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Décisions

Cass. soc., 23 septembre 2015, n° 14-14.499

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Khouna

Défendeur :

Distribution service transport (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Huglo

Rapporteur :

Mme Barbé

Avocats :

SCP Coutard, Munier-Apaire, Me Le Prado

Versailles, du 22 janv. 2014

22 janvier 2014

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 janvier 2014), qu'engagé en qualité de chauffeur-livreur le 18 décembre 2000 par la société Distribution service dont l'activité était la distribution, le stockage, le transport et le transit, dans le domaine cinématographique, puis occupant en dernier lieu les fonctions de " responsable chauffeurs " au sein de la société Distribution service transport (la société DST), qui avait repris son contrat de travail en 2009 et dont l'activité était le transport routier de proximité, M. Khouna a été mis à pied à titre conservatoire et licencié par lettre du 9 novembre 2010 pour faute grave ; que contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de l'intégralité de ses demandes, alors, selon le moyen : 1°) que la faute grave n'est caractérisée qu'en présence d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. Le Manac'h, gérant de la société DST, dont l'activité est " le transport routier de marchandises et locations des véhicules avec des véhicules n'excédant pas 3,5 tonnes de poids maximal autorisé " d'une part, avait connaissance dès 2009 de l'intention de M. Khouna de développer à titre personnel une activité qui s'est concrétisée par la création en juin 2010 de la société Facility Event, dont l'objet était l'organisation de toutes opérations de type événementiel, d'autre part, qu'il a été informé dès juin 2010 du souhait de M. Khouna de quitter la société DST pour se consacrer à cette nouvelle entreprise, qu'en outre, connaissant le 29 juillet 2010 la création de la société de M. Khouna il avait même envisagé un partenariat avec elle ; qu'en l'espèce, nonobstant l'ancienneté de neuf années du salarié, qui n'avait jamais reçu la moindre remarque ou sanction, la parfaite information par l'employeur de la création et du développement par M. Khouna de la société Facility Event avec laquelle il avait envisagé une collaboration et même un partenariat, et avait accepté une rupture conventionnelle pour ce faire, la cour d'appel a néanmoins jugé que l'employeur était fondé à licencier pour faute grave M. Khouna, à compter d'octobre 2010 en raison de la création et du développement d'une activité concurrente avant même la rupture du contrat de travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations d'où il résultait qu'il connaissait depuis l'origine le projet de son salarié, l'avait encouragé et prétendait même s'y associer, pour ensuite, plus de deux mois après le début de cette activité, la lui reprocher en invoquant une faute grave ; qu'elle a ainsi violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ; 2°) qu'il ne saurait y avoir de concurrence déloyale entre deux sociétés qui ne poursuivent pas la même activité ; qu'en l'espèce, dès lors que la société Facility Event, créée le 10 juin 2010 par M. Khouna, avait pour objet " l'exploitation de tout fonds de commerce ayant pour objet le stockage, la distribution de matériel cinématographique et tous autres supports, l'événement, décoration cinématographique, salon, congrès, type événementielle la prestation de service sur festival national ou international" tandis que l'objet de la société DST consistait dans " le transport routier de marchandises et locations des véhicules avec des véhicules n'excédant pas 3,5 tonnes de poids maximal autorisé ", la cour d'appel ne pouvait retenir l'existence d'une faute grave contre le salarié pour avoir développé une activité concurrente à celle de son employeur quand elle relevait elle-même que l'employeur avait lui même envisagé un partenariat avec lui, que la société Walt Disney Company attestait que cette dernière était société cliente de la société DST et était devenue cliente de la société Facility Event car ces deux sociétés assuraient deux prestations bien distinctes et complémentaires, pour la première, le stockage et le transport du matériel publicitaire vers les salles de cinéma pour l'activité marketing, et, pour la seconde, la mise en place événementielle du matériel lors d'événements spéciaux ainsi que la mise en place (pose/montage) de matériels événementiels pour des opérations promotionnelles ; qu'en retenant néanmoins une tentative de détournement de clientèle et de développement d'une activité concurrente, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et violée les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ; 3°) que le juge ne peut condamner une partie ni la débouter de ses demandes sans examiner les pièces qu'elle a versées au débat ; qu'il résulte des éléments du débat que M. Khouna a acquis, en février 2009, un local géré par la société Abid et mis à la disposition de son employeur, la société DST, pour que ce dernier y stocke du matériel de ses clients, puis, qu'au mois de juin 2009, la société DST a subitement décidé de transférer le matériel stocké dans ce local dans un local situé à Saint Brice ce que certains clients ont refusé en faisant le choix de laisser leur matériel dans l'entrepôt de la société Abid dès août 2009 ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces éléments et agissements extérieurs à M. Khouna de nature à écarter tout comportement déloyal de sa part, notamment une prétendue tentative de retarder la récupération du matériel entreposé dans le local Abid ou un détournement de clientèle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ; 4°) que le salarié justifiait aussi d'accords de complémentarité des activités et des domaines d'intervention respectifs des sociétés DST et Facility Event par la production de la facture de la société Egetra établissant que la société Facility Event avait assuré la mise en place de deux statues, stockées par la société DST, dans le cadre de la sortie du film Toy Story 3 et qu'elle avait assumé les frais d'annulation du transport au retour suite à leur endommagement alors qu'elle en était responsable tant que les statuts n'étaient pas pris en charge par la société DST ; qu'en outre il était soutenu par le salarié, sans que la preuve contraire en soit rapportée, qu'en dehors de cette opération Toy Story 3 menée conjointement avec son employeur, il n'a participé à aucune autre opération pour le compte de la société Facility Event pendant ses congés ; qu'en retenant néanmoins la faute grave à l'encontre du salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté que le salarié avait, avant même la rupture du contrat de travail, développé une activité relative à la distribution, au stockage, au transport et au transit dans le domaine cinématographique, concurrente de celle de son employeur, et détourné la clientèle de celui-ci, ce dont l'employeur n'avait eu connaissance qu'en septembre 2010 ; qu'elle a pu retenir que ces faits constituaient une faute grave qui rendait impossible la poursuite du contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.