Cass. com., 29 septembre 2015, n° 14-14.549
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Oxibis group (SAS)
Défendeur :
Lun'art (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Hémery, Thomas-Raquin, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 9 octobre 2013 et 12 mars 2014), qu'estimant que la société Lun'art, ayant comme elle une activité dans la création, la fabrication et la commercialisation de lunettes, avait systématiquement repris, pour commercialiser sa gamme Evolun, les éléments distinctifs de sa communication sur les produits sous marque Dilem, dont l'une des montures avait fait l'objet d'un dépôt de modèle communautaire, la société Oxibis l'a assignée en contrefaçon de modèle communautaire et de droit d'auteur et en concurrence déloyale et parasitaire ; que la société Lun'art a demandé des dommages-intérêts à titre reconventionnel ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal : - Attendu que la société Oxibis fait grief à l'arrêt du 9 octobre 2013 de rejeter l'ensemble de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire alors, selon le moyen : 1°) que l'exercice de l'action pour parasitisme ou concurrence parasitaire n'est pas subordonné à une absence de situation de concurrence entre les parties ; qu'en retenant que les sociétés Oxibis group et Lun'art étant directement concurrentes, les demandes seront examinées uniquement sous l'angle de concurrence déloyale et en refusant ainsi d'examiner les demandes formées par la société Oxibis group au titre de la concurrence parasitaire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que la concurrence parasitaire consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un concurrent en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis et résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité ; qu'une telle faute est caractérisée indépendamment de tout risque de confusion, à raison du lien ou de l'association que le public est susceptible d'effectuer entre les produits en cause ; qu'en se bornant à constater l'absence d'un risque de confusion entre les produits en cause, sans rechercher, comme elle y était invitée, si alors même que le public ne risquait pas de se méprendre sur l'origine de ces produits, l'ensemble des actes incriminés, appréhendés dans leur globalité, n'étaient pas de nature à évoquer, dans l'esprit du public, la collection " Dilem " de la société Oxibis group, en créant ainsi un risque d'association permettant à la société Lun'art de se placer dans le sillage de la société Oxibis group et de profiter indûment de la notoriété de la collection " Dilem " et des efforts créatifs et investissements consentis par cette société pour développer et promouvoir cette collection, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°) que la concurrence parasitaire résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité, indépendamment de tout risque de confusion ; qu'en déniant toute portée aux éléments de ressemblance qu'elle a pu constater entre les deux collections ou dans les conditions de leur commercialisation ou publicité, aux motifs qu'ils seraient banals et fonctionnels, sans rechercher, au terme d'une appréciation globale, en tenant compte notamment de la notoriété de la collection " Dilem " invoquée par la société Oxibis group, si la combinaison de l'ensemble de ces ressemblances n'était pas de nature à évoquer, dans l'esprit du public, la collection " Dilem " en permettant ainsi à la société Lun'art de se placer dans son sillage et de profiter indûment de la notoriété de la collection " Dilem " et des efforts créatifs et investissements consentis par la société Oxibis group pour développer et promouvoir cette collection, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 4°) que l'action en concurrence déloyale ou parasitaire est ouverte à celui qui ne peut se prévaloir d'aucun droit privatif ; que cette action exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice ; qu'en retenant que la société Oxibis group ne serait pas fondée à imputer à la société Lun'art d'avoir copié la forme de son modèle, pour la seule raison que les modèles Paprika et Lulu Castagnette, jugés semblables, étaient présents sur le marché antérieurement à la commercialisation de son propre modèle, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève le caractère répandu, ancien et banal sur le marché de la lunetterie des éléments en cause et l'absence de reproduction d'éléments aptes à identifier les produits auprès du public, faisant ressortir qu'ils ne résultent pas d'efforts créatifs et d'investissements spécifiques de la société Oxibis et ne sont pas de nature à créer un risque d'association permettant à la société Lun'art de se placer dans le sillage de celle-ci à l'égard d'une clientèle dont il constate le caractère professionnel et averti ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas dit que les demandes seraient examinées uniquement sous l'angle de la concurrence déloyale, et qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée aux deuxième et troisième branches, a pu rejeter la demande de la société Oxibis fondée sur le parasitisme ; que le moyen, qui manque en fait dans sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deuxième et troisième branches : - Attendu que la société Lun'art fait grief à l'arrêt du 12 mars 2014 de rejeter sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la poursuite par la société Oxibis de l'exécution forcée du jugement alors, selon le moyen : 1°) que le seul fait de faire signifier une décision assortie de l'exécution provisoire constitue une poursuite de l'exécution forcée au sens de l'article L. 111-10 du Code des procédures civiles d'exécution ; que la société Oxibis Group indiquait, en cause d'appel, avoir fait signifier le jugement entrepris le 11 avril 2012 ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la société Lun'art, qu'il n'était pas établi qu'elle ait cessé de commercialiser les produits litigieux en suite d'une exécution forcée qui aurait été poursuivie par la société Oxibis Group, sans rechercher si le jugement entrepris n'avait pas été signifié à l'initiative de la société Oxibis Group, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ; 2°) qu'un préjudice s'infère nécessairement de l'interdiction faite à une entreprise de poursuivre la commercialisation d'un produit argué à tort de contrefaçon ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande de dommages et intérêts de la société Lun'art, qu'en toute hypothèse, la société Lun'art n'établissait pas que l'impossibilité dans laquelle elle s'était trouvée de commercialiser les modèles de montures MOD 002, MOD 003, MOD 300, MOD 600, MOD 601 et MOD 603, jugés contrefaisants d'un modèle communautaire ultérieurement annulé, lui aurait causé un préjudice, la cour d'appel a violé les articles 1382 du Code civil et L. 111-10 du Code des procédures civiles d'exécution ;
Mais attendu, d'une part, que, la société Lun'art ayant invoqué dans ses écritures le préjudice résultant de la cessation de la commercialisation des produits à laquelle elle s'était conformée par suite de l'exécution provisoire assortissant le jugement, sans faire état de la signification du titre conférant un caractère forcé à cette exécution, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve, que la société Lun'art ne démontrait pas avoir cessé la commercialisation des produits, la cour d'appel a pu rejeter sa demande ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Par ces motifs : rejette les pourvois.