Cass. com., 7 juillet 2015, n° 14-19.304
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Agence européenne immobilière (SARL)
Défendeur :
Hoiel
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocat général :
Me Pénichon
Avocats :
SCP Potier de La Varde, Buk-Lament, SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que Mme Hoiel et la société Agence européenne immobilière (la société AEI), exerçant la même activité d'agent immobilier, ont proposé à la vente douze biens en commun ; que s'estimant victime d'actes de concurrence déloyale de la part de la société AEI, résultant de modifications unilatérales apportées au montant des commissions figurant aux mandats de vente de ces différents biens immobiliers, Mme Hoiel l'a assignée en vue d'obtenir le paiement de dommages-intérêts et la cessation de ces pratiques ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches : - Attendu que la société AEI fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable d'actes de concurrence déloyale à l'égard de Mme Hoiel alors, selon le moyen : 1°) qu'une pratique commerciale est trompeuse et déloyale lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur le prix du bien ou du service ; qu'en se contentant de relever, pour dire que la société AEI s'était livrée à une pratique commerciale trompeuse et, en conséquence, la déclarer coupable de concurrence déloyale, qu'elle avait proposé des biens immobiliers en vente à un prix inférieur à celui figurant sur le mandat de vente, sans pouvoir justifier de l'accord des propriétaires, sans constater que le prix auquel était effectivement vendu le bien était différent de celui annoncé, ce qui était seul de nature à permettre de retenir l'existence d'une pratique trompeuse, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une telle pratique, a violé les articles L. 121-1 du Code de la consommation et 1382 du Code civil ; 2°) que n'est pas trompeuse la pratique commerciale qui n'altère pas de manière substantielle le comportement économique du consommateur ; qu'en se bornant à retenir, pour statuer comme elle l'a fait, que la société AEI avait proposé des biens immobiliers en vente à un prix inférieur à celui figurant sur le mandat de vente, sans pouvoir justifier de l'accord des propriétaires, ce en diminuant ou en omettant la commission demandée par l'agence, sans vérifier si cette pratique était susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 du Code de la consommation et 1382 du Code civil ; 3°) que la méconnaissance d'une disposition législative ou réglementaire qui n'a pas pour objet d'assurer la loyauté de la concurrence n'est pas, en elle-même, caractéristique d'un acte de concurrence déloyale ; qu'en se contentant de relever, pour juger que la société AEI s'était rendue coupable de détournement de clientèle au préjudice de Mme Hoiel, qu'elle avait proposé des biens immobiliers en vente à un prix inférieur à celui figurant sur le mandat de vente, sans pouvoir justifier de l'accord des propriétaires, ce qui constituerait une violation des dispositions législatives d'ordre public de la loi du 2 janvier 1970, dite Hoguet, sans constater, hors cette prétendue méconnaissance d'une loi qui n'a pas pour objet d'assurer la loyauté de la concurrence, une quelconque manœuvre destinée à détourner la clientèle de sa concurrente, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la concurrence déloyale, a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société AEI et Mme Hoiel proposaient à la vente les mêmes biens immobiliers sur Internet et qu'en violation des dispositions de la loi Hoguet du 2 janvier 1970 et de son décret d'application, la société AEI avait proposé ces biens à un prix inférieur à celui figurant sur ses mandats, en omettant ou diminuant dans ses annonces la commission demandée par l'agence, sans pouvoir justifier de l'accord des propriétaires, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, caractérisé le procédé déloyal qui a permis à la société AEI de proposer à la vente les mêmes biens immobiliers à un prix égal ou inférieur à ceux proposés par Mme Hoiel, de nature à détourner à son profit leur clientèle commune ; que le moyen, inopérant en ses deux premières branches, qui critiquent des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche : - Vu l'article 455 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour condamner la société AEI à payer des dommages-intérêts à Mme Hoiel, l'arrêt retient que le préjudice de cette dernière s'analyse en la perte de la chance de réaliser la vente de tout ou partie des biens concernés ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société AEI qui faisait valoir qu'aucun des biens pour lesquels Mme Hoiel demandait à être indemnisée n'avait été vendu par son intermédiaire, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi.