Livv
Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 3 septembre 2015, n° 13-02310

BORDEAUX

Décision

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Escarmant Immobilier (SARL)

Défendeur :

Van Edom

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ramonatxo

Conseillers :

Mme Wagenaar, M. Remy

Avocats :

Mes d'Hennezel De Francogney, Carbonnier

T. com. Bordeaux, du 18 janv. 2013

18 janvier 2013

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat du 19 octobre 2006, Mme Gaby Van Edom est devenue agent commercial de la Sarl Escarmant Immobilier et sa mission consistait à représenter l'agence pour la réalisation d'opération portant sur l('achat et la vente d'immeubles bâtis et non bâtis;

Par jugement du 20 juillet 2012, le Tribunal de commerce de Libourne, saisi par Mme Van Edom d'une demande de dommages et intérêts pour rupture du contrat, a:

- condamné la Sarl Escarmant Immobilier à payer à Mme Van Edom les sommes de 1178,49 euro au titre du solde d'une facture de commission et 37 854,57 euro au titre de l'indemnisation consécutive à la rupture du contrat d'agent commercial à l'initiative de la Sarl Escarmant Immobilier,

- débouté les parties de leur demande plus amples et contraires,

- condamné la Sarl Escarmant Immobilier à payer à Mme Van Edom la somme de 1500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la même aux entiers dépens.

La Sarl Escarmant Immobilier a relevé appel de ce jugement le 5 octobre 2012.

Suivant arrêt du 30 janvier 2015, la cour d'appel, constatant que par jugement du 2 février 2013, le Tribunal de commerce de Bordeaux avait ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la Sarl Escarmant Immobilier et désigné la SCP Pimouguet Leuret en qualité de mandataire judiciaire, a renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 24 mars 2015 afin que les parties s'expliquent sur la régularité de la procédure qu'elles ont suivie.

Par dernières conclusions signifiées le 11 mars 2015, la SCP Pimouguet Leuret, es qualité de liquidateur de la Sarl Escarmant Immobilier demande à la cour d'infirmer en tout point le jugement entrepris et de:

- dire et juger que le départ de Mme Van Edom s'analyse en une démission privative de toute indemnité,

- constater que ses insultes du 3 mai sont un manquement grave à ses obligations et constituent une rupture à l'initiative de l'agent,

- de condamner Mme Van Edom au paiement de 10 000 e à titre de dommages et intérêts.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de limiter l'indemnité à la somme de 2 343 euro et en tout état de cause, de condamner Mme Van Edom au paiement d'une indemnité de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 23 mars 2015, Mme Van Edom demande à la cour de confirmer en tous points le jugement rendu le 20 juillet 2012 et au surplus, de condamner la Sarl Escarmant Immobilier en liquidation à lui verser la somme de 1 178,49 euro correspondant au manque à gagner suite à la vente intervenue le 10 juin 2011 et de condamner la même à lui verser la somme de 47 922,66 euro à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 1500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 mai 2015 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 2 juin 2015,

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le contrat d'agent commercial signé le 19 octobre 2006 entre la Sarl Escarmant Immobilier et Mme Van Edom est soumis aux articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce. Il a été conclu pour une durée de 2 ans renouvelable par tacite reconduction et, aux termes de son article 5, pouvait être rompu à tout moment, sans préavis ni indemnité, en cas de défaut d'inscription, de non-règlement de charges ou de dépassement du mandat.

Le contrat d'agent commercial est un contrat consensuel qui peut être prouvé par tout écrit et dont la cessation peut être établie par tout moyen. Il n'en demeure pas moins que Mme Van Edom ne peut prouver un fait négatif: sa non démission et il appartient à l'appelante d'apporter la preuve de cet événement tout comme il appartient à Mme Van Edom de prouver que la rupture du contrat est imputable à son mandant.

Sur la démission:

La Sarl Escarmant Immobilier justifie de la démission de Mme Van Edom en produisant trois témoignages qui, s'ils ne répondent pas aux exigences des articles 200 à 203 du Code de procédure civile, peuvent être utilisés comme commencement de preuve.

Ces trois témoignages ont été établis par la sœur du gérant de la Sarl Escarmant Immobilier et par un salarié et un ancien salarié de cette société. Ils mentionnent tous en substance qu'à l'occasion d'une réunion hebdomadaire du personnel de l'agence, Mme Van Edom s'est plainte de ne pas gagner assez et a donné sa démission qui a été acceptée par M. Escarmant.

Un examen plus approfondi de ces attestations démontre que la réunion en question s'est déroulée dans un climat houleux et que deux des témoins entretenaient des relations tendues avec Mme Van Edom.

La cour estime que la volonté de démissionner exprimée verbalement dans le contexte d'une réunion houleuse au cours de laquelle ' le ton s'est haussé' ne peut être considérée comme une décision claire et arrêtée prise par un agent qui travaille depuis plus de 7 ans avec le même mandant, dès lors qu'elle n'est pas concrétisée, soit par un accord verbal admis de part et d'autre, soit par un écrit et que l'agent l'ayant exprimée revient travaillé quelques jours plus tard, après une fin de semaine intercalée.

La cour écarte en conséquence, comme l'a fait le tribunal de commerce, le fait que Mme Van Edom ait volontairement mis fin par sa démission à son contrat d'agent commercial.

Sur l'imputabilité de la rupture:

Chacune des parties impute à l'autre la responsabilité de cette rupture.

Il n'est pas contesté que lorsque Mme Van Edom est revenue travaillée le 3 mai 2011 soit 5 jours (dont un week-end intercalé) après cette réunion tendue du 28 avril 2011, elle a trouvé les tiroirs de son bureau fermés à clefs, l'ordinateur verrouillé et ses dossiers en instance de signature disparus. Le lendemain, soit le 4 mai, idem ainsi que le 10 mai.

Dès lors que la démission a été écartée, cette obstruction faite à la réalisation du travail de l'agent commercial est fautive.

La Sarl Escarmant Immobilier prétend de son côté que Mme Van Edom a insulté grossièrement son gérant, M. Escarmant, et qu'elle a multiplié les manquements à ses obligations contractuelles.

Les témoignages de la soeur (Mme Sylvie Escarmant) et d'un salarié (M. Zuidema) du gérant démontrent que Mme Van Edom a effectivement insulté M. Escarmant le 3 mai 2011, soit lorsqu'elle est revenue travaillée et a trouvé tiroirs clos.

Si la profération d'injures n'est jamais acceptable, le contexte dans lequel elles ont été exprimées doit être pris en considération et il est ici constant que la parole outrancière de Mme Van Edom n'a été que la réponse excessive à un comportement anormal de son mandant lequel n'apporte par ailleurs nullement la preuve que Mme Van Edom ait manqué à ses obligations contractuelles puisque la photocopie d'une page d'annuaire non datée ne saurait constituer une preuve de l'activité d'agence immobilière exercée par l'intimée.

Il est manifeste que les relations s'étaient dégradées entre Mme Van Edom, le gérant de la société et les autres salariés et que la rupture du contrat est intervenue dans ce contexte, ce qui ne permet pas pour autant d'admettre qu'elle soit imputable à l'intimée.

La cour estime en conséquence, confirmant sur ce point le jugement du Tribunal de commerce de Libourne du 20 juillet 2012, que le contrat d'agent commercial a été rompu à l'initiative de la Sarl Escarmant Immobilier;

Sur l'indemnité de rupture:

En application de l'article L. 134-12, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. Cette indemnité a pour objet de réparer le préjudice qui comprend la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties et il doit être tenu compte de tous les éléments de la rémunération de l'agent pendant l'exécution du contrat sans qu'il y ait lieu de distinguer si elle provient de clients préexistants au contrat ou au contraire apportés par l'agent.

En conséquence, et au regard des pièces produites de part et d'autre et notamment de l'attestation produite par l'expert-comptable de la Sarl Escarmant Immobilier qui n'est pas efficacement contredite par les documents produits par Mme Van Edom, la cour estime que, sur le calcul de l'indemnité due à l'intimée, le premier juge a fait une juste analyse des faits de la cause, appliqué à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient et pertinemment répondu aux moyens des parties pour la plupart repris en appel. Sa décision doit donc être confirmée en ce qu'elle a fixé à la somme de 37 854,57 euro l'indemnisation due à Mme Van Edom consécutivement à la rupture de son contrat d'agent commercial

Sur la facture du 10 juin 2011:

Le 10 juin 2011, Mme Van Edom a adressé à la Sarl Escarmant Immobilier sa facture de commission pour la vente Secchini/Petitmengin, d'un montant TTC de 11 280 euro soit une commission de 40 % des honoraires nets perçus par l'agence que cette dernière a d'autorité réduit à 35 %.

Le contrat d'agent commercial signé le 19 octobre 2006 mentionnait un taux de commission évolutif entre 30 et 40 % en fonction du chiffre d'affaire réalisé par l'agent commercial.

Il est à noter que la Sarl Escarmant Immobilier a, pour la vente Secchini/Petitmengin, retenu une commission de 35 %, qui ne correspond pas aux dispositions contractuelles puisque, pour un chiffre d'affaire inférieur à 50 000 euro, le pourcentage contractuellement retenu est de 30 %.

La cour constate que la Sarl Escarmant Immobilier est d'une particulière mauvaise foi en contestant l'attestation Figec du 28 février 2012 qui mentionne un pourcentage admis de commission, différent du contrat soit de 20 % pour 1 unité et de 40 % pour 2 unités aux motifs que cet organisme relaterait les déclarations de sa cliente alors qu'elle a utilisé des attestations du même organisme qui n'est autre que son propre expert-comptable, à l'appui de son argumentation relative à l'indemnité de rupture.

Elle retient en conséquence, comme l'a fait le tribunal, la force probante de l'attestation Figec produite par l'intimée et confirme le jugement du Tribunal de commerce de Libourne en ce qu'il a condamné l'appelante à payer à Mme Van Edom la somme de 1 178,49 euro.

Sur la demande de dommages et intérêts faite par la Sarl Escarmant Immobilier

Cette dernière, qui succombe en son appel, doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens:

L'équité commande d'allouer à Mme Van Edom une indemnité de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Succombant, l'appelante supportera les dépens.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à fixer la créance de Mme Van Edom sur la liquidation aux sommes de 1 178,49 euro au titre du solde d'une facture de commission et 37 854,57 euro au titre de l'indemnisation consécutive à la rupture du contrat d'agent commercial à l'initiative de la Sarl Escarmant Immobilier, Y ajoutant, Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires, Condamne la SCP Pimouguet Leuret, es qualité de liquidateur de la Sarl Escarmant Immobilier à payer à Mme Gaby Van Edom une somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que les dépens constitueront des frais privilégiés de procédure collective.