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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 12 septembre 2013, n° 11-14856

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Sodiplan (SAS)

Défendeur :

Agence européenne de Communication (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aubry-Camoin

Conseillers :

MM. Fohlen, Prieur

Avocats :

Mes Donsimoni, Goulut, Buvat, Dahan, Selarl Boulan Cherfils Imperatore

CA Aix-en-Provence n° 11-14856

12 septembre 2013

Exposé du litige

La SAS Sodiplan exploite un hypermarché sous l'enseigne Leclerc à Plan-de-Campagne sur la commune de Cabries.

La SARL Agence européenne de Communication AGECO AGEC immatriculée au registre du commerce de Marseille le 26 mai 1992, a pour activité la publicité, l'imprimerie, la relation publique et toutes activités de communication et d'édition.

Suivant bon de commande n° 86008 du 26 février 2003, la société Sodiplan a souscrit auprès de la société Agence européenne de Communication un contrat d'achat d'espaces publicitaires dans la revue "Transunion" moyennant le prix global TTC de 47 840 euro payable en quatre fois par échéance de 11 960 euro.

Après avoir réglé les deux premières factures pour un total de 23 920 euro, la société Sodiplan a adressé le 21 mai 2003 un courrier à la société Agence européenne de Communication lui demandant d'annuler les prochaines parutions en raison de ses difficultés financières.

Par courrier du 30 mai 2003, la société Agence européenne de Communication a informé la société Sodiplan que la commande était ferme et définitive.

Les factures à échéance du 1er août et du 1er septembre 2003 sont restées impayées, malgré diverses relances et une lettre recommandée de mise en demeure du 30 septembre 2003.

Par courriers des 4 septembre et 5 octobre 2003, la société Sodiplan a demandé à la Société européenne de Communication de lui justifier les deux premières parutions.

Par acte du 18 mai 2004, la Société européenne de Communication AGECO AGEC a fait assigner la société Sodiplan devant le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :

- 23 920 euro TTC au titre du solde du coût des insertions publicitaires

- 3 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive

- 1 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile

ce avec exécution provisoire outre condamnation aux dépens.

Par jugement contradictoire du 11 juillet 2005, le Tribunal de Commerce a :

- rejeté comme injustifiées toutes les demandes, fins et conclusions de la Société européenne de Communication à l'encontre de la société Sodiplan,

- rejeté la demande reconventionnelle formée à titre principal par la société Sodiplan mais retenant sa demande subsidiaire,

- prononcé aux torts de la Société européenne de Communication la résolution de la convention reposant sur le document intitulé "facture bon de commande n° 86008",

- condamné la Société européenne de Communication à restituer à la société Sodiplan la somme de 23 920 euro TTC avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

- rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Sodiplan,

- condamné la Société européenne de Communication à payer à la société Sodiplan la somme de 300 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire,

- condamné la Société européenne de Communication aux dépens.

Par déclaration au greffe de la cour du 19 août 2005, la Société européenne de Communication AGECO EGEC a régulièrement relevé appel de cette décision.

Par arrêt du 8 février 2008, la cour a ordonné le retrait du rôle de l'affaire sur demande conjointe et motivée des parties.

L'affaire a été ré-enrôlée le 12 février 2008 sur conclusions de la société Sodiplan.

Par arrêt du 26 mars 2010, la 8e chambre B de cette cour a :

- infirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 est inapplicable en l'espèce, et statuant à nouveau

- condamné la société Sodiplan à payer à la Société européenne de Communication la somme de 23 920 euro avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2003 ainsi que la somme de 2 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes,

- condamné la société Sodiplan aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel avec distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par arrêt du 7 juin 2011, la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt précité et a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Aix en Provence autrement composée, ce pour dénaturation de la pièce 11.

La société Sodiplan a saisi cette cour par déclaration au greffe du 17 août 2011.

Par conclusions du 23 septembre 2011, la société Sodiplan demande à la cour autrement composée au visa des articles 1134, 1147 et 1184 du Code civil, 9 du Code de procédure civile et de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, de :

A titre principal

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la demande de dommages et intérêts formée par la concluante et statuant de nouveau de ce chef,

- condamner la Société européenne de Communication à lui payer la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts,

A titre subsidiaire

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'argument selon lequel la pseudo-convention signée entre les parties était nulle et non avenue pour erreur,

- prononcer la nullité de la convention dénommée facture bon de commande n° 86008 pour erreur de consentement de la société Sodiplan,

- ordonner la restitution par la Société européenne de Communication de l'intégralité des sommes versées par la société Sodiplan,

- condamner la Société européenne de Communication au paiement de la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts,

A titre très subsidiaire

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'argument selon lequel la pseudo convention liant les parités est nulle et non avenue en ce qu'elle contrevient aux dispositions d'ordre public de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 dite loi Sapin,

- constater que la Société européenne de Communication est une agence conseil en publicité,

- constater que la Société européenne de Communication se prévaut d'une convention qui ne satisfait pas aux dispositions d'ordre public de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, et ne constitue pas le mandat écrit exigé par la loi précitée,

- dire en conséquence que la convention concernée est nulle de nullité absolue,

- condamner la Société européenne de Communication à lui restituer les sommes versées avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner la Société européenne de Communication à lui payer la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause

- débouter la Société européenne de Communication de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la Société européenne de Communication à lui payer la somme de 10 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la Société européenne de Communication aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel avec distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.

La société Sodiplan expose les moyens suivants :

- elle s'est acquittée des deux premières échéances et a demandé l'annulation des publications suivantes pour limiter ses dépenses publicitaires en raison de ses difficultés financières,

- la Société européenne de Communication ne rapporte pas la preuve qu'elle a rempli son obligation contractuelle de publication des encarts publicitaires commandés et payés,

- la concluante est en conséquence fondée sur le fondement de l'article 1184, à demander la résolution judiciaire du contrat et la restitution des sommes versées, et l'indemnisation de son préjudice,

- à titre subsidiaire, il convient de prononcer l'annulation du bon de commande aux torts de la Société européenne de Communication pour vice du consentement dès lors que la concluante a cru par erreur, au vu des mentions succinctes du bon de commande, que les 8 pages d'insertions se répartissaient en 4 doubles pages publicitaires d'encart dans la revue "Transunion" pour les parutions successives des mois de mai à septembre 2003

- à titre très subsidiaire, il y a lieu de prononcer la nullité du bon de commande pour violation de l'article 20 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 dite "Loi Sapin" dès lors que la Société européenne de Communication est une agence conseil en publicité et est intervenue comme intermédiaire dans l'achat d'espaces publicitaires.

Par conclusions du 30 novembre 2011, la Société européenne de Communication AGECO AGEC demande à la cour au visa des articles 1147 du Code civil et 9 du Code de procédure civile, de :

- infirmer le jugement déféré du 11 juillet 2005,

- condamner la société Sodiplan à lui payer les sommes suivantes :

23 920 euro TTC au titre des insertions publicitaires dans la revue "Transunion"

3 000 euro à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive

10 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamner la société Sodiplan aux entiers dépens de première instance, d'appel et de pourvoi en cassation, ceux d'appel avec distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.

La Société européenne de Communication expose les moyens suivants :

- elle a fait paraître l'insertion de 8 pages souscrite par la société Sodiplan dans la revue "Transunion" 2003 dont elle a adressé un exemplaire à la société Sodiplan antérieurement à son assignation et qui parait au moins une fois par an,

- le contrat liant les parties est rédigé de manière très claire et le règlement en quatre échéances correspond à une modalité de paiement et non à un échelonnement des parutions, la revue "Transunion" ayant une périodicité annuelle,

- la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 dite "Loi Sapin" n'est pas applicable dès lors que la société concluante est une régie publicitaire ayant la qualification de vendeur d'espaces publicitaires qui n'est pas soumise aux dispositions précitées.

Il est renvoyé aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DECISION

Suivant "Facture bon de commande n° 86008" du 26 février 2003, la société Sodiplan exploitant l'hypermarché Leclerc à Plan-de-Campagne a commandé à la Société européenne de Communication "8 pages revue Transunion" moyennant le prix de 47 840 euro TTC payable en 4 échéances ainsi qu'il suit :

11 960 euro dès réception facture

11 960 euro juin (début de mois)

11 960 euro août (début de mois)

11 960 euro septembre (début de mois).

La revue "Transunion" est éditée par le syndicat CGT des transports au moins une fois par an selon attestation du secrétaire général du syndicat, et ce depuis plusieurs années ainsi qu'il ressort des revues originales des années 1999/2000 et 2004 produites par la Société européenne de Communication.

La Société européenne de Communication rapporte la preuve en produisant l'original de la revue "Transunion" de l'année 2003 dans son intégralité que les 8 pages publicitaires commandées ont été publiées en page entière dans cette revue.

Il est acquis par ailleurs que la Société européenne de Communication a adressé à la société Sodiplan quatre factures portant le n° du bon de commande et datées du 26 février 2003 correspondant aux modalités de paiement convenues entre les parties, dont la société Sodiplan n'a réglé que les deux premières.

La société Sodiplan n'est en conséquence pas fondée à soutenir pour s'exonérer de sa propre obligation de paiement, que la Société européenne de Communication aurait manqué à son obligation contractuelle de publication des encarts publicitaires.

Aux termes de l'article 5 du Code des usages de la publicité :

"Aucun usage en publicité n'impose de règles spéciales et absolues pour la passation des ordres.

Les formes les plus généralement employées sont :

1° l'engagement en double ou multiples expéditions;

2° la lettre de commande

3° l'ordre d'insertion;

Tous ces documents ont, en publicité, le même caractère et s'y emploient de la même manière que dans les rapports ordinaires de commerce".

L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet et que dans la mesure où elle est excusable.

Le bon de commande est conforme aux usages en matière de publicité, ses termes sont rédigés de manière claire, les obligations respectives des parties sont énoncées de manière précise et déterminée, et la société Sodiplan qui exploite un hypermarché et est donc un professionnel de la grande distribution ne démontre pas en quoi son erreur serait excusable.

La société Sodiplan n'est en conséquence pas fondée à se prévaloir de la nullité du bon de commande pour vice du consentement.

Selon l'article 26 alinéa 1 de la loi du 29 janvier 1993 dite "Loi Sapin", les régies publicitaires sont considérées comme vendeurs d'espaces publicitaires et le statut d'intermédiaire-mandataire ne leur est pas applicable.

La Société européenne de Communication n'est pas une agence-conseil en publicité mais une régie publicitaire ainsi que le révèle le contrat d'édition et de régie publicitaire signé avec le syndicat CGT des transports le 20 janvier 1994, selon lequel elle s'engage notamment à éditer un journal d'information et à recueillir auprès des annonceurs les publicités à insérer dans le journal.

La société Sodiplan n'est en conséquence pas fondée à soutenir que le bon de commande serait nul pour violation de la loi du 29 janvier 1993.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions en ce compris les dépens et de condamner la société Sodiplan à payer à la Société européenne de Communication la somme de 23 920 euro correspondant au solde des sommes dues au titre des insertions publicitaires dans la revue "Transunion" de l'année 2003.

La résistance en justice opposée par la société Sodiplan à la demande de la Société européenne de Communication nonobstant la production par celle-ci de l'original de la revue "Transunion" de l'année 2003, démontre sa mauvaise foi et est constitutive d'un abus de droit qu'il convient de sanctionner par l'allocation d'une somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts.

La société Sodiplan qui succombe n'est pas fondée en sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

Il a été statué par la Cour de cassation sur les dépens afférant à cette instance.

Il convient en équité de condamner la société Sodiplan à payer à la Société européenne de Communication la somme de 3 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, statuant contradictoirement et en dernier ressort , Infirme le jugement entrepris en toutes ses disposition, et statuant à nouveau, Condamne la SAS Sodiplan à payer à la SARL Européenne de communication : la somme de 23 920 euro TTC correspondant au solde des sommes dues au titre des insertions publicitaires dans la revue "Transunion" de l'année 2003 la somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts la somme de 3 500 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile Déboute la SAS Sodiplan de toutes ses demandes, fins et conclusions, Condamne la SAS Sodiplan aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel avec distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.