CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 26 juin 2015, n° 11-19083
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cdiscount (SA)
Défendeur :
Matelsom (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Touzery-Champion
Conseillers :
Mme Prigent, M. Richard
Avocats :
Mes Fisselier, Fourgoux, de Maria, Dorizon
La société Matelsom, spécialiste dans la vente de literie en ligne sur Internet, et la société C-Discount, filiale du groupe Casino, spécialisée dans le e-commerce étaient en relation d'affaires depuis 2003, un contrat ayant été signé en avril 2003 : la société Matelsom commercialisait des articles de literie via le site www.cdiscount.com en partenariat avec la société C-Discount et gérait la livraison de ces articles auprès des clients de la société C-Discount. Le 2 décembre 2005, les sociétés Cdiscount et Matelsom concluaient un nouveau contrat de partenariat pour une période déterminée de deux années. Le 1er avril 2007, un avenant au contrat de partenariat était signé ; à compter de la signature de cet avenant au contrat de partenariat, les relations entre les sociétés Cdiscount et Matelsom se sont détériorées. Néanmoins le 3 juin 2008 ces deux sociétés ont signé un nouveau contrat de commercialisation et de partenariat.
Déçue par la diminution des ventes, après plusieurs échanges de mails, la société C-Discount a mis en demeure la société Matelsom, par courrier recommandé du 14 novembre 2008, avec avis de réception, de fournir une gamme de produits cohérente, sous réserve de résiliation du contrat.
Des échanges ont de nouveau eu lieu entre les parties, en vain, et par courrier recommandé du 14 novembre 2008, avec avis de réception, la société C-Discount a constaté la nullité du contrat, faute d'accord sur un avenant complétant la liste des produits et a considéré que la clause d'exclusivité n'avait plus lieu de s'appliquer.
Par acte d'huissier du 29 mai 2009, la société Matelsom a assigné devant le Tribunal de commerce de Bordeaux la société C-Discount en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la rupture des relations commerciales.
Par jugement en date du 7 juin 2010, le Tribunal de commerce de Bordeaux a :
- constaté la rupture brutale des relations commerciales établies entre la société Matelsom et la société Cdiscount,
- condamné la société Cdiscount à payer à la société Matelsom la somme de 682 226 au titre du préavis de 9 mois non effectué,
- condamné la société Cdiscount à payer à la société Matelsom la somme de 16 979,38 augmentée des intérêts au taux légal majorés de 3 points à compter du 29 mai 2009,
- condamné la société Cdiscount à payer à la société Matelsom la somme de 2 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 11 février 2015, la société Cdiscount, appelante demande de :
- réformer le jugement en ce qu'il a jugé qu'elle avait brutalement rompu ses relations commerciales avec la société Matelsom et l'a condamnée au paiement de la somme de 682 226,
- dire qu'il n'y a pas de rupture brutale des relations commerciales établies,
- dire que les manquements de la société Matelsom à ses obligations contractuelles ont pleinement justifié la résiliation du contrat dans les conditions prévues à l'article 17 dudit contrat,
- condamner la société Matelsom à lui payer la somme de 100 000 au titre des dommages et intérêts,
- ordonner la publication de l'arrêt dans le journal Sud-Ouest et dans Les Echos sans que le coût de chaque publication ne puisse dépasser 2 000,
- condamner la société Matelsom à lui payer la somme de 50 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 18 février 2015, la société Matelsom, intimée, demande sur le fondement de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce, et des articles 1147 et 1149 du Code civil de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que la décision de C-Discount de mettre un terme au contrat à toute relation commerciale constitue une rupture brutale de relations commerciales établies, au sens de l'article L. 442-6-5 du Code de commerce,
- confirmer la condamnation de la société C-Discount à lui payer la somme de 682 226 au titre du préavis de 9 mois non effectué,
- réformer le jugement en ce qu'il a considéré que les autres demandes indemnitaires, de la société Matelsom étaient insuffisamment justifiées,
- en conséquence, condamner la société C-Discount à lui payer la somme de 1 296 936 au titre du gain manqué,
- condamner la société C-Discount à lui rembourser la somme de 92.543,49 correspondant à son investissement réalisé en pure perte pour la mise en place d'un système EDI avec la société C-Discount,
- débouter la société C-Discount de sa demande indemnitaire qui n'est en toute hypothèse pas fondée,
- constater que la décision de la société C-Discount de mettre un terme au contrat la liant à la société Matelsom constitue une violation de ses obligations contractuelles,
En conséquence, condamner la société C-Discount à lui payer :
- la somme de 682 226 au titre du préavis de 9 mois non effectué,
- la somme de 1 296 936 au titre du gain manqué,
- la somme de 92 543,49 correspondant à son investissement réalisé en pure perte pour la mise en place d'un système EDI avec C-Discount,
- en tout état de cause, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Cdiscount à lui payer la somme de 16 979,38 au titre des factures impayées depuis le 29 mai 2009 majorée des intérêts au taux légal multipliés par trois,
- débouter la société C-Discount de sa demande au titre de dommages et intérêts et de sa demande de publication dans deux journaux,
- condamner la société C-Discount à lui verser la somme de 50 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le 7 avril 2003, les sociétés Cdiscount et Matelsom ont signé un premier "contrat de partenariat" par lequel la société Matelsom s'engageait à vendre à la société Cdiscount des objets de literie. La société Matelsom fixait un prix de référence pour chacun de ses produits, servant de base pour le calcul de la commission reversée par la société Matelsom à la société Cdiscount équivalente à 10% du prix de référence. Le 2 décembre 2005, les sociétés Cdiscount et Matelsom concluaient un nouveau contrat de partenariat qui mettait à la charge de la société Matelsom de nouvelles obligations en ce qu'elle devait assurer les services suivants :
- " Proposition d'une sélection de produits à mettre en vente sur le site de www.cdiscount.com, auprès du service achat de Cdiscount ;
- Transmission des fiches produits mises en ligne sur le site de www.cdiscount.com et fixation de leurs prix de vente ;
- Livraison des produits aux clients finaux sur la France continentale (...) ;
- Reprise des retours clients dans le cadre d'un délai contractuel de 7 jours francs ;
- SAV sur France continentale seule (...)"
La société Matelsom rémunérait la société Cdiscount par une commission de 18 % du prix de référence proposé par la société Matelsom associée à une remise trimestrielle. Ce prix de référence constituait le prix de vente conseillé, la société Cdiscount ne pouvant fixer un prix de vente inférieur à 95 % du montant des prix de référence.
Le 1er avril 2007, un avenant au contrat de partenariat était signé prévoyant de nouvelles conditions de rémunération de la société Cdiscount.
A compter de la signature de cet avenant, les relations se détérioraient entre les parties. Un nouveau contrat de commercialisation et de partenariat était cependant conclu entre les parties le 3 juin 2008 ne prévoyant pas pour la société Cdiscount un prix imposé, la fourniture de 16 références au lieu de 6 et en contrepartie, celle-ci était soumise à une clause d'exclusivité aux termes de laquelle, il lui était interdit, pendant la durée du contrat et l'année suivant sa terminaison, de vendre des articles de literie de grande marque autres que ceux qu'elle distribue pour le compte de la société Matelsom.
A la société Matelsom qui lui reproche une rupture brutale des relations commerciales, la société Cdiscount oppose un défaut d'exécution du contrat notamment de ne pas proposer des offres attractives, de ne pas signaler les ruptures de stock, de ne pas respecter les délais de livraison ni son engagement d'approvisionnement en produits sous exclusivité et de la traiter de façon discriminatoire et déloyale.
La société Matelsom réplique que la société Cdiscount devait promouvoir les produits sur son site de manière efficace, qu'elle n'a pas investi dans la communication pour les produits de literie et que la diminution du chiffre d'affaires entre juin et décembre 2008 lui est imputable.
L'article L. 442-6 5° du Code de commerce dispose que :
" Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au Répertoire des métiers, de : 5° Rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciales établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciales et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce par des accords interprofessionnels. Les dispositions qui précédent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure".
Pour justifier une rupture sans préavis, la preuve doit être rapportée de manquements graves aux obligations contractuelles ou de manquements renouvelés et auxquels il n'a pas été mis fin, malgré des mises en demeure.
Sur la période 2003-2007, le chiffre d'affaires réalisé par la société Matelsom avec la société C-Discount n'a cessé de croître passant de 195 059 HT pour l'année 2003 à 2 775 539 H.T en 2007 et les parties n'avaient pas de motifs de remettre en cause leurs relations. La durée des relations et le volume d'activité généré démontrent l'existence de relations commerciales établies, le caractère déterminé des contrats n'étant pas à prendre en considération.
La société Matelsom fait remarquer que le changement d'attitude à son égard date du mois de juillet 2007, où le groupe Casino a acquis 80 % du capital de la société C-Discount et a affiché sa volonté de se positionner comme le premier site marchand en France et d'accélérer son développement.
Il sera fait observer que malgré les reproches formulés par la société Cdiscount à l'égard de son cocontractant, de nombreux avenants ont été signés pour tenter de répondre aux attentes et impératifs économiques de chaque partie et de poursuivre les relations commerciales.
Par mail du 12 décembre 2007, la société Cdiscount reproche à la société Matelsom :
- de la traiter de manière discriminatoire, le même produit étant disponible en 48h00 sur votre site et en 21 jours sur Cdiscount,
- d'accuser des retards de livraison de 15 jours,
- de ne faire aucun effort pour résorber les 1 000 commandes en retard,
- de traiter les commandes de manière inacceptable.
Par mail du 20 décembre 2007, la société Cdiscount faisait grief à la société Matelsom de ne pas répondre à ses demandes et indiquait interrompre immédiatement la relation commerciale ; Par mail du même jour, la société Matelsom lui répondait qu'elle etait prête à définir avec elle un plan d'action pour 2008, à fixer certains indicateurs et à les garantir et lui demande de lui transmettre le fichier des 1000 adresses "hors délais et non livrés".
Le 3 janvier 2008, la société Matelsom répondait plus précisément aux griefs de son cocontractant et se plaignait de ne plus avoir de produits en ligne sur son site à la veille des soldes ; Les parties ayant signé un nouveau contrat le 3 juin 2008, il y a lieu de constater qu'elles ont surmonté leurs oppositions ; Ce nouveau contrat d'une durée déterminée de deux ans précisait, à l'article 1, avoir pour objet la vente par la société Matelsom à la société C-Discount : "de produits de literie, matelas, sommiers, pieds de lit, oreillers, draps - ci-après dénommés les "Produits" dont une liste est annexée au présent contrat (Annexe A) en vue de leur commercialisation sur le Site. Il est convenu entre les Parties que la liste des Produits pourra, le cas échéant, être complétée, par avenant, en cours d'exécution du présent contrat". L'annexe A précisait ainsi que les produits concernés par le contrat étaient les produits des marques suivantes : Bultex, Dunlopillo, Epeda, Merinos, Pirelli, Simmons.
En contrepartie, la société C-Discount s'engageait à intégrer les produits sur son site et à les promouvoir de manière efficace, et plus précisément à :
- "Envoyer régulièrement une newsletter dédiée aux Produits à l'intégralité de ses prospects et clients,
- Avoir une présence Literie permanente sur la page d'accueil du Magasin Meubles-déco et du Site matérialisée au minimum par un descriptif de la catégorie.
- Intégrer le rayon Literie dans la plupart des newsletters "généralistes".
- Organiser la promotion des ventes de la literie à travers des opérations événementielles".
Par mails des 20 juin, 3 juillet 2008, la société Matelsom a fait observer à la société C-Discount la contreperformance observée sur son site depuis le début des soldes.
Par mail du 21 juillet 2008, la société Cdiscount s'est plainte auprès de la société Matelsom du traitement commercial qui lui était réservé en comparaison de ses concurrents ;
Le 15 octobre 2008, la société C-Discount a réclamé par mail adressé à la société Matelsom davantage de références, considérant que la gamme proposée est insignifiante par rapport au marché du matelas qui comporte plus de 300 produits alors que son cocontractant ne lui en propose que 19.
Aux termes d'un mail du 27 octobre 2008, la société C-Discount a fait savoir à la société Matelsom :
"Nous perdons, de ce fait, chaque jour de nouvelles parts de marché (les chiffres N-1 parlent d'eux-mêmes), parts que nous ne sommes pas en mesure de rattraper par ailleurs en raison de l'exclusivité sur les marques qui nous lie, et ce sans aucune contrepartie de votre part. Si, dans les tous prochains jours, nous n'avons pas reçu de preuve tangible de votre volonté de respecter vos engagements, nous serons contraints d'en tirer toutes conséquences qui s'imposent et de prendre toutes mesures nous permettant de nous repositionner sur ce marché en pleine croissance sur Internet".
Le 6 novembre 2008, la société Matelsom lui a adressé une offre portant sur 164 produits et lui rappelle que "lors de la signature du contrat qui nous lie depuis juin 2008, nous nous étions mis d'accord sur une gamme présentée en annexe A dont l'écoulement était un préalable à l'élaboration d'une offre plus globale...." et "demande des précisions sur vos actions de promotions et de mises en avant des produits visés au contrat".
Le 14 novembre 2008, la société C-Discount a mis en demeure par courrier recommandé avec avis de réception la société Matelsom de respecter ses engagements et de lui proposer une gamme de produits lui permettant de générer le chiffre d'affaires attendu. Un rendez-vous a eu lieu le 18 décembre 2008 et par mail du 24 décembre 2008, la société Matelsom faisait le point sur les attentes de son cocontractant tout en lui précisant que face à la demande de la société C-Discount d'obtenir des délais de livraison similaires pour toute la gamme de produits, elle lui avait exposé les raisons objectives liées à ces disponibilités différentes des produits d'une même gamme.
Par courrier recommandé avec avis de réception le 9 janvier 2009, la société C-Discount mettait fin aux relations contractuelles selon les modalités suivantes : "Compte tenu de l'épuisement des stocks de produits objet du contrat et de l'absence de proposition adaptée de votre part, nous sommes donc dans l'obligation de constater la nullité du contrat qui nous liait, ce dernier n'ayant, faute d'accord sur un avenant complétant la liste des produits, ni objet ni cause.
En tout état de cause, et compte tenu de la disproportion entre nos engagements réciproques, nous considérons d'ores et déjà que la clause d'exclusivité figurant au contrat n'a plus lieu à s'appliquer".
Par le biais des mails qu'elle lui adresse, la société C-Discount tente d'obtenir des conditions d'exécution du contrat plus favorables que celles prévues alors que la société Matelsom, lui reproche une absence de mise en valeur des produits qu'elle commercialise. Quant aux modalités de livraison, des dispositions très précises les prévoient ainsi que des pénalités en cas de manquements.
La seule chute du chiffre d'affaires constatée par les deux sociétés n'est pas un élément suffisant pour caractériser des manquements contractuels ; la société C-Discount produit des tableaux de l'état des stocks en se plaignant de l'absence de disponibilité des produits. Cependant, elle ne communique que quelques réclamations émises par elle-même relatives à des délais de livraison qui n'auraient pas été respectés sans jamais avoir justifié des 1 000 commandes en retard invoquées ce qui sur le volume d'affaires existant ne peut caractériser un manquement grave. La société Cdiscount reproche à la société Matelsom de ne pas l'avoir approvisionnée en marques Treca, Tempur et Sealy alors que celles-ci ne sont pas mentionnées dans l'annexe A de la convention en date du 3 juin 2008 qui régit les relations entre les parties.
Il résulte des échanges entre les parties non pas le constat d'inexécutions contractuelles mais l'existence de tensions liées aux modalités d'exécution de la convention, chaque partie reprochant à son cocontractant de ne pas tout mettre en œuvre pour développer l'activité commerciale et le chiffre d'affaires. Les griefs invoqués par la société Cdiscount et auxquels la société Matelsom a tenté de remédier en proposant davantage de références, en développant son outil informatique ne justifiaient pas qu'il soit mis fin unilatéralement à la convention. L'article 16 du contrat en date du 3 juin 2008 prévoyait une durée de 2 ans renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties avant le terme du contrat ou l'échéance d'une période contractuelle ultérieure, en respectant un préavis de 9 mois ;
Le contrat a été interrompu après 7 mois d'exécution, sans que les griefs invoqués par la société C-Discount constituent des manquements graves ce qui impliquait le respect d'un préavis ; si la signature du contrat était récente, les parties entretenaient des relations continues depuis 2003, un premier contrat ayant été conclu le 7 avril 2003 puis un nouveau contrat le 2 décembre 2005 prolongé par des avenants. Si les relations se dégradaient à compter de la signature de l'avenant du 1er avril 2007, elles se poursuivaient néanmoins avec la signature d'un contrat le 3 juin 2008 afin de prendre en compte les exigences de chaque partie.
Il y a lieu de constater l'existence de relations continues d'avril 2003 à janvier 2009 soit durant six ans ; lors de la signature du dernier contrat, les parties ont fixé à 9 mois le délai de préavis à respecter en cas de non-renouvellement de la convention d'une durée de deux ans ; ce délai de préavis devait d'autant plus être respecté dans le cadre d'une rupture en cours de contrat ; le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a fixé à 9 mois le délai de préavis.
Le caractère brutal de la rupture des relations a causé à la société Matelsom puiqu'elle a dû en 2009 renoncer à un chiffre d'affaires qui s'élevait à 1 410 630 avec la société C-Discount sans disposer du temps nécessaire pour retrouver d'autres partenaires.
La société Matelsom verse aux débats la déclaration suivante en date du 30 octobre 2009 de son chiffre d'affaires et de la marge brute pour les années 2006, 2007 et 2008 établie par le Président Directeur Général de la société sous le contrôle du commissaire aux comptes de la société Matelsom :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
La société Cdiscount sollicite la déduction des frais de livraison du chiffre d'affaires, les résultats devant être analysés sur les mêmes bases ce que conteste la société Matelsom.
Il est précisé dans la déclaration susvisée que la marge brute est la différence entre le chiffre d'affaires HT et le coût d'achat de ces mêmes produits vendus. Ce coût d'achat correspond aux achats de marchandises hors frais de ports et frais accessoires. Ceux-ci doivent être rajoutés au coût d'achat des produits puisqu'ils ont été intégrés dans le chiffre d'affaires. La société Matelsom ne peut en effet augmenter son chiffre d'affaires avec les frais de port et réduire ses coûts en excluant les frais de livraison afin d'obtenir une marge plus importante. Ces frais de port seront déduits directement de la marge brute puisqu'ils devaient être intégrés au coût d'achat des marchandises.
Le nombre moyen non contesté d'articles annuels vendus de 2006 à 2008 s'élève à 5 907 ; le coût de livraison proposé par la société Cdiscount est de 96 par article alors que la société Matelsom a proposé de facturer un prix forfaitaire unique de 32 HT qui ne correspondait pas au coût réel ; ce coût sera fixé à 50 au vu de ces explications : 5 907 X 50 = 295 350 à déduire de la marge brute.
Il sera déduit de la moyenne de la marge brute d'un montant de 906 635 la somme de 295 350 soit un solde de 611 285 : 12 = 50 940 X 9 mois = 458 460. Le montant des dommages et intérêts alloués à la société Matelsom en réparation de la rupture brutale des relations commerciales sera réduit à la somme de 458 460.
La société C-Discount ayant sans motif rompu 17 mois avant son terme le contrat à durée déterminée, la société Matelsom invoque la perte d'un gain certain correspondant à la marge brute perdue entre le 9 janvier 2009 et le 3 juin 2010, d'un montant de 1 296 936.
La société Matelsom ayant fait le choix de fonder son action sur l'article L. 442-6 5° du Code de commerce, ne peut solliciter une double indemnisation au titre du gain manqué lié à la non-exécution du contrat, ce gain manqué ayant été pris en compte dans le cadre des dommages et intérêts alloués.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Matelsom de sa demande de ce chef.
La société Matelsom sollicite le remboursement de 6 factures émises par la société Evalssi correspondant aux prestations de cette dernière en vue de la mise en place d'un système EDI spécifique à la société C-Discount, pour un montant total de 92 543,49.
Si ce système a été mis en place pour la société C-Discount, la société Matelsom ne démontre qu'il est exclusivement réservé à leurs relations commerciales sans pouvoir être utilisé avec d'autres cocontractants ; le rapport du conseil d'administration du 12 mai 2009 confirme l'investissement par la société Matelsom du système EDI dans le cadre de l'exécution du contrat conclu avec la société C-Discount sans pour autant exclure d'autres usages. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Matelsom de sa demande en remboursement des factures à ce titre.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société C-Discount à payer à la société Matelsom la somme de 16 979,38 au titre de factures impayées outre les intérêts au taux légal majorés de trois points à compter du 29 mai 2009, cette disposition du jugement n'étant pas contestée.
L'existence d'une rupture brutale des relations commerciales ayant été retenue, et le tribunal ayant justement motivé le rejet d'une dépendance économique de la société C-Discount par rapport à la société Matelsom, des pratiques discriminatoires invoquées par l'appelante et du non respect par la société Matelsom de ses engagements d'approvisionnement, la société C-Discount sera déboutée de sa demande d'allocation à ce titre de la somme de 100 000 et de la publication de la décision.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société C-Discount qui demeure débitrice assumera la charge des dépens d'appel.
Par ces motifs Confirme le jugement hormis sur le montant des dommages et intérêts alloués à la société Matelsom au titre du préavis de 9 mois non effectué. Statuant à nouveau et y ajoutant, Condamne la société C-Discount à payer à la société Matelsom la somme de 458.460 au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la rupture brutale des relations commerciales, Déboute la société C-Discount de sa demande de dommages et intérêts pour manquements contractuels et de publication de la décision, Rejette toute autre demande, Condamne la société C-Discount aux dépens d'appel.