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Décisions

ADLC, 8 juillet 2015, n° 15-DCC-86

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif de la société CRAM par la société Dalkia SA

ADLC n° 15-DCC-86

8 juillet 2015

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 4 juin 2015, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Chauffage Rationnel et Applications Modernes (ci-après " CRAM ") par la société Dalkia SA, formalisée par un contrat d'acquisition en date du 20 avril 2015 ;

Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Dalkia SA, société détenue à 99,94 % par EDF, est principalement active dans le secteur des services énergétiques à savoir (i) la gestion de réseaux de chaleur et de froid, (ii) les utilités industrielles et (iii) les services de gestion globale des bâtiments et notamment, les services de gestion et de maintenance multi-technique pour des clients industriels, des collectivités, des commerces et des établissements de santé (conduite, maintenance et entretien des installations thermiques et techniques du bâtiment à savoir le chauffage, la ventilation, la climatisation et l'électricité) et les services d'optimisation d'énergie. Dalkia SA est également présente, de façon marginale, dans les secteurs de génie climatique, de la gestion des déchets, du froid industriel et commercial et enfin, des équipements de boulangerie.

2. Le groupe EDF, auquel appartient Dalkia SA, est actif en France, sur les marchés de l'électricité, notamment dans la production et la vente en gros d'électricité, le transport, la distribution et la fourniture d'électricité. EDF est également actif, dans une moindre mesure, sur les marchés du gaz et de la gestion des déchets.

3. CRAM, est active dans l'exploitation des installations thermiques et a pour principale activité la conception, la réalisation et l'exploitation de solutions d'efficacité énergétique pour ses clients. CRAM est plus particulièrement présente dans les secteurs suivants : (i) les services de gestion et de maintenance multi-technique, (ii) les travaux d'installation de génie climatique, (iii) les services de gestion déléguée de réseaux de chaleur et (iv) la production d'électricité (cogénération). CRAM est contrôlée conjointement par Dalkia et CRAM Holding qui détiennent respectivement 65 % et 35 % de son capital. Dans leur rédaction du 6 juin 2011 les statuts de CRAM prévoient en effet un droit de veto au bénéfice de CRAM Holding sur la nomination du président de la société ainsi qu'une règle de quorum lui permettant de bloquer les décisions du conseil de surveillance.

4. L'opération, formalisée par une promesse synallagmatique de vente à terme d'actions de CRAM en date du 20 avril 2015, consiste au retrait progressif par CRAM Holding de l'actionnariat de CRAM, au profit de Dalkia SA qui s'oblige à acquérir progressivement, entre le 1er juillet 2015 et le 1er juillet 2020, les actions détenues par CRAM Holding. Parallèlement, Dalkia SA et CRAM Holding ont signé un protocole d'accord organisant la gouvernance et le fonctionnement de CRAM pendant la période comprise entre le 20 avril 2015 et le 1er juillet 2020 et, partant, ont modifié les statuts de CRAM par une décision unanime des associés. Dans leur nouvelle rédaction les statuts de CRAM ne font plus apparaître de droits susceptibles de conférer à CRAM Holding une influence déterminante sur l'activité de la société. A l'issue de l'opération CRAM sera donc contrôlée exclusivement par Dalkia.

5. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de CRAM par Dalkia SA, l'opération constitue une opération de concentration au sens de l'article L.430-1 du Code de commerce.

6. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaire hors taxe total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (EDF : 72,9 milliards d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2014 ; CRAM : 106 millions d'euros pour l'exercice clos le 30 juin 2014). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d'affaire supérieur à 50 millions d'euros (EDF : 40,5 milliards d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2014 ; CRAM : 106 millions d'euros pour l'exercice clos le 30 juin 2014). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

7. Les parties sont simultanément actives sur les marchés de la gestion et de la maintenance multi-technique, de la gestion déléguée de réseaux de chaleur, des travaux de génie climatique et de la production et vente en gros d'électricité.

8. En outre, EDF est présent sur le marché français de la fourniture d'électricité au détail, situé en amont ou connexe de ceux de CRAM.

A. MARCHE DE LA GESTION ET DE LA MAINTENANCE MUTLI-TECHNIQUE INCLUANT LES SERVICS D'OPTIMISATION ENERGETIQUE

1. MARCHES DE PRODUITS

9. La Commission européenne (1) a défini le marché des services de gestion énergétique comme incluant les activités de conseil sur la réduction de la consommation d'énergie, la mise en place de systèmes de gestion de l'énergie, une assistance dans la fourniture d'énergie et dans la gestion et la maintenance d'équipements liés à la consommation énergétique des clients, dans le but de réduire la consommation d'énergie des clients.

10. La Commission (2) a également défini le marché de la gestion et de la maintenance multi-technique comme regroupant " les activités d'entretien et d'optimisation du rendement de l'ensemble des installations techniques présentes chez les clients qui exploitent des bâtiments et souhaitent en déléguer la gestion. L'ensemble des installations techniques comprend (selon le bâtiment) des chaudières et des systèmes climatiques, des installations mécaniques (tuyauterie, chaudronnerie, usinages), des réseaux électriques et tout ce qui concerne les outils de process industriel ".

11. Elle considère qu'il n'est pas nécessaire de distinguer les services d'optimisation énergétique des autres services de gestion et maintenance multi-technique. Même si les services d'optimisation énergétique et de gestion et maintenance multi-technique " sont en général des offres " sur mesure " pour chaque client ou bâtiment, la majorité des concurrents est en mesure de proposer des offres globales incluant à la fois l'optimisation énergétique et la gestion/maintenance multi-technique " (3).

12. De plus, la pratique décisionnelle européenne considère qu'il n'est pas pertinent d'opérer d'autres distinctions sur ce marché (par type de client, de bâtiments ou de services) (4).

13. La définition du marché de la gestion et de la maintenance multi-technique, incluant l'optimisation énergétique, a été reprise par la pratique décisionnelle française (5.)

14. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.

2. MARCHE GEOGRAPHIQUE

15. La pratique décisionnelle considère que ce marché a une délimitation nationale. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de l'examen de la présente opération.

B. LE MARCHE DE LA GESTION DELEGUEE DE RESEAUX DE CHALEUR

1. MARCHES DE PRODUITS

16. Les réseaux de chaleur sont des systèmes collectifs de distribution de chaleur, générée sous forme d'eau chaude ou de vapeur par des unités génératrices centralisées, utilisant diverses sources d'énergie primaire (essentiellement le gaz, le charbon, le fioul lourd, la biomasse, la géothermie). Selon la pratique décisionnelle européenne et nationale, les réseaux de chaleur doivent être distingués des réseaux de froid qui n'utilisent ni les mêmes réseaux, ni les mêmes moyens de production que les réseaux de chaleur, et dont les utilisateurs finaux sont différents (6).

17. La Commission dénombre, en 2011, 458 réseaux de chaleur en France (7) et estime qu'environ 66 % des réseaux de chaleur sont détenus par des entités publiques et 34 % le sont par des entités privées (8).

18. Les réseaux publics de chaleur relèvent de la compétence des collectivités territoriales qui peuvent soit en assurer elles-mêmes la gestion complète, soit déléguer cette gestion à un opérateur public ou privé. En France, il existe quatre modes de gestion de réseaux publics de chaleur : la gestion directe par la collectivité propriétaire du réseau de chaleur, la gestion dans le cadre d'une régie intéressée ou d'une gérance, la gestion dans le cadre d'un partenariat public-privé, et la gestion dans le cadre d'une délégation de service public.

19. La délégation de service public (ci-après, " DSP ") est le mode de gestion retenu pour 62 % des réseaux publics de chaleur ce qui représente plus de 82 % de l'énergie finale produite (9). Elle peut être passée sous forme de concession (les investissements et l'exploitation sont réalisés par un opérateur privé qui verse à la collectivité une redevance pour l'utilisation du domaine public) ou sous forme d'affermage (les installations sont financées par la collectivité mais exploitées par un opérateur privé).

20. Les réseaux de chaleur privés, c'est-à-dire détenus par des clients industriels ou commerciaux, sont au nombre de 156, dont 92 % font l'objet d'une gestion déléguée à un tiers généralement spécialisé dans le cadre de contrats privés de chauffage urbain (10).

21. Selon la pratique décisionnelle européenne et nationale, la gestion de réseaux de chaleur dans le cadre de délégation de service public constitue un marché pertinent. En effet, la difficulté pour une collectivité de créer en son sein l'expertise nécessaire à la reprise d'un réseau en régie exclue d'intégrer ce type d'exploitation au marché de la gestion des réseaux de chaleur sur lequel les opérateurs spécialisés interviennent (11).

22. Le marché de services en cause est donc le marché de la gestion déléguée des réseaux de chaleur (ci-après " marché des réseaux de chaleur ").

2. MARCHE GEOGRAPHIQUE

23. La pratique décisionnelle nationale et européenne antérieure a considéré que le marché des réseaux de chaleur revêtait une dimension nationale (12). L'Autorité a par ailleurs observé que l'exploitation de réseaux géographiquement proches de la région dans laquelle une procédure est organisée constitue un avantage concurrentiel significatif pour l'obtention d'une DSP et qu'il convenait donc de tenir compte de ces effets dans l'analyse concurrentielle (13).

24. Les parties sont en accord avec cette approche. Il n'y a pas de raison de remettre en cause cette délimitation.

C. LE MARCHE DE TRAVAUX DE GENIE CLIMATIQUE

1. MARCHES DE PRODUITS

25. Le secteur du génie climatique inclut les travaux d'installation, la maintenance et la réparation d'équipements de chauffage, de ventilation et de climatisation, ainsi que les travaux connexes de tuyauterie, conduits et tôlerie. Ces prestations sont réalisées dans le cadre de travaux d'entretien-rénovation de bâtiments non résidentiels et de logements, principalement pour le compte de sociétés privées, de syndics de copropriété et de particuliers.

26. La pratique décisionnelle nationale et européenne (14) a eu l'occasion de se prononcer à plusieurs reprises sur des opérations de concentration dans le secteur des travaux de génie climatique. Elle a considéré que les travaux de génie climatique pouvaient être distingués des travaux de génie électrique ou des travaux de génie mécanique. Elle a également considéré qu'au sein du marché des travaux de génie climatique une distinction pouvait être envisagée en fonction du type de travaux (installation et gestion/maintenance) et du type de clientèle (résidentielle et non-résidentielle avec, au sein de la clientèle non-résidentielle, une éventuelle sous-segmentation entre le secteur de l'industrie, du tertiaire et des infrastructures).

27. En tout état de cause, il n'est pas nécessaire en l'espèce de trancher la question de la délimitation exacte des marchés, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit la délimitation retenue.

2. MARCHE GEOGRAPHIQUE

28. La pratique décisionnelle n'a pas tranché la délimitation géographique exacte des marchés des travaux de génie climatique mais a généralement examiné les effets des opérations contrôlées au niveau national et régional. Elle a en effet relevé que les principaux acteurs sur ces marchés étaient implantés au niveau national, mais qu'un nombre significatif d'acteurs étaient de taille régionale (15).

29. Au cas d'espèce, la délimitation précise du marché peut également être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

D. LE MARCHE DE LA PRODUCTION ET VENTE EN GROS D'ELECTRICITE

1. MARCHES DE PRODUITS

30. La pratique décisionnelle (16) a consacré l'existence d'un marché de la production et de la vente en gros d'électricité, ces deux activités formant un seul et même marché. Ce marché comporte la production d'électricité domestique ainsi que l'électricité importée physiquement via les interconnexions en vue de sa revente aux détaillants, aux négociants et, dans une moindre mesure, aux grands industriels consommateurs finaux.

31. Du côté de l'offre, les acteurs du marché sont les producteurs d'électricité, les importateurs et les négociants.

2. MARCHE GEOGRAPHIQUE

32. La pratique décisionnelle considère le marché de la production et vente en gros comme étant de dimension nationale, notamment en raison de la faiblesse des interconnexions entre Etats voisins (17).

E. LE MARCHE DE LA FOURNITURE D'ELECTRICITE AU DETAIL

1. MARCHES DE PRODUITS

33. La pratique décisionnelle (18) a délimité plusieurs segments de clientèle en France sur la base de la consommation annuelle (GWh) et de la puissance de raccordement (kVA) : (i) les grands clients industriels dont la consommation annuelle est supérieure à 7 GWh, (ii) les petits clients industriels et commerciaux dont la consommation annuelle est inférieure à 7 GWh mais ayant une puissance de raccordement supérieure à 36 kVA, (iii) les petits clients professionnels ayant une puissance de raccordement inférieure à 36 kVA.

34. Elle a également envisagé une distinction alternative. En effet, la CRE distingue la clientèle sur le marché de l'électricité en France sur la base de la puissance souscrite et opère une distinction entre (i) les petits sites non résidentiels, ayant une puissance souscrite inférieure à 36 kVA, (ii) les sites non résidentiels de taille moyenne ayant une puissance souscrite supérieure à 36 kVA mais inférieure à 250 KW et (iii) les grands sites non résidentiels avec une puissance souscrite supérieure à 250 KW (19).

35. En l'espèce, la question de la délimitation exacte des marchés de la fourniture au détail d'électricité peut cependant être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit l'hypothèse retenue, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées.

2. MARCHE GEOGRAPHIQUE

36. La pratique décisionnelle a considéré les marchés de fourniture d'électricité comme étant de dimension nationale (20).

III. Analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX

1. MARCHE DE LA GESTION ET DE LA MAINTENANCE MULTI-TECHNIQUE INCLUANT LES SERVICES D'OPTIMISATION ENERGETIQUE

37. Les activités des parties se chevauchent horizontalement sur le marché français de la gestion et de la maintenance multi-technique.

38. Les parties évaluent la taille de ce marché dans une fourchette de 9 à 10,5 milliards d'euros (21). Cette même estimation avait été fournie par EDF dans le cadre de la notification de l'opération de prise de contrôle de Dalkia France par EDF à la Commission européenne. Dans sa décision, cette dernière a indiqué qu'une " valeur basse plus prudente de la fourchette s'établirait autour d'EUR 7 milliards ". Elle a néanmoins estimé que cela ne modifierait pas sensiblement les parts de marchés des parties et de leurs concurrents et partant, ses conclusions sur l'ensemble des effets de l'opération (22).

39. Les parties estiment que le groupe de l'acquéreur détient en 2014 une part de marché comprise entre [10-20] % et [20-30] % et CRAM, une part de marché dans tous les cas égale ou inférieure à [0-5] %.

40. A l'issue de l'opération, les parties demeureront soumises à une forte concurrence. Comme l'a relevé la Commission dans la décision EDF/Dalkia, le marché français de la gestion et de maintenance multi-technique est un marché sur lequel sont présents un grand nombre de fournisseurs de services de taille différente. En effet, outre les sociétés dont la principale activité repose sur des prestations de gestion et de maintenance multi-technique (tels que Cofely Ineo, filiale d'ENGIE, SPIE ou Idex), d'autres acteurs issus d'horizons divers tels que des industriels/équipementiers (Legrand, Schneider Electric, General Electric, etc.) ou des installateurs provenant principalement du monde du BTP (Vinci Energie, Eiffage Energie, Bouygues Energie, etc.) sont aussi actifs sur ce marché. Il existe en outre un très grand nombre d'acteurs locaux ou régionaux (23).

41. Il en résulte que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la gestion et de la maintenance multi-technique incluant les services d'optimisation énergétique.

2. LE MARCHE DE LA GESTION DELEGUEE DE RESEAUX DE CHALEUR

42. Les parties sont simultanément actives sur le marché de la gestion déléguée de réseaux de chaleur. L'acquéreur gère [...] réseaux de chaleur. Pour sa part, CRAM ne gère que quatre réseaux de chaleur, desservant quatre villes [...].

43. Les parts de marché des parties et leurs principaux concurrents sur le marché national de la gestion déléguée de réseaux de chaleur en termes de nombre de réseaux gérés et volume de ventes de chaleur figurent dans le tableau ci-dessous (24).

44. Quelle que soit l'estimation de marché retenue (en nombre de réseaux gérés ou en volume de ventes de chaleur), l'opération conduira à un incrément inférieur à [0-5] % de la part de marché de Dalkia pour la porter à [40-50] % si l'on raisonne en nombre de réseau et à [30-40] % si l'on résonne en volume de vente de chaleur. L'incrément de parts de marché suscité par l'opération sera donc marginal.

45. Toutefois, l'attribution de DSP fonctionne par appels d'offres. Par conséquent, les parts de marché reflètent qu'imparfaitement l'intensité concurrentielle et le pouvoir de marché des différents opérateurs. En l'espèce, les parties n'ont pas fourni une analyse détaillée des appels d'offres passés. Elles soulignent que, compte tenu néanmoins de la faible taille de la cible, l'opération ne conduit à aucune modification sensible de la structure du marché.

46. On peut relever que la cible n'est titulaire que de quatre DSP. Ces contrats ont été remportés par CRAM entre 1992 et 2013 et, selon les informations communiquées par la partie notifiante, CRAM n'a remporté aucun contrat supplémentaire à ce jour. De plus, parmi les quatre procédures d'appels d'offres remportées par CRAM depuis 1992, elle n'a candidaté en concurrence face à Dalkia que sur l'un d'entre eux, le plus ancien (que CRAM a remporté).

47. Par ailleurs, suite à l'opération, les parties continueront à être soumises à la concurrence d'autres opérateurs significatifs en particulier Cofély Inéo, fililale d'ENGIE (part de marché de 30-35 % en nombre de réseaux et 45-50 % en volume de chaleur vendue), Idex (part de marché de 5-10 % en nombre de réseaux et 5-10 % en volume de chaleur vendue) et Coriance (part de marché de 5-10 % en nombre de réseaux et au maximum de 5 % en volume de chaleur vendue). Il ressort des données communiquées par la partie notifiante que tous ces opérateurs disposent d'implantations dans les régions dans lesquelles CRAM est présente (principalement en Normandie), tout comme un opérateur régional également actif en Normandie.

48. Au regard des éléments qui précèdent, il apparaît que l'opération ne renforcera pas significativement le pourvoir de marché des parties sur le marché de la gestion déléguée de réseaux de chaleur.

3. LE MARCHE DE TRAVAUX DE GENIE CLIMATIQUE

49. Les deux parties sont présentes sur le marché des travaux de génie climatique et plus précisément sur le marché des travaux d'installation de génie climatique. En revanche, CRAM n'est pas présente sur le marché des travaux de maintenance d'équipements de génie climatique.

50. Les parties évaluent la taille du marché français de travaux de génie climatique, en 2013, à 6 milliards d'euros (25). En outre, elles estiment que le groupe de l'acquéreur détenait en 2013 une part de marché de [0-5] % et CRAM de [0-5] %.

51. Par ailleurs, les parties évaluent la taille du marché français des travaux d'installation de génie climatique à 3,6 milliards d'euros, la part de marché du groupe de l'acquéreur à [0-5] % et celle de CRAM à [0-5] %.

52. Il apparaît donc que sur les marchés de travaux de génie climatique, les parts de marché des parties sont largement inférieures à 25 % et que l'opération n'entraînera qu'un incrément minime de parts de marché.

53. Il en résulte que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de travaux de génie climatique.

4. LE MARCHE DE LA PRODUCTION ET VENTE EN GROS D'ELECTRICITE

54. Les parties évaluent la taille du marché français de la production et vente en gros d'électricité à 128 942 MW en terme de capacité installée et à 540,6 TWh en terme de production réelle (26).

55. EDF détenait sur ce marché en 2014 une position dominante, avec une part de marché représentant [70-80] % de la capacité totale installée et [80-90] % de la production nette d'électricité.

56. De son côté, CRAM détenait une part de marché représentant [0-5] % de la capacité totale installée et une part de marché quasi nulle s'agissant de la production nette d'électricité.

57. Compte tenu de la présence négligeable de CRAM sur ce marché, il apparaît que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce dernier.

B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX

58. Une concentration verticale peut restreindre l'accès à la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval. La stratégie de verrouillage peut également concerner les marchés amont lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. L'Autorité de la concurrence considère qu'il est peu probable qu'une entreprise ayant une part de marché inférieure à 30 % sur un marché donné puisse verrouiller un marché en aval ou en amont de celui-ci.

59. En l'espèce le risque d'effet vertical découle principalement de la position du groupe EDF sur les marchés de la fourniture d'électricité. L'électricité est en effet un intrant pour les marchés de la gestion et maintenance multi-technique, du génie climatique et, très marginalement, de la gestion déléguée de réseaux de chaleurs, sur lesquels est présente CRAM. A l'issue de l'opération EDF pourrait donc restreindre l'accès des concurrents de CRAM aux marchés de la fourniture d'électricité pour favoriser l'expansion de sa propre filiale.

60. Toutefois, compte tenu de la faible position de CRAM sur les différents marchés sur lesquels elle opère, de la présence du groupe EDF sur ces marchés antérieurement à l'opération et, enfin, du contrôle conjoint qu'exerçait déjà EDF sur CRAM, l'opération n'est pas nature à modifier significativement les incitations d'EDF en matière de fourniture d'électricité. La concentration envisagée n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effet verticaux.

C. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMERAUX

61. Une concentration est susceptible d'entraîner des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur des marchés présentant des liens de connexité avec d'autres marchés sur lesquels elle détient un pouvoir de marché. Les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relèvent toutefois qu'il est peu probable qu'une concentration entraîne un risque d'effet congloméral si la nouvelle entité ne bénéficie pas d'une forte position sur un marché à partir duquel elle pourra faire jouer un effet de levier et renvoient, à cet égard, à un seuil de 30 % de parts de marché.

62. En l'espèce l'opération renforce la présence d'EDF sur certains marchés présentant entre eux ou avec les marchés de la fourniture d'électricité des liens de connexité.

1. LES MARCHES DE LA FOURNITURE D'ELECTRICITE ET LES MARCHES DE LA GESTION ET MAINTENANCE MULTI-TECHNIQUE

63. Il existe un lien de connexité entre les activités de la fourniture d'électricité d'EDF-Dalkia et celles de CRAM de gestion et maintenance multi-technique. En effet, les clients concernés pourraient potentiellement être intéressés par une offre globale combinant la fourniture d'électricité et les services de gestion et maintenance multi-technique.

64. Toutefois, les possibles avantages tirés de la combinaison d'offres de services de gestion et maintenance multi-technique avec la fourniture d'électricité ne sont pas avérés. En effet, dans la décision EDF/Dalkia , la Commission a considéré " qu'il est peut vraisemblable que l'aspect congloméral fourniture d'électricité/services de gestion/maintenance multi-technique produise des effets anti-concurrentiels pour les raisons suivantes : (i) la capacité de l'entité fusionnée à proposer des offres groupées mixtes apparaît limitée, (ii) il n'est pas possible de conclure que l'entité fusionnée disposerait des incitations suffisantes pour mettre en place une stratégie de vente groupée mixte, et (iii) l'impact global sur le prix et le choix serait limité, notamment car l'éviction de concurrents paraît peut vraisemblable dans un horizon de 3 à 5 ans " (27).

65. En tout état de cause, compte tenu de la faible part de marché détenue par CRAM sur le marché français de la gestion et maintenance multi-technique (inférieure ou égale à [0-5] %), son intégration au sein d'EDF ne sera pas de nature à réduire la concurrence sur ces marchés par le biais d'effets congloméraux.

2. LES MARCHES DE LA FOURNITURE D'ELECTRICITE ET MARCHE DU GENIE CLIMATIQUE

66. Les parties considèrent qu'il n'existe aucun lien de connexité entre les marchés de travaux de génie climatique et les marchés de la fourniture d'électricité.

67. En tout état de cause, cette question ne nécessite pas d'être tranchée en l'espèce dans la mesure où la présence de CRAM sur le marché du génie climatique est négligeable ([0-5] %) et où la part de marché de la nouvelle entité sur ce marché sera inférieure à [5-10] %.

68. L'opération n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux sur ces marchés.

3. MARCHE DE LA GESTION DELEGUEE DE RESEAUX URBAINS DE CHALEUR ET MARCHE DU GENIE CLIMATIQUE

69. Dans la décision IDEX/ISS du 20 février 2008, le ministre de l'économie a considéré que le marché de la gestion déléguée des réseaux urbains de chaleur " [pouvait] éventuellement être considéré comme un marché proche des marchés analysés auparavant [dont le marché du génie climatique] " (28). Toutefois, le ministre n'a pas tranché cette question dès lors que la société Idex détenait moins de 10 % du marché de la gestion déléguée de réseaux de chaleur.

70. En tout état de cause, cette question ne nécessite pas d'être tranchée en l'espèce car compte tenu de la faible part de marché dont dispose CRAM ([0-5] %) et dont disposera la nouvelle entité (moins de 5 %) sur le marché du génie climatique, il n'existe pas de risque d'effet congloméral du fait de l'opération.

4. LES MARCHE DE LA GESTION ET MAINTENANCE MULTI-TECHNIQUE ET MARCHE DU GENIE CLIMATIQUE

71. La pratique décisionnelle considère qu'il existe un lien congloméral entre le marché de la gestion/maintenance multi-technique incluant les services d'optimisation énergétique et le marché des travaux de génie climatique. En effet, les liens entre ces deux marchés sont examinés au titre des effets congloméraux lorsque les opérateurs proposent à leurs clients et réalisent eux-mêmes ces deux types de prestations (29).

72. En l'espèce, les parts de marché combinées des parties après l'opération resteront très largement inférieures à 30 % sur les marchés de la gestion et maintenance multi-technique (part de marché combinée n'excédant pas 25 %) et sur les marchés de génie climatique (part de marché combinée d'environ [5-10] %).

73. L'opération n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux ou congloméraux sur ces marchés.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 15-069 est autorisée.

Notes :

1 Décisions de la Commission européenne COMP/M.7137 du 25 juin 2014 EDF/Dalkia en France, point 80 et COMP/M.6020 du 14 janvier 2011, ACSF/Hochtief points 18-19.

2 Décision COMP/M.7137 EDF/Dalkia en France précitée, point 81 et COMP/M.4180 du 14 novembre 2006 GDF/Suez, point 1037.

3 Décision COMP/M.7137 EDF/Dalkia en France précitée, point 88.

4 Id., point 99.

5 Décision de l'Autorité de la concurrence n°15-DCC-09 du 12 février 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de la société JF Cesbron SAS par la société Dalkia SA.

6 Décisions COMP/M.7137 EDF/Dalkia en France précitée, point 117, COMP/M.4180 GDF/Suez précitée, note en bas de page 618 et décision de l'Autorité de la concurrence n°11-DCC-41 du 11 mars 2011 relative à l'acquisition de certains actifs de la société SEEM par NeoElectra Group, point 8.

7 Décision COMP/M.7137 EDF/Dalkia en France précitée, point 110.

8 Id., point 112.

9 Id., point 114.

10 Id., point 115.

11 Décisions COMP/M.7137 EDF/Dalkia en France précitée, point 118, COMP/M.4180 GDF/Suez, points 941 et 942, décisions de l'Autorité de la concurrence n°11-DCC-34 du 25 février 2011 relative à l'acquisition du contrôle exclusif de Ne Varietur par GDF Suez, point 23, n°11-DCC-41, NeoElectra/SEEM précitée, points 9 et 10 et n°11-DCC-140, du 23 septembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif par la société Cube Energy SCA de la société Idex groupe SAS, points 9 et 10. 5

12 Décision COMP/M.7137 EDF/Dalkia en France précitée, point 125, décision COMP/M.4180 GDF/Suez précitée, points 943 à 945, décision de l'Autorité de la concurrence n°11-DCC-41 NeoElectra/SEEM précitée, point 11.

13 Voir la décision de l'Autorité n°11-DCC-34 du 25 février 2011, §28.

14 Voir notamment la décision de la Commission européenne n° COMP/M.5701 du 26 mars 2010 - Vinci / Cegelec et les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-145 du 3 octobre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Climater par la société Weinberg Capital Partners, n° 13-DCC-105 du 6 août 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Billon SA par la société Hervé Thermique SAS, n° 13-DCC-135 du 24 septembre 2013 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Johnson Controls Service et Solutions France par la société Monet Acquisition Company Limited et n° 15-DCC-09 du 12 février 2015 Dalkia SA/Cesbron SAS, précitée.

15 Voir les décisions précitées.

16 Décision COMP/M.4180 Gaz de France/Suez précitée et décision de l'Autorité de la concurrence n°09-DCC-28 du 30 juillet 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Poweo par la société Österreichische Elektrizitätswirtschafts-Aktiengesellschaft.

17 Décision COMP/M.7137, EDF/Dalkia en France précitée, points 35 à 39.

18 Décision COMP/M.4994, Electrabel/Compagnie Nationale du Rhône, COMP/M.7137 EDF/Dalkia en France précitée, point 60 et décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-20 du 7 février 2012 relative à la prise de contrôle exclusif d'Enerest par Electricité de Strasbourg, point 8.

19 Décisions COMP/M.7137 EDF/Dalkia en France précitée, point 62 et COMP/M.4994, Electrabel/Compagnie Nationale du Rhône précitée.

20 Décisions COMP/M.7137 EDF/Dalkia en France précitée, point 67, COMP/M.4994, Electrabel/Compagnie Nationale du Rhône précitée et décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-28 du 30 juillet 2009 Poweo/Verbund précitée et n° 11-DCC-142 du 22 septembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Poweo par la société Direct Energie.

21 Meilleures estimations des parties sur la base de l'étude Xerfi " Les services énergétiques à l'horizon 2013 (2012) et ADEME " Le marché français des services énergétiques - État des lieux et analyse " (2014).

22 Décision COMP/M.7137 EDF/Dalkia France précitée, note en bas de page 192, page 56.

23 Décision COMP/M.7137 EDF/Dalkia France précitée, point 321 et s.

24 Meilleures estimations des parties, sur la base du rapport officiel SNCU 2014 (données 2013).

25 Source : " Travaux d'installation d'équipements thermiques et de climatisation ", La Loupe Financière, décembre 2014.

26 Source : Meilleures estimations d'EDF à partir des données publiques de RTE.

27 Décision COMP/M.7137 EDF/Dalkia France précitée, point 445.

28 C2008-03 / Lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 20 février 2008, aux conseils de la société IDEX Energies, relative à une concentration dans le secteur de la gestion et de l'exploitation d'installations techniques des bâtiments et du génie climatique.

29 Décision n°15-DCC-72 du 18 juin 2015 relative à la prise de contrôle exclusif d'Altergis SAS par Veolia Environnement SA et décision n°15-DCC-09 du 12 février 2015, Dalkia SA/JF Cesbron SAS précitée.