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Décisions

Cass. 1re civ., 30 septembre 2015, n° 14-19.105

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Amara

Défendeur :

Rom (SARL), Commune de Villeneuve-Loubet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

M. Girardet

Avocat général :

M. Sudre

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament

Aix-en-Provence, 28 nov. 2013

28 novembre 2013

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 nov. 2013), que Mme Amara a répondu à un appel à candidature portant sur la création d'une identité graphique, organisé par la commune de Villeneuve-Loubet qui a retenu le projet de la société Rom ; qu'estimant que cette dernière avait repris plusieurs des caractéristiques des logos et slogans qu'elle avait présentés, Mme Amara l'a assignée en contrefaçon de droits d'auteur et en réparation d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Attendu que Mme Amara fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées au titre de la contrefaçon, alors, selon le moyen, que la contrefaçon d'une œuvre de l'esprit résulte de sa seule reproduction ; qu'en retenant que le grief invoqué par Mme Amara ne peut être examiné que pour celui des logos et slogans de la société Rom qui a finalement été retenu et diffusé par la commune de Villeneuve-Loubet, la cour d'appel a violé les articles L. 122-3, L. 122-4, L. 335-2 et L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que Mme Amara ayant sollicité la confirmation du jugement qui a qualifié de contrefaisant le dernier projet de la société Rom, daté de 2006, le moyen est nouveau et mélangé de fait, partant, irrecevable ;

Sur le second moyen : - Attendu que Mme Amara fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en réparation d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme, alors, selon le moyen : 1°) que le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis ; que Mme Amara faisait valoir, offres de preuve à l'appui, que les logos et slogans qu'elle avait réalisés, présentés sous forme de quatre maquettes, sur la thématique du cœur, avec emploi d'un style épuré et fluide, dans le cadre de l'appel d'offres où elle avait été mise en concurrence avec la société Rom, avaient été le fruit d'un investissement intellectuel important, d'une recherche et d'un savoir-faire pointus, s'inscrivant dans le sillage d'un style qui lui est personnel et caractéristique, moderne et épuré, que l'on retrouve dans ses nombreuses réalisations, appréciées sur la Côte d'Azur ; que le cahier des charges de la commune ne faisait pas état de cette thématique ni de l'utilisation antérieure du mot cœur par la commune, que la brochure touristique datant de 1980 n'avait été communiquée aux débats qu'en appel par la commune et qu'elle avait été la seule concurrente à proposer cet axe créatif ; que les propositions de la société Rom, aux antipodes (thème du blason et du château, style classique et désuet) n'avaient pas été jugées conformes aux attentes lors du processus de sélection ; que, de manière équivoque, la société Rom avait néanmoins été sélectionnée puis avait bouleversé son offre et présenté à la commune un logo et un slogan radicalement différents de ceux proposés au départ mais reprenant la thématique, le style et des éléments essentiels de ceux proposés par Mme Amara ; que la société Rom avait eu accès à son travail et profité de ses efforts intellectuels ; qu'en refusant d'examiner la procédure de sélection et de choix des candidats par la commune de Villeneuve-Loubet, l'évolution des projets de la société Rom et la connaissance qu'avait pu avoir cette société du projet de Mme Amara par le biais de la commune, lesquels étaient pourtant parfaitement pertinents dans l'appréciation de la preuve de l'existence d'un comportement parasite fautif de la part de la société Rom, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'une faute sanctionnée par l'article 1382 du Code civil ne requiert aucun élément intentionnel ; qu'en exigeant " la preuve de la volonté de la société Rom de se placer dans le sillage et de tirer profit des investissements commerciaux et de la notoriété particulière ", les juges du fond ont violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que, sous le couvert de grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui, par motifs propres et adoptés, a estimé que Mme Amara, qui n'agissait pas en réparation d'acte de concurrence déloyale et de parasitisme à titre subsidiaire, ne justifiait pas de l'existence de faits distincts de ceux incriminés au titre de la contrefaçon, de nature à établir que la société Rom se serait placée dans son sillage pour tirer profit de ses investissements et de sa notoriété ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche : - Vu l'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que, pour rejeter les demandes en réparation d'actes de contrefaçon de droits d'auteur, l'arrêt retient que les courbes " décalées " du logo adopté par la société Rom ne ressemblent pas à celles " plus traditionnelles " choisies par Mme Amara et qu'il en est de même de l'élément graphique surmontant le ventricule droit du cœur figuré sur les œuvres en présence ;

Qu'en se déterminant ainsi, au vu de différences, sans se prononcer sur la portée des ressemblances retenues par les premiers juges et incriminées par Mme Amara, tenant au choix d'un graphisme épuré, à celui de deux couleurs différentes pour figurer chacun des ventricules, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du premier moyen, Casse et Annule, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées au titre de la contrefaçon, l'arrêt rendu le 28 novembre 2013, entre les parties, par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Lyon.