'existence d'une contestation sérieuse puisse faire obstacle au prononcé de telles mesures ;
Considérant que le trouble manifestement illicite est notamment constitué par une perturbation matérielle ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue ou est susceptible de constituer une violation évidente de la règle de droit ;
Considérant qu'il résulte de l'article L. 134-11 du Code de commerce, [que] chacune des parties peut mettre fin au contrat d'agent commercial moyennant un préavis dont la durée est de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes et qu'en l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil, les parties ne pouvant convenir de délais de préavis plus courts ;
Que ces dispositions sont d'ordre public en vertu de l'article L. 134-16 ;
Que dès lors le contrat d'agent commercial, résilié à la date de réception de la notification de la résiliation, soit le 7 janvier 2015, devait être exécuté en tous ses éléments par les parties jusqu'au 30 avril 2015 et qu'en expulsant de fait la société MTD dès le 23 janvier 2015, la société GFM Industria s'est fait justice à elle-même, privant ainsi la société MTD de la possibilité de poursuivre son activité durant le délai légal de préavis ;
Qu'en violant délibérément une règle de droit impérative, la société GFM Industria a commis une voie de fait constitutive d'un trouble manifestement illicite que le premier juge aurait dû faire cesser ;
Qu'il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance du 15 janvier 2015 en ce qu'elle dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de mesures propres à faire cesser ce trouble manifestement illicite ;
Considérant que la société la société GFM Industria ne conteste pas devoir la somme de 440 euro au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;
Que la condamnation de ce chef sera donc confirmée ;
Qu'en revanche la société GFM Industria, tout en reconnaissant le principe d'une indemnité de préavis due à la société MTD, conteste le montant qui lui est réclamé ;
Considérant que la société MTD fait valoir qu'ayant été empêchée d'exécuter son préavis, elle a subi une perte correspondant aux commissions qu'elle aurait dû percevoir sur les ventes de la collection automne/hiver 2015/2016 et qu'à ce titre elle réclame une provision de 75 177,96 euro, soit 12 % du chiffre d'affaires global que la société GFM Industria a réalisé pour la collection automne/hiver 2014/2015, alors que cette dernière estime que l'indemnité ne saurait excéder 37 500 euro ;
Considérant que cette somme doit être retenue comme montant non sérieusement contestable de la créance de la société MTD et qu'il appartiendra au juge du fond, s'il est saisi, de déterminer le montant définitif de l'indemnité, en tenant compte des éléments propres à l'activité d'agent commercial convenue entre les parties ;
Par ces motifs, Dit que les conditions de l'article 873, alinéa 1er, du Code de procédure civile étaient réunies à la date de l'ordonnance rendue le 16 février 2015 par le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris, Infirme en conséquence la disposition de cette ordonnance disant qu'il n'y a pas lieu à référé sur les mesures conservatoires et de remise en état sollicitées par la société MTD visant à faire cesser un trouble manifestement illicite, Confirme l'ordonnance pour le surplus, Y ajoutant, Condamne la société GFM Industria à payer à la société MTD une somme provisionnelle de 37 500 euro à valoir sur le montant de l'indemnité de préavis, Vu les articles 696 et 700 du Code de procédure civile, Condamne la société GFM Industria aux dépens d'appel, la Condamne à payer à la société MTD la somme de 3 500 euro en remboursement de ses frais irrépétibles, Accorde à la SCP IFL Avocats, en la personne de Maître Laurence Taze Bernard, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.