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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 juin 2015, n° 13-05746

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Inova (SAS)

Défendeur :

E On France Power (SA), Eon Provence Biomasse (SARL), E.On France (SAS), E.On Climate & Renewable GMBH (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Fromantin, Claiman-Versini, Dauchel, Sonnier Poquillon

T. com. Paris, du 15 mars 2013

15 mars 2013

Faits et procédure :

Le groupe E.On, dont la maison mère est de droit allemand, a pour activité la fourniture d'énergie électrique en Europe.

La société par actions simplifiée E.On France gère les activités du groupe E.On en France.

La société de droit allemand E.On Climate & Renewable GmbH, ci-après dénommée EC&R, est spécialisée dans les énergies renouvelables et plus particulièrement la biomasse ; elle gère le développement, la réalisation et l'exploitation de tout projet à base de ces énergies dans le monde.

La société à responsabilité limitée E.On Provence Biomasse (EPB) a été créée en avril 2006.

La société anonyme Société Nationale d'Electricité et de Thermique, ci-après dénommée SNET, (devenue E.On France Power) filiale d'EDF et de Charbonnages de France dont l'activité est la production d'électricité à partir de charbon, et qui disposait de quatre centrales, dont l'une était en Provence, à Gardanne, a été acquise par la société E.On France en 2009.

La société AE&E Inova FRANCE, ci-après dénommée Inova, est spécialisée dans le traitement des déchets ménagers ; elle a obtenu la possibilité que la région PACA soit éligible à la construction d'une installation de production d'électricité à partir de biomasse sans production de vapeur et elle a participé aux appels d'offres de la Commission de Régulation de l'Energie (CRE).

Se trouvant à la recherche d'un partenaire financier pour la construction d'une centrale électrique à partir de biomasse d'une capacité de 20 MW, à Brignoles, la société Inova s'est rapprochée du groupe E.On. Une première lettre de confidentialité a été signée entre la société SNET et Inova le 14 février 2009 d'une durée de deux ans et une seconde avec EC&R le 14 mai de la même année d'une durée de trois ans.

Les négociations entre les parties on été interrompues au cours de l'année 2010.

Les sociétés Inova et EPB ont ensuite chacune séparément répondu à l'appel d'offres dit CRE4 de l'Etat français. Elles ont été toutes deux retenues, Inova pour le site de Brignoles et EPB pour le site de Gardanne par arrêté ministériel du 29 février 2012.

La société Inova considère que les négociations entre elle et les sociétés du groupe E.On ont été rompues de manière brutale et déloyale.

Par acte du 9 mai 2011, la société Inova a assigné les sociétés SNET, EPB et E.On France afin d'obtenir réparation de son préjudice né de la rupture brutale des pourparlers. Par acte du 25 mai 2011, la société Inova a assigné EC&R, et à l'audience du 15 septembre 2011, le tribunal a joint les deux instances.

Par jugement rendu le 15 mars 2013, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :

- écarté les pièces 50 à 54 et 117 produites par la société AE&E Inova France,

- dit que les sociétés EPB, E.On France et EC&R n'ont pas rompu abusivement les pourparlers,

- dit que les sociétés EPB, E.On France et EC&R n'ont pas commis d'acte de concurrence déloyale,

- débouté la société Inova de l'ensemble de ses demandes,

- débouté les sociétés EPB, E.On France et EC&R de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société Inova à verser aux sociétés EPB, E.On France, et EC&R la somme de 30.000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires aux présentes dispositions, condamné la société Inova aux dépens.

Vu les dernières conclusions signifiées le 27 avril 2015 par la société Inova, dans lesquelles il est demandé à la cour de :

- recevoir la société Inova en son appel et l'y dire bien fondée,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- déclarer les demandes de la société Inova bien fondées,

- dire et juger que les sociétés E.On France, EC&R et SNET ont rompu de façon abusive les pourparlers avec la société Inova et ont ainsi commis une faute engageant leur responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,

- dire et juger que les sociétés EC&R, E.On France, EPB et SNET ont engagé leur responsabilité délictuelle sur le fondement de la concurrence déloyale,

En conséquence,

- condamner conjointement et solidairement les sociétés EC&R, E.On France et SNET à payer à la société Inova la somme de 412.967 euro sur le fondement de la rupture abusive des pourparlers,

- condamner conjointement et solidairement les sociétés EC&R, E.On France, SNET et EPB à payer à la société Inova la somme de 1.049.318,80 € et à la somme de 1.520.000 euro correspondant au prix de l'augmentation du bois sur deux années sur le fondement de la concurrence déloyale,

- condamner conjointement et solidairement les sociétés EC&R, E.On France, SNET et EPB à payer à la société Inova la somme de 80.000 euro à la société Inova au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre la prise en charge des entiers dépens.

La société Inova fait valoir :

Sur la mise à l'écart des pièces communiquées

* les pièces 50 à 54 :

La société Inova soutient que les pièces écartées par le jugement du tribunal de commerce sont primordiales en ce qu'elles démontrent que la SNET a voulu profiter du travail et des investissements de la société Inova. Elle fait valoir que les documents en question n'ont pas été obtenus frauduleusement mais transmis directement par la société Provence Forêt. Or, la société Inova considère que lesdits documents ne revêtent pas un caractère confidentiel pouvant faire obstacle à la libre utilisation de documents obtenus de manière non-frauduleuse.

L'appelante ajoute que l'élément intentionnel nécessaire à une incrimination pénale fait en l'espèce défaut, et que le tribunal de commerce a fait une mauvaise application du Code pénal.

* la pièce 117 :

L'appelante soutient que le document en question a fait l'objet d'une distribution publique et qu'il n'a donc pas été obtenu frauduleusement.

Sur la rupture abusive des pourparlers :

L'appelante dénonce le caractère déloyal du comportement des intimées qui constitue une faute dans la rupture des pourparlers.

Elle affirme que l'existence cumulative d'une négociation avancée, d'un manquement aux règles de bonne foi, d'une brutalité dans la rupture, et d'une absence de motifs constitue les conditions nécessaires à la qualification d'une rupture brutale des pourparlers.

Elle allègue que le groupe E.On a volontairement fait croire à l'appelant que le projet de Brignoles était le seul et unique projet envisagé, alors que dans le même temps il entrait en contact avec la coopérative Provence Forêt (fournisseur de bois nécessaire au fonctionnement des centrales) afin de mettre en place un projet similaire à Gardanne. C'est ici que réside, selon l'appelante, la mauvaise foi des intimées qui n'auraient prolongé les négociations que pour obtenir plus d'informations.

La société Inova ajoute que la rupture était brutale et non motivée et que l'ensemble des sociétés du groupe E.On ont participé aux négociations.

Sur la concurrence déloyale :

* l'obtention des informations par des manœuvres frauduleuses :

L'appelante met en jeu la responsabilité délictuelle des intimées en leur reprochant un comportement parasitaire. Les intimées se seraient rapprochées de la société Inova dans l'unique but de rassembler les informations nécessaires pour monter un projet concurrent. Elle ajoute qu'à aucun moment les intimées n'ont eu l'intention de parvenir à un accord concret avec la société Inova.

Elle fait état notamment de la relation parallèle entretenue par les intimées avec la coopérative Provence Forêt en méconnaissance des accords exclusifs que cette dernière avait mis en place avec la société Inova. Les échanges entre le groupe E.On et la coopérative Provence Forêt n'auraient, contrairement à ce qu'affirment les intimées, comme unique objet que l'approvisionnement du projet concurrent en biomasse.

De plus, la société Inova évoque une perturbation du marché. Elle accuse le groupe E.On d'avoir procédé à des déclarations mensongères à l'endroit de la Commission de Régulation de l'Energie quant à son plan d'approvisionnement en biomasse, et que de cette manœuvre résulterait l'augmentation du prix du bois. Surtout, elle considère que le plan d'approvisionnement du groupe E.On fragilise celui de la société Inova, et que cette manœuvre a été permise par l'obtention d'informations au cours des pourparlers.

* le caractère illusoire du partenariat sur Gardanne :

La proposition faite par le groupe E.On à la société Inova de s'associer au projet sur Gardanne serait illusoire en ce que les intimées savaient pertinemment que la société Inova ne pourrait se joindre à eux. L'appelante ajoute que cette proposition illusoire avait été faite par le groupe E.On dans le seul but de se ménager une preuve de sa loyauté et de se prémunir d'une action en concurrence déloyale.

* l'interposition de la SNET pour mener le projet concurrent :

L'appelante soutient que le groupe E.On a confié le projet concurrent à une de ses filiales afin d'éviter tout soupçon, et que c'est grâce aux informations récoltées lors des pourparlers que la SNET a pu mettre en place le projet concurrent en un temps record.

Le groupe E.On aurait commis une faute en réutilisant les informations obtenues à des fins autres que celles prévues (pour un projet concurrent) et sans autorisation. Vu les dernières conclusions signifiées le 13 avril 2015 par les sociétés SNET, EPB, E.On France et EC&R, dans lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a jugé les demandes de la société Inova recevables et sauf en ce qu'il a débouté les défenderesses de leur demande reconventionnelle et, statuant à nouveau :

A titre préalable :

- écarter des débats les pièces adverses n° 50 à 54 incluses, comme ayant été obtenues en violation du secret des correspondances,

- écarter des débats la pièce adverse n°117 comme ayant été obtenue au moyen de procédés déloyaux,

Sur les demandes pour ruptures abusives des pourparlers :

- dire et juger que les demandes dirigées contre les sociétés E.On France et SNET sont irrecevables et à tout le moins mal fondées,

- dire et juger que les demandes dirigées contre la société E C&R sont mal fondées,

Sur les demandes en concurrence déloyale :

- dire et juger que les demandes dirigées contre les sociétés E C&R et E.On France sont irrecevables,

- dire et juger que les demandes dirigées contre les sociétés E C&R, E.On France, SNET et E.On Provence Biomasse sont malfondées,

En conséquence :

- débouter la société Inova de toutes ses demandes et de toutes demandes plus amples, Reconventionnellement :

- condamner la société Inova à verser aux sociétés E C&R, E.On France, SNET et E.On Provence Biomasse la somme de 30.000 euro de dommages et intérêts pour procédure

abusive, à charge pour ces dernières de se répartir cette somme entre elles, En toute hypothèse : - condamner la société Inova à verser aux sociétés E C&R, E.On France, SNET et E.On Provence Biomasse la somme de 30.000 euro au titre de l'article 700 au titre de la procédure d'appel, à charge pour ces dernières de se répartir cette somme entre elles, - condamner la société Inova aux entiers dépens. Les intimées font valoir :

Sur la prétendue rupture abusive des pourparlers :

* sur l'irrecevabilité de la demande à l'égard des sociétés E.On France et SNET :

Les intimées exposent ici que seule la société EC&R a participé aux échanges avec la société Inova, et qu'en conséquence, les demandes à l'égard des autres sociétés du groupe sont irrecevables.

* sur le caractère mal fondé des demandes de l'appelante :

Les intimées énoncent que l'appelante n'a pas démontré l'existence des trois conditions d'une faute, d'une préjudice, et d'un lien de causalité nécessaires à la mise en jeu de la responsabilité délictuelle.

° L'absence de faute imputable à la société EC&R :

Selon les intimées, la rupture des pourparlers est possible, en application du principe de la liberté de contracter. Les intimées ajoutent que la durée des pourparlers est inférieure à une année et demi, que la société EC&R n'a jamais maintenu la société Inova dans l'illusion d'une concrétisation et enfin qu'elle n'a jamais formulé de demandes spécifiques auprès de la société Inova, n'exigeant pas, notamment, un engagement d'exclusivité de sa part.

Les intimées soutiennent que l'appelante ne prouve pas la mauvaise foi en vertu de laquelle les intimées seraient entrées en négociation uniquement pour soutirer des informations, et rappellent que c'est la société Inova qui, à la recherche d'investisseurs, a pris l'initiative de ces pourparlers auprès du groupe E.On et non l'inverse.

Concernant la confidentialité des documents invoqués par l'appelante à l'appui de ses prétentions, les intimées rappellent que le secret des correspondances est un principe fondamental et que les correspondances sont par nature confidentielles. Elles ajoutent que c'est à celui qui produit la pièce de prouver qu'il l'a obtenue de manière régulière et qu'il a l'autorisation de l'utiliser.

Concernant l'engagement d'exclusivité entre la coopérative Provence Forêt et la société Inova qui est invoqué par cette dernière, les intimées en contestent l'existence, autant que la possibilité qu'ils avaient d'en avoir connaissance.

Elles estiment que la société Inova est à l'initiative de la rupture " brutale " des pourparlers, tant à l'égard du projet de Brignoles que de celui de Gardanne.

Enfin, les intimées soutiennent qu'une justification n'est pas nécessaire, mais qu'en l'occurrence, le groupe E.On avait un juste motif tenant à l'insuffisance de la rentabilité du projet. Elles ajoutent que les pourparlers ayant lieu en vue de répondre à un appel d'offre, leur concrétisation était nécessairement suspendue à la publication de cet appel d'offre. Ainsi, les pourparlers étaient pourvus d'un aléa connu des deux parties dès le départ.

° L'absence de préjudice de la société Inova :

Les intimées soutiennent qu'en matière de rupture abusive des pourparlers, seuls les frais engagés, s'ils sont vains et directement liés à la faute, peuvent faire l'objet d'une indemnisation. En l'espèce, elle ne justifie pas de tels frais, pas plus qu'elle ne justifie qu'ils ont été engagés à la demande spécifique de la société EC&R.

° L'absence de lien de causalité :

Les intimées soutiennent qu'en l'absence de faute et de préjudice, il est impossible pour l'appelante de démonter un lien de causalité direct et certain.

La prétendue concurrence déloyale :

* L'absence de faute de concurrence déloyale :

Les intimées considèrent que l'appelante n'apporte pas la preuve d'une faute, à savoir la preuve de l'existence de manœuvres frauduleuses consistant à se rapprocher de la société Inova sans pour autant avoir l'intention de contracter. La société Inova avance que ce sont les conditions extérieures qui l'ont conduite à rompre les pourparlers, et non pas une quelconque mauvaise foi.

° La présentation d'une offre concurrente :

En premier lieu, les intimées soulèvent l'irrecevabilité de la demande à l'égard des autres sociétés du groupe n'ayant pas participé à l'appel d'offre. Ainsi seule la société EPB serait susceptible d'être concernée.

En second lieu, les intimées font état du caractère mal fondé des demandes en concurrence déloyale. D'abord, les intimés contestent la transmission des informations obtenues de la société Inova à la société EPB : la société Inova n'apporte ni la justification des travaux qu'elle a du mener pour obtenir ces informations ni la preuve d'une transmission de ces informations à la société EC&R, ou encore la preuve d'une transmission des informations par la société EC&R à la société EPB (qui selon les intimées ne peut se déduire des seuls liens capitalistiques). Ensuite les intimées contestent l'utilisation dans le cadre de l'offre concurrente de ces informations qui seraient inutiles au regard de différences significatives entres les deux projets. Enfin, les intimées font état du principe de libre concurrence pour justifier leur offre concurrente.

* L'absence de préjudice

° Le préjudice lié à la concurrence déloyale :

D'abord, les intimées considèrent que le préjudice susceptible d'être réparé ne peut être que celui résultant d'une concurrence déloyale dans l'appel d'offre, et que ce n'est pas ce préjudice là que l'appelant cherche à se faire indemniser.

Ensuite, le groupe E.On estime que le préjudice allégué par l'appelante n'est pas direct, certain. De plus, tous les projets ayant été retenus, la perte de chance est nécessairement exclue.

Enfin, les intimées soulèvent la contradiction de l'appelante dans la définition de son préjudice, qui vise tour à tour la perte de chance et le coût des recherches qu'elle n'a pas engagé vainement dans la mesure où le projet de la société Inova a été retenu.

° Le préjudice lié à l'augmentation du prix du bois :

Les intimées soutiennent que l'appelante n'apporte pas la preuve de l'augmentation du bois, et l'imputabilité de cette augmentation à la société EPB, alors que leur plan d'approvisionnement en bois est différent tant qualitativement que quantitativement de celui de la société Inova.

SUR CE,

sur le rejet des pièces 50 à 54 et 117 :

considérant que les pièces 50 à 54 sont des mails échangés par Eon France, par la Snet et la Coopérative Provence Forêt en mars, juin et octobre 2010, concernant la combustion des plaquettes forestières et l'approvisionnement d'une usine de production d'électricité avec ces combustibles,

considérant que ces mails étaient destinés à des personnes nommées, avaient un caractère privé mais que rien dans leur contenu ne permet d'en déduire le caractère confidentiel, de sorte que l'autorisation de leur auteur et du destinataire de divulguer n'était pas nécessaire ; que par ailleurs, la société Inova rapporte la preuve qu'elle les détient de leur destinataire et qu'elle ne les a donc pas obtenues de manière déloyale ; qu' il n' y a pas lieu de les retirer des débats ;

considérant, pour la pièce 117, que les sociétés intimées expliquent que ce document concerne son plan d'approvisionnement en bois qui n'est ni officiel ni public et que la société Inova s'est procurée celui-ci par des moyens déloyaux, ce que conteste l'appelante qui expose le détenir d'un établissement bancaire,

considérant que la pièce 117, établie en avril 2012, présente la centrale Biomasse de Gardanne ; que la société Inova ne justifie pas que cette pièce est destinée au public, notamment les professionnels forestiers ; qu'elle ne justifie pas en avoir obtenu un exemplaire par un procédé loyal et ne rapporte pas non plus la preuve que cette pièce était officielle ou divulguée auprès du public ; que cette pièce sera écartée,

sur la rupture des pourparlers et les parties en cause :

considérant selon les pièces versées aux débats :

que la société Inova a consacré des études à la réalisation d'une unité de production électrique à partir de biomasse depuis plusieurs années, avant 2007 et s'est livrée à une activité de lobbying intense pour obtenir des dérogations dans l'appel d'offre de la CRE au profit de la la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur en raison des spécificités climatiques, qu'elle a engagé des discussions avec la société EC&R pour obtenir de celle-ci un financement de la construction et de l'exploitation par Inova de l'usine de Brignoles ; qu'un premier accord de confidentialité était signé par Snet et Inova le 19 février 2009 qui avait pour objet de définir les informations confidentielles relatives à Inova et l'engagement de chaque partie à les garder secrètes et à les utiliser dans le seul objet du projet,

qu'un second accord était signé le 14 mai 2009 entre Inova et EC&R ayant le même objet,

que de tout temps lors de leurs discussions, EC&R a précisé qu'il était déterminant pour elle que le projet soit assuré d'une rentabilité de 10 %, et ce, par la rémunération du MW à 140-160 Euros, qu'elle l'a indiqué dès le mois de juin 2009 ; qu'en octobre 2009, le projet permettait d'envisager une rentabilité de 7 % ce qui était insuffisant, et que par mail du 13 octobre 2009, EC&R indiquait à Inova "Dans ces circonstances, je reconnais qu'il serait plus facile pour toi de décider de s'associer avec un autre partenaire qui demanderait un taux de rendement minimal annuel moins élevé et qui, par conséquent, te permettrait d'atteindre un prix de l'EPC plus élevé au titre de ton apport dans ce projet. " ; que par courriel du 24 novembre 2009, EC&R rappelait qu' "à condition que notre objectif de rendement de 10 % soit atteint, EON serait enchanté de s'associer avec Inova pour avancer sur le projet de Brignoles",

que lorsque les documents sur CRE 4 ont pu être consultés au début de l'année 2010, il est apparu

que le plafond de tarif de MW serait fixé à 125 Euros, soit "environ 25 % plus bas que le niveau moyen retenu.... pour CRE2", que par mail du 22 janvier 2010, EC&R indiquait qu'il s'agissait d'une "question cruciale" mais pensait qu'il était possible "d'effectuer du lobbying en vue d'augmenter le plafond",

que l'appel d'offres lancé en juillet 2010 par CRE 4 précisait un tarif officiel de 115 Euros MW,

considérant qu'il résulte tout d'abord de ces éléments que la SNET et la société EC&R ne peuvent contester sérieusement avoir signé l'accord de confidentialité du mois de février 2009 et du mois de mai 2009 au motif qu'elles n'auraient pas été valablement représentées dès lors qu'elles en donnaient l'apparence, que la société Eon Provence Biomasse qui a réalisé le projet de Gardanne ne saurait être mise hors de cause, à la différence de la société Eon France dont la société Inova ne rapporte par aucune pièce produite aux débats la participation,

considérant ensuite que la société Inova doit rapporter la faute de ces sociétés, le préjudice subi et le lien de causalité,

considérant que selon les pièces produites : que la condition de rentabilité a été très clairement annoncée dès le début des pourparlers et rappelée ensuite plusieurs fois par la suite, ce qui exclut toute mauvaise foi et toute brutalité dans la rupture des pourparlers si l'objectif de rentabilité qui n'est pas un "faux prétexte" ne pouvait être assuré, qu'il était parfaitement cohérent et admissible de la part de EC&R de ne pas vouloir s'engager tant que la rentabilité du projet n'était pas mieux précisée et qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir signé la lettre d'intention (Memorandum of Understanding " MOU ") en décembre 2009 dans de telles circonstances,

que lorsqu'il a été considéré comme quasiment certain que la condition de rentabilité ne serait pas remplie, EC&R a proposé à Inova de participer au projet qu'elle avait sur le site de Gardanne, ce qui exclut également tout comportement déloyal de la part de cette société étant observé qu'Inova ne démontre pas en quoi le partenariat proposé aurait eu un caractère illusoire ; qu'elle a d'ailleurs participé à une étude qui concluait à un coût "rédhibitoire" de modifications de la structure existante, mais ne peut sérieusement soutenir qu'elle a fait cette étude "par courtoisie" et "par esprit de collaboration" ;

que rien ne permet de soutenir que le projet de Brignoles était le seul que la société EC&R entendait mener à bien et que le projet de réhabilitation de Gardanne aurait été tu à Inova, ne serait-ce que par la proposition qui lui était faite de participer au projet ; que rien n'interdisait à la société EC&R de mener parallèlement un autre projet et de prendre contact avec des professionnels intéressés par le projet,

que rien ne permet non plus de soutenir que les parties étaient liées par un accord d'exclusivité tacite,

que la société Inova le savait parfaitement lorsqu'elle a reçu le 13 octobre 2009 un mail d'EC&R lui proposant de se tourner vers un partenaire moins exigeant en termes de rentabilité ou encore lorsqu'elle demandait dans un mail du 13 décembre 2009 à EC&R de "ne pas s'offusquer" de ce qu'elle avait dit à d'éventuels autres partenaires qui la sollicitaient sur le projet, qu'aucune pièce ne permet de retenir que la société EC&R a eu une attitude qui révélait qu'elle n'avait nullement l'intention de conclure un accord avec la société Inova, qu'elle a engagé des négociations avec elle dans le seul but de lui "soutirer" le maximum d'informations pour ses propres projets et qu'elle l'a encouragée à prolonger les négociations,

considérant que la liberté contractuelle permet de rompre les pourparlers, même si ceux-ci sont avancés, dès lors qu'il n'y a ni abus, ni mauvaise foi, ni volonté de nuire ; que dans ce litige, la faute des sociétés EC&R, SNET puis de Eon Provence Biomasse n'est pas rapportée ; que la demande de la société Inova doit être rejetée ; sur la concurrence déloyale :

considérant que la société Inova se plaint de ce que les intimées ont pillé les informations qu'elle avait mises à leur disposition pour la réalisation du projet sur Brignoles, permettant à celles-ci d'avoir un avantage anti-concurrentiel, de tirer tous éléments utiles de son savoir-faire pour le projet de Gardanne en "concurrence immédiate" avec son projet, qu'elle se plaint de ce que son plan d'approvisionnement en bois a été contrarié, qu'elle se trouve maintenant en concurrence directe avec Eon Provence Biomasse pour cet approvisionnement, ce qui a eu pour effet d'augmenter le prix du bois, que la société Inova ajoute que "Son préjudice repose ... dans le fait que le projet d'Eon à Gardanne ait été retenu, à l'aide d'informations recueillies confidentiellement lors des échanges avec Inova et soit en concurrence directe avec le projet de Brignoles ", que les intimées contestent ces assertions, exposant au surplus, que seule la société Eon Provence Biomasse pourrait être concernée,

considérant que la demande est recevable en ce qu'elle est formée contre la société Eon Provence Biomasse qui a tiré éventuellement profit des informations recueillies mais également la Snet et la société ECéR qui ont participé aux pourparlers,

considérant que la société Inova verse aux débats de très nombreux documents ; que toutefois, elle ne rapporte pas la preuve d'avoir fourni des documents à la société EC&R, notamment lors de la "data room" du 14 mai 2009, documents dont elle ne fournit pas la liste, ne donne pas le contenu, qu'elle n'indique pas quels renseignements spécifiques ont été utilisés par cette dernière pour mener à bien le projet sur Gardanne, lui faisant gagner un temps de recherches et d'investigations ; que le fait que le type de bois utilisé par les unités de Brignoles et de Gardanne soit, selon l'expression vague utilisée, "sensiblement identique" ne traduit pas le pillage des informations relatives aux ressources forestières qu'elle avait collectées, étant remarqué que la société Eon Provence Biomasse justifie s'être informée à partir de données publiques et avoir engagé des bureaux d'études, notamment un spécialiste forestier ; que le dossier technique de la réalisation de Gardanne ne peut avoir été "pillé" alors qu'il s'agit comme le soutiennent justement les intimées de reconvertir un site existant, d'une taille bien différente, sur un lieu différent ; que la société Inova ne peut se retrancher derrière le fait que n'étant pas partie au projet de Gardanne, "il lui est impossible de savoir quels documents précis dans la multitude des informations pillées par les sociétés du groupe Eon ont été effectivement utilisées par Eon pour Gardanne ", pour ne pas rapporter la preuve du parasitisme qu'elle invoque,

considérant également que la société Inova ne rapporte pas la preuve des agissements frauduleux de la société EC&R, que la société Eon Provence Biomasse a été créée bien avant la signature par les parties des accords de confidentialité et n'a pas été constituée, comme le soutient Inova, spécialement pour déposer un projet concurrent du sien ; que rien n'interdisait à la société Snet de prendre contact avec la coopérative Provence Forêt alors au surplus qu'aucun document ne permet d'affirmer qu'elle avait connaissance du contrat signé par Inova et cette coopérative,

considérant enfin que, comme le rappellent les intimées, "C'est le droit absolu de toute entreprise, notamment de la société Eon Provence Biomasse, de participer à un appel d'offres entrant dans le champ de ses compétences.", que la concurrence qui en résulte avec ses conséquences financières, ne peut constituer une faute,

considérant en définitive que la société Inova ne justifie nullement les allégations de parasitisme et de concurrence déloyale qu'elle forme contre les intimées, qu'elle sera déboutée de sa demande, sur les dommages-intérêts demandés par les intimées :

Considérant que les sociétés intimées ne démontrent ni que l'action de la société Inova était manifestement vouée à l'échec, ni qu'elle participait de la volonté de leur causer un dommage, ni encore qu'elle leur a effectivement causé des dommages ; que leur demande sera rejetée et le jugement confirmé sur ce point ;

PAR CES MOTIFS La cour, infirme le jugement déféré sur le rejet des débats des pièces 50 à 54 de la société Inova et sur la recevabilité de la demande de dommages-intérêts formée contre la société Eon France, dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces produites par la société Inova numéros 50 à 54, déclare irrecevable la demande formée contre la société Eon France, confirme le jugement déféré pour le surplus, condamne la société Inova à payer aux sociétés intimées la somme de 30 000 Euros au titre de l'indemnité pour frais irrépétibles, condamne la société Inova aux entiers dépens.