CA Aix-en-Provence, 2e ch., 30 janvier 2014, n° 2014-38
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Maison Unik (SARL)
Défendeur :
Eurosud Publicite (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aubry-Camoin
Conseillers :
MM. Fohlen, Prieur
Avocat :
Me Tollinchi de la SCP Tollinchi Perret Vigneron
ARRÊT
Une société exploitant une bijouterie a commandé l'insertion d'une publicité dans deux quotidiens, publicité contenant des offres promotionnelles en vue des fêtes de fin d'année. L'agence de publicité a manqué à son obligation de résultat en omettant de procéder à la publication qui lui avait été commandée pour le 13 décembre 2008. Elle doit donc réparer le préjudice subi par l'annonceur. Ce dernier réalise chaque année le même type d'opération promotionnelle. En comparant les chiffres d'affaires et les marges réalisés sur 2007, 2008 et 2009, il existe une corrélation évidente entre l'absence en décembre 2008 de publicité et la perte de marge en 2008 par rapport aux années 2007 et 2009. Cette perte de marge sera réparée par l'indemnisation de l'annonceur à hauteur de 25 000 euro à titre de dommages et intérêts, correspondant à une moyenne entre la marge réalisée en 2007 et la marge réalisée en 2009.
EXPOSE DU LITIGE
La société Maison Unik qui exploite un fonds de commerce de bijouterie, horlogerie, orfèvrerie à Cannes La Bocca, organise des opérations promotionnelles en particulier à l'occasion des fêtes de Noël et de fin d'année.
Selon bon de commande du 5 mars 2008, la société Maison Unik a remis à la société Eurosud Publicité un ordre de publicité pour le 13 décembre 2008 dans les éditions de Cannes et de Grasse du quotidien Nice Matin avec le programme télévision " tv hebdo ".
La société Maison Unik a constaté l'absence de la publicité commandée dans les quotidiens concernés le 13 décembre 2008.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 décembre 2008, la société Unik a mis en demeure la société Eurosud Publicité de lui faire des propositions par écrit pour régler ce problème.
Par courrier reçu le 20 décembre 2008, la société Eurosud Publicité a invoqué un dysfonctionnement interne et a formulé à titre de compensation une proposition de parution d'une nouvelle publicité gratuite avec un délai de réservation de 72 heures " sous réserve de possibilité technique selon la date choisie ".
Par courrier du 28 janvier 2009, la société Unik a décliné la proposition jugée par elle impropre à réparer le préjudice subi en terme de perte d'exploitation.
Par courrier du 16 février 2009, la société EUROPUBLICITE a informé la société Maison Unik que l'offre d'une nouvelle publicité à titre gratuit lui paraissait suffisante pour compenser un préjudice jugé par elle infondé.
Par acte du 19 mai 2009, la SARL Maison Unik a assigné la SA Eurosud Publicité devant le Tribunal de Commerce de Cannes en paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte d'exploitation consécutive à l'absence de publicité à la date convenue.
Par jugement contradictoire du 10 décembre 2009, le Tribunal de Commerce s'est déclaré compétent pour statuer.
Par arrêt de cette Cour du 8 septembre 2010 statuant sur contredit de compétence formé par la société Eurosud Publicité, le jugement du 10 décembre 2009 a été confirmé.
Par jugement contradictoire du 15 septembre 2011, le Tribunal de commerce a :
- constaté l'inexécution contractuelle de la société Eurosud Publicité envers sa cliente la société Maison Unik,
- condamné la société Eurosud Publicité à payer à la société Maison Unik la somme de 1 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné la société Eurosud Publicité à payer à la société Maison Unik la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Eurosud Publicité aux dépens.
Par déclaration au greffe de la Cour du 13 octobre 2011, la SARL Maison Unik a régulièrement relevé appel de cette décision.
Par conclusions du 10 janvier 2012, la SARL Maison Unik demande à la Cour de
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il constate l'inexécution contractuelle de la société Eurosud Publicité envers la concluante,
- réformer le jugement déféré sur l'indemnisation du préjudice,
- condamner la société Eurosud Publicité à payer à la concluante :
la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte d'exploitation, avec intérêts à compter de la décision,
la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile
- la condamner aux entiers dépens, ceux d'appel avec distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.
La société Maison Unik soutient les moyens suivants :
- la société Eurosud Publicité a manqué à son obligation contractuelle de résultat en omettant de procéder à la publication commandée,
- l'inexécution fautive de son obligation par la société Eurosud Publicité est la cause directe du préjudice commercial subi par la concluante et de la baisse du chiffre d'affaire de 20% TTC pendant la période des fêtes de fin d'année,
- le montant du chiffre d'affaire dépend des démarques obtenues par les clients grâce aux chèques cadeaux,
- la baisse du chiffre d'affaire en 2008 par rapport à 2007 et 2009 à la même période est patent.
La SA Eurosud Publicité, assignée devant la Cour à personne habilitée par acte du 3 février 2012, n'a pas constitué avocat.
Il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
MOTIFS DE LA DECISION
Il est constant que la société Eurosud Publicité a manqué à son obligation de résultat en omettant de procéder à la publication qui lui avait été commandée par la société Maison Unik pour le 13 décembre 2008.
La publication commandée consistait en un campagne publicitaire pour les fêtes de fin d'année mentionnant les jours d'ouverture du magasin, signalant l'existence de remises exceptionnelles et comportant des chèques de remise sur le montant des achats en fonction de la valeur de ceux-ci.
Il s'agit d'une campagne publicitaire à laquelle la société Maison Unik procède chaque année à la même période.
La société Unik est en conséquence fondée à demander réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution de son obligation par la société Eurosud Publicité sur le fondement de l'article 1142.
Selon les pièces produites notamment le brouillard de caisse des mois de décembre 2007, 2008 et 2009, les chiffres d'affaire sur la vente des montres, bijouterie et horlogerie s'établissent comme suit :
2007 192 075,72 euros
2008 139 980,25 euros
2009 206 895,78 euros
Les marges s'établissent comme suit :
2007 83 702,55 euros
2008 61 507,66 euros
2009 91 618,38 euros
Les démarques consenties au moyen des chèques diffusés par voie de publicité s'établissent comme suit :
2007 27 870,73 euros
2009 49 998,29 euros
Le montant des démarques consenties en 2008 en l'absence de publicité s'établit à la somme de 12 332,50 euros.
Il existe en conséquence une corrélation évidente entre l'absence en décembre 2008 de publicité incluant la diffusion des chèques de démarque, et la perte de marge en 2008 par rapport aux années 2007 et 2008.
Cette perte de marge sera réparée par l'indemnisation de la société Maison Unik à hauteur de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts, correspondant à une moyenne entre la marge réalisée en 2007 et la marge réalisée en 2009.
Il convient en équité de condamner la société Eurosud Publicité à payer à la société Maison Unik la somme de 3 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel.
Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort, Infirme partiellement le jugement déféré, Et statuant à nouveau, Condamne la SA Eurosud Publicité à payer à la SARL Maison Unik la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions en ce compris les dépens, Ajoutant, Condamne la SA Eurosud Publicité à payer à la SARL Maison Unik la somme de 3 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SA Eurosud Publicité aux dépens d'appel avec distraction par application de l'article 699 du Code de procédure civile.