CA Douai, 2e ch. sect. 1, 24 septembre 2015, n° 14-03732
DOUAI
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
AGL Technic (SARL), AGL LM (SARL)
Défendeur :
Leroy Merlin France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Parenty
Conseillers :
Mme Delattre, M. Brunel
Avocats :
Mes Deleforge, Joly, Laurent, Simoneau
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 21 mai 2014 qui a rejeté la demande des sociétés AGL Technic et AGL LM visant à titre principal à ce que leurs relations contractuelles avec la société Leroy Merlin soient qualifiées de contrat d'agent commercial et que cette société soit condamnée à leur payer en réparation de la rupture du contrat les sommes de 1 263 067 euro et 942 565 euro et, à titre subsidiaire, qu'elle qu'il soit condamné à leur payer les sommes de 250 000 euro et 625 000 euro en application de l'article L. 442-6-I 5°du Code de commerce ; la demande reconventionnelle de la société Leroy Merlin qui faisait valoir une mauvaise exécution par ses cocontractants de leurs obligations contractuelles a été rejetée ;
Vu la déclaration d'appel des sociétés AGL Technic et AGL LM en date du 16 juin 2014 ;
Vu les dernières conclusions des sociétés AGL Technic et AGL LM en date du 7 avril 2015 demandant la réformation du jugement en ce qu'il avait écarté la qualification d'agent commercial et que la société Leroy Merlin soit condamnée à payer à la société AGL Technic 1 263 067 euro et à la société AGL LM 942 565 euro en réparation de la rupture du contrat ; elles font valoir que la qualification de mandat serait incontestable dès lors que les ventes ont été faites non pas en leur propre nom mais au nom et pour le compte de Leroy Merlin ; elles expliquent qu'il s'agit là d'un mandat d'intérêt commun, les sociétés AGL Technic et AGL LM procurant du chiffre d'affaires à Leroy Merlin en concluant pour son compte des contrats de vente et en percevant en contrepartie une rémunération sous forme de la marge bénéficiaire réalisée sur la vente des panneaux photovoltaïques ;
Les deux sociétés appelantes écartent comme non pertinents les éléments qui leur sont opposés par la société Leroy Merlin et retenus par le tribunal notamment
- quant à l'absence d'immatriculation au registre spécial des agents commerciaux,
- quant au fait qu'elles seraient propriétaires de la clientèle des marchés en soutenant au contraire qu'il s'agissait de la clientèle de Leroy Merlin,
- quant à l'absence de clientèle qui aurait été apportée par elle à la société Leroy Merlin,
- quant au mode de rémunération convenu en faisant valoir que la rémunération de l'agent sous forme de commissions prévu par l'article L. 134 - 5 du Code de commerce n'est pas d'ordre public,
-quant à l'absence d'exclusivité géographique ou catégorielle
- quant à l'absence de facturation et d'encaissement par elles-mêmes des ventes et des prestations effectuées ;
les sociétés appelantes font au contraire valoir :
- que les ventes réalisées par elle n'ont pas été faites en leur propre nom mais pour le compte de la société Leroy Merlin qui au final a procédé à la facturation et à l'encaissement de telle sorte qu'elles étaient nécessairement mandatées pour la conclusion de ces ventes auprès de la clientèle,
- que ce mandat présentait un caractère durable et permanent au sens de l'article L. 134 - 1 du Code de commerce
- qu'il s'agissait là d'un mandat d'intérêt commun propre à satisfaire les objectifs poursuivis par l'une et l'autre des parties au travers du développement d'une importante clientèle commune pour la vente de panneaux photovoltaïques,
- qu'elles ont mis en œuvre des sous agents commerciaux, dédiés à la vente de ces produits, situation qui s'analyse en une substitution de mandataire
- que ces agents avaient pouvoir de négocier et de conclure les ventes pour le compte de Leroy Merlin,
- qu'il n'y a pas lieu de s'en tenir aux seuls contrats conclus entre les parties à savoir l'accord permanent de partenariat et le contrat cadre de sous-traitance dès lors que ces actes ne tiennent pas compte de l'activité commerciale prédominante qui leur a été confiée ;
Les sociétés appelantes estiment que la rupture du mandat est imputable à la société Leroy Merlin, seule une faute grave étant susceptible d'écarter le droit à l'indemnité légale de cessation du mandat et à l'indemnité compensatrice de préavis ; elles contestent à ce titre les griefs mis en avant par Leroy Merlin qu'elles estiment " totalement artificiels ", les litiges ainsi invoqués étant postérieurs à la rupture des relations et n'ayant d'ailleurs pas été évoqués dans la lettre de rupture, raison pour laquelle un préavis a d'ailleurs été octroyé ; elles demandent l'indemnisation de la cessation du mandat sous forme d'une indemnité équivalant à 2 ans de rémunération brute calculée en fonction de la marge brute dégagée lors des opérations de pose et de ventes des matériels ;
Vu les dernières conclusions de la société Leroy Merlin en date du 20 mai 2015 visant à la confirmation du jugement en ce qu'il avait écarté les demandes des sociétés appelantes notamment en ce qu'elle tendent à se prévaloir d'un contrat d'agent commercial ; à titre subsidiaire, pour le cas où une telle qualification serait retenue, elle soutient que les sociétés appelantes ont commis des fautes graves faisant obstacle à toute indemnisation consécutive à la rupture des relations contractuelles ; à titre encore plus subsidiaire, elle soutient que, compte tenu de leurs manquements, ces sociétés ont engagé à son égard leur responsabilité contractuelle ; la société Leroy Merlin sollicite la réformation du jugement en ce qu'il avait rejeté sa demande reconventionnelle et demande leur condamnation à lui payer la somme de 45 531,09 euro outre une somme de 15 000 euro à titre de dommages-intérêts pour atteinte à son image de marque outre 25 000 euro à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
S'agissant de la qualification des relations contractuelles elle fait essentiellement valoir :
-que les relations entre les parties étaient régies par un accord de partenariat s'agissant de la vente et de la fourniture des produits photovoltaïques et par un contrat de sous-traitance s'agissant des prestations de pose et d'installation,
-qu'il n'est ainsi jamais entré dans l'intention des parties de soumettre leurs relations au régime du contrat d'agent commercial et que, si tel avait été le cas de la part des sociétés appelantes, il leur appartenait en tant que contractants de bonne foi de le faire savoir pendant le courant des relations contractuelles,
-que les critères du contrat d'agent commercial définis par l'article L. 134-1 du Code de commerce sont pas réunis du fait de :
- l'existence d'un contrat de louage de services et d'un contrat de partenariat ainsi que de l'absence de tout pouvoir donné pour négocier et conclure des contrats avec la clientèle,
- l'absence de toute indépendance des sociétés partenaires au regard de leur prétendu mandant dès lors que la clientèle traitée par elle dans les magasins n'était autre que la clientèle Leroy Merlin
-l'absence de mandat d'intérêt commun faute d'une clientèle commune, la seule clientèle étant celle de Leroy Merlin
- l'existence d'une clientèle propre aux sociétés appelantes excluant à ce titre la qualification de contrat d'agent commercial,
- l'absence de tout pouvoir de négociation des prix et des contrats conclus avec la clientèle de Leroy Merlin limitant le rôle des sociétés appelantes à l'exécution de prestations AGL Technic,
-l'absence de tout pouvoir donné aux appelantes pour conclure des contrats au nom de Leroy Merlin ou représenté cette société.
La société Leroy Merlin reprend par ailleurs à son compte les éléments relevés par le tribunal comme faisant obstacle à la qualification de contrat d'agent commercial à savoir :
-l'absence de toute facturation ou encaissement de la part des sociétés appelantes
-l'absence de toute rémunération sous forme de commissions, les sociétés étant rémunérées par la marge réalisée sur la facturation auprès de Leroy Merlin de la vente des produits et des prestations de pose et non pas par une commission,
-l'absence de toute exclusivité géographique sectorielle.
La société Leroy Merlin ajoute que font également obstacle à cette qualification les modalités de gestion de leur personnel commercial par les sociétés appelantes ; elle conteste à ce titre, après analyse des documents produits notamment la déclaration annuelle des données sociales et les contrats de sous agents commerciaux, les affirmations des appelantes suivant lesquelles l'effectif recruté permettait la présence d'un binôme de l'ouverture à la fermeture de chacun des magasins.
À titre subsidiaire, Leroy Merlin fait valoir que les sociétés appelantes sont exclues de tout droit à indemnisation compte tenu des fautes graves au sens de l'article L. 134- 12 du Code de commerce qui leur sont imputables. Elle explique à ce titre :
-qu'un certain nombre de clients auraient été détournés, les sociétés appelantes ayant contracté directement avec ces clients approchés dans un magasin Leroy Merlin, situation qui se sont révélées à la suite de désordres survenus sur les installations et ayant provoqué des réclamations ou des mises en cause judiciaires de Leroy Merlin; elle cite à ce titre deux situations mais indique avoir de fortes suspicions pour d'autres chantiers et conteste avoir jamais toléré un tel comportement,
-que des malfaçons ont été dénoncées par des clients régulièrement facturés par Leroy Merlin sur la base des prestations réalisées par les sociétés appelantes, 61 interventions du service après-vente ayant dû être effectuées, soient un taux de défaillance de 35 %,
-que les sociétés appelantes auraient présenté de façon mensongère à la clientèle Leroy Merlin les avantages fiscaux qui pouvaient être attendus de la pose des produits photovoltaïques,
-que les sociétés appelantes auraient, en méconnaissance de leurs obligations contractuelles, refusé d'assurer le service après-vente nécessaire pour remédier aux désordres;
À titre subsidiaire, est contestée l'existence même du préjudice allégué par les sociétés appelantes ainsi que ses modalités de calcul s'agissant d'une relation commerciale qui a duré moins de deux ans et au titre de laquelle il est donc, selon Leroy Merlin, excessif de réclamer une indemnisation sur la base de deux années de marge bénéficiaire perdue.
Vu l'ordonnance de clôture du 4 juin 2015 ;
MOTIFS
Attendu que les éléments de fait ont été complètement et exactement énoncés dans le jugement déféré auquel la cour entend en conséquence renvoyer à ce titre ; qu'il sera seulement rappelé que les sociétés AGL Technic et AGL LM ont été en relations contractuelles avec la société Leroy Merlin -essentiellement dans le cadre de magasins situés dans le Sud-Est de la France- à partir de mars 2010 pour la vente et l'installation de panneaux photovoltaïques ; que les relations ont débuté entre la société AGL Technic et la société Leroy Merlin pour le magasin Leroy Merlin de Nice ; que l'activité s'est ensuite poursuivie dans d'autres magasins notamment Antibes, Marseille, Montpellier, Toulon et Avignon ; qu'à la fin de l'année 2010, l'activité initialement confiée à la seule société AGL Technic a été répartie entre celle-ci, désormais chargée uniquement de la pose des matériels et une société nouvellement créée AGL LM chargée de la vente des panneaux à la société Leroy Merlin ; qu'en l'état des explications données par les parties, il apparaît que les ventes de panneaux photovoltaïques étaient opérées de la façon suivante : les produits étaient proposés à la vente dans les magasins Leroy Merlin dans le cadre de " stands " tenu par la société AGL Technic qui recueillait les coordonnées des clients intéressés ; les contacts étaient ensuite exploités sous le contrôle de la société AGL Technic de façon à aboutir à des rendez-vous au cours desquelles les ventes étaient conclues par des préposés de la société AGL Technic, la pose et la fourniture de matériel étant assuré par la société AGL Technic puis par la société AGL Technic et la société AGL LM ; la pose et la fourniture de matériels étaient ensuite facturées par ces sociétés à Leroy Merlin qui en assurait la facturation, assortie de sa propre marge, directement aux clients ; que, par lettre recommandée du 15 janvier 2012, la société Leroy Merlin a mis fin aux relations contractuelles sous réserve d'un préavis de trois mois et demi prenant fin le 30 avril 2012 ; que le préavis a toutefois été prolongé à la demande des sociétés cocontractantes, s'agissant du magasin d'Avignon, jusqu'au 30 juin 2012 et s'agissant du magasin de Toulon jusqu'au 1er novembre 2012 ; la rupture des relations a été motivée par le fait que le modèle de vente régissant les relations entre les sociétés AGL Technic et AGL LM ne correspondait plus à la stratégie commerciale voulue par la société Leroy Merlin ;
Sur la demande de la société Leroy Merlin visant à voir écarter des débats les pièces constituant " l'annexe juridique " produite par les sociétés appelantes ;
Attendu que les sociétés appelantes ont choisi de produire les éléments de jurisprudence et de doctrine sur lesquels s'appuient leurs conclusions ; qu'a été produit à la cour à ce titre -mais non communiqué à la société Leroy Merlin- une " annexe juridique " composée de 80 documents ; que la production de tels documents de façon non contradictoire ne saurait être admise que pour autant qu'elle concerne des éléments précisément identifiés dans le corps des conclusions et dont il est facile à la partie adverse d'obtenir, par l'usage des moyens habituels d'information en ligne, la connaissance ; que tel n'est pas le cas des extraits de l'ouvrage " agents commerciaux " édités par les éditions Delmas en 2001 et dont la société Leroy Merlin fait valoir qu'une telle édition n'est plus désormais disponible ; que tel n'est pas le cas non plus des extraits de l'encyclopédie " droit économique " des éditions Lamy dans la date d'édition ou de mise à jour n'est d'ailleurs pas indiquée ; que tel n'est pas non plus le cas des extraits du journal " les annonces de la scène " pour des années parfois anciennes ; que tel n'est pas le cas enfin des décisions juridictionnelles dont seule une copie délivrée par le greffe est produite sans aucune référence à une publication quelconque ; qu'il en résulte que seuls seront admis les éléments de jurisprudence publiés sur le site Légifrance et dont la référence figure dans les conclusions des sociétés appelantes ; que le surplus des documents produits sera écarté ;
Sur le fondement juridique des demandes présentées par les appelantes devant la cour ;
Attendue que, à titre liminaire, il y a lieu d'observer que le fondement juridique, proposé à titre subsidiaire devant le premier juge et d'ailleurs écarté par lui, relatif à la rupture brutale d'une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6-I 5°du Code de commerce, n'est plus soutenu devant la cour ; que le jugement n'est donc pas critiqué en ce qu'il a écarté cette qualification subsidiaire que la cour n'aurait en toute hypothèse pu examiner, l'appel d'une décision statuant à ce titre devant être porté devant la cour d'appel de Paris ;
Sur les demandes des sociétés appelantes de voir qualifier leurs relations contractuelles avec Leroy Merlin de contrat d'agence commerciale ;
Attendu que, aux termes de l'article L. 134-un du Code de commerce : " L'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale. ";
Attendu que , s'il est exact que, comme le soutiennent les sociétés appelantes, la qualification donnée par les parties à leurs relations n'est pas en tant que telle déterminante, elle est toutefois révélatrice de leur commune intention ; qu'en l'espèce, force est de constater que, à aucun moment les parties n'ont entendu se référer au contrat d'agent commercial ; qu'au contraire, c'est, d'une part, un accord permanent de partenariat qui a été conclu et, d'autre part, un contrat cadre de sous-traitance, reproduit pour chacun des établissements Leroy Merlin concernés (Marseille Montpellier etc.) ; que l'accord permanent de partenariat a pour objet " de définir les modalités de référencement des produits, des circuits logistiques empruntés, les délais de livraison, les exigences de qualité et les procédures de traitement SAV " ; que le contrat cadre de sous-traitance a pour objet de confier à l'entreprise partenaire les travaux désignés dans la demande d'intervention ; que les stipulations de ce contrat imposent au sous-traitant la fourniture d'un certain nombre d'informations relatives notamment à l'assurance garantissant son activité professionnelle ; qu'en particulier, il n'est pas contesté, que la société chargée de l'installation était tenue de la responsabilité prévue par les articles 1792 et suivants du Code civil; que ni l'une ni l'autre des sociétés appelantes ni aucune des sociétés du même groupe n'indique avoir sollicité son inscription sur le registre spécial des agents commerciaux ;
Attendu que, au-delà de la commune intention des parties, il y a lieu d'avoir égard à la réalité des relations contractuelles telles qu'elles ont été mises en œuvre ;
Attendu que les relations entre les parties s'établissaient de la façon suivante :les sociétés AGL Technic et AGL LM ont profité de la mise à disposition par Leroy Merlin de sa surface de vente pour y tenir des " stands " consacrés aux énergies renouvelables permettant de présenter, sous la dénomination Leroy Merlin, les produits photovoltaïques vendus et installés par elles et de recueillir les coordonnées des clients intéressés ; que ces contacts étaient ensuite exploités et démarchés, jusqu'à la conclusion des ventes, pour le compte de la société Leroy Merlin, par une force commerciale propre aux sociétés du groupe dont relevait AGL Technic et AGL LM ; que l'ensemble des informations recueillies auprès de ces contacts et l'ensemble des documents contractuels -devis, bons de commande, attestations fiscales, modalités de financement- étaient ensuite transmises par un préposé des sociétés appelantes à la société Leroy Merlin ; que les documents utilisés par ces préposés étaient à l'en tête de la société Leroy Merlin ; que la société AGL Technic, seule dans un premier temps, effectuait ensuite, pour le compte de Leroy Merlin, la fourniture des panneaux photovoltaïques et leur installation ; que l'installation a ultérieurement été confiée à une autre société du groupe à savoir la société AGL LM ; que la facturation auprès du client final était effectuée par Leroy Merlin, les sociétés AGL Technic et AGL LM facturant quant à elle leurs propres fournitures et prestations à la société Leroy Merlin ;
Que, comme l'indiquent les sociétés appelantes elles-mêmes dans leurs conclusions, les sociétés AGL Technic et AGL LM étaient rémunérées par la marge bénéficiaire réalisée sur la différence entre le prix d'achat des matériels ou le coût de leur installation et le prix de leur facturation à Leroy Merlin à l'exclusion de toute autre rémunération ;
Attendu que les sociétés appelantes entendent soutenir que l'article L134-5 du Code de commerce relatif à la rémunération de l'agent commercial sous forme de commissions ne présenterait pas un caractère d'ordre public et qu'un agent commercial pourrait être rémunéré sous forme de marge bénéficiaire sur vente ou sur prestation de services ; que les décisions juridictionnelles qu'elles invoquent à ce titre, produites en pièces 31à 35 ne viennent pas corroborer une telle affirmation puisqu'elles visent des rémunérations correspondant à un pourcentage de la marge bénéficiaire réalisée par le mandant et non pas à la totalité de la marge bénéficiaire elle-même et encore moins à une marge bénéficiaire réalisée par le supposé agent commercial lui-même ; qu'en l'espèce, la cour ne peut que constater que, au-delà d'une exégèse de l'article L 134-5, l'activité d'achat revente et de prestation de services exercée par les sociétés appelantes au profit de la société Leroy Merlin est radicalement incompatible avec l'existence d'un contrat d'agent commercial ayant pour objet la vente de ces mêmes produits et prestations ;
Que, dans de telles conditions, les prestations supplémentaires exécutées par les sociétés appelantes sous forme de réception de la clientèle dans le cadre des magasins Leroy Merlin, de démarchage, de mise au point ultérieure et de signature des contrats de vente et de transmission à la société Leroy Merlin des documents pertinents ne sauraient aboutir à retenir la qualification d'agent commercial, comme le demandent les sociétés appelantes, pour l'ensemble des relations contractuelles entretenues entre elle-même et la société Leroy Merlin ; qu'au surplus, les conditions dans lesquelles ces prestations complémentaires ont été exécutées, étroitement mises au point et contrôlées par la société Leroy Merlin, sont exclusives de toute indépendance et ne répondent donc pas, de ce fait, aux exigences de l'article L. 134-1 du Code de commerce relatif au contrat d'agent commercial; que, comme l'a indiqué le tribunal, les prestations des sociétés AGL Technic et AGL LM étaient plus larges que celle d'un simple poseur d'installations puisqu'elles incluaient également un rôle d'animation des ventes, d'étude et d'établissement des devis, de telles attributions étant effectuées pour le compte de Leroy Merlin ; qu'elles relèvent toutefois en l'espèce d'une assistance technique et commerciale et non pas de l'exécution d'un mandat d'agent commercial ;
Qu'il est également indifférent que les sociétés appelantes, pour l'exécution de leur mission d'assistance commerciale et technique, aient choisi d'avoir recours à des agents qualifiés par elle de sous agents et avec lesquels ont été conclus des contrats d'agents commerciaux, une telle circonstance n'étant pas de nature à influer sur la qualification des relations contractuelles avec la société Leroy Merlin qui demeure extérieure à un tel choix ;
Attendu ainsi que les constatations opérées ci-dessus quant au mode de fonctionnement du contrat, faisant apparaître que les sociétés appelantes fournissaient leurs produits et leurs prestations qu'elles facturaient à Leroy Merlin et étaient rémunérées par la marge réalisée sur celles-ci suffisent à écarter la qualification de contrat d'agent soutenue par les sociétés appelantes ; que les conditions de fonctionnement de la relation contractuelle corroborent donc la formalisation juridique donnée par elles à ces relations sous la dénomination de contrats de sous-traitance et de partenariat ;
Attendu que c'est ainsi à juste titre que le jugement déféré a écarté la qualification de contrat d'agent commercial ; que le jugement sera ainsi confirmé à ce titre ;
Sur les demandes reconventionnelles de la société Leroy Merlin ;
Sur la demande relative à l'indemnisation des dysfonctionnements affectant certains chantiers ;
Attendu que la société Leroy Merlin sollicite la condamnation des sociétés AGL Technic et AGL LM à lui payer 45 531,09 euro en réparation de la mauvaise exécution d'un certain nombre de chantiers ; que la responsabilité des sociétés appelantes en ce qu'elles étaient chargées de la pose et/ou de la fourniture des éléments mis en cause est susceptible d'être engagée pour de tels dysfonctionnements et ceci tant en vertu du droit commun de la responsabilité contractuelle qu'en application des stipulations du contrat de partenariat et du contrat de sous-traitance ; qu'en application des stipulations du contrat de sous-traitance, la société Leroy Merlin pouvait pallier la carence des sociétés appelantes dans l'exécution des prestations de services après-vente en ayant recours à une entreprise tierce après avoir procédé à une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception;
Attendu que les sociétés appelantes font valoir à titre général que les dysfonctionnements résulteraient essentiellement des onduleurs intégrés dans les installations photovoltaïques et fournis par des entreprises référencées par Leroy Merlin, elles-mêmes n'ayant pu faire valoir aucun choix à ce titre ; qu'il n'est toutefois produit aucun élément précis en ce sens ; que, par ailleurs, le tableau produit en pièces numéro 135 par les sociétés appelantes et élaboré par leurs propres soins ne peut rapporter la preuve de ce que, comme elles le soutiennent, la défaillance des onduleurs serait la cause prédominante des désordres survenus ; qu'il sera encore constaté dans l'examen des chantiers litigieux au titre desquels Leroy Merlin effectue des demandes de réparation que les sociétés appelantes ont accepté d'intervenir dans le cadre du service après-vente sur des dysfonctionnements répétés de ces éléments ;
Attendu qu'il y a lieu d'examiner les contestations opposées au titre d'un certain nombre de chantiers par les sociétés appelantes :
Chantier Ouaknine: la réalité des désordres n'est pas contestée et se trouve étayée par la production à l'initiative de Leroy Merlin d'un constat établi par huissier de justice ; que Leroy Merlin a demandé à plusieurs reprises l'intervention des sociétés appelantes qui n'établissent pas y avoir satisfait ; qu'en effet, la pièce 111 sur laquelle elles se fondent pour justifier de leur intervention ne constitue qu'un courrier adressé à l'expert amiable par la société AGL Technic le 12 octobre 2012 expliquant sans en justifier qu'elle était intervenue ; que la demande présentée par Leroy Merlin à hauteur de 316,94 euro est donc justifiée ;
Chantier Martin : il est produit un rapport d'expertise amiable dont il résulte que des infiltrations ont été constatées au droit des panneaux installés par les sociétés appelantes ; les réparations sont évaluées à 400 euro ; les explications des sociétés appelantes relatives à la carence alléguée d'ERDF sont sans rapport avec les désordres décrits ; que la demande de Leroy Merlin est justifiée ;
Chantier Molonié : il résulte des pièces produites que la société AGL Technic a indiqué " être d'accord pour intervenir sur ce SAV mais a en réalité refusé dans l'attente de la régularisation de factures dues selon elle par Leroy Merlin en rémunération de prestations de services après-vente (courrier AGL Technic du 29 avril 2013) ; qu' un tel refus d'intervention n'est pas justifié dès lors que, en application de l'article 7.5 du contrat de sous-traitance, les travaux réalisés dans le cadre du service après-vente pour remédier à des défauts ou non-conformités imputables au matériel fourni ou aux prestations réalisées par les sociétés AGL Technic et AGL LM sont stipulées rester à la charge de ces entreprises partenaires ; qu'il sera fait droit à la demande présentée à ce titre ;
Chantier Peirera : la société Leroy Merlin explique qu'elle a dû faire intervenir une entreprise tierce qui, pour un montant de 825,24 euro TTC, a dû réaliser le décaissement d'une tranchée laissée inachevée ; que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, les documents contractuels produits (devis est bon de commande) n'établissent pas que la réalisation complète de cette prestation en ce qu'elle comprend la fourniture et le compactage de l'enrobé n'était pas due ; que la demande de Leroy Merlin à ce titre est justifiée ;
Chantier March : il résulte des pièces produites que, si la société AGL est effectivement intervenue trois fois pour remplacer l'onduleur défectueux, les dysfonctionnements ont toutefois persisté sur cet équipement ; que c'est à ce titre que Leroy Merlin a demandé à une nouvelle intervention qui n'a pas été réalisée; que la demande de Leroy Merlin pour la somme de 2409,94 euro est ainsi justifiée ;
Chantier Beaufrère : il résulte des pièces produites qu'une infiltration est survenue au travers du kit d'intégration des panneaux photovoltaïques fournis et installées par les sociétés appelantes ; que celles-ci ont refusé d'intervenir compte tenu du défaut de règlement de différentes prestations de services après-vente par la société Leroy Merlin ; que, comme il a été dit ci-dessus, un tel refus n'est pas justifié ;
Client Charmes : en l'état des pièces produites il apparaît que, si la société AGL a bien été destinataire d'un courrier émanant d'un " service pose " du 11 février 2013 lui demandant une nouvelle intervention, force est de constater qu'aucune réponse n'a été apportée par Leroy Merlin à sa demande du14 février suivant visant à obtenir des informations complémentaires quant au défaut de mise à la terre qui a été constaté dans le cadre d'une opération d'expertise ; que dans ces conditions la demande de Leroy Merlin présentée ce titre pour 1 315,60 euro ne peut être retenue ;
Attendu que, pour le surplus, les demandes présentées par la société Leroy Merlin pour une somme de 45 531,09 euro et correspondant à 18 chantiers détaillés dans les pages 110 et suivants de ses conclusions ne sont pas contestées autrement que par des motifs généraux qui ont été ci-dessus écartés ; que des mises en demeure spécifiques ont été envoyées pour un certain nombre de chantiers sous forme de lettre recommandée avec accusé de réception comme le prévoit l'article 12 du contrat de sous-traitance signé entre les parties ; que pour le surplus, des courriers ou des courriels de mise en demeure et de relance ou bien de demande d'intervention ont été transmis aux sociétés concernées ; qu'en outre, par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 juillet 2013, la société Leroy Merlin a, d'une façon générale en tenant compte de la multiplication du nombre de demandes d'intervention de ses clients au titre du service après-vente, adressé une mise en demeure d'assurer les services après-vente demandés ;
Attendu en conséquence qu'il y a lieu de faire droit à la demande reconventionnelle de la société Leroy Merlin dans la limite de 44 215,49 euro et de condamner les sociétés AGL Technic et AGL LM à lui payer cette somme assortie de l'intérêt au taux légal à compter du 14 février 2013 ;
Sur les autres demandes reconventionnelles ;
-réparation de l'atteinte à l'image de marque
Attendu que la société Leroy Merlin demande la condamnation provisionnelle des sociétés appelantes à lui payer la somme de 15 000 euro en réparation de l'atteinte à son image de marque au regard du nombre d'interventions en service après-vente générées par la mauvaise qualité des prestations servies ; que les modalités de détermination de ce préjudice ne sont pas explicitées dans la partie de ses conclusions consacrée à cette demande ; qu'il y a lieu de considérer que la demande n'est pas justifiée et doit être rejetée ;
-suppression sous astreinte de toute référence à Leroy Merlin
Attendu que la société Leroy Merlin explique à juste titre que, dès lors qu'il a été mis fin aux relations contractuelles entre les sociétés AGL Technic et AGL LM, celles-ci ne peuvent plus faire état de leur partenariat avec Leroy Merlin et ne sont plus autorisées à faire figurer sur leur site Web ou sur leurs documents commerciaux le logo de cette société ; que toutefois, les documents produits par Leroy Merlin font seulement apparaître l'utilisation de ce logo, postérieurement à la rupture des relations contractuelles, sur le site de la société AGL ENR qui n'est pas partie à la présente procédure ; qu'il en résulte que la demande de suppression sous astreinte de toute référence la société Leroy Merlin en ce qu'elle vise cette entité est irrecevable ; qu'elle n'est pas fondée en ce qu'elle vise les société AGL Technic et AGL LM faute de preuve d'une utilisation persistante d'une telle référence par ces deux sociétés ;
-demandes diverses de donner acte ;
Attendu que les multiples demandes de la société Leroy Merlin visant à ce qu'il lui soit donné acte par la cour de ce qu'elle se réservait d'agir à l'encontre des sociétés appelantes en concurrence déloyale, en inexécution de leurs obligations contractuelles ou pour d'autres motifs sont sans objet utile ; que, ne constituant pas des demande en justice, elles seront écartées ;
Attendu que la société Leroy Merlin n'établit pas que l'action engagée par les sociétés AGL Technic et AGL LM soit constitutive d'un abus du droit d'ester en justice; que la demande de dommages intérêts présentée par elle à ce titre doit être rejetée;
Attendu qu'il serait inéquitable que la société Leroy Merlin conserve à sa charge le montant des frais irrépétibles engagés pour les besoins de la présente instance ; que les sociétés appelantes seront solidairement condamnées à lui payer la somme de 20 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;