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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 17 septembre 2015, n° 14-01084

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

LP Consultants (SARL)

Défendeur :

Ingénierie Distribution Réalisation Machines (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Perrin, M. Birolleau

Avocats :

Mes Jacquin, Soussi, Olivier, Sona

T. com. Meaux, du 10 déc. 2013

10 décembre 2013

Faits et procédure

La société IDRM exerce une activité industrielle et commerciale se rapportant notamment à la distribution, l'utilisation et la transformation de matériel électrique.

Pour développer son chiffre d'affaires en Afrique du nord, elle a confié, par contrat en date du 1er octobre 2008, un mandat d'agent commercial à la société LP Consultants dont le dirigeant, M. Pierre Lemoine avait une longue pratique des affaires en Algérie.

Ce contrat a fait l'objet de deux avenants en date du 14 novembre 2008 et 12 mai 2009 aux fins d'étendre l'exclusivité territoriale au Maroc, à la Tunisie ainsi qu'à la Lybie.

La société IDRM a adressé à la société LP Consultants une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 mai 2011 afin de résilier le contrat d'agence soit quatre mois avant la date prévue au contrat.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 27 juin 2011, le conseil de la société LP Consultants a informé la société IDRM que, suite à la cessation des relations contractuelles avec la société LP Consultants, la société IDRM lui devait une indemnité de fin de contrat mais aussi en réparation du préjudice subi la somme de 175 000 euro hors taxe.

C'est dans ces conditions que, après avoir réitéré ce courrier en date du 28 octobre 2011 sans que la société IDRM n'y donne suite, la société LP Consultants a saisi le Tribunal de commerce de Meaux par exploit d'huissier du 13 mars 2012 aux fins de solliciter la condamnation de la société IDRM.

Par jugement rendu le 10 décembre 2013, le Tribunal de commerce de Meaux a :

- reçu la société LP Consultants en sa demande, au fond la disant très partiellement fondée ;

- reçu la société IDRM en sa demande au fond, la disant très partiellement fondée ;

- pris acte de ce que la société IDRM acceptait de verser à la société LP Consultants une somme de 6 663,50 euro à titre d'indemnité compensatrice ;

- déclaré la somme satisfactoire ;

- condamné la société IDRM à payer à la société LP Consultants la somme de :

6 663,50 euro au titre de l'indemnité de rupture, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 28 octobre 2011,

- condamné la société IDRM à payer à la société LP Consultants la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société IDRM en tous les dépens.

Vu l'appel interjeté par la société LP Consultants le 16 janvier 2014 contre cette décision.

Vu les dernières conclusions signifiées par la société LP Consultants le 03 septembre 2014 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Meaux du 10 décembre 2013 en ce qu'il a :

Condamné la société IDRM à verser à la société LP Consultants la somme de 6 663,50 euro au titre de l'indemnité de rupture avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 28 octobre 2011,

Débouté la société IRDM de sa demande reconventionnelle tendant à voir condamner la société LP Consultants à lui verser la somme de 20.000 euro à titre de dommages intérêts,

- infirmer partiellement le jugement du tribunal de commerce de Meaux du 10 décembre 2013 en ce qu'il a débouté la société LP Consultants de sa demande de voir condamner la société IRDM à payer à la société LP Consultants la somme de 175 000 euro en réparation du préjudice subi suite à la violation des obligations contractuelles du mandant ;

En conséquence, et statuant à nouveau :

- dire et juger que la société IDRM a commis des manquements dans l'exécution de ses obligations contractuelles ;

- condamner la société IDRM à verser à la société LP Consultants la somme de 175 000 euro en réparation du préjudice subi suite à la violation des obligations contractuelles de son mandant ;

- condamner la société IDRM à payer à la société LP Consultants la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'appelante soutient que la société IDRM a manqué à ses obligations contractuelles, à savoir à son devoir de loyauté en ne proposant pas des produits à un prix concurrentiel et en sollicitant un règlement avant livraison, ce qui est interdit en Tunisie ou en Algérie de sorte qu'elle ne l'a pas mise en mesure d'exécuter sereinement son contrat d'agent ;

Elle conteste avoir commis pour sa part un manquement au devoir de loyauté ou une faute grave, car les griefs invoqués par l'intimée lui étaient connus, et elle les a tolérés ;

Elle s'oppose également à la demande de dommage et intérêts formulée par la société IDRM. Elle soutient que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal de commerce de Meaux, elle a exécuté son contrat d'agent commercial et a assuré le développement commercial de la société IDRM. La réalité d'un quelconque préjudice de la société IDRM n'est donc pas démontrée.

Vu les dernières conclusions déposées par la société IDRM le 16 juin 2014 par lesquelles il est demandé à la cour de :

- confirmer la décision rendue par le tribunal de commerce de Meaux en date du 10 décembre 2013 en ce qu'elle a pris acte de ce que la société IDRM accepte de verser à la société LP Consultants une somme de 6 663,50 euro à titre d'indemnité compensatrice, déclaré cette somme satisfactoire ;

- infirmer la décision en ce qu'elle a rejeté la demande reconventionnelle de la société IDRM et condamné cette dernière à verser à la société LP Consultants une somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance ;

Statuant à nouveau :

- condamner la société LP Consultants à payer à la société IDRM une somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts du chef de la mauvaise exécution par ses soins de ses obligations au contrat et de la mauvaise foi et de la déloyauté dont elle a fait preuve dans l'exécution de ses obligations ;

- condamner la société LP Consultants à verser à la société IDRM la somme de 7 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

L'intimée conteste une prétendue violation de ses obligations contractuelles, faisant état de prix concurrentiels, et affirmant que les pièces versées au soutien de la demande par la société appelante sont de complaisance, ou constituent des preuves constituées par la société LP consultants à elle-même ;

S'agissant du grief du paiement avant livraison, l'intimée avance qu'il résulte des usages internationaux que le paiement d'une commande doit être fait avant livraison en la matière, et que la Société LP Consultants ne démontre pas l'avoir informée de cette interdiction sur le territoire en cause ;

Enfin, l'intimée sollicite reconventionnellement le paiement de 20.000 euro à titre de dommages et intérêts, en considération de la mauvaise foi et de la déloyauté de la société LP Consultants, somme correspondant tant aux frais de déplacement assumés par elle, qu'au temps qu'elle a passé pour développer par elle-même en lieu et place de la société LPC son activité sur place ;

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'indemnité de rupture

Considérant que les deux parties concluent à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société IDRM à payer à la société LP Consultants la somme de 6 663,50 euro au titre de l'indemnité de rupture ; que la Cour leur en donnera acte.

Sur la violation des obligations contractuelles alléguée par la société LP Consultants à l'encontre de la société IDRM

Considérant que la société LP Consultants soutient que la société IDRM a manqué à ses obligations contractuelles en ce qu'elle s'est refusé à proposer ses produits à un prix concurrentiel, ses prix étant largement supérieurs à ceux de la concurrence et à exiger un règlement avant livraison, ce qui est interdit en Tunisie ou en Algérie, faisant ainsi obstacle à l'exécution de son contrat par son agent ;

Considérant que la société IDRM affirme que ses prix pratiqués étaient concurrentiels et que les pièces versées au soutien de la demande par la société appelante sont de complaisance, ou constituent des preuves que la société LP consultants s'est constitué à elle-même ; qu'elle indique que, s'agissant du grief du paiement avant livraison, aux termes des usages internationaux, le paiement d'une commande doit être fait avant livraison et que la Société LP Consultants ne l'a pas informée de cette interdiction sur le territoire concédé ;

Considérant que si la société LP Consultants affirme que les prix de la société LP Consultants étaient plus élevés, elle ne produit aucune étude de marché, aucune grille de prix, aucun document, aucun catalogue permettant de vérifier ses affirmations sur le fait que les prix de la société IDRM auraient été manifestement plus chers que ceux de ses concurrentes ;

Considérant qu'alors que le contrat s'est déroulé du 1er octobre 2008 au 18 mai 2011, elle ne mentionne que deux appels d'offres dont elle prétend avoir été écartée en raison d'un prix prohibitif :

- un appel d'offres de la société Electrotech avec un prix qui, au terme d'un devis établi en août 2011, aurait été de 30 à 40 % plus cher que la concurrence française ou italienne alors qu'elle avait accepté de diminuer de 50 % sa commission ; que, pour autant, elle ne précise ni le prix proposé par la société IDRM, ni celui des sociétés concurrentes, ni la teneur des prestations respectives des sociétés en concours, la société IDRM faisant valoir que la société Eulettra qui avait concouru avait proposé un prix de 352 195 euro soit un montant proche du sien ; que par ailleurs à défaut de pouvoir comparer les conditions d'intervention des différentes sociétés, le seul montant des prestations ne constitue pas un élément de comparaison suffisant ;

- un devis également établi en août 2011 pour la société Domelec portant sur huit blocs référencés EX -D-I-C, demande que la société IDRM a indiqué ne pas pouvoir satisfaire, ayant alors proposé la marque ATX, proposition nécessairement plus chère puisqu'elle n'était pas fabricante ;

Considérant qu'à l'occasion de ces deux marchés la société LP Consultants ne démontre pas que la société IDRM aurait pratiqué des prix manifestement excessifs et aurait mis son mandataire dans l'impossibilité de réaliser son mandat ;

Considérant que la société IDRM justifie avoir, en 2010 soit au cours de l'exécution du contrat d'agence commerciale, revu ses prix à la baisse, ceux-ci étant passés en dessous de ceux du marché, écrivant par courriel du 14 avril 2010, à la société LP Consultants 'je vous confirme mon accord pour appliquer les prix suivants pour la Tunisie (pour livraison en Tunisie) et pour toute facturation à Domelec (s'il s'avérait que la réalité du marché et les prix pratiqués ne correspondrait pas à ceux annoncés par Monsieur Ryan Kammarti, ces conditions seraient revues', démontrant ainsi son souci de s'aligner sur les prix du marché ;

Considérant que les échanges de courriels concernant ces deux affaires datent du 25 août au 8 septembre 2011 soit deux mois avant la rupture des relations commerciales et ne sauraient apporter d'éléments significatifs pour toute la période concernée par la relation commerciale ;

Considérant que le secteur confié à la société LP Consultants était géographiquement très vaste, comptant au moins 91 sociétés potentiellement clientes dont aucune n'a indiqué que les prix de la société IDRM n'étaient pas compétitifs ; que, si la société LP Consultants prétend en avoir prospecté un grand nombre ce dont elle affirme justifier par les devis qui ont établis, ceux-ci ne sauraient, à eux seuls, démontrer la réalité des diligences effectuées par la société LP Consultants auprès des entreprises concernées, ni le refus de ces dernières de contracter au motif d'un prix excessif ;

Considérant que, sur le grief du paiement avant livraison, il résulte des usages internationaux que le paiement doit être fait avant livraison; que la société LP Consultants qui était débitrice d'une obligation d'information vis à vis de son mandant et qui connaissait parfaitement son secteur puisque dans le préambule les parties ont précisé que " LP Consultants, par l'intermédiaire de M. Lemoine, dispose d'une longue expérience dans le secteur du matériel électrique, d'une longue pratique des affaires en Algérie, d'actions terrain fréquentes en Algérie d'environ 10 semaines par an " ; que, si par courrier du 19 novembre 2008, elle l'a avisée des dispositions nouvelles de la loi algérienne, elle ne démontre pas que ces dispositions faisaient obstacle à un recours au crédit documentaire et donc à la mise en place d'une garantie de paiement pour le mandant ; que s'agissant de la Tunisie , elle ne justifie pas avoir avisé son mandant de dispositions particulières différentes des usages internationaux ; que, par courriel du 15 avril 2010 la société IDRM a indiqué à M. Lemoine le " Afin de rester en harmonie avec vos autres mandants, les conditions de règlement restent les suivantes :

- commande inférieure ou égale à 10 000 euro : paiement à vue contre documents via la banque

- commande supérieure à 10 000 euro : paiement par lettre de crédit irrévocable confirmée pour toute commande spéciale techniquement ou qui le deviendrait au cours de réalisation, un acompte sera demandé " ;

Considérant que la société LP Consultants qui ne justifie pas avoir formulé d'observations sur ces modalités, ne démontre pas davantage qu'elles auraient encouru une interdiction ou qu'elles auraient été contraires aux usages locaux ;

Considérant en conséquence que la société LP Consultants ne rapporte pas la preuve de pratiques qui auraient été mises en œuvre par son mandant et qui auraient fait obstacle à l'exécution de son mandat; que c'est à bon droit qu'elle a été déboutée de sa demande par les premiers juges ;

Sur la demande reconventionnelle de la société IDRM

Considérant que la société IDRM fait valoir que la société LP Consultants a manqué à ses obligations au cours des années 2008 et 2009 en ce qu'elle ne l'a pas tenue informée ;

Considérant que le contrat liant les partie stipulait que la société LP Consultants devait informer son mandant de tous les grands projets publics ou industriels portés à sa connaissance et qu'elle devait alimenter régulièrement et partager avec son mandant un fichier de 'management de projet' répertoriant toutes les opportunités d'affaires ainsi que leurs détails avec une mise à jour à intervalles ne dépassant pas un mois ;

Considérant que la société IDRM prétend s'être déplacée sur le secteur de son agent commercial, engageant à cette fin des frais à hauteur de 13 852,01 euro alors même que la société LP Consultants aurait dû la représenter; que la société LP Consultant affirme que si le dirigeant de la société IRDM s'est rendu sur place, c'est à la demande du client ; que la société IRDM ne démontre pas avoir formulé d'observations à son mandataire au titre des déplacements qu'elle a personnellement effectués ; qu'en conséquence aucun élément ne permet d'écarter les explications de la société LP Consultant sur ce point ;

Considérant que la société LP Consultants prétend avoir parfaitement exécuté son mandat et avoir contribué au développement de la société IRDM sur le territoire qui lui avait été concédé ;

Considérant que, si la société IRDM n 'a pas bénéficié d'un développement de sa clientèle aussi important qu'elle l'escomptait, elle n'avait exigé aucun volume de la part de son mandataire ; que, de plus, elle ne lui a fait aucune observation au cours des années 2008 et 2009 , ni sur un manque d'informations, ni sur son activité ; qu'en conséquence c'est à bon droit que les premiers juges l'ont déboutée de sa demande.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Considérant que la société IDRM a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge , qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

Par ces motifs LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DONNE acte aux parties de ce qu'elles acceptent la fixation par le jugement entrepris de l'indemnité de rupture due par la société IDRM à la société LP Consultants à la somme de 6 663,50 euro, CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, CONDAMNE la société LP Consultants à payer IDRM à la société la somme 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, CONDAMNE la société LP Consultants aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.