CA Douai, 1re ch. sect. 2, 17 décembre 2014, n° 13-06807
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Dazin
Défendeur :
Le Moine
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Carrière
Conseillers :
Mme Bonnemaison, M. Spateri
Avocats :
Mes Regnier, Squillaci, Wabant
EXPOSE DU LITIGE :
Selon devis des 13 et 23 février 2009 Madame Le Moine a confié à Monsieur Dazin la réalisation de travaux de réhabilitation d'un bien immobilier lui appartenant situé à Obies.
Suite à ces travaux Monsieur Dazin a adressé à Madame Lemoine des factures d'un montant de 37 993,74 euro le 13 novembre 2010 et de 4 900,68 euro le 22 décembre 2011. Madame Le Moine a payé une somme de 33 000 euro.
Sur requête de Monsieur Dazin le président du Tribunal d'instance de Lille a rendu le 20 juin 2012 à l'encontre de Madame Le Moine une ordonnance lui faisant injonction de payer la somme de 9 894,42 euro avec intérêts au taux légal depuis le 10 mars 2012, 40 euro au titre des frais accessoires et les dépens.
Cette ordonnance a été signifiée à l'étude d'huissier le 25 juillet 2012. Une saisie-vente a été pratiquée le 27 septembre 2012 et Madame Le Moine a formé opposition à l'ordonnance le 3 octobre 2012.
Par jugement du 27 septembre 2013 le Tribunal d'instance de Lille a déclaré l'opposition recevable, mis l'ordonnance à néant, débouté Monsieur Dazin de ses demandes, condamné Monsieur Dazin à payer à Madame Le Moine la somme de 1 387,54 euro et celle de 800 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens, et rejeté les autres demandes.
Monsieur Dazin a interjeté appel de ce jugement le 29 novembre 2013.
Il en sollicite l'infirmation et la condamnation de Madame Le Moine à lui payer la somme de 9 894,42 euro avec intérêts au taux légal depuis le 18 juillet 2012 au titre du solde de factures impayées, outre 3000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que le rejet des demandes reconventionnelles de Madame Le Moine.
Monsieur Dazin expose que l'article L. 122-3 du Code de la consommation invoqué par Madame Le Moine n'est pas applicable à l'espèce dans la mesure où il n'est relatif qu'aux ventes à distance. Il ajoute que Madame Le Moine a bien commandé les travaux supplémentaires non visés au devis et les a acceptés, soit elle-même soit par l'intermédiaire de l'architecte présent aux réunions de chantier. Il fait encore remarquer que Madame Le Moine a spontanément payé un prix supérieur à celui indiqué au devis, se reconnaissant ainsi débiteur au titre des travaux supplémentaires. Monsieur Dazin s'oppose à la restitution de la différence ainsi perçue (33 000 euro) et celle figurant au devis (31 612,46 euro), estimant qu'elle constitue un acompte sur les travaux supplémentaires.
Madame Le Moine conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de Monsieur Dazin, condamné aux dépens et à lui payer une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, à sa réformation pour le surplus et à la condamnation de Monsieur Dazin à lui payer la somme de 5 000 euro de dommages et intérêts pour abus de faiblesse, abus du droit d'ester en justice et procédure abusive, outre 4 800 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle expose qu'en vertu des articles 1134 du Code civil et L. 111-2 du Code de la consommation un professionnel ne peut demander le paiement de travaux non compris dans le devis et effectués dans l'accord préalable du client. Elle ajoute que l'article L. 122-3 du Code de la consommation est bien applicable dans la mesure où il ne précise pas qu'il n'est relatif qu'aux ventes à distance, de sorte que Monsieur Dazin ne pouvait exiger aucune somme sans commande préalable et qu'il est tenu de restituer celles reçues sans engagement exprès et préalable du consommateur. Madame Le Moine se prévaut encore de la stipulation du devis initial selon laquelle tous travaux supplémentaires devront faire l'objet d'un avenant et de l'absence de tout document de ce type.
Madame Le Moine conteste avoir accepté ou commandé des travaux supplémentaires, les rapports de chantier témoignant selon elle de son refus d'augmenter le coût du chantier, les prestations réalisées ne correspondant qu'au devis initial. Elle indique que le fait qu'elle a versé une somme supérieure au devis n'est pas la manifestation de son accord, mais des pressions dont elle a fait l'objet et elle en sollicite la restitution sur le fondement des articles 1235 du Code civil et L. 122-3 du Code de la consommation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er octobre 2014.
SUR CE,
Attendu que le devis signé par les deux parties fait état de la réalisation de travaux pour un montant total de 31 612,46 euro et précise en outre que tous travaux supplémentaires feront l'objet d'un avenant ;
Qu'il s'ensuit, en exécution de ce contrat, et de l'article 1134 du Code civil, que Monsieur Dazin ne pouvait ni exécuter ni facturer des travaux au-delà de ceux figurant et évalués au devis initial sans conclure un nouvel accord avec Madame Le Moine portant tant sur la nature des nouveaux travaux et sur leur prix ;
Qu'en outre l'article L. 122-3 du Code de la consommation, qui vise de façon générale la fourniture de biens et services sans commande préalable, et non la seule vente à distance, en fait une pratique prohibée obligeant le professionnel à restituer les sommes ainsi perçues ;
Qu'outre le fait qu'aucun nouveau devis n'est produit aux débats, il résulte du rapport de visite du 7 juin 2010 que l'architecte de Madame Le Moine a refusé la solution préconisée par Monsieur Dazin pour remédier à certains désordres en raison du fait, expressément mentionné, qu'elle entraînait des travaux supplémentaires ;
Que lors d'une réunion du 8 juin 2010 le même architecte note qu'il a demandé à Monsieur Dazin de démonter des rangs de briques sans engendrer de plus-value supplémentaire ;
Que lors d'une réunion du 17 juin 2010 Monsieur Barre, architecte, préconise pour remédier à une différence de niveau constatée entre le linteau d'une porte et le sol, la solution qui n'a pas d'incidence financière ;
Qu'à l'issue d'une dernière réunion du 27 août 2010 il est indiqué : " en attente devis Monsieur Dazin pour redressement du mur de terre battue et décision ", sans que ledit devis ne soit produit ;
Qu'il résulte de ces constatations que Madame Le Moine n'a pas accepté, par elle-même ou par son mandataire, de travaux ayant pour conséquence une modification du prix stipulé au devis, cette hypothèse n'ayant été envisagée qu'à la condition d'un nouveau devis préalable et d'un nouvel accord de sa part, dont il n'est pas démontré qu'ils sont intervenus ;
Que c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que Monsieur Dazin n'était pas fondé à demander le paiement de sommes non prévues au devis initial et qu'il devait restitution, en application de l'article L. 122-3 du Code de la consommation susvisé, de celles perçues sans commande préalable ;
Attendu que Madame Le Moine ne démontre pas l'existence du préjudice qu'elle allègue et qu'elle impute au comportement de Monsieur Dazin, en dehors de frais de la procédure indemnisés par ailleurs ;
Que le jugement devra être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles ;
Attendu que Monsieur Dazin succombe en son appel et en supportera les dépens ;
Qu'il sera encore condamné à payer à Madame Le Moine la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement, Confirme le jugement et y ajoutant, Condamne Monsieur Dazin à payer à Madame Le Moine la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, Condamne Monsieur Dazin aux dépens de l'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Wabant, avocat, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.