CA Paris, Pôle 6 ch. 5, 2 juillet 2015, n° 14-04738
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Assouline
Défendeur :
Bensimon, Rape (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Roy-Zenati
Conseillers :
Mmes Grivel, Volte
Avocats :
Mes Benichou Bourgeon, Laussucq
EXPOSÉ DU LITIGE
Un contrat d'agent commercial a été conclu entre M. Franck Bensimon et M. Marc Assouline le 1er décembre 1998. Initialement, M. Bensimon exploitait cette activité à titre individuel sous la dénomination commerciale Rape. A compter du 1er octobre 2005, son activité a été transférée dans le cadre d'un contrat de location-gérance à la SARL Rape dont il est le gérant. La société Rape est une société de renseignements aux parents d'élèves ayant pour objet de réaliser et de faire imprimer des revues pour des établissements scolaires catholiques.
Le 5 avril 2013, M. Assouline a saisi le Conseil de prud'hommes de Paris afin de solliciter la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail et la condamnation solidaire de M. Franck Bensimon et de la société Rape au paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts, outre au versement, sous astreinte, des cotisations patronales sur la période de mai 2008 à mars 2013.
Par jugement du 22 novembre 2013, notifié le 7 avril 2014, le conseil de prud'hommes a débouté M. Assouline de toutes ses demandes, le condamnant aux dépens, et a débouté, M. Bensimon et la société Rape de leurs demandes reconventionnelles, M. Assouline a interjeté appel de cette décision le 28 avril 2014.
À l'audience du 26 février 2015, il demande à la cour, de :
- infirmer en totalité le jugement rendu :
Dire et juger que le contrat s'analyse en un contrat de travail,
Fixer la moyenne des salaires à la somme de 7 672 euro par mois,
Requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
Condamner solidairement M. Bensimon et la société Rape au paiement des sommes suivantes :
Indemnité compensatrice de préavis : 15 344 euro,
Congés payés afférents : 1 534,40 euro,
Indemnité conventionnelle de licenciement : 32 912,88 euro ou indemnité légale : 23 012 euro,
Congés payés : 55 894,60 euro (2008/2013),
Dommages et intérêts pour rupture abusive : 400 000 euro,
Dommages-intérêts pour travail dissimulé : 46 032 euro,
Remise des bulletins de salaires de mai 2008 à mars 2013 et attestation Pôle emploi sous astreinte de 20 euro par jour et par document,
Réserve par la cour d'appel de liquider l'astreinte ;
Les condamner sous même solidarité au versement des cotisations patronales sur un salaire brut de 558 946 euro sur la période de mai 2008 à mars 1013 ;
Dire et juger que la société Rape et/ou M. Bensimon devront justifier du versement de ces cotisations dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 250 euro par jour de retard, la cour d'appel se réservant de liquider l'astreinte ;
Assortir ces condamnations de l'intérêt au taux légal sur les créances salariales à compter de la saisine du bureau de conciliation soit le 12 avril 2013 ;
Ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil;
Lui allouer une somme de 3 500 euro titre de l'article 700 alinéa 1er du Code de procédure civile ;
Condamner la société Rape et M. Bensimon aux entiers dépens.
Il soutient qu'il exerçait durant toutes ces années une activité rémunérée pour le compte exclusif de M. Bensimon, puis de la société Rape, travaillait exclusivement dans les locaux de la société Rape où il disposait d'un bureau attitré dans lequel tous les dossiers qui lui étaient attribués étaient classés, avec les moyens matériels informatiques qui étaient mis à la disposition des agents commerciaux par la société, avait une adresse mail créée par la société Rape qui avait un libre accès sur sa messagerie, travaillait exclusivement pour la société Rape de laquelle il percevait tous ses revenus, n'avait aucune liberté vis-à-vis de la clientèle prospectée et était présenté à l'égard de cette dernière comme un salarié, se voyait fixer des objectifs de facturation, devait rendre compte de sa prospection et de ses résultats, sous peine de sanction qui se traduisait par l'augmentation ou la réduction du taux de commissionnement et du nombre de dossiers confiés, n'avait aucune liberté pour choisir les annonceurs qui figuraient dans la liste fournie par la société Rape et n'avait aucune autonomie en ce qui concerne les tarifs, toute remise étant contractuellement soumise à autorisation préalable sous peine de sanctions financières, percevait une rémunération qui lui était versée mensuellement, et enfin, était intégré à une équipe, l'ensemble des commerciaux travaillant en coordination avec les maquettistes. Par ailleurs, il fait valoir, d'une part, que la requalification devra intervenir à la date du début des relations contractuelles, soit en décembre 1998, date à laquelle M. Bensimon exerçait en nom propre sous l'enseigne Rape, et d'autre part, que M. Bensimon et la société Rape se sont comportés comme ses co-employeurs dès lors que si le contrat de location-gérance versé aux débats par la société Rape indique que les contrats d'agents commerciaux en cours feront l'objet d'un avenant, il n'a jamais signé aucun avenant, de sorte que son contrat n'a jamais été transféré à la société Rape et a perduré avec M. Bensimon qui est toujours immatriculé au RCS, sous l'enseigne "Rape " à la date de rupture des relations de travail en 2012, et il incombe à la société Rape de faire la preuve qu'ils étaient liés par un contrat d'agent commercial, à défaut de quoi la relation ne peut s'analyser que comme un contrat de travail. Enfin, il prétend que la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse puisqu'elle est intervenue du seul fait de la société Rape " sans aucune lettre de démission ou de licenciement ni même aucune prise d'acte de rupture " qui a cessé de lui confier du travail à compter de l'année 2012 en lui retirant les dossiers du " Sacré-Cœur " et " Caousou ", après qu'il ait refusé la réduction de son taux de commissionnement de 45 % à 40 %.
La société Rape et M. Bensimon demandent pour leur part à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. Assouline de l'ensemble de ses demandes ;
- en conséquence, débouter M. Assouline de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a les a déboutés de leurs demandes reconventionnelles ;
- en conséquence, condamner M. Assouline à la somme de 5 000 euro au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- condamner M. Assouline à une amende civile de 3 000 euro en application de l'article 32-1 du Code de procédure civile ;
- condamner M. Assouline à la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC ;
- le condamner aux entiers dépens.
Ils exposent que M. Assouline a été initialement marchand d'art, puis entrepreneur individuel de 1982 à 1988, est devenu PDG du Groupe Digital de 1998 à 1995 et, à compter du 1er septembre 1998 et encore à ce jour, est redevenu entrepreneur et est inscrit comme tel à l'INSEE.
Ils soutiennent pour l'essentiel que M. Assouline est totalement défaillant dans l'administration de la preuve dont la charge lui incombe d'un travail dans le cadre d'un lien de subordination juridique faute de démontrer qu'il recevait des ordres et des directives, qu'il était soumis à un pouvoir de contrôle par l'employeur, qu'il pouvait être sanctionné pour ces manquements et enfin qu'il travaillait au sein d'un service organisé. Ils ajoutent que le demandeur assoit son affirmation "fallacieuse" d'une rémunération mensuelle sur des factures dont l'étude permet de constater qu'elles n'étaient pas émises à une cadence mensuelle, et alors que de son côté elle verse aux débats les grands livres du compte Assouline pour les trois derniers exercices faisant ressortir que leur nombre était irrégulier selon les années et que leur paiement n'était pas mensuel. Ils relèvent également que les attestations de Madame Brulé Saada et de M. Bentura produites par M. Assouline sont identiques mot pour mot, et il s'agit donc, selon eux, d'attestations manifestement de complaisance. Ils prétendent que les relations professionnelles, normales jusqu'en 2012, se sont dégradées à la suite de la résiliation de leur contrat par le Groupe Scolaire Le Caousou en novembre 2012 et par l'Ensemble Scolaire du Sacré-Cœur en mars 2013, ainsi qu'ils en justifient, ce qui a conduit à la perte de deux dossiers importants qui étaient gérés par M. Assouline, et l'établissement Juilly ayant en outre fermé ses portes en juillet 2012, l'intéressé ayant par ailleurs refusé de reprendre le dossier Bourges Centre car l'établissement avait demandé une réduction générale de 25 % sur les tarifs appliqués aux annonceurs ce qui entraînait une réduction de ses commissions, dossier que la société a donc confié à Mme Brulé Saada, de sorte que M. Assouline a perdu beaucoup de dossiers sans qu'à aucun moment la société Rape n'en porte la responsabilité. Ils indiquent que M. Assouline a sollicité de la société, fin 2012, une lettre de rupture de son contrat d'agent commercial afin de percevoir une indemnité d'assurance perte de revenus dans le cadre d'un contrat qu'il avait souscrit auprès de son assureur, qui lui a été refusée, ainsi qu'en atteste l'expert-comptable de la société, M. Bensimon ne souhaitant pas assumer les conséquences financières d'une rupture de contrat, et que, c'est dans ces conditions qu'il a saisi le conseil de prud'hommes en avril 2013 de la demande de requalification de sa relation d'agent commercial en salarié. Ils ajoutent qu'à la suite du jugement du 22 novembre 2013, M. Assouline, " maintenant sciemment une position ambiguë ", a cru devoir solliciter de M. Bensimon une indemnité de rupture de son contrat d'agent commercial au visa de l'article L. 134-12 du Code du commerce, par courrier du 2 décembre 2013 auquel la société Rape a répondu le 9 décembre que cette " demande subite de bénéficier des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce, 2 semaines après avoir été débouté de votre action devant le Conseil de prud'hommes de Paris ne manque pas d'audace... ". Subsidiairement, ils font valoir que si la cour devait retenir l'existence d'un lien de subordination, il ne pourrait y avoir de condamnation solidaire, faute par M. Assouline de démontrer que M. Bensimon et la société Rape ont exercé conjointement pendant toute la durée du prétendu contrat de travail un lien de subordination conjointe à son égard, puisqu'il ressort de ses propres écritures de première instance qu'il n'y a jamais eu co-employeurs mais éventuellement, succession d'employeurs, et que si le demandeur prétend pour les besoins de sa démonstration que son contrat n'a jamais été transféré à la société Rape, celui-ci devra alors expliquer pourquoi ses propres notes d'honoraires ont toutes été éditées au nom de la société Rape et non de M. Bensimon et de la même manière pourquoi son propre expert-comptable atteste qu'il reçoit des honoraires de la société Rape et non de M. Bensimon. Plus subsidiairement encore, ils arguent que les dispositions de l'article L. 1224-1 du Code du travail seraient incontestablement applicables.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu, d'une part, que l'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donné à la convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle, d'autre part, que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail et dans son seul intérêt et s'il exerce en outre un contrôle disciplinaire ;
Attendu que le contrat dénommé contrat d'agent commercial signé le 1er décembre 1998 entre M. Franck Bensimon, exerçant son activité sous la dénomination commerciale Rape, et M. Marc Assouline :
- stipule en exposé liminaire que M. Assouline, qui est agent commercial spécialisé dans la prospection et la promotion publicitaire, " présente toutes les qualités nécessaires pour assurer le développement de l'activité de l'entreprise Rape ", que " le mandant donne à l'agent commercial, qui accepte, le mandat de le représenter auprès de la clientèle qu'il visite par lui-même ou par ses proposés ", et que l'agent commercial " exercera cette représentation en qualité de mandataire, sans aucun lien de subordination envers le mandant qui n'est pas son employeur, et n'en assumera pas les obligations " ;
- précise que le mandat a pour objet la vente à la clientèle d'espaces publicitaires sur tout support d'édition, plaquette de présentation, d'informations publicitaires, agendas, réalisé pour le compte du mandant, ou en régie, et que Rape confie à l'agent commercial qui accepte, le droit non exclusif de prospecter, recueillir ou de promouvoir la publicité et les annonces à insérer dans les supports à exploiter, sur le territoire confié à l'agent commercial et déterminé à l'annexe du contrat ;
- prévoit qu'en sa qualité d'agent commercial, celui-ci s'oblige à faire tous les efforts nécessaires à la promotion des supports dont l'exploitation lui est attribuée et au développement du chiffre d'affaires de la publicité, qu'il jouit de la plus grande indépendance dans l'organisation de son activité et de sa structure juridique, qu'il organisera librement son activité de représentation et déterminera seul ses méthodes de travail ainsi que le choix de ses collaborateurs ou correspondants, qu'il supportera tous les frais occasionnés par son activité, ainsi que les charges fiscales et sociales liées à sa qualité de travailleur indépendant et qu'il s'engage à ne pas accepter une représentation concurrente, sauf accord préalable du mandant ;
- définit l'étendue des missions du mandataire et précise que l'agent commercial fournira avec une périodicité hebdomadaire un décompte de son activité et des contrats établis par ses soins avec la clientèle prospectée, qu'il " ne saurait se prévaloir d'autre titre que celui de représentant en publicité agissant au nom de son mandant (Rape) ", qu'il " traitera directement avec la clientèle, annonceurs ou agences sur la base et aux conditions du barème qui lui sera communiqué par Rape. Au-delà, il devra obtenir l'autorisation préalable de Rape. Si l'agent consentait une remise égale ou supérieure à 10 % du barème sans autorisation écrite de Rape, sa commission serait de plein droit réduite de moitié " et qu'il " devra recueillir des ordres d'insertion pour un montant minimum de 25 000 F HT par semaine. À défaut, le contrat sera, si bon semble au mandant, résilié de plein droit 15 jours après l'envoi d'une mise en demeure infructueuse " ;
- stipule qu'en rémunération de ses interventions, l'agent commercial percevra une commission qui est sa seule rémunération, égale à 40 % HT du montant hors taxes des recettes publicitaires correspondant aux ordres d'insertion qu'il aura recueillis et que le montant de ce pourcentage comprend à hauteur de 50 % la rémunération de l'exécution par l'agent de son mandat, à hauteur de 15 % le remboursement forfaitaire de ses frais et débours de toute nature et, à hauteur de 30 % une avance sur l'indemnité prévue aux articles 12 et 13 de la loi du 25 juin 1991 relative au rapport entre les agents commerciaux et leurs mandants ;
- définit l'étendue des obligations du mandant en prévoyant notamment qu'il mettra à la disposition de l'agent, sur sa demande, un nombre d'exemplaires gratuits des publications nécessaires à la prospection de la publicité, mettra également à sa disposition une lettre accréditive destinée à la prospection de la clientèle, paiera les commissions à la fin du mois suivant l'encaissement des recettes recueillies par l'agent, chacun des paiements étant accompagné du relevé des commissions, que l'édition et la diffusion des différentes revues seront entièrement supportés par le mandant, ainsi que la parution de l'annonce publicitaire, et qu'il préviendra l'agent sans tarder chaque fois qu'il sera obligé de n'accepter les ordres de la clientèle que dans une mesure limitée ou que le volume des opérations sera sensiblement inférieur à celui auquel l'agent commercial pourrait s'attendre ;
Qu'il résulte des pièces du dossier que M. Marc Assouline est immatriculé depuis le 1er septembre 1998 au Répertoire national des entreprises et de leurs établissements, dénommé SIRENE, que gère l'INSEE, sous le numéro SIRET 315 756 148 ;
Attendu que pour se prévaloir de l'existence d'un lien de subordination avec M. Bensimon puis la société Rape, M. Assouline affirme qu'il travaillait exclusivement dans les locaux de ladite société, qu'il avait un bureau attitré, qu'il devait être présent chaque jour aux horaires de bureau de 9 heures à 18 heures, qu'il devait se plier aux dates de fermeture de la société pendant les fêtes religieuses juives, le mois d'août et les jours fériés, que M. Bensimon, gérant, exerçait son pouvoir de surveillance d'une façon constante puisqu'il avait un bureau sur le plateau en open space constitué de 7 postes de travail dont 5 attribués aux agents commerciaux, qu'il travaillait avec le matériel informatique de la société Rape mis à la disposition des agents commerciaux sur ce plateau, qu'il avait comme tous les commerciaux une adresse mail créée par la société Rape "[email protected]", que les mails reçus par les commerciaux étaient librement accessibles par M. Bensimon et par tous les commerciaux, que toutes les factures (frais de timbres, abonnement Internet, fax, consommables) étaient établies au nom de la société Rape qui les réglait, qu'il travaillait exclusivement pour la société Rape ainsi que le prouvent l'attestation du cabinet comptable et ses déclarations de revenus professionnels des années 2011 et 2012, qu'il n'avait aucune latitude au niveau de sa prospection dans la mesure où les établissements scolaires étaient choisis par M. Bensimon qui seul avait le pouvoir de signer le contrat qu'il affectait au commercial de son choix, que les tarifs étaient établis par la société Rape sans qu'il puisse consentir de remise supérieure à 10 % sous peine de voir réduire de moitié sa commission, qu'il était présenté aux clients comme faisant partie de la société qui imprimait des cartes de visite à son nom à l'en-tête de la société et le présentait aux écoles et parents comme interne à la société dans des lettres qu'elle établissait et adressait aux établissements scolaires pour leur demander de l'introduire auprès des parents d'élèves, qu'il avait des objectifs de facturation et notamment un chiffre d'affaires minimum dont il devait rendre compte auprès de M. Bensimon avec un quota contractuel qui dans la pratique était appliqué à chaque école confiée, que M. Bensimon et ensuite la société Rape avaient un pouvoir de sanction qui se traduisait par l'augmentation ou la réduction du taux de commissionnement ou du nombre de dossiers confiés, qu'il n'avait aucune liberté sur le choix des annonceurs, qu'il percevait une rémunération qui lui était versée mensuellement, et qu'il était intégré à une équipe de commerciaux qui travaillaient au sein de la société en coordination avec les maquettistes ; qu'il infère de ces éléments l'existence d'un faisceau d'indices précis et concordants démontrant qu'il avait la qualité de salarié ;
Mais attendu que les éléments fournis par M. Assouline sont insuffisants à caractériser le lien de subordination qu'il revendique ; qu'en effet, celui-ci, pour répondre au jugement qui a considéré qu'il ne justifiait pas avoir eu un emploi unique en relevant que "sa déclaration d'impôts aurait permis de trancher cet aspect des choses", ne verse, en cause d'appel, que ses déclarations fiscales des années 2011 et 2012, s'abstenant de communiquer ses déclarations fiscales des années antérieures alors même qu'il prétend avoir travaillé exclusivement pour M. Bensimon puis pour la société Rape de 1998 à 2012 ; que s'il est établi et d'ailleurs non contesté par les intimés "et ainsi que l'indique M. Assouline lui-même" que la société mettait effectivement à disposition des agents commerciaux du mobilier constitué de plusieurs bureaux disposés sur un même plateau " open space " et une ligne téléphonique, il ne s'agissait pas d'une pièce individuelle pouvant être qualifiée de " bureau " et cela ne signifie pas pour autant qu'il s'agissait d'un poste de travail dédié, individuel et équipé du matériel informatique indispensable à l'exécution de la relation salariale ; que s'il est exact que M. Assouline disposait d'une adresse mail rapeinfo.fr, il communiquait également avec les établissements scolaires à partir d'adresses électroniques personnelles " [email protected]" ou encore " [email protected] " et " [email protected]", et adressait par ailleurs des messages envoyés de son iPad alors qu'il prétend dans le même temps ne travailler qu'avec l'ordinateur de la société Rape ; qu'il ne résulte d'aucune pièce que M. Assouline ait reçu des directives particulières de la part de la société Rape ou de M. Bensimon par rapport à un ou plusieurs dossiers particuliers ; que s'agissant des horaires de présence quotidienne au sein des locaux de la société que M. Assouline aurait dû respecter, les intimés font pertinemment observer qu'une telle allégation est incompatible avec la fonction même d'agent commercial qui nécessite une prospection s'effectuant par le biais de rendez-vous à l'extérieur ; que l'attestation de Madame Manceau qui précise avoir travaillé pour la société Rape en qualité de maquettiste depuis le mois de juillet 2008 avant d'avoir été licenciée au mois de mars 2012, et déclare avoir constaté que M. Assouline " avait son propre bureau dans les locaux de la société qu'il occupait quotidiennement " et celle de Madame Brulé-Saada qui indique avoir été recrutée en qualité de commerciale " au mois de mars 201 [la cour constate que la première page de la photocopie produite est amputée d'une partie de la marge droite] et licenciée en janvier 2013 " et déclare avoir pu constater que " M. Assouline venait travailler tous les jours sans exception, aux horaires de bureau, sauf lorsqu'il allait en rendez-vous clientèle " sont contredites par celle de M. Szuman, salarié infographiste au sein de la SARL Rape du 10 octobre 2011 au 30 septembre 2012 qui certifie que M. Assouline ne venait dans les locaux que pour déposer ses contrats de publicité au secrétariat, " était à son compte, était lui-même responsable de sa propre société " et qu'il " n'avait donc aucune astreinte d'horaires et n'était jamais là lors de réunions. Il occupait un bureau qui était libre au moment où il arrivait. Il n'avait pas d'effet personnel-ordinateur qui lui était confié personnellement. Il y avait un ordinateur à disposition de tous les agents commerciaux de passage pour nous donner leurs mails ", par celle de M. Attal, retraité ayant travaillé comme salarié pour la société Rape, qui relate que M. Assouline " était un indépendant qui venait quand il voulait et qui refusait certains dossiers que M. Bensimon lui proposait chose que je ne pouvais pas faire ", par celle de M. Elbaze qui certifie avoir travaillé au sein de la société Rape entre 2006 et 2007 et avoir constaté à cette époque que " M. Assouline était indépendant en tant qu'agent commercial au sein de cette structure. Concernant son emploi du temps, il n'avait pas d'horaires fixes et venait au bureau quand il le souhaitait ", par celle de M. Mimoun, maquettiste en free-lance pour plusieurs sociétés dont la société Rape, qui déclare avoir réalisé en PAO des dossiers où M. Assouline était mandaté pour récolter des annonces publicitaires et qu'il devait " donc prendre rendez-vous avec Marc Assouline, étant lui-même à son compte, de ce fait n'était pas toujours présent chez Rape. Je confirme qu'il était agent commercial et non salarié ", par celle de Madame Vanden Borre, salariée maquettiste au sein de la société Rape du 29 janvier 2001 au 28 juillet 2002, qui déclare que " M. Marc Assouline avec lequel j'ai travaillé à maintes reprises venait à convenance, sans avoir de contraintes horaires ni d'obligation de temps de présence. Aucune réunion n'était fixée ou exigée et il avait la possibilité de prendre un bureau libre comme cela était possible ", par celle de M. Nabet, qui indique : " J'ai débuté une activité chez Rape depuis plus de 10 ans en tant qu'agent commercial au même titre et statut que les autres agents commerciaux déjà présents comme M. Assouline et autres. C'est-à-dire avoir la gestion complète de mon travail : horaires libres, pas de ligne de téléphone privée excepté mon portable, pas de poste informatique attribué aux agents commerciaux ", par celle de Madame Ghidalia, employée chez Rape en tant qu'assistante commerciale du 7 novembre 2011 au 12 juillet 2013 dans le cadre d'un contrat de professionnalisation puis d'un CDI, qui certifie que "pendant toute la période de mon contrat de professionnalisation, M. Assouline venait quand il voulait, non régi par des contraintes horaires quelconques. Il n'assistait jamais aux réunions et ne faisait pas partie des salariés de la SARL Rape car il était indépendant", et enfin, celle de M. Calvo, qui a collaboré avec la société Rape en tant qu'agent commercial de 1995 à 2000 et certifie que M. Assouline collaborait de la même façon que lui, " c'est-à-dire sans lien hiérarchique, sans dépôt de congé, sans système de contrôle de temps ou de présence, quel que soit le système. L'activité était clairement tout d'une profession libérale, Rape ne garantissait en rien une quelconque rémunération et Marc Assouline présentait au gérant à son rythme une facture et celui-ci lui réglait sur présentation de la facture. En résumé, aucun lien de hiérarchie ni de subordination entre M. Marc Assouline et M. Franck Bensimon, gérant de Rape " ; que M. Assouline ne prouve nullement qu'il devait prendre ses congés aux dates de fermeture de la société et pendant les fêtes religieuses juives, se contentant de produire " Le Calendrier Juif " mentionnant les jours des fêtes chômées pour expliquer le courriel, produit au dossier des intimés, qu'il a adressé à un client le 1er avril 2010 dans lequel il indique être actuellement à l'étranger et qu'il fera le nécessaire à son retour après le 10 avril, cet élément venant étayer le fait qu'il était libre de s'absenter quand il le souhaitait ; que s'il produit trois lettres accréditives adressées par les établissements scolaires aux parents d'élèves leur demandant de réserver le meilleur accueil à M. Marc Assouline, présenté comme chargé de mission par les " Éditions Rape" ou les " Renseignements aux Parents d'Élèves ", aux fins de démontrer qu'il était présenté aux écoles et aux parents comme interne au personnel de la société Rape, les intimés produisent de leur côté un courriel d'un établissement scolaire qui montre que c'est M. Assouline lui-même qui avait rédigé la lettre de recommandation qu'il souhaitait obtenir pour appuyer sa démarche de communication ; qu'il ne produit pas le moindre justificatif des rapports censés rendre compte périodiquement " à sa hiérarchie " de ses opérations de prospections par établissement scolaire ; qu'en toute hypothèse, la circonstance que cette obligation était stipulée aux termes du contrat ne suffit pas à établir un lien de subordination, s'agissant d'une obligation légale s'appliquant à tout mandataire, tenu de rendre compte de sa gestion à son mandant conformément à l'article 1993 du Code civil ; qu'il en est de même des tarifs qui étaient fixés par la société conformément aux stipulations contractuelles, l'agent commercial, au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce étant effectivement un mandataire exerçant une activité civile ayant pour objet de négocier et de conclure des contrats pour le compte et au nom de son mandant et non pour son propre compte ; que de plus, la société Rape verse aux débats un courriel de M. Assouline et la proposition de contrat de partenariat jointe dans lequel celui-ci octroie un tarif préférentiel, offre les frais techniques de 20 %, et ne demande aucun supplément pour la prestation d'impression recto-verso, sans qu'il ait pour autant sollicité l'autorisation préalable de M. Bensimon où l'en ait informé, et ce contrairement aux prescriptions contractuelles auxquelles il était pourtant soumis, une telle liberté ne pouvant être exercée par un salarié ; qu'enfin, il est démontré, notamment par les factures communiquées par M. Assouline lui-même dans leur intégralité pour les années 2004 à 2013 et par le " Compte Fassom (Assouline Marc) " versé aux débats par la société pour les exercices 2010 à 2012 que, loin d'être rémunéré mensuellement ainsi qu'il l'affirme, d'une part, M. Assouline n'émettait pas ses factures d'honoraires à une cadence mensuelle mais au contraire très irrégulièrement, même si pour l'année 2012 il a effectivement émis 12 factures mais dont 2 sont en mars et 2 autres en décembre cependant qu'il n'existe aucune facture en janvier ni en juillet, que de même, et à titre d'exemple, pour l'année 2004 il a émis 10 factures dont 3 en décembre, 3 en septembre, 2 en février et aucune en janvier, avril, mai, juillet, août, octobre et novembre, pour l'année 2007, il a émis 14 factures mais aucune pour les mois d'avril, mai, et juillet, pour l'année 2010, il a émis 13 factures dont 3 en décembre et aucune en janvier, et pour l'année 2011, 9 factures seulement dont 2 en décembre et aucune en janvier ni en juillet, et d'autre part, que les règlements étaient tout aussi variables, ainsi en 2010, 45 règlements ont été effectués, 25 en 2011 et 23 en 2012 ;
Qu'il résulte de l'ensemble des développements qui précèdent que les conditions effectives de l'activité professionnelle de M. Assouline recouvrent les conditions énoncées au contrat d'agence et la réalité de son statut est celle d'un agent commercial et non d'un salarié ; que le jugement entrepris refusant de faire droit à la demande de requalification et déboutant M. Assouline de l'intégralité de ses demandes sera en conséquence confirmé ; qu'il sera également confirmé en ce qu'il a débouté la société Rape et M. Bensimon de leurs demandes reconventionnelles de dommages-intérêts pour procédure abusive, la circonstance que la demande de requalification ne soit pas fondée n'étant pas de nature à elle seule à faire dégénérer en abus le droit d'agir en justice et n'étant pas constitutive en soi d'une faute, et de condamnation au paiement d'une amende civile, dès lors que l'article 32-1 ne saurait être mis en œuvre que de la propre initiative de la juridiction saisie, la condamnation à une amende civile étant étrangère à la partie adverse qui n'en profite pas et ne peut avoir aucun intérêt à son prononcé ; qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en condamnant M. Assouline au paiement d'une indemnité de 1 000 euro à ce titre ;
Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne M. Marc Assouline à payer la somme de 1 000 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.