CA Limoges, ch. soc., 24 juin 2013, n° 12-00631
LIMOGES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale du Limousin
Défendeur :
Otago (SARL), Mission Nationale de Contrôle et d'Audit des Organismes de Sécurité Sociale
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Nerve
Conseillers :
Mme Baluze-Frachet, M. Soriano
Avocats :
Mes Chevalier, Heve
LA COUR
La SARL Otago qui commercialise des vêtements, a fait l'objet d'un contrôle de la part de l'Urssaf de la Corrèze concernant l'assiette comptable pour 2010.
L'Urssaf a relevé l'existence d'une somme de 10 000 euro versée à monsieur Moscato et d'une somme de 1 000 euro réglée à monsieur Lacassagne correspondant à la rétribution de la mise à disposition de leur image au profit de la marque.
Par courrier en date du 22 novembre 2010, les sommes ont été réintégrées dans l'assiette des cotisations et un redressement d'un montant de 5 716 euro a été notifié à la société Otago.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 14 juin 2011, cette dernière saisissait le Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Corrèze.
Un jugement était rendu le 9 mai 2012, disant que messieurs Moscato et Lacassagne n'étaient pas salariés de la société Otago et que celle-ci n'était donc pas tenue des cotisations sociales sur les sommes qui leur ont été versées.
L'Urssaf était dès lors déboutée de ses demandes et condamnée à payer à la société Otago la somme de 400 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'Urssaf a relevé appel de cette décision et a déposé des conclusions dans lesquelles elle demande à la cour de :
Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Corrèze du 9 mai 2012,
Et statuant à nouveau,
Valider les causes de la mise en demeure du 22 février 2011 pour son entier montant de 6 573 euro dont 5 716 euro en cotisations et 857 euro en majorations de retard,
Condamner la SARL Otago à une indemnité de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle indique au soutien de son appel :
Que la seule volonté des parties est impuissante à soustraire le travailleur au statut social qui découle des conditions d'accomplissement de son travail,
Que sont assujettis au régime général les mannequins relevant des articles L. 7121-2 et suivants du Code du travail. Il s'agit d'une présomption irréfragable de salariat à l'égard de la personne qui l'emploie,
Que ces dispositions sont applicables pour messieurs Moscato et Lacassagne.
La SARL Otago a déposé des conclusions dans lesquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner l'Urssaf à lui payer la somme de 2 000 euro en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle considère qu'il s'agit de contrats de sponsoring ayant pour objet de permettre au sponsor d'exploiter l'image d'un joueur en excluant toute prestation de travail. Le joueur est rétribué pour la mise à disposition passive de son image au profit de la société.
Elle indique que messieurs Moscato et Lacassagne sont affranchis de toutes contraintes salariales et aucun horaire ou lieu de travail ne leur est imposé. La SARL Otago n'a aucun pouvoir de sujétion, ni de contrôle sur ses contractants.
Elle conteste toute assimilation de messieurs Moscato et Lacassagne à des mannequins ; ils ne prêtent pas activement leur image pour la présentation d'un produit et ne perçoivent pas de rétribution pour leurs prestations télévisées. Il n'existe aucun lien de subordination entre Otago et ses cocontractants.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale et aux conclusions déposées, oralement reprises.
MOTIFS
Vu les articles L. 763-1 devenu L. 7123-2, L. 7123-3, L. 7123-4 du Code du travail et L. 311-3 15° du Code de la sécurité sociale ;
Il résulte de ces textes que le fait de présenter au public, directement ou indirectement, même à titre occasionnel, un produit, un service ou un message publicitaire par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel constitue l'activité de mannequin ;
Le contrat par lequel une personne s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un mannequin est présumé être un contrat de travail ; cette présomption n'est détruite ni par la preuve que le mannequin conserve une entière liberté d'action pour l'exécution de sa mission ni par le mode et le montant de la rémunération, ni encore par la qualification donnée au contrat par les parties ; l'affiliation obligatoire du mannequin aux assurances sociales du régime général incombe à celui qui fait appel à ses services ;
L'article L. 7123-6 du Code du travail qui reprend le texte de l'ancien article L. 763-2 subordonne la rémunération du mannequin à deux conditions cumulatives pour qu'elle ne soit pas un salaire :
La rémunération due au mannequin à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de sa présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur n'est pas considérée comme salaire dès que la présence physique du mannequin n'est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération n'est pas fonction du salaire reçu pour la production de sa présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement.
Il s'agit d'une présomption simple.
La présomption de l'article L. 763-1 n'étant cependant pas irréfragable, elle ne peut tomber que si " le mannequin ", démontre que l'exploitation de sa notoriété se fait dans le cadre d'un véritable partenariat et sur un pied de totale égalité entre les contractants.
Le contrat conclu avec monsieur Moscato est ainsi rédigé :
Attendu que monsieur Vincent Moscato jouit d'une notoriété nationale en tant que joueur de rugby professionnel et désire contribuer à la promotion de la marque Otago, en particulier concernant le textile. Attendu que monsieur Vincent Moscato est représenté par l'agence Creavisio, les contractants ont convenu les articles suivants :
ARTICLE 1
Le présent contrat a pour objet principal d'assurer par l'intermédiaire de monsieur Vincent Moscato la promotion de la marque et des articles Otago dans le milieu du sport, et ce principalement par le port de vêtements de la marque Otago.
Le présent contrat a également pour but d'associer l'image et la notoriété du joueur à la marque Otago. Le joueur cède donc à Otago le droit d'utiliser son image afin de promouvoir la marque Otago.
ARTICLE 2
Monsieur Vincent Moscato s'engage à ne faire aucune publicité pour une marque concurrente.
Il garantit qu'il n'a pas conclu d'autres contrats identiques ou similaires avec un concurrent d'Otago dans le domaine des produits de sport et de loisirs, en particulier pour des vêtements de sportswear.
Il s'engage à entretenir ces articles de façon à ce que les signes distinctifs de la marque Otago soient toujours parfaitement visibles.
Il s'engage sur la durée du contrat à n'utiliser que les produits Otago, et en particulier les articles contractuels, en dehors de toutes les manifestations sportives, et en particulier lors des interviews télévisuelles et radiophoniques.
ARTICLE 3
En contrepartie de ces engagements, Otago s'engage à fournir à Creavisio, qui représente monsieur Vincent Moscato, la somme de 10 000 euro HT (dix mille).
ARTICLE 4
Monsieur Vincent Moscato se voit dans l'obligation d'adopter, en public, un comportement mettant en valeur la marque et son image.
Il n'est pas fait préjudice du droit à résiliation pour motif grave. Il y a en particulier motif grave lorsque les déclarations ou les agissements de monsieur Vincent Moscato, compte tenu de ses obligations à représentation en relations publiques, publicité et promotion, portent ou peuvent porter atteinte à la réputation de la société Otago.
ARTICLE 5
Monsieur Vincent Moscato accepte de participer, à la demande d'Otago, et quand son calendrier le lui permettra, aux actions commerciales et promotionnelles de la société :
- à raison de 1 (une) journée par année contractuelle à des manifestations de relations publiques, notamment des séances d'autographes et des salons liés au sport, à des séances photographiques liées à des campagnes publicitaires ou à la réalisation de catalogues.
Le contrat conclu avec monsieur Lacassagne est ainsi rédigé :
Attendu que le contractant jouit d'une notoriété nationale en tant que joueur de rugby mais surtout en qualité de coureur de fond et qu'il désire contribuer à la promotion de la marque Otago, en particulier concernant le textile, les contractants ont convenu les articles suivants :
ARTICLE 1
Le présent contrat a pour objet principal d'assurer par l'intermédiaire du contractant la promotion de la marque et des articles Otago dans le milieu du sport, et ce principalement par le port de vêtements de la marque Otago à l'occasion du raid en Jordanie que va effectuer le contractant.
Le présent contrat a également pour but d'associer l'image et la notoriété du sportif à la marque Otago. Le contractant cède donc à Otago le droit d'utiliser son image afin de promouvoir la marque Otago.
ARTICLE 2
Le contractant s'engage à ne faire aucune publicité pour une marque concurrente.
Le contractant garantit qu'il n'a pas conclu d'autres contrats identiques ou similaires avec un concurrent d'Otago dans le domaine des produits de sport et de loisirs, en particulier pour des vêtements de sportswear.
Il s'engage à entretenir ces articles de façon à ce que les signes distinctifs de la marque Otago soient toujours parfaitement visibles.
Il s'engage sur la durée du contrat à n'utiliser que les produits Otago, et en particulier les articles contractuels, en dehors de toutes les manifestations sportives, et en particulier lors des interviews télévisuelles et radiophoniques, dans la limite des obligations qui lient l'athlète à sa fédération en la matière.
ARTICLE 3
En contrepartie de ces engagements, Otago s'engage à fournir au contractant la somme de 1 000 euro HT (mille).
ARTICLE 4
Le contractant se voit dans l'obligation d'adopter, en public, un comportement mettant en valeur la marque et son image. De même, le contractant devra respecter la réglementation de l'ensemble des fédérations auxquelles il adhère.
Il n'est pas fait préjudice du droit à résiliation pour motif grave. Il y a en particulier motif grave lorsque les déclarations ou les agissements de monsieur Lacassagne, compte tenu de ses obligations à représentation en relations publiques, publicité et promotion, portent ou peuvent porter atteinte à la réputation de la société Otago.
Il apparaît à la lecture des contrats liant Otago à messieurs Moscato et Lacassagne que ces derniers ne disposaient d'aucune liberté pour s'engager avec d'autres marques concurrentes et qu'ils étaient astreints à ne porter que des vêtements de la marque Otago, même en dehors de toutes manifestations sportives et en particulier lors des interviews télévisuelles et radiophoniques.
Bien plus, messieurs Moscato et Lacassagne ont cédé à Otago le droit d'utiliser leur image afin de promouvoir la marque Otago.
Il ne peut s'agir en conséquence que d'une activité de mannequinat relevant des dispositions visées supra et pour laquelle l'affiliation obligatoire aux assurances sociales du régime général est obligatoire et incombe à celui qui fait appel aux services du mannequin.
Il convient dans ces circonstances de réformer le jugement déféré et de condamner la SARL Otago à verser à l'URSSAF la somme de 6573 euro, causes de la mise en demeure du 22 février 2011, outre la somme de 800 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les dépens seront mis à la charge de la SARL Otago.
Par ces motifs LA COUR, Statuant par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi, Reforme le jugement rendu le 9 mai 2012 par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Corrèze en toutes ses dispositions, Condamne la SARL Otago à verser à l'URSSAF la somme de 6 573 euro, causes de la mise en demeure du 22 février 2011, Condamne la SARL Otago à verser à l'URSSAF la somme de 800 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,