CA Saint-Denis de la Reunion, ch. com., 20 novembre 2013, n° 13-00657
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Orange Réunion (SA)
Défendeur :
Outremer Telecom (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gesbert
Conseillers :
MM. Faissolle, Grillet
Avocats :
Mes Chane Meng Hime, Rochambeau, Justier
LA COUR
Attendu quant aux circonstances de la cause, qu'il suffit de rappeler que le juge des référés du Tribunal de commerce de Saint-Denis de la Réunion avait été saisi par la société Orange Réunion aux fins d'obtenir la cessation immédiate de la diffusion d'une campagne de publicité comparative opérée par la société Outremer Télécom, sous astreinte de 1 000 euro par infraction constatée, et la publication de l'ordonnance à intervenir dans cinq magazines, aux frais de la défenderesse, et sur les deux sites Internet exploités par celle-ci, ce durant un mois ;
Que par l'ordonnance du 18 février 2013, déférée à la cour par l'appel interjeté par la société Orange Réunion par déclaration du 15 avril 2013 , le premier juge a :
- retenu sa compétence en référé en considérant que le trouble invoqué à le supposer démontré existait lors de sa saisine et que les éléments produits en défense étaient insuffisants pour établir qu'il aurait totalement cessé au jour des débats en raison de la fin de diffusion de la campagne ;
- constaté que la publicité incriminée ne causait pas un trouble manifestement illicite qu'il conviendrait de faire cesser ;
- rejeté toutes les demandes présentées par la société Orange Réunion et condamné celle-ci à payer à la société Outremer Télécom la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu qu'aux termes de ses dernières écritures déposées le 26 septembre 2013, la société Orange Réunion demande que, par infirmation de l'ordonnance, son action en référé soit déclarée recevable et fondée "sauf pour la cour à renvoyer l'affaire au fond".
Qu'elle sollicite en toute hypothèse :
que la société Outremer Télécom soit condamnée à lui payer la somme de 100 000 euro en réparation de son préjudice commercial, moral et 'en termes d'image' et à procéder au retrait et à la cessation immédiate de la diffusion des publicités incriminées ;
que soit ordonnée, sous astreinte, la publication de la décision à intervenir aux frais de la société Outremer Télécom dans cinq magazines au choix de la société Orange Réunion, sans que le coût de ces publications ne puisse être supérieur à la somme de 30 000 euro hors taxes et en première page des sites Internet ouverts par la société Outremer Télécom ;
la consignation de cette somme entre les mains de Madame le Bâtonnier de l'ordre des avocats de Saint-Denis en qualité de séquestre, sous astreinte de 5 000 euro par jour de retard ;
la condamnation de la société Outremer Télécom à lui payer la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Qu'elle fait valoir que la campagne publicitaire comparative en cause ne respectait pas les dispositions des articles L. 121-8 et 9 du Code de la consommation ; qu'elle était manifestement illicite au regard des règles qui régissent la publicité comparative car trompeuse, ne portant pas sur des biens ou des services répondant aux même besoins ou ayant le même objectif et ne comparant pas objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens et services ;
Attendu qu'aux termes de ses conclusions déposées le 30 septembre 2013, la société Outremer Télécom demande à, titre principal, qu'il soit dit n'y avoir lieu à référé et, à titre subsidiaire, qu'il soit dit et jugé que les publicités litigieuses sont conformes aux dispositions du Code de la consommation et qu'en conséquence l'appelante soit déclarée irrecevable ou au mal fondée en toutes ses demandes fins et conclusions ;
Qu'elle sollicite la condamnation de la société Orange Réunion à lui payer une indemnité de 15 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Qu'elle fait valoir que les publicités en cause ne sont plus diffusées depuis le mois de juin 2013 ; que le trouble allégué est donc inexistant, aucune circonstance particulière n'étant de nature à caractériser la compétence du juge des référés ; que l'action engagée est de la seule compétence du juge du fond ; que les publicités en cause sont parfaitement licites ;
Ceci étant exposé :
Attendu que l'ordonnance du 18 février 2013 a été signifiée à la société Orange Réunion par acte d'huissier du 9 avril 2013 ; que l'appel interjeté par la société Orange Réunion, par déclaration de son conseil du 15 avril 2013, l'a été dans les formes et délai de la loi ; qu'il sera déclaré recevable ;
Attendu qu'il est soutenu par la société Outremer Télécom l'incompétence du juge des référés, en ce que les campagnes de publicité comparative en cause auraient cessé, pour la dernière, au mois de juin 2013 ;
Mais attendu que ce moyen constitue en réalité une fin de non-recevoir liée au défaut d'intérêt de la société Orange Réunion ;
Que comme l'a retenu le premier juge, l'intérêt à agir d'une partie s'apprécie, même en matière de référé, au jour de sa saisine ;
Que la société Orange Réunion a sollicité le 8 février 2013 diverses mesures conservatoires et de remise en état en raison d'une campagne de publicité comparative dont elle soutenait le caractère illicite ; que l'exploit introductif d'instance a été délivré durant le cours de diffusion des campagnes ; qu'elle disposait alors d'un intérêt à agir qu'elle conserve devant la cour devant qui le litige est désormais dévolu ;
Attendu qu'il ressort de l'examen des publicités incriminées, diffusées par voie d'affichage, de presse et de publicité électronique, que la société Outremer Télécom avait choisi de comparer son propre forfait "Only" avec celui commercialisé par la société Orange dénommé "Intense Magik" et le forfait d'un troisième opérateur qui n'est pas en cause ;
Que les deux forfaits précisaient qu'il s'agissait d'une communication illimitée 24 heures sur 24 vers la Réunion, Mayotte et la métropole et qu'il donnait droit à un accès Internet 1 Go ; que cette publicité mentionnait une différence de prix sur une année entre le forfait Only et le forfait Intense Magik ;
Que les annonces comportaient en bas de page un message à l'intention des consommateurs soulignant les caractéristiques essentielles des offres et ce qui les différenciait, message renvoyant par ailleurs au site Internet d'Outremer Télécom pour obtenir davantage d'informations ;
Attendu qu'il n'apparaît aucunement que cette campagne comparative serait développée en violation manifeste des règles applicables en cette matière, les offres comparées apparaissant correspondre aux même besoins et poursuivre les mêmes objectifs et présentant un degré apparent suffisant d'interchangeabilité de nature les considérer comme substituables ;
Que les caractéristiques comparées n'apparaissent aucunement dépourvues de caractère essentiel, pertinent, vérifiable et représentatif ; que les autres caractéristiques essentielles des offres comparées ne sont pas manifestement illisibles ou non clairement mentionnées ;
Que ces campagnes n'apparaissent pas manifestement illicites au regard des règles applicables en matière de publicité comparative ;
Que la société Orange Réunion sera renvoyée à se pouvoir devant le juge du fond et l'ordonnance confirmée en toutes ses dispositions ;
Que la société Orange Réunion sera déboutée de toutes ses demandes en ce comprise celle, présentée pour la première fois en cause appel, tendant, au stade de l'instance en référé, à la condamnation de la société Outremer Télécom à lui payer la somme de 100 000 euro en réparation de ses préjudices ;
Qu'elle sera tenue aux dépens de première instance et d'appel et condamnée à payer à la société Outremer Telecom une indemnité complémentaire de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile .
Par ces motifs. LA COUR ; Statuant en matière commerciale publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Reçoit l'appel ; Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ; Y ajoutant ; Déboute la société Orange Réunion de ses demandes ; Condamne la société Orange Réunion aux dépens de l'appel et à payer à la société Outremer Télécom une indemnité complémentaire de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.